Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 novembre 2021, 17 mars et 24 mai 2022, Mme A... C..., représentée par Me Julie Noel, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision du 11 mai 2021 par laquelle le président de la régie personnalisée de l’Opéra national de Bordeaux l’a licenciée pour insuffisance professionnelle, confirmée par l’arrêté du 7 juillet 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de condamner l’Opéra national de Bordeaux à lui verser la somme globale de 30 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé son éviction irrégulière, assorti des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021, date de réception de la réclamation préalable indemnitaire et de leur capitalisation ;

3°) d’enjoindre à l’Opéra national de Bordeaux de la réintégrer dans ses effectifs dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Opéra national de Bordeaux une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l’article 7.3 du statut du personnel artistique du ballet de l’Opéra national de Bordeaux et de l’article 42 du décret du 15 février 1988, relatives à l’entretien préalable ont été méconnues dès lors qu’elle a été convoquée seulement quatre jours ouvrés avant la tenue de l’entretien, la privant d’une garantie ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l’article L.211-2 du code des relations entre le public et l’administration ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n’est pas établie ; la perte conséquence d’endurance et de son niveau de virtuosité et de performance physique n’est pas établie, alors qu’elle s’est régulièrement vu attribuer des rôles de soliste dès le 10 mai 2021 et qu’elle a parfaitement récupéré de son accident, comme en attestent différents médecins et collègues ;

- la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; les griefs qui lui sont reprochés ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle mais se rattacheraient au mieux à une inaptitude physique ; elle est danseuse au sein du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux depuis plus de 11 années et ce licenciement intervient sans doute en raison de son état de santé ;

- l’illégalité de cette décision entraîne un préjudice professionnel et financier constitué de la différence entre les sommes qu’elle aurait dû percevoir si son contrat avait continué et les revenus de remplacement qu’elle va percevoir, avec effet au 1er août 2022 ; de plus, à compter de la prise d’effet du dispositif de reconversion professionnelle, elle a perdu les primes et indemnités liées aux représentations ; ce préjudice s’évalue à la somme de 20 000 euros ;

- elle a subi un préjudice moral, lié à la perte de sa place au sein du Ballet et au caractère infamant du licenciement pour insuffisance professionnelle ; elle a été affectée psychologiquement et a dû consulter un médecin psychiatre dès le mois de juin 2021 et être placée en arrêt de travail à compter du 26 octobre 2021 ; ce préjudice s’évalue à la somme de 10 000 euros.

Par des mémoires en défense et des pièces enregistrées les 16 février, 20 avril et 5 septembre 2022, l’Opéra national de Bordeaux, représenté par le cabinet Cazcarra-Jeanneau, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre la décision du 11 mai 2021 sont irrecevables dès lors qu’il ne s’agit que d’un acte préparatoire qui n’a pas de caractère décisoire ;

- les conclusions dirigées contre l’arrêté du 7 juillet 2021 sont irrecevables car tardives ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 juin 2022.

Vu :

- la demande préalable ;

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Lahitte,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- les observations de Me Noel, représentant Mme C..., présente,

- et celles de Me Jeanneau, représentant la régie personnalisée de l’Opéra National de Bordeaux.

Une note en délibéré a été présentée le 22 septembre 2022 pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... a été recrutée par l’Opéra national de Bordeaux en qualité de danseuse par plusieurs contrats à durée déterminée du 27 septembre 2010 au 26 septembre 2016, puis a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée à compter du 27 septembre 2016, pour exercer des fonctions d’artiste chorégraphique, à temps complet. Elle a été victime d’un accident le 28 mars 2019, qui a impliqué un arrêt de maladie, une reprise à temps partiel puis à temps complet en septembre 2020. Le 28 décembre 2020, le directeur de la danse a reçu Mme C... en entretien pour l’informer de son intention de la licencier pour insuffisance professionnelle, et par courrier du 31 décembre 2020, il a demandé à ce qu’il soit mis fin à son contrat. Le 29 avril 2021, Mme C... a demandé à bénéficier du dispositif de reconversion, prévu par le statut du personnel artistique du ballet de l’Opéra national de Bordeaux. Par un arrêté du 7 juillet 2021, le président de la régie personnalisée de l’Opéra national de Bordeaux a prononcé le licenciement de Mme C... pour insuffisance professionnelle à compter du 1er août 2022 et par courrier du 8 juillet suivant, elle a été informée de ce que son projet de reconversion avait été validé. Mme C... a exercé un recours gracieux contre l’arrêté prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle et a présenté une réclamation préalable indemnitaire, réceptionnés le 12 juillet 2021, lesquels ont été implicitement rejetés. Mme C... demande au tribunal d’annuler la décision du 11 mai 2021 ainsi que l’arrêté du 7 juillet 2021, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de condamner l’Opéra national de Bordeaux à l’indemniser de ses préjudices.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 11 mai 2021 avait pour seul objet d’informer la requérante que son licenciement pour insuffisance professionnelle serait effectif soit au 1er août 2022, si son projet était validé par la commission d’évaluation et qu’elle entrait dans le dispositif de reconversion, soit au 1er août 2021 si son projet n’était pas validé ou qu’elle ne souhaitait plus bénéficier du dispositif. Dès lors, ce courrier revêt le caractère d’une mesure préparatoire à l’arrêté du 7 juillet 2021 par lequel le président de la régie personnalisé de l’Opéra national de Bordeaux a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 1er août 2022, laquelle est insusceptible de recours. Par suite, les conclusions tendant à son annulation sont irrecevables et la fin de non-recevoir opposée en défense à ce titre peut être accueillie.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article L 411-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés. ». Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) ». Et aux termes du premier alinéa de l’article R. 421-2 de ce code : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. ».

4. En l’espèce, aux termes du recours gracieux daté du 9 juillet 2021 et reçu par l’Opéra national de Bordeaux le 12 juillet suivant, Mme C... a contesté, dans le délai de recours contentieux de deux mois, « la décision du 11 mai 2021, confirmée par l’arrêté du 7 juillet 2021 ». La présente requête a été enregistrée le 10 novembre 2021, soit moins de deux mois après le rejet implicite de son recours gracieux exercé, notamment, contre l’arrêté du 7 juillet 2021, dont l’exercice a prorogé le délai de recours contentieux. Par suite, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté des conclusions dirigées contre l’arrêté du 7 juillet 2021 doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 7 juillet 2021 :

5. Aux termes de l’article 39-2 du décret n°88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : « L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle ».

6. Aux termes de l’article 7.3 du statut du personnel artistique du ballet de l’Opéra National de Bordeaux : « le licenciement peut être prononcé par l’Autorité Territoriale pour (…) insuffisance professionnelle lorsque les capacités professionnelles d’un danseur ne répondent pas ou plus aux exigences artistiques, physiques et techniques du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux ».

7. Pour caractériser l’insuffisance professionnelle de Mme C...,, le président de la régie personnalisée de l’Opéra national de Bordeaux s’est fondé, aux termes de l’arrêté contesté, sur sa perte conséquente d’endurance, de virtuosité et de performance physique, nécessaires à l’interprétation des rôles du répertoire classique (travail de pieds et de levé de jambe insuffisant, absence de tours et de sauts) et sur son manque significatif de concentration lors des spectacles.

8. En premier lieu, si l’Opéra national de Bordeaux soutient que le manque de concentration de Mme C... et ses difficultés d’apprentissage des chorégraphies ont été constatés dès 2016 et produit, pour en justifier, une attestation d’une danseuse invitée cette année-là, il ressort des pièces du dossier que cette attestation, qui n’a été rédigée que le 15 février 2022, soit près de six années après les faits et, au surplus, postérieurement à l’introduction de la requête, est en tout état de cause insuffisamment circonstanciée pour caractériser la matérialité des faits reprochés à la requérante qui sont isolés et antérieurs de cinq années à la décision contestée.

9. En deuxième lieu, la circonstance que le compte-rendu de son évaluation professionnelle de l’année 2017 mentionne que Mme C... doit « continuer à travailler le côté classique – le travail sur pointe – le travail de bas de jambe », ne saurait caractériser son insuffisance professionnelle alors qu’aux termes de ce compte-rendu, ces éléments figurent notamment au titre des « objectifs pour l’année à venir et des perspectives d’amélioration » et que l’Opéra ne soutient, ni même n’allègue, que ces objectifs, en particulier, n’ont pas été atteints. En outre, il ressort de cette évaluation au titre de l’année 2017 que, concernant « l’appréciation de sa valeur professionnelle », tous les items sont évalués « acquis » et concernant l’item « appréciation des capacités à exercer des fonctions d’un niveau supérieur », il est mentionné que « C… est très souvent choisie par les chorégraphes pour faire des rôles de premier plan ».

10. En troisième lieu, il est reproché à Mme C... son entrée tardive sur scène, avec un costume dégrafé, lors du final du 2e acte de la Sylphide en décembre 2020. En défense, l’Opéra national de Bordeaux produit, pour en attester, un procès-verbal de constat d’huissier du 15 avril 2022, avec captures d’écran de la vidéo de la représentation, aux termes duquel une danseuse a « deux secondes » de retard sur l’arrivée des autres. Toutefois, il n’est pas établi que Mme C... est la danseuse retardataire et l’Opéra ne justifie, en tout état de cause, que d’un retard, d’une durée de deux secondes, lors d’une entrée sur scène, au cours d’une seule représentation qui s’est tenue, selon la requérante et sans que cela ne soit sérieusement contesté en défense, durant le confinement et sans spectateur. Par ailleurs, l’attestation produite en défense, dont la qualité de son auteur n’est pas précisée et qui est datée du 31 mars 2022, soit près d’un an et demi après les faits, ne saurait davantage établir son insuffisance professionnelle.

11. En quatrième lieu, par un courriel du 23 juin 2022, une artiste invitée a informé le directeur de la danse des difficultés techniques et artistiques rencontrées par Mme C..., dans la réalisation de son rôle lors de la reprise de Blanche-Neige en 2020, cette dernière, qui n’a pas eu de progression, était imprévisible et peu en forme, aux termes de ce courriel. Il ressort des pièces du dossier que le rôle attribué initialement à la requérante dans le ballet Blanche-Neige, était un des trois rôles principaux du ballet. Or, et comme le soutient la requérante, elle relève, d’après l’organigramme produit, du « corps de ballet » et n’est pas « soliste » au sein de l’Opéra national de Bordeaux. Par suite, la circonstance que le troisième rôle du ballet, qui est selon la requérante, et sans que cela ne soit contesté en défense, un rôle de soliste, lui ait été retiré, ne révèle pas son insuffisance professionnelle à exercer ses fonctions de danseuse dans le corps de ballet. A ce titre, si l’article 13 du statut du personnel artistique du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux précise que « les danseurs solistes peuvent être distribués en tant que danseurs du corps de ballet », l’inverse n’est pas prévu. Dans ces circonstances, l’Opéra national de Bordeaux ne saurait utilement soutenir en défense que le rôle de soliste qui lui avait été attribué n’était « pas difficile techniquement ».

12. En dernier lieu, si l’Opéra national de Bordeaux se prévaut d’un courrier d’une régisseuse du 2 juin 2021 faisant état d’une altercation entre la requérante et une autre danseuse, cette attestation ne fait toutefois que relater des échanges entre danseuses, sans qu’ils ne puissent au demeurant être qualifiés d’agression, qui ont eu lieu, en tout état de cause, postérieurement à l’ouverture de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme C... et alors qu’elle était dans l’attente d’une décision la concernant.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu’en licenciant Mme C..., à raison de son insuffisance professionnelle, le président de la régie personnalisée de l’Opéra national de Bordeaux a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation.

14. L’arrêté du 7 juillet 2021 doit, par suite, être annulé.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

15. L’exécution du présent jugement, prononçant l’annulation d’une décision évinçant illégalement un agent public, implique nécessairement outre la réintégration juridique rétroactive de cet agent à la date de la décision d’éviction illégale et la reconstitution de sa carrière ainsi que de ses droits sociaux, sa réintégration effective dans l’emploi qu’il occupait avant son éviction illégale ou dans un emploi équivalent à celui-ci. Il y a lieu d’enjoindre à l’Opéra national de Bordeaux de procéder à cette reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à sa réintégration juridique et effective dans un délai de deux mois, à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les conclusions indemnitaires :

16. L’illégalité entachant la décision licenciant pour insuffisance professionnelle Mme C... constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Opéra national de Bordeaux et présente un lien de causalité avec les préjudices dont Mme C... demande l’indemnisation.

17. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente, compte tenu de l’importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l’encontre de l’intéressé, un lien direct de causalité. Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l’agent a pu se procurer par son travail et des allocations pour perte d’emploi perçus au cours de la période d’éviction ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues à titre d’indemnité de licenciement.

18. En premier lieu, Mme C... a été recrutée par un contrat à durée indéterminée pour occuper des fonctions d’artiste chorégraphique. Son contrat mentionne un traitement mensuel brut de 2 044.89 euros (IB510/IM439) ainsi qu’une prime mensuelle de 79.27 euros et le supplément familial de traitement. Compte tenu de ces éléments de rémunération déterminés par le contrat d’engagement conclu, Mme C... a subi, d’une part, un préjudice à raison de la privation de sa rémunération, à compter du 1er août 2022 jusqu’à la date de sa réintégration effective. Les indemnités de maquillage et de chausson et les feux, fixés par le statut précité, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions et ne sauraient être indemnisées, en application du point précédent. Par ailleurs, il convient de déduire de cette somme, d’une part, les rémunérations que Mme C... a pu percevoir, à compter du 1er août 2022, les indemnités éventuellement perçues d’assurance chômage et les indemnités journalières à raison de ses arrêts de travail et d’autre part, l’indemnité de licenciement de 11 047.26 euros, qui lui a été versée en juillet 2022. D’autre part, il résulte de l’instruction et notamment des fiches de salaire produites que durant l’application du dispositif de reconversion et jusqu’au 31 juillet 2022, Mme C... a continué à percevoir la prime de service et les indemnités de maquillage et de chausson, elle ne peut donc prétendre à leur indemnisation. En l'absence d'éléments précis permettant au juge de fixer le montant de l’indemnité qui lui est due, il y a lieu de renvoyer Mme C... devant le directeur de la régie personnalisée de l’Opéra national de Bordeaux pour que celui-ci liquide et lui verse une indemnité correspondant à la rémunération que l’intéressée aurait dû percevoir pendant cette période selon les modalités ainsi définies.

19. En deuxième lieu, compte tenu du caractère vexatoire du motif de ce licenciement, Mme C... ayant vu ses capacités professionnelles remises en cause et de la dégradation de son état de santé, l’illégalité fautive de ce licenciement lui a causé un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une somme de 3 000 euros.

20. L’Opéra national de Bordeaux est condamné à verser à Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi qu’une indemnité au titre de son préjudice professionnel, correspondant à la rémunération qu’elle aurait dû percevoir selon les modalités définies précédemment.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

21. Les indemnités précitées sont dues avec intérêt au taux légal à compter du 12 juillet 2021, date de réception par l’Opéra national de Bordeaux, de la réclamation préalable indemnitaire de Mme C....

22 La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d’une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée, dans la requête, enregistrée le 10 novembre 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 12 juillet 2022, date à laquelle est due, pour la première fois, une année d’intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C..., qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à l’Opéra national de Bordeaux une somme au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Opéra national de Bordeaux une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions dirigées contre la décision du 11 mai 2021 sont irrecevables.

Article 2 : L’arrêté du 7 juillet 2021 licenciant Mme C... pour insuffisance professionnelle à compter du 1er août 2022, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à l’Opéra national de Bordeaux de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme C... et de ses droits sociaux et à sa réintégration juridique et effective dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 4: L’Opéra national de Bordeaux est condamné à verser une indemnité correspondant à la rémunération que l’intéressée aurait dû percevoir selon les modalités définies au point 18 du présent jugement, à laquelle s’ajoute une somme de 3 000 (trois mille) euros au titre du préjudice moral de Mme C.... Ces indemnités sont dues avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021, date de réception de sa réclamation préalable par l’Opéra national de Bordeaux. Les intérêts seront capitalisés à compter du 12 juillet 2022 date à laquelle est due, pour la première fois, une année d’intérêts, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 5 : L’Opéra national de Bordeaux versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme C... est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par l’Opéra national de Bordeaux sont rejetées.

Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... C... et à l’Opéra national de Bordeaux.