Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, des pièces complémentaires, enregistrées le 12 janvier 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 janvier 2016, Mme A... C...épouse G..., Mme S...C...épouse P..., Mme J...C...épouse F..., Mme K...E...épouse Q...et M. R...M..., représentés par la SCP Cornille-Pouyanne, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 7 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a déclaré cessibles, au profit du syndicat mixte de la grande dune du Pilat, les parcelles et droits réels concernant l’aire d’accueil de la dune du Pilat sur le territoire de la commune de La Teste de Buch ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Gironde de leur communiquer les baux conclus sur les parcelles en litige ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un mémoire, enregistré le 9 mai 2016, le syndicat mixte de la grande dune du Pilat, représenté par le cabinet Coudrey, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

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Un mémoire, enregistré le 8 décembre 2016, présenté pour le syndicat mixte de la grande dune du Pilat, qui confirme ses précédentes écritures, n’a pas été communiqué.

Un mémoire, enregistré le 26 janvier 2017, présenté pour les requérants, qui confirment leurs précédentes écritures, n’a pas été communiqué.

La clôture de l’instruction a été reportée au 27 janvier 2017 par ordonnance du 17 janvier 2017.

La requête a été communiquée à l’ensemble des preneurs à baux emphytéotiques qui n’ont pas produit d’observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code de l’environnement ; - le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Roussel, conseiller, - les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public, - les observations de Me Manetti pour les requérants, - et les observations de Me Thomé pour le syndicat mixte de la grande dune du Pilat.

1. Considérant que, par arrêté du 25 avril 2014, le préfet de la Gironde a déclaré d’utilité publique, au profit du syndicat mixte de la grande dune du Pilat, l’acquisition des parcelles constituant le terrain d’assiette de l’espace d’accueil de la dune du Pilat, sur le territoire de la commune de La Teste de Buch, comportant, sur une superficie de 9 hectares 24 ares et 81 centiares, un parc de stationnement, un village de cabanes accueillant commerces et services par le biais de baux emphytéotiques conclus avec le syndicat mixte, un espace d’information touristique et un chemin d’accès à la dune ; que les requérants demandent dans la présente instance l’annulation de l’arrêté du 7 septembre 2015 par lequel le préfet a déclaré cessibles les parcelles et droits réels immobiliers concernés ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne les vices propres de l’arrêté de cessibilité :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 132-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, reprenant les dispositions de l’ancien article R. 11-28 du même code : « Au vu du procès-verbal prévu à l'article R. 131-9 et des documents qui y sont annexés, le préfet du département où sont situées les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire les déclare cessibles, par arrêté » ;

3. Considérant que le préfet de la Gironde a, par arrêté du 2 avril 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs des services de l’État en Gironde, donné délégation à M. Jean-Michel Bedecarrax, secrétaire général de la préfecture et signataire de l’arrêté attaqué, à l’effet de signer tous actes relevant des attributions de l’État dans le département ; que si ce même arrêté prévoit des exceptions à cette délégation, les décisions contenues dans l’arrêté attaqué n’en font pas partie ; que, dès lors, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté manque en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 11-19 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, applicable en l’espèce : « L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à enquête dans chacune des communes où sont situés les immeubles à exproprier : / 1° Un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments ; / 2° La liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens » ; qu’aux termes de l’article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime : « Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque (…) » ;

5. Considérant, d’une part, qu’il ressort de l’ensemble des pièces du dossier, et notamment du plan parcellaire exigé par les dispositions précitées et annexé à l’arrêté attaqué, qu’il n’existe aucune ambigüité quant aux terrains et bâtiments concernés par la procédure d’expropriation en litige ; qu’en particulier, la circonstance que la terrasse du commerçant, titulaire d’un bail emphytéotique, installé sur la parcelle cadastrée CE 136 dépasserait sur la parcelle cadastrée CE 127, qui appartient également aux requérants, n’a pas pour effet d’inclure cette dernière dans la procédure en litige ; qu’en outre, aucune disposition n’impose que le plan parcellaire prévu par les dispositions précitées de l’article R. 11-19 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique contienne des indications sur la nature et la contenance des bâtiments implantés sur les parcelles concernées ;

6. Considérant, d’autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les titulaires de droits réels immobiliers existant sur un immeuble à exproprier doivent figurer sur l'arrêté de cessibilité ; qu’ainsi, les preneurs de baux emphytéotiques sur les parcelles concernées n’avait pas à figurer dans la liste prévue par les dispositions précitées de l’article R. 11-19 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 11-22 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, applicable en l’espèce : « Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l'article R. 11-19 lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics ; en cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une et, le cas échéant, aux locataires et preneurs à bail rural » ;

8. Considérant que, eu égard à ce qui a été dit au point 6, les preneurs de baux emphytéotiques n’avaient pas à être rendus destinataires de l’avis du dépôt du dossier d'enquête parcellaire en mairie ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article R. 11-26 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, applicable en l’espèce : « Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet le dossier, selon le lieu de l'enquête, soit au préfet, soit au sous-préfet qui émet un avis et transmet le dossier au préfet » ;

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le sous-préfet d’Arcachon a émis un avis favorable après l’enquête et l’a transmis au préfet ; que, dès lors, et en tout état de cause, le moyen manque en fait ;

11. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article L. 11-8 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, figurant désormais à l’article L. 132-1 du même code : « Le préfet détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier si cette liste ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique (…) » ;

12. Considérant qu’il est constant que l’arrêté attaqué comporte en annexe la liste des parcelles et des baux emphytéotiques concernés ; qu’aucune disposition n’imposait qu’il contînt également une liste des constructions existantes ;

En ce qui concerne la légalité de la déclaration d’utilité publique :

13. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, applicable en l’espèce, repris désormais à l’article R. 112-5 du même code : « L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : (…) / II.-Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi : (…) 4° L'estimation sommaire des acquisitions à réaliser (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 1211-9 du code général de la propriété des personnes publiques : « La consultation du directeur départemental des finances publiques préalable aux acquisitions immobilières poursuivies par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics a lieu dans les conditions fixées aux articles R. 1311-3, R. 1311-4 et R. 1311-5 du code général des collectivités territoriales » ; qu’aux termes de l’article R. 1311-5 du code général des collectivités territoriales : « Dans le cas des acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, les dispositions de l'article R. 1211-3 du code général de la propriété des personnes publiques sont applicables » ; qu’aux termes de l’article R. 1211-3 du code général de la propriété des personnes publiques : « En cas d'acquisition poursuivie par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'expropriant est tenu de demander l'avis du directeur départemental des finances publiques : / 1° Pour produire, au dossier de l'enquête mentionnée à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'estimation sommaire et globale des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation des opérations prévues au I et au II de l'article R. 11-3 du même code (…) » ;

14. Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental des finances publiques a rendu son avis sur l’évaluation de la valeur des biens en cause le 24 avril 2013 ; que si l’article R. 11‑3 précité prévoit que le dossier soumis à l’enquête comporte une appréciation sommaire des dépenses, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que ce dossier d’enquête comprenne le détail des éléments retenus pour aboutir à l’appréciation sommaire ni n’oblige l’administration à annexer au dossier l’avis du service des domaines ;

15. Considérant, d’autre part, qu’en l’espèce, l’appréciation sommaire des dépenses figurant au dossier a permis au public de connaître le coût réel de l’opération tel qu’il pouvait être raisonnablement estimé à la date de l’enquête ; que la circonstance que l’estimation sommaire figurant au dossier précise que la conclusion d’accords permettant un maintien dans les lieux des occupants sera recherchée et induirait une diminution du coût de l’opération n’est pas de nature à faire regarder le dossier soumis à enquête comme ne répondant pas aux exigences de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

16. Considérant, enfin, que si les requérants soutiennent que l’estimation sommaire des acquisitions à réaliser figurant au dossier soumis à enquête publique est manifestement sous-évaluée, ils ne produisent toutefois aucun élément de nature à l’établir ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, applicable en l’espèce : « En ce qui concerne les projets mentionnés au II de l'article L. 11-1 « travaux, d'aménagements, de con..., la déclaration de projet prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public. Elle intervient selon les modalités et dans les conditions suivantes : / 1. Si l'expropriation est poursuivie au profit d'une collectivité territoriale ou d'un de ses établissements publics, l'autorité compétente de l'État demande, au terme de l'enquête publique, à la collectivité ou à l'établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l'intérêt général du projet dans les conditions prévues à l'article L. 126-1 du code de l'environnement. Après transmission de la déclaration de projet ou à l'expiration du délai imparti à la collectivité ou à l'établissement intéressé, l'autorité de l'État compétente décide de la déclaration d'utilité publique. / Lorsque l'opération est déclarée d'utilité publique, la légalité de la déclaration de projet mentionnée à l'alinéa précédent ne peut être contestée que par voie d'exception à l'occasion d'un recours dirigé contre la déclaration d'utilité publique. Les vices qui affecteraient la légalité externe de cette déclaration sont sans incidence sur la légalité de la déclaration d'utilité publique (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 126-1 du code de l’environnement : « Lorsqu'un projet public de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages a fait l'objet d'une enquête publique en application du chapitre III du présent titre, l'autorité de l'État ou l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public responsable du projet se prononce, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général de l'opération projetée (…) » ;

18. Considérant que l’opération d’acquisition foncière en cause, menée par le syndicat mixte de la grande dune du Pilat, conformément à sa mission, consiste à garantir le maintien de l’ouverture du site au public tout en le protégeant et n’appartient pas ainsi à la catégorie des opérations susceptibles d’affecter l’environnement visées par les dispositions précitées de l’article L. 11-1-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le syndicat mixte aurait dû se prononcer sur l’intérêt général du projet conformément à l’article L. 126-1 du code de l’environnement doit être écarté ;

19. Considérant, en troisième lieu, qu’il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

20. Considérant, d’une part, que si les requérants soutiennent que la procédure d’expropriation en litige a pour seul but de permettre au syndicat mixte de se soustraire aux stipulations contractuelles organisant la fin du bail emphytéotique le liant à eux, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de la notice explicative du dossier soumis à enquête publique, que cette opération, menée parallèlement à l’appropriation par le conservatoire du Littoral des espaces naturels constitutifs de la grande dune, a pour objet de garantir le maintien de l’ouverture au public du site, de valoriser celui-ci sur le plan culturel et scientifique, de le protéger et d’en maintenir l’esprit naturel et sauvage ; qu’elle présente donc un caractère d’intérêt général ;

21. Considérant, d’autre part, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la reconduction du bail emphytéotique les liant au syndicat mixte ne permettrait pas audit syndicat d’assurer une gestion pérenne du site et son ouverture au public dans des conditions semblables à celles résultant d’une appropriation publique ; que les requérants ne démontrent pas ainsi l’absence de nécessité de l’expropriation en cause ;

22. Considérant, enfin, qu’en se bornant à soutenir que l’expropriation en litige va les priver de leur droit de propriété sur les parcelles en cause et va porter atteinte au principe de liberté de commerce et d’industrie, alors pourtant que le projet prévoit le maintien sur les lieux des commerces et services existants, les requérants n’établissent pas que les inconvénients de l’opération seraient excessifs au regard de l’intérêt, rappelé au point 20, qu’elle présente ;

23. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme C...épouse G...et les autres requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, et en tout état de cause, leurs conclusions à fin d’injonction ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que les dispositions l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire des requérants une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par le syndicat mixte de la grande dune du Pilat et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...épouse G...et autres est rejetée.

Article 2 : Les requérants verseront solidairement au syndicat mixte de la grande dune du Pilat une somme globale de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A...C...épouse G..., à Mme S...C...épouse P..., à Mme J...C...épouse F..., à Mme K...E...épouse Q..., à M. R...M..., au syndicat mixte de la grande dune du Pilat, au ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, à M. L..., à la Société V2R, à Mme I..., à Mme B..., à la société La dune aux trésors, à Mme N..., à SARL Dune West, à la société L’oasis de la dune et à M. H.... Copie sera transmise au préfet de la Gironde.