Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2020 et des mémoires enregistrés le 16 mars 2021, le 24 octobre 2022 et le 23 décembre 2022, la société H... représentée par Me Caroline Laveissière, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler le certificat d’urbanisme négatif en date du 12 octobre 2020 délivré par le maire de la commune de Gaillan-en-Médoc en vue de la construction d’un bâtiment commercial sur un terrain situé au lieu-dit H... ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) d’enjoindre à la commune de Gaillan-en-Médoc de reconnaitre que l’unité foncière est située dans une partie actuellement urbanisée du territoire communal ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la commune de Gaillan-en-Médoc la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le pli de notification du certificat d’urbanisme comporte des incohérences ;

- les avis joints au certificat d’urbanisme sont incohérents ;

- l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d’une incompétence négative ;

- le motif tiré de ce que le projet est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune est erroné ;

- le motif tiré de l’impossibilité de raccorder la parcelle par un simple branchement est erroné ;

- l’arrêté est entaché d’une erreur de droit ;

- il méconnait le principe d’égalité de traitement des usagers devant le service public ;

- l’avis de la préfète de la Gironde, sur lequel repose l’arrêté attaqué, est illégal.

Par des mémoires en défense enregistrés le 4 mars 2021, le 25 novembre 2022 et le 16 janvier 2023, ce dernier n’ayant pas été communiqué, la commune de Gaillan-en-Médoc, représentée par Me Ruffié, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société ... au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par une ordonnance du 26 décembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 17 janvier 2023.

Vu la décision attaquée et les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Frézet,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Caroline Laveissière, représentant la société H...

- et les observations de Me Lafond, représentant la commune de Gaillan-en-Médoc.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 12 octobre 2020, le maire de la commune de Gaillan-en-Médoc a délivré à la société ... un certificat d’urbanisme négatif pour un projet portant sur la réalisation d’un bâtiment commercial sur un terrain situé au lieu-dit ..., sur les parcelles cadastrées section D nos 1743, 1741, 1739, 1737, 1735. Le 30 octobre 2020, la société H... a exercé un recours gracieux contre cette décision, qui a fait l’objet d’une décision implicite de rejet. Par le présent recours, la société H... demande l’annulation de l’arrêté du 12 octobre 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. En premier lieu, les conditions de notification d’une décision, si elles sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’opposabilité des voies et délais de recours, sont en revanche sans incidence sur sa légalité. Par suite, la société H... ne peut utilement, pour contester la légalité de l’arrêté litigieux, invoquer l’existence de vices qui entacheraient le pli de notification de cet arrêté.

3. En deuxième lieu, la circonstance que l’avis du syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable et d’assainissement du Médoc et l’avis des services de l’Etat, joints au certificat d’urbanisme, se prononcent non seulement sur la demande de certificat d’urbanisme de la société ... mais aussi sur des dossiers de tiers, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, en l’absence de toute confusion de la part du service instructeur.

4. En troisième lieu, la décision attaquée vise le code de l’urbanisme, notamment ses articles L. 410-1, L. 111-3 et R. 410-1 et suivants, ainsi que le règlement national d’urbanisme. Il rappelle également l’ampleur et la localisation du projet. Il énonce clairement les deux motifs sur lesquels il se fonde, à savoir que le projet est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune et que la distance entre le réseau existant et la parcelle ne permet pas un raccordement au réseau public de distribution d’électricité avec un simple branchement. Le fait que la décision comporte une erreur sur l’acronyme du syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable et d’assainissement du Médoc ne constitue qu’une erreur de plume sans incidence. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

5. En quatrième lieu, et d’une part, aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme : « (…) Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code. ». Aux termes de l’article L. 422-1 du même code : « L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. (…) ». Il résulte de ces disposition que la caducité d’un plan d’occupation des sols ne remet pas en cause le caractère définitif du transfert au maire de la compétence pour délivrer les permis de construire et les certificats d’urbanisme. Ainsi, la commune la commune de Gaillan-en-Médoc ayant en l’espèce été dotée d’un plan d’occupation des sols devenu caduc, le maire restait compétent pour délivrer au nom de la commune le certificat d’urbanisme sollicité.

6. D’autre part, aux termes de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme : « En cas d’annulation par voie juridictionnelle ou d’abrogation d’une carte communale, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l’autorité compétente et lorsque cette décision n’a pas pour effet de remettre en vigueur un document d’urbanisme antérieur, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale recueille l’avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation ». Il ressort de leurs termes mêmes que ces dispositions ne visent que les hypothèses d’annulation ou d’abrogation d’un document d’urbanisme, non pas le cas d’une caducité d’un tel document, et qu’elles concernent exclusivement les permis de construire et les déclarations préalables de travaux, non pas les certificats d’urbanisme.

7. En l’espèce, il ressort des termes de la décision attaquée que celle-ci a été délivrée par le maire au nom de la commune, conformément aux dispositions citées au point 5. Toutefois, alors que par un avis du 28 août 2020, le maire s’était prononcé en faveur du projet en estimant que celui-ci se situait en secteur urbain ou aggloméré, il a saisi pour avis la préfète de la Gironde et, suite à l’avis émis le 22 septembre 2020 par les services de l’Etat, il a finalement délivré un certificat d’urbanisme négatif en se fondant sur la circonstance, relevée par cet avis, que le projet est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune. Ainsi, en visant l’avis de la préfète de la Gironde, qu’il n’était pas tenu de saisir, et en se fondant pour édicter le certificat négatif litigieux sur l’argumentation de cet avis, que le maire qualifie expressément de « conforme » dans ses premières écritures en défense devant le tribunal, celui-ci doit être regardé comme s’étant estimé en situation de compétence liée. Le maire de la commune de Gaillan-en-Médoc a dès lors méconnu sa propre compétence et entaché la décision attaquée d’une incompétence négative.

8. En cinquième lieu, aux termes de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme : « En l’absence de plan local d’urbanisme, de tout document d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ». Aux termes de l’article R. 111-14 du même code : « En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / 1° A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ; / 2° A compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l’existence de terrains faisant l’objet d’une délimitation au titre d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d’aménagements fonciers et hydrauliques (…) ».

9. En l’espèce, si le terrain d’assiette du projet se situe à près d’un kilomètre du centre bourg de la commune de Gaillan-en-Médoc, il y est néanmoins rattaché par une urbanisation s’étirant de manière continue le long de la route départementale D 1215. Le terrain cotoie en outre un magasin alimentaire et une construction à destination d’habitation d’un coté, une station de lavage de l’autre, et se trouve face à des maisons d’habitation implantées de l’autre côté de la voie publique. Desservie par les réseaux d’eau et d’assainissement, il ne côtoie en définitive qu’une seule parcelle dépourvue de construction, au Sud. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le motif tiré de ce que le terrain se situe dans une partie non urbanisée de la commune est erroné.

10. En sixième lieu, si la consultation à laquelle une autorité procède spontanément doit être régulière sous peine d'entacher la décision qu'elle précède d'un vice de procédure, le requérant ne peut utilement soutenir que l’avis de la préfète est insuffisamment motivé ou pris selon des formes irrégulières, alors qu’une telle consultation n’est en l’espèce régie par aucun texte et donc soumise à aucune forme.

11. En septième lieu, aux termes de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Dans les cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'autorisation du lotissement ».

12. Si l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme fait obstacle à ce que, dans le délai de cinq ans suivant l'achèvement d'un lotissement, des dispositions d'urbanisme adoptées après l'autorisation du lotissement puissent fonder un refus de permis de construire au sein de ce lotissement, il n'a, en revanche, pas pour effet de faire obstacle à un refus fondé sur des dispositions du règlement national d'urbanisme qui auraient été remises en vigueur, conformément aux dispositions de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme, par l'effet de la caducité intervenue postérieurement à l'autorisation du lotissement.

13. En l’espèce, le plan d’occupation des sols de la commune de de Gaillan-en-Médoc étant devenu caduc le 31 décembre 2015, c’est-à-dire postérieurement à l’arrêté de lotissement délivré le 12 novembre 2015 à la société H... c’est à bon droit que, nonobstant la circonstance que la division issue du lotissement est devenue effective, le maire de la commune s’est fondé sur les dispositions du règlement national d’urbanisme, et en l’occurrence de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, pour prendre la décision attaquée. Le moyen tiré de l’erreur de droit doit ainsi être écarté.

14. En huitième lieu, aux termes de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés./ Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies ».

15. Il résulte de ces dispositions qu’un permis de construire doit être refusé ou un certificat d'urbanisme négatif doit être délivré lorsque, d’une part, des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou d’électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d’autre part, lorsque l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

16. Pour déclarer le projet de construction non réalisable, le maire de la commune de Gaillan-en-Médoc a constaté que la distance entre le réseau public de distribution d’électricité et la parcelle ne permet pas un raccordement à ce réseau au moyen d’un simple branchement mais nécessite une extension de celui-ci. Cette constatation, figurant dans l’avis d’Enedis du 5 octobre 2020, lequel n’avait pas à être davantage motivé, n’est pas sérieusement remis en cause par la société requérante, qui se borne à faire valoir la présence de poteaux électriques sur une parcelle voisine dont elle est propriétaire. Toutefois, en se fondant sur la seule nécessité de travaux d’extension sans justifier de ce qu’il n’était pas en mesure, à la date de la décision contestée, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences requises, d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou quel concessionnaire de service public ces travaux devaient être exécutés, le maire de Gaillan-en-Médoc a méconnu les dispositions précitées.

17. En neuvième et dernier lieu, la circonstance que trois permis de construire aient été délivrés à proximité du terrain d’assiette du projet, à la supposer établie, n’est pas de nature à caractériser une méconnaissance du principe d’égalité, de sorte que le moyen doit être écarté.

18. Il résulte de ce a été dit aux points 7, 9 et 16 que la société H... est fondée à demander l’annulation de l’arrêté attaqué du 12 octobre 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :

19. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société H... qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Gaillan-en-Médoc demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Gaillan-en-Médoc et de l’Etat la somme de 800 euros chacun à verser à la société H... sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 12 octobre 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de la société H...sont annulées.

Article 2 : La commune de Gaillan-en-Médoc et l’Etat verseront chacun une somme de 800 euros à la société H... en application des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société H... à la commune de Gaillan-en-Médoc et au préfet de la Gironde.