Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2019, la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, représentée par Me Gasquet, demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 3 mai 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a ordonné la cessation des travaux et activités des installations sur le site de la retenue d’eau collective à usage d’irrigation et de soutien d’étiage dite « de A... » ainsi que la remise en état du site.

Elle soutient que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 171-7 du code de l’environnement dès lors que d’une part, il est intervenu avant l’expiration du délai d’un an imparti par la mise en demeure du 14 décembre 2018 pour régulariser sa situation administrative et d’autre part, la préfecture demeurait saisie de sa demande d’autorisation ainsi que de celle du syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 août 2019 et 31 mars 2021, la préfète de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention volontaire en date du 25 novembre 2019 et 26 mars 2021, la fédération France Nature Environnement, représentée par Me Terrasse, demande au tribunal d’admettre son intervention et conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu’elle a la qualité lui donnant intérêt à intervenir au soutien des conclusions en défense de la préfète de Lot-et-Garonne étant agréée pour la protection de l’environnement et que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 10 décembre 2021 au syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne et à l’association syndicale autorisée d’irrigation de A... qui n’ont pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 2 février 2022, la clôture de l’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 2 mars 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Billet-Ydier,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- et les observations de Me Terrasse, représentant la fédération France Nature Environnement,

- les autres parties n’étant ni présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 juin 2017, le syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne a déposé une demande d’autorisation environnementale conformément aux dispositions de l’article L. 181-1 du code de l’environnement incluant une demande d’autorisation « loi sur l’eau » au titre des dispositions de l’article L. 214-1 du code de l’environnement, une demande de dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces et habitats protégés au titre de l’article L. 411-2 du même code et une demande d’autorisation de défrichement au sens des dispositions des articles L. 214-12 et L. 341-3 du code forestier. Par arrêté du 29 juin 2018, la préfète de Lot-et-Garonne a satisfait à cette demande et délivré l’autorisation sollicitée. Toutefois, par arrêté du 15 octobre 2018, la préfète a procédé au retrait de cette autorisation. La requête du syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne formée contre cet arrêté a été rejetée par un jugement n°1804061 et n°1804669 du tribunal administratif de Bordeaux du 28 mars 2019 et un arrêt n°19BX02219 de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 23 février 2021. Estimant que les travaux de construction de la retenue d’eau se poursuivaient en dépit du retrait de l’autorisation, la Fédération France Nature environnement a demandé au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, d’enjoindre à l’autorité préfectorale de mettre en œuvre les pouvoirs de police qu’elle tient des articles L. 171-7 et suivants du code de l’environnement. Par ordonnance n°1804728 du 30 novembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande. Par arrêté du 14 décembre 2018 la préfète de Lot-et-Garonne a, d’une part, mis en demeure le syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne de régulariser la situation administrative, en déposant un dossier de demande d’autorisation environnementale ou, à défaut, de remettre le site en l’état, d’autre part, prononcé la suspension, avec effet immédiat, de tous travaux et opérations sur le site de ladite retenue d’eau. Estimant que les mesures prises par la préfète étaient insuffisantes, la fédération France Nature Environnement a demandé au juge des référés de prescrire les mesures d’exécution de l’ordonnance du 30 novembre 2018. Par ordonnance n°1805542 du 15 janvier 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a enjoint à la préfète de Lot-et-Garonne de mettre en œuvre des mesures ou sanctions prévues par le II de l’article L. 171-8 et par l’article L. 171-10 du code de l’environnement, aux fins de faire cesser la construction de la retenue d’eau. Par arrêté du 17 janvier 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a ordonné l’apposition de scellés sur les engins de chantier présents sur le site. Par arrêté du 18 mars 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a mis en demeure la chambre d’agriculture de régulariser la situation administrative sous huit jours et de cesser les travaux. Estimant qu’il n’avait pas été déféré à ladite mise en demeure, la préfète de Lot-et-Garonne a, par arrêté du 3 mai 2019, ordonné la cessation définitive des travaux, la suppression de l’ouvrage dans un délai de trois mois, le dépôt dans un délai de vingt jours d’un dossier d’évaluation des impacts des travaux réalisés, l’ensemble sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la remise en état du site à ses frais dans un délai de dix-huit mois et la consignation, dans un délai de dix jours, de la somme de 1 082 000 euros correspondant aux travaux de suppression de l’ouvrage. Par la présente requête, la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne demande l’annulation de cet arrêté.

Sur l’intervention de la fédération France Nature Environnement :

2. France Nature Environnement est une association agréée au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement qui a notamment pour objet de sauvegarder les espaces, ressources, milieux et habitats naturels. Par suite, cette association justifie d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions du préfet de Lot-et-Garonne tendant au rejet des conclusions de la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne contre l’arrêté du 3 mai 2019.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Aux termes de l’article L. 171-7 du code de l’environnement : « I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. / Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. (…) / II.- S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. / Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. / III.- Sauf en cas d'urgence, et à l'exception de la décision prévue au premier alinéa du I du présent article, les mesures mentionnées au présent article sont prises après avoir communiqué à l'intéressé les éléments susceptibles de fonder les mesures et l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations dans un délai déterminé. ».

4. Aux termes de l’article R. 181-16 du code de l’environnement : « Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. Toutefois, lorsque le dossier est déposé par voie de la téléprocédure prévue au troisième alinéa de l'article R. 181-12, l'accusé de réception est immédiatement délivré par voie électronique. / Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. / Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément. (…) ».

5. En l’espèce, d’une part, si la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne soutient que l’arrêté attaqué du 3 mai 2019 est intervenu avant l’expiration du délai d’un an imparti par la mise en demeure du 14 décembre 2018 pour régulariser sa situation administrative, cette mise en demeure a été adressée au seul syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne, titulaire de l’autorisation environnementale accordée le 29 juin 2018 puis retirée le 15 octobre 2018. Si le syndicat, par courrier en date 17 décembre 2018, a indiqué à la préfète de Lot-et-Garonne se retirer du projet et ne pas être commanditaire des travaux entrepris illégalement, il résulte de l’instruction que, nonobstant le retrait de l’autorisation, les travaux de construction se sont poursuivis, à l’instigation de la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne, propriétaire de l’unité foncière, et de l’association syndicale autorisée de A... créée notamment pour la construction, l’entretien et l’exploitation de cette retenue d’irrigation. La préfète a, en conséquence, notifié à la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne un arrêté de mise en demeure de régulariser sa situation administrative le 18 mars 2019, publié au recueil des actes administratifs de Lot-et-Garonne n°47-2019-024 du même jour. Partant, la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne ne saurait utilement soutenir que l’arrêté attaqué du 3 mai 2019 est intervenu avant l’expiration du délai d’un an imparti par la mise en demeure du 14 décembre 2018 pour régulariser sa situation administrative.

6. D’autre part, ainsi qu’il a été dit au point précédent, il résulte de l’instruction que, le 18 mars 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a mis en demeure la chambre d’agriculture de régulariser sa situation administrative dans un délai de huit jours en déposant auprès de la direction départementale des territoires un dossier de demande d’autorisation conforme aux dispositions de l’article L. 181-1 du code de l’environnement. La chambre d’agriculture a donné suite et déposé un dossier de demande de nouvelle autorisation, le 25 mars 2019. Toutefois, par courrier du 4 avril 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a invité la chambre d’agriculture de ce département à compléter son dossier et l’a informée que sa demande d’autorisation en l’état ne pouvait faire l’objet d’un accusé de réception tel que prévu par les dispositions de l’article R. 181-16 du code de l’environnement à raison de l’incomplétude de son dossier. Si des pièces complémentaires ont été déposées le 15 avril 2019 et remises contre signature au chef de service de la direction départementale des territoires du même jour, il ne résulte pas de l’instruction que la préfète a délivré l’accusé de réception prévu par l’article R. 181-16 précité et aurait réceptionné un dossier complet comprenant les pièces exigées pour l'autorisation sollicitée par la chambre d’agriculture. Par la seule production d’un récépissé, lequel ne constitue pas un accusé de réception au sens dudit article, la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne ne justifie pas avoir déféré à la mise en demeure qui lui a été notifiée. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 171-7 du code de l’environnement ne peut qu’être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 3 mai 2019 présentées par la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention de la Fédération France Nature Environnement est admise.

Article 2 : La requête de la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la chambre d’agriculture de Lot-et Garonne, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la Fédération France Nature Environnement, au syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne et à l’association syndicale autorisée d’irrigation de A....

Copie en sera délivrée au préfet de de Lot-et-Garonne.