Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2019 et 20 mai 2021, la société « Cdiscount », représentée par la SELAS Exeme Action, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision du 20 juin 2019 par laquelle le préfet de la Gironde lui a fait injonction de procéder, dans un délai de trente jours, à la mise en conformité de son site internet en fournissant au consommateur les informations précontractuelles prévues par l’article L. 221-5 du code de la consommation, ensemble la décision de rejet de son recours hiérarchique du 14 octobre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l’État une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n’est pas justifié de la compétence du signataire de l’acte ;

- le délai de quinze jours qui lui a été accordé était trop bref pour lui permettre de présenter utilement ses observations ; - le principe du contradictoire a été méconnu ;

- aucun procès-verbal de manquement n’a été établi par l’administration ;

- les informations précontractuelles sont communiquées au consommateur conformément aux dispositions de l’article L. 221-5 du code de la consommation et de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs et la décision contestée est ainsi entachée d’erreur de droit.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 novembre 2020 et 19 novembre 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Cdiscount ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Par ordonnance du 10 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2021.

Vu

- la décision n° C-49/11 du 5 juillet 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ;

- le code de la consommation ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Elouafi,

- les conclusions de M. Willem, rapporteur public,

- et les observations de Me Fourgoux, représentant la société Cdiscount, et de M. A..., représentant la préfète de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. La société « Cdiscount », dont le siège social est situé à Bordeaux, exploite une plateforme de vente en ligne de produits de consommation et services. Par une décision du 20 juin 2019 le préfet de la Gironde lui a fait injonction de procéder, dans un délai de trente jours, à la mise en conformité de son site internet en fournissant de manière automatique au consommateur les informations précontractuelles prévues par l’article L. 221-5 du code de la consommation. Par la présente requête, la société « Cdiscount » demande au tribunal l’annulation de cette décision, ensemble la décision de rejet de son recours hiérarchique du 14 octobre 2019.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 221-5 du code de la consommation : « Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : / 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ; / 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d’État ; / 3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ; / 4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ; / 5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ; / 6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État. / Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l’article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire ». D’autre part, aux termes de l’article L. 221-11 du même code : « Lorsque le contrat est conclu à distance, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l'article L. 221-5 ou les met à sa disposition par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée. ».

3. Ces dispositions du code de la consommation assurent la transposition de l’article 6 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs. Cet article, qui liste les obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement, prévoit ainsi que : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes : (…). ». Elles assurent également la transposition de l’article 8 de cette même directive, qui prévoit que « 1. En ce qui concerne les contrats à distance, le professionnel fournit au consommateur les informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, ou met ces informations à sa disposition sous une forme adaptée à la technique de communication à distance utilisée dans un langage clair et compréhensible. (…). / 2. Si un contrat à distance devant être conclu par voie électronique oblige le consommateur à payer, le professionnel informe le consommateur d’une manière claire et apparente, et directement avant que le consommateur ne passe sa commande, des informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, points a), e), o) et p). (…). / 4. Si le contrat est conclu selon une technique de communication à distance qui impose des contraintes d’espace ou de temps pour la présentation des informations, le professionnel fournit, sur la technique en question et avant la conclusion du contrat, au minimum les informations précontractuelles concernant les principales caractéristiques des biens ou des services, l’identité du professionnel, le prix total, le droit de rétractation, la durée du contrat et, dans le cas des contrats à durée indéterminée, les modalités pour mettre fin au contrat, telles qu’énoncées à l’article 6, paragraphe 1, points a), b), e), h) et o). Le professionnel fournit au consommateur les autres informations visées à l’article 6, paragraphe 1, sous une forme adaptée conformément au paragraphe 1 du présent article. (…). ».

4. Il résulte de ces dispositions que l’obligation de communication des informations précontractuelles au consommateur doit être regardée comme remplie dès lors que ces informations sont, soit, fournies, c’est-à-dire apparaissant sans nécessité d’action particulière à effectuer par le destinataire, soit mises à disposition sous une forme adaptée à la technique de communication à distance utilisée, pour autant que le contenu fourni ou mis à disposition soit clair, lisible et compréhensible.

5. En l’espèce, en ce qu’elle exige que la société « Cdiscount » fournisse au consommateur les informations précontractuelles prévues par l’article L. 221-5 du code de la consommation « de manière à ce qu’elles lui soient présentées automatiquement, c’est-à-dire sans nécessité d’une action de sa part », et ce sans analyser si le fait de mettre à disposition ces informations par un hyperlien pouvait être regardé comme un moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée au sens de l’article L. 221-11 du code de la consommation et de l’article 8, paragraphe 1 de la directive du 25 octobre 2011, qui permet un accès aux informations dans un langage clair et compréhensible, l’administration a entaché la décision attaquée d’une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 20 juin 2019 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de la Gironde a fait injonction à la société Cdiscount de procéder à la mise en conformité de son site internet en fournissant au consommateur les informations précontractuelles prévues par l’article L. 221-5 du code de la consommation, ensemble la décision de rejet de son recours hiérarchique du 14 octobre 2019, doivent être annulées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Cdiscount et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 20 juin 2019 du préfet de la Gironde, ensemble la décision de rejet du ministre de l'économie, des finances et de la relance 14 octobre 2019 sont annulées.

Article 2 : L’État versera à la société « Cdiscount » une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société « Cdiscount » et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie-en sera adressée à la préfète de la Gironde.