Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 19 avril 2013, complétée par un mémoire enregistré le 17 juillet 2014, la société A… et la SCI B…., représentées par la SCP Cornille-Pouyanne, avocat au barreau de Bordeaux, demande au tribunal :

1°) d’annuler la délibération du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, du 15 novembre 2012 décidant du principe de la résolution du contrat de vente passé entre celle-ci et la SCI B… le 3 septembre 2002 et d’autoriser le président de la communauté urbaine à signer l’acte authentique portant résolution du contrat ;

2°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Bordeaux les dépens de l’instance en ce compris la contribution pour l’aide juridique ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

-la décision attaquée méconnaît les articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales ; -la décision attaquée méconnaît l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; -la décision attaquée méconnaît l’article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales ; -le cahier des charges de cession des lots sur le fondement duquel la décision attaquée résout le contrat de vente est inapplicable à celui-ci ; -la décision attaquée procède d’une erreur de fait, la SCI B… ayant respecté le cahier des charges de cession des lots.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2014, complété par un mémoire enregistré le 4 février 2015, Bordeaux Métropole conclut, à titre principal, à l’incompétence de la juridiction administrative pour juger la requête, à titre subsidiaire, au rejet au fond de celle-ci, en tout état de cause, à la mise à la charge des requérantes du versement d’une somme de 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient à titre principal, que la juridiction administrative est incompétente pour connaître d’un litige se rapportant à l’exécution d’un contrat de droit privé, et, à titre subsidiaire, que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par lettre du 10 juillet 2015, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité de conclusions en annulation d’une mesure d’exécution du contrat.

Un mémoire en réponse au moyen d’ordre public présenté pour les requérantes a été enregistré le 23 juillet 2015.

Par ordonnance du 5 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : - le code civil ; - le code des marchés publics ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Béroujon, premier conseiller, - les conclusions de M. Basset, rapporteur public, - et les observations de Me C..., avocat des sociétés A…. et B…, et de Mme A...représentant mandaté de Bordeaux Métropole.

Une note en délibéré présentée pour les sociétés A… et B… a été enregistrée le 10 septembre 2015.

1. Considérant que par acte notarié signé les 30 juillet et 3 septembre 2002, la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, a cédé à la société civile immobilière (SCI) B… une parcelle de terrain à bâtir de 3 352 m² située sur la commune de Cenon et formant le lot n° 6 du lotissement Jean Zay autorisé par un arrêté du 26 novembre 1997 du maire de cette commune ; que la SCI B…. a autorisé la société A… à occuper ce terrain pour y exercer son activité professionnelle ; que le 15 novembre 2012, la communauté urbaine de Bordeaux a décidé de procéder à la résolution de ce contrat de vente et d’autoriser le président de la communauté urbaine à signer l’acte authentique portant résolution du contrat ; que la société A… et la SCI B… demandent l’annulation de cette délibération ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant que la cession par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale de biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé ; que toutefois, l'existence dans la convention de clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, lui confère un caractère administratif ;

3. Considérant qu’aux termes du paragraphe « Communication et remise de documents » figurant à la page 5 de l’acte notarié signé les 30 juillet et 3 septembre 2002 : « L’acquéreur reconnaît : que des copies conformes aux originaux de l’arrêté de lotir, du cahier des charges et du règlement de lotissement qui régissent le lotissement dont fait partie intégrante la parcelle de terrain présentement vendue lui ont été remises (…) » ; qu’aux termes du paragraphe « Conditions particulières du lotissement » figurant à la page 11 de cet acte notarié : « (…) Conditions particulières du lotissement. La présente vente a lieu sous les charges et conditions résultant de l’arrêté de lotir et du cahier des charges de la cession des lots (…) une copie de ces documents est demeurée annexée aux présentes et fait partie intégrante du présent acte, tous documents dont l’acquéreur reconnaît avoir eu pleine et compréhensible connaissance (…) » ; qu’en vertu de l’article 1er du cahier des charges de cession des lots qui a pour objet de fixer les règles de caractère privé du lotissement d’activités diverses Jean Zay 2 C, qui fixe certaines des obligations de l’acquéreur et de Bordeaux Métropole et qui revêt un caractère contractuel par le renvoi des pages 5 et 11 de l’acte notarié signé les 30 juillet et 3 septembre 2002 : « L’acquéreur est tenu de (…) - se conformer au plan d’occupation des sols (POS) et de n’apporter ultérieurement aucune modification, sauf autorisation de la communauté urbaine ou des services publics auxquels la voirie, les réseaux, les équipements auront été remis en fin de travaux (…) – autoriser le libre accès aux représentants qualifiés des administrations de contrôle et de la communauté urbaine (…) » ; que l’article 2 de ce cahier des charges institue une clause résolutoire au bénéfice de Bordeaux Métropole en lui conférant un droit de résolution unilatérale du contrat si la SCI B… ne respecte pas l’un des trois délais prévus à l’article 1er pour déposer un permis de construire, pour obtenir un permis de construire, et pour terminer les travaux prévus ; qu’aux termes de l’article 3 de ce cahier des charges : « Toute vente, location ou modification de l’affectation prévue, qu’elle soit totale ou partielle, qu’elle porte sur des terrains à bâtir ou non bâtis, devra recevoir l’accord préalable et exprès de la communauté urbaine. De même, tout morcellement du lot cédé, quelle qu’en soit la cause, est interdit, sauf à solliciter l’autorisation spéciale et expresse de la communauté urbaine. Cette dernière pourra exiger soit que l’immeuble considéré lui soit rétrocédé, soit qu’il soit vendu à un acquéreur agréé ou désigné par elle (…) » ; qu’aux termes de l’article 4 de ce cahier des charges : « Après achèvement des travaux, l’acquéreur ne pourra pas modifier l’affectation des bâtiments sans en avoir avisé la communauté urbaine au moins deux mois à l’avance. Lorsque les bâtiments édifiés seront affectés à un usage locatif, l’acquéreur sera tenu de demander à la communauté urbaine l’agrément du futur locataire dont l’activité devra être compatible avec la nature des implantations prévues dans le lotissement. Il soumettra, en outre, à la communauté urbaine, le projet de bail comportant, notamment, le présent cahier des charges (…) » ;

4. Considérant que les stipulations précitées du cahier des charges, qui posent différentes limites à l’utilisation de la parcelle cédée, organisent, au bénéfice de la communauté urbaine, des droits de contrôle de l’utilisation de la parcelle, de visite de celle-ci, d’opposition à certaines modifications, d’agrément, et de résolution unilatérale du contrat, revêtent un caractère exorbitant du droit commun ; que dès lors, elles confèrent au contrat qui s’y réfère, un caractère administratif ; que par suite, l’exception d’incompétence de la juridiction administrative soulevée par Bordeaux Métropole doit être écartée ;

Sur la recevabilité :

5. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que si, à la différence d’une mesure de résiliation, une mesure de résolution a pour effet d’anéantir rétroactivement le contrat, en revanche, à l’instar de la résiliation, la résolution sanctionne seulement l’inexécution du contrat, valablement conclu, par l’une des parties et non un vice au stade de sa formation, et laisse ainsi applicables les clauses relatives à la cessation du contrat ; que la résolution doit donc être regardée comme une mesure d’exécution du contrat dont la validité peut être contestée devant le juge administratif dans le cadre d’un recours en reprise des relations contractuelles ; que dès lors qu’une partie à un contrat administratif dispose du recours ci-dessus défini, elle n’est pas recevable à demander l’annulation d’une mesure d’exécution du contrat ;

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société A… et la SCI B… ont seulement présenté devant le tribunal administratif des conclusions à fin d’annulation de la délibération du 15 novembre 2012 actant le principe de la résolution de la cession intervenue le 3 septembre 2002 et autorisant le président de la communauté urbaine à signer l’acte authentique portant cette résolution ; que cette délibération constitue une mesure d’exécution non détachable du contrat ; que suite à l’information par le tribunal de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité de conclusions en annulation d’une mesure d’exécution du contrat, la société requérante, qui n’a par ailleurs pas formulé de conclusions à fin d’indemnisation, a maintenu ses conclusions d’annulation de la délibération litigieuse et n’a formulé aucune conclusion tendant au maintien des relations contractuelles ; qu’il s’ensuit que les conclusions à fin d’annulation des sociétés requérantes ne peuvent qu’être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la société A… et la SCI B… demandent à ce titre ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société A… et la SCI B…, la somme que Bordeaux Métropole demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société A… et de la SCI B… est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Bordeaux Métropole au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société A…, à la SCI B… et à Bordeaux Métropole.