Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017 sous le n°1701744, M.B..., représenté par Me Ruffié, doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 009,70 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, correspondant au montant de sa solde du mois de septembre 2012 ;

2°) d’annuler la décision née le 27 janvier 2017 par laquelle le ministre des armées a refusé de lui communiquer son bulletin de solde du mois de septembre 2012 ;

3°) d’enjoindre au ministre des armées de lui communiquer son bulletin de solde du mois de septembre 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M.B....

II. Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, sous le n° 1704703, et un mémoire, enregistré le 3 août 2018, M.B..., représenté par Me Buyssonnie, doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 009,70 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, correspondant au montant de sa solde du mois de septembre 2012 ;

2°) d’annuler la décision née le 27 janvier 2017 par laquelle le ministre des armées a refusé de lui communiquer son bulletin de solde du mois de septembre 2012 ;

3°) d’enjoindre au ministre des armées de lui communiquer son bulletin de solde du mois de septembre 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête :

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des procédures civiles d’exécution ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Blanchard,

- les conclusions de M. Béroujon, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. B...sont dirigées contre les mêmes décisions et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. M.B..., caporal-chef de l’armée de terre affecté en dernier lieu au 3e régiment du matériel à Vayres (Gironde), a été radié des contrôles le 31 janvier 2016. Il a présenté une demande préalable le 27 décembre 2016 tendant au versement de sa solde et à la communication de son bulletin de solde du mois de septembre 2012. Cette demande ayant été implicitement rejetée, il a formé un recours devant la commission des recours des militaires le 27 avril 2017, également rejeté implicitement. Il doit être regardé comme demandant au tribunal de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 009,70 euros en réparation des préjudices causés par différentes erreurs commises dans la gestion de sa solde et d’annuler la décision refusant de lui communiquer son bulletin de solde du mois de septembre 2012.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision refusant la communication de son bulletin de solde :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. L’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. » et l’article R. 343-1 de ce code que l'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l'intervention d’une décision implicite de refus pour saisir la Commission d'accès aux documents administratifs.

4. Le ministre des armées soutient que les conclusions dirigées contre le refus de communication du bulletin de solde sont irrecevables, faute pour l’intéressé d’avoir déposé un recours administratif préalable obligatoire devant la Commission d’accès aux documents administratifs. Toutefois, d’une part, il résulte des dispositions précitées du code des relations entre le public et l’administration que la contestation du refus de communication d’un document administratif par l’administration ne doit être précédée de la saisine de la Commission d’accès des documents administratifs que lorsque le refus de communiquer fait suite à une demande de l’intéressé. D’autre part, le principe général du droit, dont s’inspire l’article L. 3243 du code du travail, selon lequel lors du paiement du salaire, l'employeur doit remettre au salarié une pièce justificative dite « bulletin de paie », s’applique aux agents publics. Ainsi, l’administration était tenue de délivrer spontanément un bulletin de solde à M.B..., sans que celui-ci en fasse la demande. Par suite, il n’avait pas à saisir la Commission d’accès aux documents administratifs du refus de l’administration de s’acquitter de cette obligation. La fin de non-recevoir opposée en défense doit être écartée.

Au fond :

5. Il est constant que l’administration n’a pas établi le bulletin de solde de M. B...pour le mois de septembre 2012, en raison d’un dysfonctionnement du logiciel de calcul de la solde des militaires. Ainsi qu’il vient d’être dit, la remise de ce bulletin est obligatoire. Par suite, M. B...est fondé à demander l’annulation de la décision du 27 janvier 2017 par laquelle le ministre des armées a refusé de lui communiquer son bulletin de solde du mois de septembre 2012.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le versement de la solde du mois de septembre 2012 :

6. M. B...n’a pas perçu sa solde du mois de septembre 2012 à la fin de ce mois, compte tenu du dysfonctionnement du logiciel « LOUVOIS » de calcul de la solde des militaires. Toutefois, il résulte de l’instruction, notamment des indications figurant sur le bulletin de solde du mois d’octobre 2012, en particulier sur la troisième page, qu’il a perçu l’intégralité de sa solde du mois de septembre 2012 avec celle du mois d’octobre 2012. Compte tenu de cette régularisation de sa situation, du court délai dans laquelle elle est intervenue et de la circonstance que l’intéressé avait perçu une avance de 9 987 euros en août 2012, la faute commise par l’administration dans le versement de sa solde ne lui a causé aucun préjudice matériel ou moral. M. B...n’est ainsi pas fondé à demander une indemnisation à ce titre.

En ce qui concerne l’application d’une retenue supérieure au montant de la quotité saisissable :

7. En application des dispositions des articles L. 3252-1 et suivants du code du travail rendues applicables aux rémunérations des fonctionnaires civils et militaires par les dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des procédures civiles d’exécution, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d’un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d’Etat. Par suite, en procédant à des retenues supérieures à la quotité saisissable de la solde de M. B...aux mois d’octobre et novembre 2012, l’administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

8. Toutefois, le préjudice résultant du dépassement de la quotité saisissable ne peut être constitué par le montant saisi dans des proportions irrégulières, qui reste dû, mais réside dans les effets de la saisie irrégulière. M. B...ne se prévaut d’aucun préjudice lié aux effets de la retenue irrégulièrement effectuée sur sa solde mais demande le versement de 3 009,70 euros correspondant au montant de sa solde du mois de septembre 2012, qui, ainsi qu’il a été dit, lui a été versée le mois suivant. Par suite, sa demande indemnitaire à ce titre doit être également rejetée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Eu égard au motif d’annulation de la décision refusant à M. B...la communication de son bulletin de solde du mois de septembre 2012, cette annulation implique nécessairement que ce bulletin lui soit remis. Il y a lieu, dès lors, d’enjoindre au ministre des armées de procéder à cette remise dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais de procès :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 27 janvier 2017 par laquelle le ministre des armées a refusé de communiquer à M. B...son bulletin de solde du mois de septembre 2012 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de remettre à M. B...son bulletin de solde du mois de septembre 2012 dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Article 3 : L’Etat versera à M. B...la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M.C... B... et au ministre des armées.