Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, et le mémoire complémentaire, enregistré le 5 octobre 2012, présentés pour M. D... A..., demeurant..., par Me Dominique Laplagne, avocat au barreau de Bordeaux ; M. A... demande au tribunal :

- d’annuler la décision du 20 décembre 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de mutation au sein de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense à Toulouse ;

- d’enjoindre au ministre de la défense, sur le fondement de l’article 22 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de lui délivrer une attestation relative à la décision implicite d’acceptation qui aurait fait suite à sa demande de mutation ;

- de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2013 présenté par le ministre de la défense ; le ministre conclut, à titre principal, à ce qu’il n’y ait lieu de statuer sur la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet ;

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Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 mars 2014 présenté pour M.A... ; M. A... conclut aux mêmes fins que la requête ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2014 :

- le rapport de M. Naves, président rapporteur ;

- les conclusions de M. Basset, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...B..., à la décharge de Me Dominique Laplagne, avocat de M.A... ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Hormis les cas où le détachement, la mise en disponibilité et le placement en position hors cadres sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités du service (...) Elle peut exiger de lui qu'il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. / Ces dispositions sont également applicables en cas de mutation ou de changement d'établissement, sauf lorsque ces mouvements donnent lieu à l'établissement d'un tableau périodique de mutations. / Les décrets portant statuts particuliers ou fixant des dispositions statutaires communes à plusieurs corps ou cadres d'emplois peuvent prévoir un délai de préavis plus long que celui prévu au premier alinéa, dans la limite de six mois, et imposer une durée minimale de services effectifs dans le corps ou cadre d'emplois ou auprès de l'administration où le fonctionnaire a été affecté pour la première fois après sa nomination dans le corps ou cadre d'emplois. » ;

2. Considérant que M.A..., ingénieur d’études et de fabrications du ministère de la défense, en poste au sein du service infrastructure de la défense de Bordeaux, a demandé le 11 octobre 2011 sa mutation vers la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense à Toulouse ; que cette demande a fait l’objet d’un accord du service d’accueil, manifesté par courriel du 20 octobre 2011 ; que, si cette demande a fait l’objet d’avis défavorables de son chef de bureau, du directeur de l’établissement du service d’infrastructure de la défense à Bordeaux et de la direction centrale du service d’infrastructure de la défense, il ne ressort par des pièces du dossier qu’une décision explicite écrite ou orale aurait été prise et lui aurait été notifiée dans le délai de deux mois à compter de sa réception ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette demande s’inscrivait dans un mouvement donnant lieu à l’établissement d’un tableau périodique de mutations ; que, dès lors, ainsi que le soutient M.A..., le silence gardé pendant deux mois sur cette demande a fait naître, le 12 décembre 2011, une décision implicite d’acceptation ; que la « note-express » du 20 décembre 2011, notifiée à l’intéressé le 4 janvier 2012, par laquelle le ministre lui a fait savoir que sa demande de mutation était rejetée, et dont il demande l’annulation, doit, par suite, être regardée comme une décision de retrait de la décision tacite du 12 décembre 2011 ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre :

3. Considérant que, si postérieurement à l’introduction de sa requête du 12 mars 2012, M. A...a été muté sur sa demande vers l’unité de soutien de l’infrastructure de la défense de Toulouse à compter du 1er novembre 2013, par une décision du 24 octobre 2013, cette décision de mutation n’a eu d’effet que pour l’avenir ; qu’au surplus, elle affecte le requérant à un poste différent de celui qui lui a été refusé par la décision attaquée ; que cette dernière décision n’ayant pas été rapportée, la demande de M. A...n’est, par suite, pas devenue sans objet ; qu’ainsi les conclusions à fin de non-lieu à statuer doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la défense :

4. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit que, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense, la « note-express » du 20 décembre 2011 est une décision de retrait ; que cette décision fait grief ; qu’elle est, par suite, susceptible de recours ;

5. Considérant que le récépissé de notification de la « note-express » du 20 décembre 2011, présenté au requérant le 4 janvier 2012, mentionnait qu’il pouvait contester cette décision devant la commission de recours des militaires dans un délai de deux mois à compter de sa notification, et que cette saisine constituait un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux ; que cette indication était erronée, puisque l’intéressé n’était pas militaire ; que, par suite, la requête tendant à l’annulation de la décision de retrait de la décision tacite du 12 décembre 2011, revêtant la forme d’une « note-express » du 20 décembre 2011 notifiée le 4 janvier 2012, enregistrée le 12 mars 2012, après que le requérant avait formé ledit recours devant la commission des recours des militaires le 20 février 2012, n’était pas tardive ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir doivent être écartées ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

7. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires que le silence gardé par une autorité administrative, pendant deux mois à compter de la réception de la demande d’un de ses agents tendant, avec l’accord du service d’accueil, à sa mutation, fait naître, lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans un mouvement donnant lieu à l’établissement d’un tableau périodique de mutations, une décision implicite d’acceptation créatrice de droits, qui ne fait pas l’objet d’une publicité à destination des tiers ; qu’en l’absence de dispositions organisant le retrait d’une telle décision, cette autorité se trouve dessaisie de son pouvoir d’appréciation et ne peut légalement retirer cette décision au motif qu’elle serait illégale ; qu’il suit de là que M. A...est fondé à soutenir que, par la « note-express » du 20 décembre 2011, le ministre de la défense a illégalement rapporté sa décision implicite née du silence gardé pendant deux mois sur la demande de mutation qu’il avait formulée le 11 octobre 2011 ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander l’annulation de la décision du 20 décembre 2011 attaquée ; Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Considérant qu’aux termes de l’article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « A l'exception de celles de l'article 21, les dispositions des articles 19 à 24 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents. » ; qu’aux termes de son article 22 : « La décision implicite d'acceptation fait l'objet, à la demande de l'intéressé, d'une attestation délivrée par l'autorité administrative. » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’il n’y a pas lieu d’enjoindre au ministre de la défense de délivrer à M. A...une attestation relative à la décision implicite d’acceptation qui a fait suite à sa demande de mutation ; qu’en tout état de cause, l’annulation de la décision du 20 décembre 2011 n’implique pas la délivrance d’une telle attestation ; que ses conclusions à fin d’injonction doivent, par suite, être rejetées ; Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La « note express » du 20 décembre 2011 est annulée.

Article 2 : L’Etat versera à M. A...la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D...A...et au ministre de la défense.