Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2016, et un mémoire, enregistré le 10 août 2017, la SAS Severini Pierres et Loisirs, société par actions simplifiée, représentée par la SCP Cornille-Pouyanne, demande au tribunal :

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du 5 octobre 2016 par lequel le maire de Saint-Médard-en-Jalles a refusé la prorogation du permis de construire délivré le 20 avril 2012 pour la réalisation de quatre bâtiments comprenant 69 logements sur un terrain situé allée du Pont de la Pierre ;

2°) d’enjoindre au maire de Saint-Médard-en-Jalles de réexaminer sa demande de prorogation dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Médard-en-Jalles la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 5 juillet 2017, deux mémoires en défense, enregistrés le 25 juillet 2017 et le 10 octobre 2017, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 13 octobre 2017, la commune de Saint-Médard-en-Jalles, représentée par Me Pagnoux, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 € soit mise à la charge de la SAS Severini Pierres et Loisirs au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 16 octobre 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au 20 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Naud, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public ;

- les observations de Me Baudorre, pour la SAS Severini Pierres et Loisirs ;

- les observations de Me Pagnoux, pour la commune de Saint-Médard-en-Jalles.

1. Considérant que par arrêté du 20 avril 2012, le maire de Saint-Médard-en-Jalles a délivré à la SAS Severini Pierres et Loisirs un permis de construire pour la réalisation de quatre bâtiments comprenant 69 logements d’une surface hors œuvre nette totale de 4 209,2 m2 sur un terrain situé allée du Pont de la Pierre ; que par arrêté du 22 janvier 2013, le permis de construire a été partiellement transféré à l’Office public de l’habitat (OPH) Gironde Habitat pour le lot n° 2 qui correspond au bâtiment D comprenant 20 logements ; que le 23 janvier 2014, la SAS Severini Pierres et Loisirs a demandé la prorogation du permis de construire ; que par arrêté du 17 mars 2014, le maire de Saint-Médard-en-Jalles a refusé de faire droit à cette demande ; que par jugement n° 1403785 du 6 juin 2016 devenu définitif, le tribunal a annulé cet arrêté du 17 mars 2014 et la décision rejetant le recours gracieux formé par l’intéressée et a enjoint au maire de réexaminer la demande de prorogation dans un délai de trois mois ; qu’après confirmation de sa demande par la SAS Severini Pierres et Loisirs, le maire a de nouveau refusé de proroger le permis de construire, par arrêté du 5 octobre 2016 ; que la SAS Severini Pierres et Loisirs demande l’annulation de ce dernier arrêté ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 424 21 du code de l’urbanisme alors applicable : « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé pour une année, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité administrative, saisie d’une demande de prorogation d’un permis de construire par une personne ayant qualité pour présenter une telle demande, ne peut refuser d’y faire droit que si les règles d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres s’imposant au projet ont été modifiées, postérieurement à la délivrance du permis de construire, dans un sens qui lui est défavorable ; qu’elle ne peut fonder un refus de prorogation sur une évolution des autres éléments de droit ou circonstances de fait, postérieure à la délivrance de l’autorisation ;

4. Considérant que pour refuser de faire droit à la demande de la SAS Severini Pierres et Loisirs de prorogation du permis de construire délivré le 20 avril 2012, le maire de Saint-Médard-en-Jalles s’est fondé sur un « changement de circonstances de fait » ; que, toutefois, seule une modification des règles d’urbanisme et des servitudes administratives de tous ordres s’imposant au projet, postérieure à la délivrance du permis de construire et dans un sens défavorable, peut fonder un refus de prorogation ; que tel n’est pas le cas de la circonstance que le permis de construire, dans sa partie transférée à l’OPH Gironde Habitat, serait devenu caduc ; que, dès lors, le maire de Saint-Médard-en-Jalles a commis une erreur de droit en retenant ce motif ;

5. Considérant que s’agissant de la demande de prorogation du permis de construire en tant qu’elle porte sur la partie transférée à l’OPH Gironde Habitat, le maire ne pouvait pas non plus se fonder sur le transfert partiel du permis, qui ne constitue d’ailleurs pas une modification des règles d’urbanisme et des servitudes administratives de tous ordres s’imposant au projet ; qu’en effet, la SAS Severini Pierres et Loisirs avait qualité pour présenter la demande de prorogation, dans la mesure, d’une part, où le transfert partiel du permis n’a pas eu pour effet de faire naître deux permis distincts et, d’autre part, où la conformité du permis dans son ensemble dépendait de la réalisation de logements sociaux qui sont prévus dans la partie transférée ;

6. Considérant que, pour l’application de l’article L. 600 4 1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est susceptible de fonder l’annulation de la décision attaquée ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SAS Severini Pierres et Loisirs est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 5 octobre 2016 par lequel le maire de Saint-Médard-en-Jalles a refusé de faire droit à sa demande de prorogation ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911 2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; qu’aux termes de l’article L. 600 2 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire » ;

9. Considérant que l’exécution du présent jugement implique que la demande de la SAS Severini Pierres et Loisirs soit réexaminée, dans le respect des dispositions de l’article L. 600 2 du code de l’urbanisme ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre au maire de Saint-Médard-en-Jalles, qui demeure saisi de la demande de prorogation ayant donné lieu à la décision annulée, d’instruire à nouveau la demande du pétitionnaire et de prendre une nouvelle décision, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Severini Pierres et Loisirs, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Saint-Médard-en-Jalles demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saint-Médard-en-Jalles la somme de 1 200 € au profit de la SAS Severini Pierres et Loisirs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’arrêté du 5 octobre 2016 par lequel le maire de Saint-Médard-en-Jalles a refusé de faire droit à la demande de la SAS Severini Pierres et Loisirs de prorogation du permis de construire délivré le 20 avril 2012 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Saint-Médard-en-Jalles d’instruire à nouveau la demande de prorogation de la SAS Severini Pierres et Loisirs et de prendre une nouvelle décision, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : La commune de Saint-Médard-en-Jalles versera à la SAS Severini Pierres et Loisirs la somme de 1 200 € en application des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Médard-en-Jalles au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Severini Pierres et Loisirs, à la commune de Saint-Médard-en-Jalles et à l’OPH Gironde Habitat. Copie en sera adressée à Bordeaux métropole.