Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2021 et un mémoire enregistré le 31 mars 2022, M. F... G..., M. A... G... et Mme E... G..., représentés par Me Caroline Laveissière, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la délibération du 28 septembre 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lège-Cap-Ferret a décidé de transférer l’autorisation d’occupation temporaire de la cabane n° 81 à Mme C... B... veuve G..., du courrier du maire de Lège-Cap-Ferret du 15 octobre 2020 faisant état de cette décision et du rejet par voie de conséquence de la demande d’attribution de cette autorisation présentée par M. F... G..., ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux et de leur demande indemnitaire subsidiaire en date du 24 novembre 2020 ;

2°) d’enjoindre à la commune de Lège-Cap-Ferret d’attribuer à M. F... G... l’autorisation d’occupation temporaire de la cabane dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à tout le moins, de réexaminer sa demande dans ce même délai en vertu des règles en vigueur à la date de sa demande ;

3°) subsidiairement, de condamner la commune de Lège-Cap-Ferret à leur verser la somme de 250 000 euros en réparation des préjudices subis ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le recours est recevable ; en effet l’autorisation délivrée à Mme B... veuve G... ne peut être requalifiée en convention ; ensuite, à supposer qu’il s’agisse d’une convention, M. F... G... a la qualité de tiers évincés et lésé et ils ont pu légitimement demander qu’il soit mis fin à l’exécution de cette convention en faisant état de ce que les critères d’attribution n’ont pas été respectés ;

- les décisions litigieuses méconnaissent les articles L. 2121-10 et suivants du code général des collectivités territoriales en raison d’une erreur dans l’ordre du jour joint à la convocation, qui ne permettait pas d’identifier la cabane concernée ; de plus il n’est pas établi que les convocations ont été adressées dans les délais et selon les modalités prescrites ;

- les décisions n’étaient pas suffisamment motivées en méconnaissance des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l’administration ;

- l’avis de la commission de gestion prévu à l’article 7 de la convention de gestion a été irrégulièrement émis, les élus membres n’ayant pas attesté ne pas avoir un intérêt dans la gestion des cabanes comme le prévoit l’article 2.3 de l’arrêté municipal du 18 juillet 2012 ;

- l’article 7-2 § 3 de la convention de gestion a été méconnu ; en effet, il ne fixe pas d’ordre de priorité d’attribution entre le conjoint survivant et le descendant en ligne directe ; or il apparaît que le conseil municipal n’a pas pris en compte des éléments justifiant la demande de M. F... G... ni justifié en quoi Mme B... veuve G... devait avoir une priorité d’attribution ;

- l’article 3 de l’arrêté municipal du 18 juillet 2012 a également été méconnu puisque l’article 3-5 relatif au cas de décès du titulaire ne constitue pas une règle aux critères d’attribution et que l’article 3-3-4 c) concernant la sollicitation de la cabane à titre de résidence principale devait servir de critère d’attribution, les autres critères étant inopérants :

- l’article 3-5 est également méconnu puisque l’article 3-5-1 ne vise pas le conjoint survivant et que si la commission estime la demande conforme à l’arrêté, elle émet un avis favorable, notamment en cas d’engagement à habiter la cabane personnellement ; or Mme B... n’habite pas la cabane, occupée par sa fille ;

- l’article 3-5-2 prévoit que dans le cas du décès d’un titulaire d’autorisation appartenant à une « famille historique », cette autorisation est transmise de manière prioritaire au descendant en ligne directe ; - les décisions sont entachée d’une erreur manifeste d’appréciation eu égard à son profil professionnel et à son implication pour le bassin d’Arcachon, alors que son frère et sa sœur se sont désistés à son profit ; la décision met fin irrégulièrement à une lignée historique d’occupants de la cabane, les descendants de M. D... G... étant privés du droit de candidater sur le fondement de l’article 3-5-2 de l’arrêté municipal.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 décembre 2021 et le 13 mai 2022, Mme C... G... née B..., représentée par Me Corbier-Labasse, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2022, la commune de Lège-Cap-Ferret, représentée par le cabinet Cazcarra et Jeanneau Avocats, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions aux fins d’annulation et d’injonction sont irrecevables en application de la jurisprudence dite « Tarn-et-Garonne » du Conseil d’Etat, le titre d’occupation du domaine public délivré à Mme B... veuve G... étant une convention administrative qui ne peut être contestée que dans le cadre d’un recours devant le juge du contrat ; les demandes d’annulation des deux autres décisions sont forcloses ; - les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mai 2022, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 13 juin 2022.

Par deux courriers du 28 avril 2023, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le tribunal était susceptible de soulever d’office un moyen tiré de ce que le courrier du maire de Lège-Cap-Ferret du 15 octobre 2020 est insusceptible de recours pour excès de pouvoir et un moyen tiré de ce que la requalification des conclusion d’excès de pouvoir de la requête en conclusion de plein contentieux tendant à contester la validité de la convention d’autorisation d’occupation temporaire de la cabane sont tardives.

Par un courrier du 4 mai 2023, les requérants ont répondu aux moyens soulevés d’office.

Vu les décisions attaquées et les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Pouget, président,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Roncin, représentant les requérants,

- et les observations de Me Janneau, représentant la commune de Lège-Cap-Ferret.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... G..., décédé le 17 mai 2020, était titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public portant sur une cabane dite n° 81, située au Hameau de l’Herbe, sur la commune de Lège-Cap-Ferret. Le 27 juillet 2020, M. F... G..., fils aîné du défunt, a déposé une demande de transfert de l’autorisation à son profit. Mme C... G... née B..., sa veuve, a fait de même. Par une délibération du 28 septembre 2020, le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a décidé du transfert de l’autorisation temporaire d’occupation de la cabane au bénéfice de cette dernière. M. F... G... en a été informé, ainsi que du rejet de sa demande, par un courrier du maire de la commune en date du 15 octobre 2020. Par une requête à laquelle s’associent son frère et sa sœur, il demande au tribunal d’annuler la délibération du 28 septembre 2020 et le courrier du 15 octobre 2020 ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de Lège-Cap-Ferret a rejeté leur recours gracieux. Ils demandent subsidiairement la condamnation de la commune à leur verser une indemnité de 250 000 euros.

Sur les conclusions dirigées contre le courrier du 15 octobre 2020 :

2. Le courrier du 15 octobre 2020 adressé par le maire de Lège-Cap-Ferret à M. G... se borne à lui notifier la délibération du 28 septembre 2020 par lequel le conseil municipal a décidé de transférer l’autorisation d’occupation temporaire de la cabane n° 81 à Mme C... G... née B... et a en conséquence écarté implicitement sa candidature. Ce courrier ne constitue donc pas en lui-même un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et les conclusions tendant à son annulation ne peuvent par suite être accueillies.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 28 septembre 2020 :

3. Il ressort des pièces du dossier que l’attribution des autorisations d’occupation des cabanes composant les villages ostréicoles du bassin d’Arcachon inclus dans le domaine public maritime, dont le Hameau de l’Herbe, procède de la mise en œuvre d’une procédure sélective dont les modalités sont fixées par un arrêté municipal du 18 juillet 2012 pris en application d’une convention de gestion conclue le 13 juillet 2012 entre l’Etat et la commune de Lège-Cap-Ferret sur le fondement des articles L. 2123-2 et R. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Il en résulte qu’après publication d’un avis de vacance de la cabane à attribuer et recueil des candidatures concurrentes, le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret procède au choix de l’attributaire après consultation d’une commission de gestion instaurée par la convention du 13 juillet 2012. Dès lors, bien que formalisée ensuite par un arrêté du maire, l’autorisation d’utilisation privative de la cabane délivrée au terme d’une procédure unique d’attribution constitue un contrat administratif. Il en va ainsi en l’espèce de l’autorisation d’occupation de la cabane n° 81 du Hameau de l’Herbe attribuée le 28 septembre 2020 à Mme B... veuve G... par le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret.

4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat, tout tiers à un contrat administratif, notamment une convention d’occupation du domaine public, susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini. Le candidat évincé n’est, dès lors, pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision par laquelle le gestionnaire du domaine public n’a pas retenu sa candidature.

5. Il suit de ce qui précède que les conclusions des requérants tendant à l’annulation de la délibération du 28 septembre 2020 attribuant l’autorisation d’occupation de la cabane n° 81 à Mme B... veuve G... et rejetant ainsi implicitement leur propre candidature sont irrecevables, ainsi que le relève la commune de Lège-Cap-Ferret, et doivent écartées comme telles. Il en va de même des conclusions dirigées contre le rejet de leur recours gracieux.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Il est constant que M. F... G... n’a pas été privé de la possibilité de candidater au transfert de l’autorisation d’occupation temporaire de M. D... G... contrairement à ce qu’affirment les requérants, qui ne peuvent donc en tout état de cause donc se prévaloir d’aucun préjudice à ce titre. Par ailleurs, eu égard à ce qui précède, ils n’établissent pas que M. F... G... aurait été privé de la jouissance de la cabane n° 81 par l’effet d’une procédure ou d’une décision illégale constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Lège-Cap-Ferret à leur égard. Par suite leurs conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les frais d’instance :

7. La commune de Lège-Cap-Ferret n’étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par les requérants sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées. Il y lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants, pris ensemble, une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... veuve G... en application des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... G... et autres est rejetée.

Article 2 : Les requérants, pris ensemble, verseront une somme de 1 500 euros à Mme B... veuve G... en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. F... G..., M. A... G... et Mme E... G..., à la commune de Lège-Cap-Ferret et à Mme C... B... veuve G....