Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 11 août 2017, la commune de Villenave d'Ornon demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de la Gironde a fixé le montant du prélèvement prévu à l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation au titre de l’année 2017 et la décision du 23 juin 2017 de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l’habitation ;

- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Dufour,

- les conclusions de M. Béroujon, rapporteur public,

- et les observations de Mme A..., représentant la commune de Villenave d’Ornon.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à la citoyenneté et l’égalité : « I.- Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à (…) 3 500 habitants (…) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération (…) de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales (…) Les résidences principales retenues pour l'application du présent article sont celles qui figurent au rôle établi pour la perception de la taxe d'habitation » et aux termes de l’article L. 302-7 de ce code : « Il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5, à l'exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue par l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales lorsque le nombre des logements sociaux y excède 20 % des résidences principales (…) A compter du 1er janvier 2015, toute commune soumise pour la première fois à l'application des I ou II de l'article L. 302-5 est exonérée de ce prélèvement pendant les trois premières années / Ce prélèvement est fixé à 25 % du potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334 4 du code général des collectivités territoriales (…) Le prélèvement est diminué du montant des dépenses exposées par la commune (…) pendant le pénultième exercice (…) des moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains ou de biens immobiliers donnant lieu à la réalisation effective de logements sociaux et leur valeur vénale estimée par le service des domaines. (…) / Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ces dépenses sont déductibles les années suivantes au prorata du nombre de logements locatifs sociaux qu'elles permettent de réaliser au regard des obligations triennales définies à l'article L. 302-8. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des dépenses déductibles et les modalités de déclarations de ces dépenses par les communes », enfin aux termes de l’article R. 302-17 : « Les communes concernées par le prélèvement prévu à l'article L. 302-5 du présent code adressent chaque année au préfet, au plus tard le 31 octobre, un état, certifié conforme par l'ordonnateur, des dépenses et moins-values, déductibles dans les conditions fixées à l'article R. 302-16, qu'elles ont effectivement supportées au titre de l'exercice précédent ».

2. La commune de Villenave d’Ornon demande au tribunal l’annulation de l’arrêté du 1er mars 2017 du préfet de la Gironde fixant, en application de ces dispositions, le montant du prélèvement effectué sur ses ressources fiscales, pour l’année 2017, à la somme de 215 756,23 euros et de la décision du 23 juin 2017 rejetant son recours gracieux.

3. En premier lieu, la décision prise sur recours gracieux ne se substitue pas à l’arrêté initial. Par suite, s’il appartient au juge administratif, saisi d’un recours contre ces deux décisions, d’annuler, le cas échéant, celle prise sur recours gracieux par voie de conséquence de l’annulation de l’arrêté initial, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision prise sur recours gracieux ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre la décision initiale. Par suite, les moyens tirés de l’incompétence du signataire et de l’insuffisance de motivation de la décision de rejet du recours gracieux du 23 juin 2017 sont inopérants.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article 99 de la loi du 27 janvier 2017 relative à la citoyenneté et à l’égalité : « II.-L'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable, à compter du 1er janvier 2017, aux communes soumises à l'article L. 302-5 du même code ». Il résulte de ces dispositions que cette nouvelle rédaction est applicable aux prélèvements effectués en 2017. Ainsi, d’une part, le préfet n’a pas méconnu le principe général du droit de non-rétroactivité des actes administratifs. D’autre part, si la commune entend soulever le moyen tiré de la méconnaissance du principe à valeur constitutionnelle de non-rétroactivité de la loi, un tel moyen n’est recevable que dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par mémoire distinct en application de l’article R. 771-3 du code de justice administrative.

5. En troisième lieu, si les dispositions de l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation exonèrent de prélèvement les communes bénéficiant, dans l’année du prélèvement, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et dont le nombre de logements sociaux excède 15 % puis, à compter du 1er janvier 2017, 20 % des résidences principales, la commune de Villenave d’Ornon, qui ne bénéficie plus, en 2017, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, n’entre pas dans le champ de ces dispositions.

6. En quatrième lieu, la commune de Villenave d’Ornon avait, depuis plus de trois ans au 1er janvier 2017, une population de plus de 3 500 habitants, était comprise dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et le nombre total de logements locatifs sociaux sur son territoire représentait moins de 25 % des résidences principales. Ainsi, elle entrait dans le champ du I de l’article L. 302-5 et elle était soumise au prélèvement sur ses ressources fiscales. Toutefois, bénéficiant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et ayant un nombre de logements sociaux excédant 15 % des résidences principales, elle avait été exonérée, jusqu’au 31 décembre 2016, du prélèvement comme le prévoit l’article L. 302-7. Par suite, elle ne peut invoquer les dispositions de cet article prévoyant une exonération pour toute commune soumise pour la première fois à l'application des I ou II de l'article L. 302-5.

7. En cinquième lieu, selon les dispositions précitées de l’article L. 302-7, le prélèvement est basé sur le potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales et qui comprend la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Par suite, la commune de Villenave d’Ornon ne peut utilement soutenir que cette cotisation devrait être exclue du calcul du prélèvement au motif qu’elle ne la perçoit pas.

8. En sixième lieu, il résulte de l’instruction que la commune de Villenave d’Ornon a cédé en 2014, pour la réalisation de quatre logements sociaux, une parcelle évaluée 152 000 euros par le service des domaines au prix de 50 000 euros Mais elle n’avait pas adressé d’état de dépenses en 2015 ni signalé de dépense déductible en 2016. Le préfet de la Gironde n’ayant pas ces informations ne pouvait les prendre en compte pour le calcul du prélèvement de l’année 2017. Elles l’ont, au demeurant, été pour l’année 2018.

9. En septième lieu, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 302-5 que le nombre de résidences principales à prendre en compte est celui du rôle établi pour la perception de la taxe d’habitation. Le préfet ne pouvait donc pas écarter ce rôle, même s’il comportait des erreurs, et retenir le nombre de résidences du répertoire d’immeubles localisés tenu par l’INSEE comme le soutient la commune.

10. En dernier lieu, la procédure de fixation du montant du prélèvement institué par les dispositions de l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation est indépendante de la procédure de carence, prévue à l’article L. 302-9-1-1 de ce même code, dans la réalisation de ses objectifs triennaux. La commune de Villenave d’Ornon ne peut ainsi utilement se prévaloir de ses résultats en la matière.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la commune de Villenave d’Ornon doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Villenave d'Ornon est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Villenave d'Ornon et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.