Vu, enregistré au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 3 décembre 2014 avec les pièces qui y sont visées, l’arrêt du 24 novembre 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a, saisie d’un appel présenté pour M. A...D..., annulé l’ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 septembre 2014 et renvoyé l’affaire au tribunal pour qu’il soit statué sur les conclusions de M. D...tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 29 mai 2013 par laquelle le préfet de la Gironde lui a confirmé son courrier du 4 février 2013 aux termes duquel il l’a informé de l’exclusion et de la suppression rétroactive du revenu de remplacement à compter du 1er avril 2007 ;

Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2013, présentée pour M. A... D..., par Me Serhan ; M. D...demande au tribunal :

- d’annuler la décision du 29 mai 2013 par laquelle le préfet de la Gironde lui a confirmé son courrier du 4 février 2013 aux termes duquel il l’a informé de l’exclusion et de la suppression rétroactive du revenu de remplacement à compter du 1er avril 2007 ;

- de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l’Etat sur le fondement de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 20414, présenté par le préfet de la Gironde qui conclut au rejet de la requête.

Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 17 septembre 2013 accordant à M. D...le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2015 :

- le rapport de Mme Brouard-Lucas, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Martin, rapporteur public.

1. Considérant que par une décision du 29 mai 2013, le préfet de la Gironde a rejeté le recours gracieux formé par M. D...à l’encontre de sa décision du 4 février 2013 portant exclusion et suppression rétroactive du revenu de remplacement perçu par ce dernier à compter du 1er avril 2007 ; que M. D...demande l’annulation de cette décision ;

Sur la fin de non recevoir soulevée par le préfet de la Gironde :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (…) » ; que l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique dispose : « Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (…) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (…) b) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; (…) » ; qu’enfin, en vertu des dispositions combinées de l’article 23 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article 56 du décret du 19 décembre 1991, la décision d’admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle ne devient définitive qu’à l’expiration d’un délai de recours de deux mois ouvert au ministère public et au bâtonnier à compter de la date de cette décision ou, si un recours a été formé, lorsqu’il est statué sur ce recours ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. D...a déposé le 29 juillet 2013 une demande d’aide juridictionnelle en vue de contester la décision du 29 mai 2013 du préfet de la Gironde ; que par une décision du 17 septembre 2013 du bureau d’aide juridictionnelle, M. D...a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ; que cette décision n’est devenue définitive qu’après l’expiration du délai de recours de deux mois mentionné aux articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, courant à compter de la notification de cette décision ; que, par suite, le préfet n’est pas fondé à soutenir que la requête de M. D...serait tardive ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5426-2 du code du travail : « Le revenu de remplacement est supprimé ou réduit par l'autorité administrative dans les cas mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 5412-1 et à l'article L. 5412-2. /Il est également supprimé en cas de fraude ou de fausse déclaration. Les sommes indûment perçues donnent lieu à remboursement. » ; qu’aux termes de l’article L. 5412-2 du même code : « Est radiée de la liste des demandeurs d'emploi, dans des conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, la personne qui a fait de fausses déclarations pour être ou demeurer inscrite sur cette liste. » ; qu’aux termes de l’article R. 5426-3 dudit code : « Le préfet supprime le revenu de remplacement mentionné à l'article L. 5421-1, de manière temporaire ou définitive, ou en réduit le montant, selon les modalités suivantes : (…) 3° En cas de manquement mentionné à l'article L. 5412-2 et, en application du deuxième alinéa de l'article L. 5426-2, en cas d'absence de déclaration, ou de déclaration mensongère du demandeur d'emploi, faites en vue de percevoir indûment le revenu de remplacement, il supprime ce revenu de façon définitive. (…) » ; qu’enfin, aux termes de l’article R. 5421-3 dudit code : « Le travailleur étranger bénéficie du revenu de remplacement prévu à l'article L. 5421-1 dans les mêmes conditions que le travailleur français s'il se trouve en situation régulière au regard des dispositions réglementant son activité professionnelle salariée. » ;

5. Considérant que la mesure d’exclusion contestée, par laquelle le préfet a non seulement prononcé l’exclusion de M. D...du bénéfice du revenu de remplacement pour l’avenir mais aussi supprimé de manière rétroactive celui qu’il avait perçu depuis le 1er avril 2007 ne se borne pas à tirer les conséquences de ce que l’intéressé ne satisfait pas aux conditions légales auxquelles le revenu de remplacement est subordonné ; que, par suite, elle revêt, en raison de ses motifs et des effets qui lui sont attachés, le caractère d’une sanction ; que le recours formé contre une telle sanction que l’administration inflige à un administré présente le caractère d’un recours de plein contentieux ; que, toutefois, eu égard aux conséquences d’une telle mesure, il appartient au juge administratif, avant de se prononcer sur le bien-fondé de la sanction, d’examiner d’abord les moyens tirés, le cas échéant, des vices propres de cette décision, de nature à en entraîner l’annulation ;

6. Considérant que la décision du 29 mai 2013 par laquelle le préfet de la Gironde a confirmé la décision de suppression du revenu de remplacement à compter du 1er avril 2007 a été signée par M.F..., directeur de l’unité territoriale de la Gironde de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Aquitaine ; qu’il résulte de l’instruction qu’il agissait en vertu d’une subdélégation de signature, qui lui a été consentie par M. C...B..., directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, en application d’un arrêté du 23 avril 2013 qui précise que délégation de signature lui est donnée à l’effet de signer tous actes dans le cadre de sa mission de direction, « à l’exception des actes défavorables (…) notamment les sanctions administratives (…) lorsqu’ils relèvent d’une appréciation discrétionnaire » ; que compte tenu notamment des pouvoirs conférés au préfet par les dispositions précitées de l’article R. 5426-3 du code du travail, l’étendue de la sanction prononcée relève d’une appréciation discrétionnaire ; que, par suite, cette décision entre dans le cadre des exceptions prévues par l’arrêté de délégation du directeur régional au profit de M. F...et doit donc être regardée comme ayant été signée par une autorité incompétente ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête, elle doit être annulée ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et, sous réserve que l'avocat de M. D...renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Serhan ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du préfet de la Gironde en date du 29 mai 2013 portant exclusion et suppression rétroactive du revenu de remplacement de M. D...à compter du 1er avril 2007 est annulée.

Article 2 : L’Etat versera à Me Serhan une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A... D...et au préfet de la Gironde.