Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 février 2021 et deux mémoires complémentaires enregistrés le 14 février 2022 et le 9 mai 2022, l’association de recherche pour une pédagogie de l’environnement Pays de Serre vallée du Lot (ARPE 47), représentée par Me Larrouy-Castera, demande au tribunal :

1°) d’annuler la délibération du conseil municipal de Masquières en date du 15 décembre 2020 retirant les délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020 prévoyant la cession des parcelles communales du Vallon de la Vergnotte à l’association ARPE 47 au prix de 25 000 euros ;

2°) d’enjoindre à la commune de Masquières de régulariser la vente des parcelles devant notaire dans les quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Masquières une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n’est pas établi que la convocation ait été adressée aux élus trois jours francs avant la réunion du conseil municipal, conformément aux dispositions de l’article 2121-11 du code général des collectivités territoriales ;

- les élus n’ont pas reçu d’informations préalables suffisamment précises concernant le projet de retrait des délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020, en méconnaissance de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- les délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020 constituent des décisions créatrices de droits qui ne pouvaient pas être retirées sans procédure contradictoire préalable ;

- les délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020 précisent l’objet et le prix de cession des parcelles litigieuses, qui appartiennent au domaine privé de la commune, et ne sont assorties d’aucune condition suspensive ou résolutoire ; en conséquence il s’agissait d’une vente parfaite au sens de l’article 1583 du code civil qui ne pouvait être légalement rapportée par une délibération ultérieure.

Par des mémoires en défense enregistrés respectivement le 23 décembre 2021, le 24 mars 2022 et le 23 juin 2022, ce dernier non communiqué, la commune de Masquières, représentée par Me Simon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les parcelles litigieuses appartiennent au domaine public de la commune ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Pouget,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Larrouy-Castera, représentant l’ARPE 47,

- et les observations de Me Simon, représentant la commune de Masquières.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020, le conseil municipal de la commune de Masquières a décidé de céder à l’association de recherche pour une pédagogie de l’environnement (ARPE 47), pour un montant de 25 000 euros, un ensemble foncier d’une superficie d’environ 8 hectares constituant le site du Vallon de la Vergnotte. Par une délibération du 15 décembre 2020, dont l’ARPE 47 demande l’annulation, la commune de Masquières a décidé de retirer les délibérations du 22 septembre 2020 et du 27 octobre 2020.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales : « Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion (…) ».

3. Il ressort en l’espèce des mentions portées sur l’extrait de la délibération en litige, ainsi que sur les courriers de convocation, que les conseillers municipaux ont été convoqués le 8 décembre 2020 pour la séance, qui s’est tenue le 15 décembre 2020, au cours de laquelle cette délibération a été adoptée. En se bornant à soutenir qu’il n’est pas établi que le délai légal d'envoi des convocations aux conseillers municipaux aurait été respecté, l’association requérante ne remet pas sérieusement en cause ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve contraire. Ce moyen doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales dispose : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération ».

5. L’association requérante soutient que les conseillers municipaux, lorsqu’ils ont délibéré sur le retrait des délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020 prononçant la cession des parcelles litigieuses, n’avaient pas reçu une information préalable suffisante. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la convocation au conseil municipal du 15 décembre 2020 comportait l’ordre du jour de la séance, lequel mentionnait un point concernant la rétrocession du Vallon de la Vergnotte. Par suite, et alors qu’il n’est ni établi ni même allégué qu’un élu aurait en vain fait valoir son droit à être plus amplement informé sur l’ordre du jour, le moyen tiré du défaut d’information des conseillers municipaux doit être écarté.

6. En troisième lieu, et d’une part, aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ». En vertu du principe énoncé à l’article L. 3111-1 du même code, les biens qui relèvent du domaine public des personnes publiques sont inaliénables et imprescriptibles. Leur cession ne peut intervenir, s’agissant de biens affectés à un service public, qu’après qu’ils ont fait l’objet d’une désaffectation et d’une décision expresse de déclassement. D’autre part, en vertu de l’article 1583 du code civil, une vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

8. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles litigieuses constituent un vallon humide boisé à haute valeur environnementale ainsi que son bassin versant. Par une convention conclue en 2010 et renouvelée en 2020, la commune de Masquières a confié à l’ARPE 47, agissant en tant que centre permanent d’initiatives pour l’environnement, la gestion de cet espace naturel. Si la convention de gestion porte essentiellement sur la préservation écologique du site, elle comporte également un objectif 4 consistant à « sensibiliser le public de façon ciblée ». Le cahier des charges du plan de gestion de 2012 fixait par ailleurs, parmi les objectifs généraux à atteindre, la conception des activités et pratiques compatibles avec la préservation des milieux ainsi que la valorisation de l’ensemble du site, tandis que le plan de gestion de 2017 a notamment prévu au nombre des actions à entreprendre, non seulement l’entretien des espaces en herbe sur les berges du ruisseau et du plan d’eau, mais aussi le nettoyage des sentiers, la création de cheminements adaptés et d’aménagements pédagogiques, ou encore l’organisation de randonnées, de chantiers et d’ateliers pédagogiques, en particulier avec les publics scolaires. Ces missions confiées par la commune à l’ARPE 47, quand bien même celle-ci n’aurait pas respecté tous ses engagements, révèlent la volonté de la collectivité d’affecter le Vallon de la Vergnotte à l’usage du public. Il est en outre constant, au vu des photographies produites, que le site, comporte des sentiers pédestres entretenus et quelques panneaux de signalisation à vocation pédagogique. Dans ces conditions, les parcelles constituant le Vallon de la Vergnotte, qui forment un ensemble foncier cohérents, présentent le caractère d’une dépendance du domaine public de la commune de Masquières. Par suite, et dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que ces parcelles aient fait l’objet d’une désaffection et d’un déclassement, les délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020 ne sauraient être regardées comme conférant par elles même à l’ARPE 47 un droit à la réalisation de la vente, quand bien même ces délibérations ont pu manifester un accord sur la chose et le prix au sens de l’article 1583 du code civil. Le conseil municipal pouvait dès lors légalement abroger à tout moment de telles délibérations dépourvues d’effet direct.

9. Enfin, les délibérations des 22 septembre 2020 et 27 octobre 2020 ne pouvant être regardées, compte tenu de ce qui vient d’être dit, comme des décisions créatrices de droit dont le retrait ou l’abrogation est soumis aux principes édictés par les articles L. 211-2 et L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et du défaut de motivation de la délibération du 15 décembre 2020 ne peuvent qu’être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la délibération du 15 décembre 2020 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fins d’injonction et celles tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Masquières présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’association pour une pédagogie de l’environnement est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Masquières présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association de recherche pour une pédagogie de l’environnement Pays de Serre vallée du Lot et à la commune de Masquières.