Décision n° 2100889
Vu la procédure suivante :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 février 2021 et le 12 novembre 2021, la société Carrefour Property France, représentée par Me Bernard, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 25 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la cessibilité, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, des parcelles cadastrées section 63 DL n°s 35 et 36, situées respectivement 10 quai de Paludate et 13 rue de Saget, sur le territoire de la commune de Bordeaux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisantes ;

- cet arrêté se fonde sur une déclaration d’utilité publique illégale ;

- il se fonde également sur une prorogation de la déclaration d’utilité publique qui est illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2021, l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, représenté par Me Rivoire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Carrefour Property France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par une ordonnance du 22 octobre 2021, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu le 12 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l’environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Frézet,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Bernard, représentant la société Carrefour Property France,

- et les observations de Me Rivoire, l’établissement public Bordeaux Euratlantique.

Une note en délibéré produite pour la société Carrefour Property France, enregistrée le 10 mai 2023, n’a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mars 2014, la préfète de la Gironde a déclaré d’utilité publique, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Bordeaux Saint-Jean Belcier créée à l’intérieur du périmètre de l’opération déclarée d’intérêt national « Bordeaux Euratlantique » par décret du 5 novembre 2009. Par un nouvel arrêté préfectoral du 13 février 2019, cette déclaration d’utilité publique a été prorogée pour une durée de cinq ans jusqu’au 31 mars 2024. Par arrêté du 4 juin 2019, la préfète de la Gironde a prescrit l’ouverture d’une troisième enquête parcellaire qui s’est déroulée sur la période comprise entre le 24 juin 2019 et le 12 juillet 2019. Enfin, par arrêté du 25 mai 2020, la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique les parcelles cadastrées section 63 DL n°s 35 et 36, situées respectivement 10 quai de Paludate et 13 rue de Saget sur le territoire de la commune de Bordeaux. La société Carrefour Property France étant propriétaire d’un lot dans un immeuble en copropriété situé sur ces parcelles, elle demande l’annulation de l’arrêté du 25 mai 2020.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté de cessibilité du 25 mai 2020 :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture, bénéficiait, par arrêté du 12 novembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 14 novembre 2019, d’une délégation l’autorisant à signer l’arrêté en litige au nom de la préfète de la Gironde. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit donc être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l’article R. 131-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés, dans le délai prévu par le même arrêté, et dresse le procès-verbal de l'opération après avoir entendu toutes les personnes susceptibles de l'éclairer. Pour cette audition, le président peut déléguer l'un des membres de la commission. ». Il résulte de ces dispositions que l’avis du commissaire enquêteur n’a pas à se prononcer sur chaque parcelle mais seulement sur le périmètre de l’opération.

4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’à l’issue de la troisième enquête publique parcellaire, le commissaire enquêteur, après avoir relevé et analysé les observations du public, a émis un avis favorable aux emprises nécessaires à la réalisation du projet litigieux, incluant les parcelles de la société Carrefour Property France, en précisant qu’il n’a été recueilli, au cours de l'enquête, qu’une faible opposition de principe aux négociations et que les personnes entendues ont le plus souvent émis le souhait d’éviter une mesure d'expropriation et admis que l’intérêt public justifiait l’emprise des ouvrages projetés. Le commissaire enquêteur a en outre souligné que l’utilité publique du projet de zone d’aménagement concerté Saint-Jean Belcier n’a pas été contestée ou remise en cause et qu’il n’a pas été démontré que ledit projet pouvait être mené à terme sans l’acquisition par la personne publique des parcelles qu’elle estime nécessaire à cet effet. Dans ces conditions, il doit être regardé comme s’étant prononcé favorablement sur l'emprise des ouvrages projetés par un avis suffisamment motivé.

En ce qui concerne la légalité, invoquée par voie d’exception, de l’arrêté du 31 mars 2014 portant déclaration d’utilité publique :

5. L'arrêté de cessibilité, l'acte déclaratif d'utilité publique (DUP) sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l'objet constituent les éléments d'une même opération complexe. Dès lors, à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la DUP ou de l'acte la prorogeant, y compris des vices de forme et de procédure dont ils seraient entachés, quand bien même le requérant aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la DUP ou l'acte la prorogeant, être rejeté.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., directeur de cabinet du préfet de la Gironde, bénéficiait, par arrêté du 29 août 2012 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, d’une délégation l’autorisant à signer l’arrêté en litige au nom de la préfète de la Gironde. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit donc être écarté.

7. En deuxième lieu, Aux termes de l’article L. 126-1 code de l’environnement : « Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages a fait l'objet d'une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l'autorité de l'Etat ou l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général de l'opération projetée. (…) ». Aux termes de l’article L. 11-1-1 code de l’expropriation pour cause d'utilité publique, depuis lors abrogé par l’ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 relative à la partie législative du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « En ce qui concerne les projets mentionnés au II de l'article L. 11-1, la déclaration de projet prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public. Elle intervient selon les modalités et dans les conditions suivantes : (…) / 2. Si l'expropriation est poursuivie au profit de l'État ou de l'un de ses établissements publics, la déclaration d'utilité publique tient lieu de déclaration de projet. (…) ».

8. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté en date du 31 mars 2014, la préfète de la Gironde a, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation pour cause d'utilité publique, déclaré le projet de la zone d'aménagement concerté « Bordeaux Saint-Jean Belcier » d’utilité publique. Ainsi, le moyen tiré de ce que l’opération litigieuse n’aurait pas fait l’objet de la déclaration de projet mentionnée à l’article L. 126 1 du code de l’environnement manque en fait, dès lors que, ainsi qu’il résulte des dispositions précitées, la déclaration d'utilité publique en tient lieu.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales : « Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'État lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. (…) ». Aux termes de l’article L. 1311-10 du même code : « Ces projets d'opérations immobilières comprennent : (…) / 3°) Les acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique. ». Il résulte de ces dispositions que si l’administration est tenue de solliciter l’avis du service des domaines, notamment afin de fournir, dans le dossier d’enquête publique, une appréciation sommaire des acquisitions à réaliser, elle n’est pas pour autant obligée d’annexer cet avis au dossier.

10. Il ressort des pièces du dossier que France Domaine, consulté par l’établissement public Euratlantique, a émis le 9 avril 2013 un avis préalable à l’expropriation pour cause d’utilité publique des parcelles en cause, de sorte que le moyen tiré de l’absence de saisine du service des domaines doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que par un avis du 23 janvier 2014, la commission d’enquête s’est prononcée favorablement à la demande de déclaration d’utilité publique de la zone d’aménagement concerté « Bordeaux Saint-Jean Belcier ». Sur le fond, l’avis examine le caractère d’utilité publique concret de l’opération, qu’il juge manifeste, et tenant notamment à des justifications socio-économiques, urbaines et environnementales. Il étudie ensuite la nécessité des expropriations envisagées pour atteindre les objectifs de l’opération et relève qu’au regard de l’importance de l’opération, les expropriations envisagées seront peu nombreuses et peu importantes et devraient se faire majoritairement à l’amiable. Il s’intéresse enfin au bilan coûts-avantages pour conclure que celui-ci penche fortement en faveur de l’opération. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’avis de la commission d’enquête doit être écarté.

12. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que les travaux de réalisation de la ZAC, qui relèvent par ailleurs d’une opération déclarée d’intérêt national, visent à tirer parti des importantes potentialités foncières issues de friches ferroviaires et industrielles du secteur afin de créer un nouveau centre urbain autour de la gare et aux abords du centre historique de la ville de Bordeaux, à développer une offre diversifiée de 296 000 m² de logements en réponse au fort accroissement de sa population, et à créer un pôle tertiaire d’envergure nationale et européenne en lien avec l’arrivée de la ligne à grande vitesse reliant la ville à Paris et représentant 296 000 m² de bureaux, qui seront également desservis par des équipements, culturels sportifs, scolaires, de commerce et d’activités à hauteur de 148 000 m². Il en ressort également que le projet prend en compte les quartiers d’habitat et le bâti existant, dont il prévoit la mise en valeur, qu’il permet de restaurer le lien de ces quartiers avec la Garonne, qu’il prévoit l’aménagement de 12 hectares d’espaces verts ainsi que la poursuite de la mise en place de liaisons douces et la gestion de sites pollués.

13. Il apparaît en outre, qu’eu égard au vaste potentiel foncier mobilisable offert par les friches ferroviaires et industrielles du secteur concerné, les acquisitions d’habitation et les délocalisations d’entreprises ont été limitées aux nécessités de la restructuration du quartier et de l’implantation d’équipements publics. Il ressort ainsi du rapport de la commission d’enquête que les expropriations portent seulement sur trois emplacements, le premier correspondant au secteur situé entre la rue du Commerce, la rue Cabanac et le quai de Paludate, actuellement dominé par des établissement de nuit et déserté la journée, le deuxième correspondant à l’angle formé par le quai de Brienne, la rue Carle Vernet et le Boulevard F. Mogat, qui correspond à un carrefour stratégique pour l’usage public et qui impose la relocalisation de deux sociétés de distribution de matériaux, et le troisième correspondant au triangle formé à l’angle du marché d’intérêt national (MIN) par les rues Beck, Vernet, Armagnac, qui comporte quelques maisons basses encerclées par des voies de circulation devant laisser place à un nouveau carrefour urbain crucial pour le projet et par un marché Bio MIN public, le reste du quartier Vernet étant pour sa part préservé et valorisé.

14. Il ressort enfin de ce même rapport que le coût du projet a été estimé à 320 millions d’euros, que le plus gros poste de dépenses concerne les équipements publics et voiries publiques, le nouveau pont reliant les quartiers Amédée et Armagnac et la dépollution des sols orphelins, et que 70 % du coût du projet en investissement sera financé par les recettes liées à la vente du foncier et aux participations d’urbanisme, le reste du financement étant apporté par des acteurs publics tiers qui se sont engagés en ce sens.

15. Il en résulte que cette opération répond à une finalité d’intérêt général, que les atteintes à la propriété privée qu’elle comporte ne sont pas excessives au regard des avantages qui en sont attendus et que les parcelles appartenant à la requérante sont nécessaires à cette opération.

En ce qui concerne la légalité, invoquée par voie d’exception, de l’arrêté du 13 février 2019 prorogeant la durée de la déclaration d’utilité publique :

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, bénéficiait, par arrêté du 25 janvier 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, d’une délégation l’autorisant à signer l’arrêté en litige au nom de la préfète de la Gironde. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit donc être écarté.

17. En second lieu, aux termes de l’article R. 123-24 du code de l’environnement : « Sauf disposition particulière, lorsque les projets qui ont fait l'objet d'une enquête publique n'ont pas été entrepris dans un délai de cinq ans à compter de l'adoption de la décision soumise à enquête, une nouvelle enquête doit être conduite, à moins que, avant l'expiration de ce délai, une prorogation de la durée de validité de l'enquête ne soit décidée par l'autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l'enquête a été organisée. Cette prorogation a une durée de cinq ans au plus. La validité de l'enquête ne peut être prorogée si le projet a fait l'objet de modifications substantielles ou lorsque des modifications de droit ou de fait de nature à imposer une nouvelle consultation du public sont intervenues depuis la décision arrêtant le projet. ». Aux termes de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n'est pas supérieure à cinq ans. Cette prorogation peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l'absence de circonstances nouvelles. (…) ».

18. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’objet et le périmètre de l’opération n’ont pas été modifiés et que la prorogation est justifiée, sans erreur d’appréciation eu égard à l’importance et à la complexité de l’opération, par la circonstance que l’ensemble des biens et immeubles nécessaires à cette opération n’ont pu être acquis dans le délai initialement fixé. En se bornant à alléguer que l’étude d’impact environnementale n’a jamais fait l’objet d’une actualisation depuis le mois de juin 2013, la société requérante ne démontre pas que des circonstances nouvelles aient nécessité une nouvelle enquête préalable ni ne démontre les effets environnementaux qu’auraient engendrées les expropriations, alors notamment que tant l’avis de l’autorité environnementale que la révision du plan local d’urbanisme ou encore la présence d’une zone Natura 2000 ont déjà été pris en considération. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 123-24 du code de l’environnement doit être écarté.

19. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation présentées par la société requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Carrefour Property France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépenses.

21. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Carrefour Property France est rejetée.

Article 2 : La société Carrefour Property France versera la somme de 1 500 euros à l’établissement public Bordeaux Euratlantique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Carrefour Property France, au préfet de la Gironde et à l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique.

Décision n° 2101057

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mars 2021 et le 25 octobre 2021, ce dernier n’ayant pas été communiqué, la société HM Ibérique, représentée par Me Marques, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 25 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la cessibilité, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, de la parcelle cadastrée section BS n° 147, située 42 quai de Paludate sur le territoire de la commune de Bordeaux, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat et de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisantes ;

- cet arrêté se fonde sur une déclaration d’utilité publique illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2021, l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, représenté par Me Rivoire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société HM Ibérique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par une ordonnance du 25 octobre 2021, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 12 novembre 2021.

Par un courrier du 30 mars 2023, une demande de maintien de la requête du 5 mars 2021 a été adressée à la société HM Ibérique en application de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 11 avril 2023, la société HM Ibérique déclare maintenir sa requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Frézet,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Campana, représentant la société HM Ibérique,

- et les observations de Me Rivoire, représentant l’établissement public Bordeaux Euratlantique.

Une note en délibéré produite pour la société HM Ibérique, enregistrée le 10 mai 2023, n’a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mars 2014, la préfète de la Gironde a déclaré d’utilité publique, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Bordeaux Saint-Jean Belcier créée à l’intérieur du périmètre de l’opération déclarée d’intérêt national « Bordeaux Euratlantique » par décret du 5 novembre 2009. Par un nouvel arrêté préfectoral du 13 février 2019, cette déclaration d’utilité publique a été prorogée pour une durée de cinq ans jusqu’au 31 mars 2024. Par arrêté du 4 juin 2019, la préfète de la Gironde a prescrit l’ouverture d’une troisième enquête parcellaire qui s’est déroulée sur la période comprise entre le 24 juin 2019 et le 12 juillet 2019. Enfin, par arrêté du 25 mai 2020, la préfète de la Gironde a déclaré cessible au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique la parcelle cadastrée section BS n° 147, située 42 quai de Paludate sur le territoire de la commune de Bordeaux. La société HM Ibérique étant propriétaire de la parcelle en cause, elle demande l’annulation de l’arrêté du 25 mai 2020.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté de cessibilité du 25 mai 2020 :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture, bénéficiait, par arrêté du 12 novembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 14 novembre 2019, d’une délégation l’autorisant à signer l’arrêté en litige au nom de la préfète de la Gironde. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit donc être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l’article R. 131-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés, dans le délai prévu par le même arrêté, et dresse le procès-verbal de l'opération après avoir entendu toutes les personnes susceptibles de l'éclairer. Pour cette audition, le président peut déléguer l'un des membres de la commission. ». Il résulte de ces dispositions que l’avis du commissaire enquêteur n’a pas à se prononcer sur chaque parcelle mais seulement sur le périmètre de l’opération.

4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier qu’à l’issue de la troisième enquête publique parcellaire, le commissaire enquêteur, après avoir relevé et analysé les observations du public, a émis un avis favorable aux emprises nécessaires à la réalisation du projet litigieux, incluant les parcelles de la société HM Ibérique, en précisant qu’il n’a été recueilli, au cours de l'enquête, qu’une faible opposition de principe aux négociations et que les personnes entendues ont le plus souvent émis le souhait d’éviter une mesure d'expropriation, et admis que l’intérêt public justifiait l’emprise des ouvrages projetés. Le commissaire enquêteur a en outre souligné que l’utilité publique du projet de zone d’aménagement concerté Saint-Jean Belcier n’a pas été contestée ou remise en cause et qu’il n’a pas été démontré que ledit projet pouvait être mené à terme sans l’acquisition par la personne publique des parcelles qu’elle estime nécessaire à cet effet. Dans ces conditions, il doit être regardé comme s’étant prononcé favorablement sur l'emprise des ouvrages projetés par un avis suffisamment motivé.

En ce qui concerne la légalité, invoquée par voie d’exception, de l’arrêté du 31 mars 2014 portant déclaration d’utilité publique :

5. L'arrêté de cessibilité, l'acte déclaratif d'utilité publique (DUP) sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l'objet constituent les éléments d'une même opération complexe. Dès lors, à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la DUP ou de l'acte la prorogeant, y compris des vices de forme et de procédure dont ils seraient entachés, quand bien même le requérant aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la DUP ou l'acte la prorogeant, être rejeté.

6. En premier lieu, aux termes de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : / I. — Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : / 1° Une notice explicative ; (…) / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (…) / Dans les cas prévus aux I et II ci-dessus, la notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu. (…) ».

7. En l’espèce, d’une part, la notice explicative rappelle que le projet « Bordeaux-Euratlantique » a été promu par l’Etat au rang d’opération d’intérêt national (OIN) par décret du 5 novembre 2009 et s’est traduit par la création d’un établissement public d’aménagement (EPA) par décret du 22 mars 2010. Elle précise ensuite que le projet urbain Bordeaux Saint Jean Belcier, objet de l’enquête publique, est situé au cœur de l’OIN Bordeaux Euratlantique. Elle comporte en outre une partie dédiée au contexte du projet urbain Bordeaux Saint Jean Belcier, décrivant les caractéristiques du site, le contexte d’étude et la justification des périmètres. D’autre part, il n’est pas établi que l’appréciation sommaire des dépenses serait manifestement sous-évaluée ou erronée, en estimant le montant des acquisitions à 70 millions d’euros hors taxe et en prévoyant que le bilan prévisionnel s’équilibrera en dépenses et en recettes à 320,83 millions d’euros hors taxe. La seule circonstance que n’aient pas été distingués le coût des acquisitions déjà réalisées et celui des acquisitions restantes est à cet égard sans incidence sur la bonne information du public. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du dossier d’enquête publique préalable doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 123-15 du code de l’environnement : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. (…) ».

9. Il ressort des pièces du dossier que par un avis du 23 janvier 2014, la commission d’enquête s’est prononcée favorablement à la demande de déclaration d’utilité publique de la zone d’aménagement concerté « Bordeaux Saint-Jean Belcier ». Sur le fond, l’avis examine le caractère d’utilité publique concret de l’opération, qu’il juge manifeste, et tenant notamment à des justifications socio-économiques, urbaines et environnementales. Il étudie ensuite la nécessité des expropriations envisagées pour atteindre les objectifs de l’opération et relève qu’au regard de l’importance de l’opération, les expropriations envisagées seront peu nombreuses et peu importantes et devraient se faire majoritairement à l’amiable. Il s’intéresse enfin au bilan coûts-avantages pour conclure que celui-ci penche fortement en faveur de l’opération. En outre, la circonstance que l’avis indique que les quartiers Belcier et Amédée sont « aujourd’hui aux mains de la seule vie nocturne sans autre mixité », contrairement à ce qu’allègue la société requérante, ne constitue pas un jugement de valeur mais une analyse objective du tissu urbain du secteur et n’a pas d’incidences sur la légalité de l’avis. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’avis de la commission d’enquête doit être écarté.

10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concertée, qui relèvent par ailleurs d’une opération déclarée d’intérêt national, visent à tirer parti des importantes potentialités foncières issues de friches ferroviaires et industrielles du secteur afin de créer un nouveau centre urbain autour de la gare et aux abords du centre historique de la ville de Bordeaux, à développer une offre diversifiée de 296 000 m² de logements en réponse au fort accroissement de sa population, et à créer un pôle tertiaire d’envergure nationale et européenne en lien avec l’arrivée de la ligne à grande vitesse reliant la ville à Paris et représentant 296 000 m² de bureaux, qui seront également desservis par des équipements, culturels sportifs, scolaires, de commerce et d’activités à hauteur de 148 000 m². Il en ressort également que le projet prend en compte les quartiers d’habitat et le bâti existant, dont il prévoit la mise en valeur, qu’il permet de restaurer le lien de ces quartiers avec la Garonne, qu’il prévoit l’aménagement de 12 hectares d’espaces verts ainsi que la poursuite de la mise en place de liaisons douces et la gestion de sites pollués.

11. Il apparaît en outre, qu’eu égard au vaste potentiel foncier mobilisable offert par les friches ferroviaires et industrielles du secteur concerné, les acquisitions d’habitation et les délocalisations d’entreprises ont été limitées aux nécessités de la restructuration du quartier et de l’implantation d’équipements publics. Il ressort ainsi du rapport de la commission d’enquête que les expropriations portent seulement sur trois emplacements, le premier correspondant au secteur situé entre la rue du Commerce, la rue Cabanac et le quai de Paludate, actuellement dominé par des établissements de nuit et déserté la journée, le deuxième correspondant à l’angle formé par le quai de Brienne, la rue Carle Vernet et le Boulevard F. Mogat, qui correspond à un carrefour stratégique pour l’usage public et qui impose la relocalisation de deux sociétés de distribution de matériaux, et le troisième correspondant au triangle formé à l’angle du marché d’intérêt national (MIN) par les rues Beck, Vernet, Armagnac, qui comporte quelques maisons basses encerclées par des voies de circulation, devant laisser place à un nouveau carrefour urbain crucial pour le projet et par un marché Bio MIN public, le reste du quartier Vernet étant pour sa part préservé et valorisé.

12. Il ressort enfin de ce même rapport que le coût du projet a été estimé à 320 millions d’euros, que le plus gros poste de dépenses concerne les équipements publics et voieries publiques, le nouveau pont reliant les quartiers Amédée et Armagnac et la dépollution de sols orphelins, et que 70 % du coût du projet en investissement sera financé par les recettes liées à la vente du foncier et aux participations d’urbanisme, le reste du financement étant apporté par des acteurs publics tiers qui se sont engagés en ce sens.

13. Il en résulte que cette opération répond à une finalité d’intérêt général, que les atteintes à la propriété privée qu’elle comporte ne sont pas excessives au regard des avantages qui en sont attendus et que les parcelles appartenant à la requérante sont nécessaires à cette opération.

14. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation présentées par la société requérante doivent être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat et de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société HM Ibérique demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société HM Ibérique est rejetée.

Article 2 : La HM Ibérique versera la somme de 1 500 euros à l’établissement public Bordeaux Euratlantique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société HM Ibérique, au préfet de la Gironde et à l'établissement public Bordeaux Euratlantique.

Décision n° 2101059
Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2021, la société Cabanac, représentée par Me Achou-Lepage, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 25 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la cessibilité, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, de la parcelle cadastrée section 63 BS n° 137, située 1 rue Cabanac sur le territoire de la commune de Bordeaux, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’arrêté de cessibilité est entaché d’un vice de procédure dès lors que la troisième enquête parcellaire n’a pas fait l’objet d’un certificat d’affichage par le maire, que l’avis d’enquête n’a été publié que dans un journal local et n’a été publié dans aucun journal à diffusion nationale ;

- les parcelles qu’il mentionne dans son annexe ne concordent pas avec celles l’état ou du plan parcellaire joints au dossier d’enquête publique ;

- cet arrêté se fonde sur une déclaration d’utilité publique illégale ;

- il se fonde également sur une prorogation de la déclaration d’utilité publique qui est illégale dès lors qu’elle aurait dû faire l’objet d’une nouvelle enquête en application des dispositions de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2021, l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, représenté par Me Rivoire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Cabanac au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par une ordonnance du 25 octobre 2021, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 12 novembre 2021.

Par un courrier du 30 mars 2023, une demande de maintien de la requête du 5 mars 2021 a été adressée à la société Cabanac en application de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 3 avril 2023, la société Cabanac déclare maintenir sa requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Frézet,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Achou-Lepage, représentant la société Cabanac,

- et les observations de Me Rivoire, représentant l’établissement public Bordeaux Euratlantique.

Une note en délibéré produite pour la société Cabanac, enregistrée le 10 mai 2023, n’a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mars 2014, la préfète de la Gironde a déclaré d’utilité publique, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Bordeaux Saint-Jean Belcier créée à l’intérieur du périmètre de l’opération déclarée d’intérêt national « Bordeaux Euratlantique » par décret du 5 novembre 2009. Par un nouvel arrêté préfectoral du 13 février 2019, cette déclaration d’utilité publique a été prorogée pour une durée de cinq ans jusqu’au 31 mars 2024. A la suite de l’avis favorable émis par le commissaire enquêteur le 29 juillet 2019, la préfète de la Gironde, par arrêté du 25 mai 2020, a déclaré cessibles au profit de l’établissement public d’aménagement de Bordeaux-Euratlantique les immeubles nécessaires à la réalisation de cette opération et notamment la parcelle cadastrée section 63 BS n° 137, située 1 rue Cabanac sur le territoire de la commune de Bordeaux. Par la présente requête, la société Cabanac demande l’annulation de l’arrêté du 25 mai 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux effectué le 6 novembre 2020.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté de cessibilité du 25 mai 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 131-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l'article R. 131-4 est rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet, dans les conditions prévues à l'article R. 112-16. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. (…) / L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et doit être certifié par lui. ».

3. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 13 mars 2019, le maire de Bordeaux a donné délégation de signature à M. C... B..., directeur en charge des affaires juridiques, pour signer les documents relatifs aux pouvoirs propres et exécutifs du maire, et à M. D... A..., responsable du service de l’assistance juridique au territoire métropolitain et signataire du certificat d’affichage, pour signer ces documents en cas d’absence ou d’empêchement de M. B.... M. A... était donc compétent pour édicter le certificat d’affichage.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 112-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Le préfet qui a pris l'arrêté prévu à l'article R. 112-12 fait procéder à la publication, en caractères apparents, d'un avis au public l'informant de l'ouverture de l'enquête dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements concernés. Cet avis est publié huit jours au moins avant le début de l'enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci. (…) ». L’arrêté prévu à l’article R. 111-12 du code précité a pour objet de prévoir les conditions d'ouverture et de déroulement de l'enquête publique en vue de la déclaration d’utilité publique. Aux termes du I de l’article R. 131-4 de ce code applicable à l’identification des propriétaires et à la détermination des parcelles : « Le préfet territorialement compétent définit, par arrêté, l'objet de l'enquête et détermine la date à laquelle elle sera ouverte ainsi que sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours (…) ». Aux termes de son article R. 131-5 : « (…) Un avis portant à la connaissance ... est, en outre, inséré en caractères apparents dans l'un des journaux diffusés dans le département, dans les conditions prévues à l'article R. 112-14. ».

5. Il ressort des pièces du dossier que les avis ont été publiés dans le journal « Sud-Ouest » respectivement les 8 juin et 28 juin 2019 pour la troisième enquête parcellaire organisée du 24 juin 2019 au 12 juillet 2019 inclus. Le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables relatives aux modalités de publication des avis au public sur les conditions des enquêtes publiques doit donc être écarté, les dispositions précitées ne prévoyant pas une publication dans deux journaux régionaux ou locaux.

6. En troisième lieu, aux termes du second alinéa de l’article R. 112-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Lorsque l'opération projetée est d'importance nationale, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale huit jours avant le début de l'enquête ».

7. Il résulte de ces dispositions que seules les enquêtes portant sur des opérations d'importance nationale doivent donner lieu à publication dans deux journaux à diffusion nationale. Pour l'application de ces dispositions, il convient de prendre en compte la vocation de l'ouvrage en cause et non son régime juridique ou les modalités de son financement.

8. En l’espèce, les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté « Bordeaux Saint-Jean Belcier » ont pour objectif de créer un nouveau centre urbain autour de la gare Saint Jean, avec notamment pour ambition, ainsi que l’indique la notice explicative du dossier de déclaration d’utilité publique, de doter l’agglomération bordelaise d’une nouvelle centralité et de développer une offre de logements diversifiée et élevée, contribuant à densifier le centre de l’agglomération et apportant une contribution significative aux besoins de ses habitants actuels et futurs. Dans ces conditions, et quand bien même il procède d’une opération qualifiée d’intérêt national par un décret en Conseil d’Etat, le projet n’est pas d’importance nationale au sens des dispositions précitées et n’avait donc pas à faire l’objet d’une diffusion par la presse à cette échelle.

9. En quatrième lieu, comme le fait valoir l’établissement public Bordeaux Euratlantique en défense, le dossier de la troisième enquête parcellaire comprend bien l’ensemble des parcelles expropriées, et notamment celle de la requérante, mentionnée en page 6 de l’état parcellaire « Paludate » et sur la planche 2 sur 5 du plan parcellaire. Le moyen tiré de l’absence de concordance entre les parcelles figurant dans l’annexe de l’arrêté de cessibilité et celles du plan et de l’état parcellaire doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la légalité, invoquée par voie d’exception, de l’arrêté du 31 mars 2014 portant déclaration d’utilité publique :

10. Il ressort des pièces du dossier que les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté, qui relèvent par ailleurs d’une opération déclarée d’intérêt national, visent à tirer parti des importantes potentialités foncières issues de friches ferroviaires et industrielles du secteur afin de créer un nouveau centre urbain autour de la gare et aux abords du centre historique de la ville de Bordeaux, à développer une offre diversifiée de 296 000 m² de logements en réponse au fort accroissement de sa population, et à créer un pôle tertiaire d’envergure nationale et européenne en lien avec l’arrivée de la ligne à grande vitesse reliant la ville à Paris et représentant 296 000 m² de bureaux, qui seront également desservis par des équipements, culturels sportifs, scolaires, de commerce et d’activités à hauteur de 148 000 m². Il en ressort également que le projet prend en compte les quartiers d’habitat et le bâti existant, dont il prévoit la mise en valeur, qu’il permet de restaurer le lien de ces quartiers avec la Garonne, qu’il prévoit l’aménagement de 12 hectares d’espaces verts ainsi que la poursuite de la mise en place de liaisons douces et la gestion de sites pollués.

11. Il apparaît en outre, qu’eu égard au vaste potentiel foncier mobilisable offert par les friches ferroviaires et industrielles du secteur concerné, les acquisitions d’habitation et les délocalisations d’entreprises ont été limitées aux nécessités de la restructuration du quartier et de l’implantation d’équipements publics. Il ressort ainsi du rapport de la commission d’enquête que les expropriations portent seulement sur trois emplacements, le premier correspondant au secteur situé entre la rue du Commerce, la rue Cabanac et le quai de Paludate, actuellement dominé par des établissements de nuit et déserté la journée, le deuxième, correspondant à l’angle formé par le quai de Brienne, la rue Carle Vernet et le Boulevard F. Mogat, qui correspond à un carrefour stratégique pour l’usage public et qui impose la relocalisation de deux sociétés de distribution de matériaux, et le troisième, correspondant au triangle formé à l’angle du marché d’intérêt national (MIN) par les rues Beck, Vernet, Armagnac, qui comporte quelques maisons basses devant être remplacées par un nouveau carrefour urbain crucial pour le projet et par un marché Bio MIN public, le reste du quartier Vernet étant pour sa part préservé et valorisé.

12. Il ressort enfin de ce même rapport que le coût du projet a été estimé à 320 millions d’euros, que le plus gros poste de dépenses concerne les équipements publics et voieries publiques, le nouveau pont reliant les quartiers Amédée et Armagnac et la dépollution de sols orphelins, et que 70 % du coût du projet en investissement sera financé par les recettes liées à la vente du foncier et aux participations d’urbanisme, le reste du financement étant apporté par des acteurs publics tiers qui se sont engagés en ce sens.

13. Il en résulte que cette opération répond à une finalité d’intérêt général, que les atteintes à la propriété privée qu’elle comporte ne sont pas excessives au regard des avantages qui en sont attendus et que la parcelle appartenant à la société requérante est nécessaire à cette opération.

En ce qui concerne la légalité, invoquée par voie d’exception, de l’arrêté du 13 février 2019 prorogeant la durée de la déclaration d’utilité publique :

14. Aux termes de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n'est pas supérieure à cinq ans. Cette prorogation peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l'absence de circonstances nouvelles. / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'État. ».

15. Pour soutenir que le projet a connu des modifications substantielles qui imposaient la réalisation d’une nouvelle enquête, la société requérante fait état de l’intégration de nouvelles parcelles, de l’arrêté du 5 avril 2016 répertoriant comme zone spéciale de conservation le site Natura 2000 « La Garonne en Nouvelle-Aquitaine », de la délibération du 16 décembre 2016 approuvant le PLUi 3.1 de Bordeaux Métropole, lequel inclus tout ou partie des secteurs Saget et Vernet au sein du site patrimonial remarquable de Bordeaux, et enfin de ce que le plan de prévention du risque d’inondation classe en tout ou partie la zone d’aménagement concerté Saint-Jean Belcier en zone jaune. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’avis délibéré de l’autorité environnementale sur la réalisation de la ZAC Bordeaux Saint-Jean Belcier en date du 9 octobre 2013, les enjeux liés à l’inondation et à la préservation du site Natura 2000 constitué par la Garonne ont été pris en compte. Une évaluation des incidences sur le réseau Natura 2000 a par ailleurs été faite, ainsi qu’un schéma des zones d’inondations recensées. En outre, l’étude d’impact de juin 2013 précisait déjà que le projet est concerné par plusieurs périmètres de protection des monuments historiques et que la ville de Bordeaux est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Enfin, le rapport du commissaire enquêteur du 29 juillet 2019, issu de la troisième enquête parcellaire, explique que les contraintes opérationnelles de cette ZAC ont imposé un échelonnement des enquêtes parcellaires afin de poursuivre une maitrise foncière cohérente, justifiant l’ajout progressif de nouvelles parcelles. Par suite, le moyen tiré de ce que la prorogation de la déclaration d’utilité publique aurait dû faire l’objet d’une nouvelle enquête en application des dispositions de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation présentées par la société requérante doivent être rejetée.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat et de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Cabanac demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Cabanac est rejetée.

Article 2 : La société Cabanac versera la somme de 1 500 euros à l’établissement public Bordeaux Euratlantique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Cabanac, au préfet de la Gironde et à l'établissement public Bordeaux Euratlantique.

Décision n° 2101061 du 24 mai 2023
Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mars 2021 et le 21 janvier 2022, ce dernier n’ayant pas été communiqué, la société Eric, représentée par Me Achou-Lepage, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 25 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a prononcé la cessibilité, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, de la parcelle cadastrée section 63 BS n° 12, située 46 quai de Paludate sur le territoire de la commune de Bordeaux, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’arrêté de cessibilité est entaché d’un vice de procédure dès lors que la troisième enquête parcellaire n’a pas fait l’objet d’un certificat d’affichage par le maire, que l’avis d’enquête n’a été publié que dans un journal local et n’a été publié dans aucun journal à diffusion nationale ;

- les parcelles qu’il mentionne dans son annexe ne concordent pas avec celles l’état ou du plan parcellaire joints au dossier d’enquête publique ;

- cet arrêté se fonde sur une déclaration d’utilité publique illégale ;

- il se fonde également sur une prorogation de la déclaration d’utilité publique qui est illégale dès lors qu’elle aurait dû faire l’objet d’une nouvelle enquête en application des dispositions de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2021, l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, représenté par Me Rivoire, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Eric au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par une ordonnance du 7 janvier 2022, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 24 janvier 2022.

Par un courrier du 30 mars 2023, une demande de maintien de la requête du 5 mars 2021 a été adressée à la société Eric en application de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 3 avril 2023, la société Eric déclare maintenir sa requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Frézet,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Achou-Lepage, représentant la société Eric,

- et les observations de Me Rivoire, représentant l’établissement public Bordeaux Euratlantique.

Une note en délibéré produite pour la société Eric, enregistrée le 10 mai 2023, n’a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mars 2014, la préfète de la Gironde a déclaré d’utilité publique, au profit de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Bordeaux Saint-Jean Belcier créée à l’intérieur du périmètre de l’opération déclarée d’intérêt national « Bordeaux Euratlantique » par décret du 5 novembre 2009. Par un nouvel arrêté préfectoral du 13 février 2019, cette déclaration d’utilité publique a été prorogée pour une durée de cinq ans jusqu’au 31 mars 2024. A la suite de l’avis favorable émis par le commissaire enquêteur le 29 juillet 2019, la préfète de la Gironde, par arrêté du 25 mai 2020, a déclaré cessibles au profit de l’établissement public d’aménagement de Bordeaux-Euratlantique les immeubles nécessaires à la réalisation de cette opération et notamment la parcelle cadastrée section 63 BS n° 12, située 46 quai de Paludate sur le territoire de la commune de Bordeaux. La société Eric demande l’annulation de l’arrêté du 25 mai 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité de l’arrêté de cessibilité du 25 mai 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l’article R. 131-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : « Un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l'article R. 131-4 est rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet, dans les conditions prévues à l'article R. 112-16. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. (…) / L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et doit être certifié par lui. ».

3. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 13 mars 2019, le maire de Bordeaux a donné délégation de signature à M. C... B..., directeur en charge des affaires juridiques, pour signer les documents relatifs aux pouvoirs propres et exécutifs du maire, et à M. D... A..., responsable du service de l’assistance juridique au territoire métropolitain et signataire du certificat d’affichage, pour signer ces documents en cas d’absence ou d’empêchement de M. B.... M. A... était donc compétent pour édicter le certificat d’affichage, de sorte que le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 112-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Le préfet qui a pris l'arrêté prévu à l'article R. 112-12 fait procéder à la publication, en caractères apparents, d'un avis au public l'informant de l'ouverture de l'enquête dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements concernés. Cet avis est publié huit jours au moins avant le début de l'enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci. (…) ». L’arrêté prévu à l’article R. 111-12 du code précité a pour objet de prévoir les conditions d'ouverture et de déroulement de l'enquête publique en vue de la déclaration d’utilité publique. Aux termes du I de l’article R. 131-4 de ce code applicable à l’identification des propriétaires et à la détermination des parcelles : « Le préfet territorialement compétent définit, par arrêté, l'objet de l'enquête et détermine la date à laquelle elle sera ouverte ainsi que sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours (…) ». Aux termes de son article R. 131-5 : « (…) Un avis portant à la connaissance ... est, en outre, inséré en caractères apparents dans l'un des journaux diffusés dans le département, dans les conditions prévues à l'article R. 112-14. ».

5. Il ressort des pièces du dossier que les avis ont été publiés dans le journal « Sud-Ouest » respectivement les 8 juin et 28 juin 2019 pour la troisième enquête parcellaire organisée du 24 juin 2019 au 12 juillet 2019 inclus. Le moyen tiré de la méconnaissance des règles applicables relatives aux modalités de publication des avis au public sur les conditions des enquêtes publiques doit donc être écarté, les dispositions précitées ne prévoyant pas de publication dans deux journaux régionaux ou locaux.

6. En troisième lieu, aux termes du second alinéa de l’article R. 112-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Lorsque l'opération projetée est d'importance nationale, cet avis est, en outre, publié dans deux journaux à diffusion nationale huit jours avant le début de l'enquête ». 7. Il résulte de ces dispositions que seules les enquêtes portant sur des opérations d'importance nationale doivent donner lieu à publication dans deux journaux à diffusion nationale. Pour l'application de ces dispositions, il convient de prendre en compte la vocation de l'ouvrage en cause et non son régime juridique ou les modalités de son financement.

8. En l’espèce, les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté « Bordeaux Saint-Jean Belcier » ont pour objectif de créer un nouveau centre urbain autour de la gare Saint Jean, avec notamment pour ambition, ainsi que l’indique la notice explicative du dossier de déclaration d’utilité publique, de doter l’agglomération bordelaise d’une nouvelle centralité et de développer une offre de logements diversifiée et élevée, contribuant à densifier le centre de l’agglomération et apportant une contribution significative aux besoins de ses habitants actuels et futurs. Dans ces conditions, et quand bien même il procède d’une opération qualifiée d’intérêt national par un décret en Conseil d’Etat, le projet n’est pas d’importance nationale au sens des dispositions précitées et n’avait donc pas à faire l’objet d’une diffusion par la presse à cette échelle.

9. En quatrième lieu, comme le fait valoir l’établissement public Bordeaux Euratlantique en défense, le dossier de la troisième enquête parcellaire comprend bien l’ensemble des parcelles expropriées, et notamment celle de la requérante, mentionnée en page 4 de l’état parcellaire « Paludate » et sur la planche 2 sur 5 du plan parcellaire. Le moyen tiré de l’absence de concordance entre les parcelles figurant dans l’annexe de l’arrêté de cessibilité et celles du plan et de l’état parcellaire doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la légalité, invoquée par voie d’exception, de l’arrêté du 31 mars 2014 portant déclaration d’utilité publique :

10. Il ressort des pièces du dossier que les travaux de réalisation de la zone d’aménagement concerté, qui relèvent par ailleurs d’une opération déclarée d’intérêt national, visent à tirer parti des importantes potentialités foncières issues de friches ferroviaires et industrielles du secteur afin de créer un nouveau centre urbain autour de la gare et aux abords du centre historique de la ville de Bordeaux, à développer une offre diversifiée de 296 000 m² de logements en réponse au fort accroissement de sa population, et à créer un pôle tertiaire d’envergure nationale et européenne en lien avec l’arrivée de la ligne à grande vitesse reliant la ville à Paris et représentant 296 000 m² de bureaux, qui seront également desservis par des équipements, culturels sportifs, scolaires, de commerce et d’activités à hauteur de 148 000 m². Il en ressort également que le projet prend en compte les quartiers d’habitat et le bâti existant, dont il prévoit la mise en valeur, qu’il permet de restaurer le lien de ces quartiers avec la Garonne, qu’il prévoit l’aménagement de 12 hectares d’espaces verts ainsi que la poursuite de la mise en place de liaisons douces et la gestion de sites pollués.

11. Il apparaît en outre, qu’eu égard au vaste potentiel foncier mobilisable offert par les friches ferroviaires et industrielles du secteur concerné, les acquisitions d’habitation et les délocalisations d’entreprises ont été limitées aux nécessités de la restructuration du quartier et de l’implantation d’équipements publics. Il ressort ainsi du rapport de la commission d’enquête que les expropriations portent seulement sur trois emplacements, le premier correspondant au secteur situé entre la rue du Commerce, la rue Cabanac et le quai de Paludate, actuellement dominé par des établissements de nuit » et déserté la journée, le deuxième correspondant à l’angle formé par le quai de Brienne, la rue Carle Vernet et le Boulevard F. Mogat, qui correspond à un carrefour stratégique pour l’usage public et qui impose la relocalisation de deux sociétés de distribution de matériaux, et le troisième, correspondant au triangle formé à l’angle du marché d’intérêt national (MIN) par les rues Beck, Vernet, Armagnac, qui comporte quelques maisons basses encerclées par des voies de circulation, devant être remplacées par un nouveau carrefour urbain crucial pour le projet et par un marché Bio MIN public, le reste du quartier Vernet étant pour sa part préservé et valorisé.

12. Il ressort enfin de ce même rapport que le coût du projet a été estimé à 320 millions d’euros, que le plus gros poste de dépenses concerne les équipements publics et voieries publiques, le nouveau pont reliant les quartiers Amédée et Armagnac et la dépollution de sols orphelins, et que 70 % du coût du projet en investissement sera financé par les recettes liées à la vente du foncier et aux participations d’urbanisme, le reste du financement étant apporté par des acteurs publics tiers qui se sont engagés en ce sens.

13. Il en résulte que cette opération répond à une finalité d’intérêt général, que les atteintes à la propriété privée qu’elle comporte ne sont pas excessives au regard des avantages qui en sont attendus et que la parcelle appartenant à la société requérante est nécessaire à cette opération.

En ce qui concerne l’arrêté du 13 février 2019 prorogeant la durée de la déclaration d’utilité publique :

14. Aux termes de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « Un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n'est pas supérieure à cinq ans. Cette prorogation peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l'absence de circonstances nouvelles. / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'État. ».

15. Pour soutenir que le projet a connu des modifications substantielles qui imposaient la réalisation d’une nouvelle enquête, la société requérante fait état de l’intégration de nouvelles parcelles, de l’arrêté du 5 avril 2016 répertoriant comme zone spéciale de conservation le site Natura 2000 « La Garonne en Nouvelle-Aquitaine », de la délibération du 16 décembre 2016 approuvant le PLUi 3.1 de Bordeaux Métropole, lequel inclus tout ou partie des secteurs Saget et Vernet au sein du site patrimonial remarquable de Bordeaux, et enfin de ce que le plan de prévention du risque d’inondation classe en tout ou partie la zone d’aménagement concerté Saint-Jean Belcier en zone jaune. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’avis délibéré de l’autorité environnementale sur la réalisation de la ZAC Bordeaux Saint-Jean Belcier en date du 9 octobre 2013, les enjeux liés à l’inondation et à la préservation du site Natura 2000 constitué par la Garonne ont été pris en compte. Une évaluation des incidences sur le réseau Natura 2000 a par ailleurs été faite, ainsi qu’un schéma des zones d’inondations recensées. En outre, l’étude d’impact de juin 2013 précisait déjà que le projet est concerné par plusieurs périmètres de protection des monuments historiques et que la ville de Bordeaux est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Enfin, le rapport du commissaire enquêteur du 29 juillet 2019, issu de la troisième enquête parcellaire, explique que les contraintes opérationnelles de cette ZAC ont imposé un échelonnement des enquêtes parcellaires afin de poursuivre une maitrise foncière cohérente, justifiant l’ajout progressif de nouvelles parcelles. Par suite, le moyen tiré de ce que la prorogation de la déclaration d’utilité publique aurait dû faire l’objet d’une nouvelle enquête en application des dispositions de l’article L. 121-5 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation présentées par la société requérante doivent être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat et de l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Eric demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’établissement public d’aménagement Bordeaux Euratlantique et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Eric est rejetée.

Article 2 : La société Eric versera la somme de 1 500 euros à l’établissement public Bordeaux Euratlantique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Eric, au préfet de la Gironde et à l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique.