Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2010, présentée par Mme C... A...épouse B..., demeurant..., par Me D..., avocat au barreau de Bordeaux ; Mme A...demande au tribunal :

1°) d'annuler l’arrêté en date du 17 mars 2010, par lequel le ministre de la justice l’a licenciée et radiée des cadres de l’administration pénitentiaire à compter du 25 mars 2010 ;

2°) d’enjoindre à l’école nationale de l’administration pénitentiaire de la réintégrer comme élève surveillante à compter du 25 mars 2010, de l’autoriser à redoubler à la rentrée du 5 juillet 2010 et de procéder à un nouvel examen de son dossier ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 € en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les mémoires en défense enregistrés les 8 et 16 juillet 2010 présentés par le ministre de la justice et des libertés, qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu le mémoire complémentaire enregistré le 25 septembre 2010 présenté pour Mme A..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête ;

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Vu la décision attaquée ;

Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle du 28 juin 2010 accordant à Mme A... l’aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique ;

Vu le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 portant statut particulier des corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ;

Vu l’arrêté du 26 septembre 2006 portant organisation de la formation initiale des élèves surveillants et stagiaires relevant du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l’ordonnance de référé en date du 2 juillet 2010 suspendant l’arrêté du ministre de la justice du 17 mars 2010 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2010 ;

- le rapport de Mme Martin, premier conseiller ;

- les observations de Me D..., pour la requérante ; - et les conclusions de Mme Zuccarello, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me D... ;

Considérant que Mme A..., admise au concours de recrutement des surveillants des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire au titre de l’année 2009, a été nommée élève surveillante à compter du 26 août 2009 à l’école nationale d’administration pénitentiaire ; que, par un arrêté en date du 17 mars 2010, le ministre de la justice a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 25 mars 2010 ; que Mme A...demande l’annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, qu’aux termes de l’article 7 du décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 : « Les élèves dont la scolarité a donné satisfaction sont nommés surveillants stagiaires et affectés selon leur rang de classement dans un établissement pénitentiaire ou tout autre service relevant de l'administration pénitentiaire. Ils sont classés à l'échelon de stagiaire du grade de surveillant./ Les élèves dont la scolarité n'a pas donné satisfaction sont soit autorisés à prolonger leur scolarité, soit licenciés, soit, s'ils avaient déjà la qualité de fonctionnaire, réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine après avis de la commission administrative paritaire. L'autorisation de prolongation de la scolarité ne peut être accordée qu'une fois. » ; qu’aux termes de l’article 6 du même décret : « Les élèves recrutés en application de l’article 4 (par concours) sont nommés élèves surveillants. Ils suivent une formation à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.(…) » ; qu’aux termes de l’article 23 de l’arrêté du 26 septembre 2006 : « Le jury d'aptitude professionnelle analyse les résultats obtenus dans les différentes épreuves et le comportement des élèves pendant leur scolarité en vue d'établir le classement national des élèves aptes à être nommés en qualité de stagiaire./ Le jury d'aptitude établit trois listes :/- la première détermine, par ordre de mérite, en fonction du nombre de points obtenus, les élèves qui, remplissant les conditions d'aptitude définies à l'article 20, sont aptes à être nommés stagiaires ;/- la deuxième comprend les élèves n'ayant pas rempli les conditions définies à l'article 20 et qui peuvent être exceptionnellement autorisés à renouveler une seule fois tout ou partie de la scolarité ;/- la troisième comprend les élèves n'ayant pas rempli les conditions définies à l'article 20 pour lesquels le jury ne propose pas le redoublement./ La décision du jury est soumise à la commission administrative paritaire compétente. » ; qu’aux termes de l’article 24 du même arrêté : « L'élève qui conteste la décision rendue par le jury d'aptitude visé aux articles 22 et 23 du présent arrêté peut demander, après en avoir reçu notification, à être entendu, accompagné de la personne de son choix, par la commission de suivi des élèves définie à l'article 21. Le directeur de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire informe le directeur de l'administration pénitentiaire de toute contestation./ Cette commission délibère, après avoir entendu l'élève, dans un délai de quinze jours maximum après réception du recours. Ce délai peut être augmenté de la durée des vacances scolaires sans pouvoir excéder quarante-cinq jours au maximum./ L'élève est informé du report éventuel de la délibération./ L'avis résultant de la délibération de la commission de suivi est transmis au directeur de l'administration pénitentiaire et porté à la connaissance de la commission administrative paritaire compétente. » ;

Considérant que Mme A... soutient que la décision du jury n’a pas été transmise à la commission administrative paritaire conformément aux dispositions précitées de l’article 7 du décret du 14 avril 2006 et des articles 23 et 24 de l’arrêté du 26 septembre 2006 ; qu’il ressort des pièces du dossier que le jury d’aptitude professionnelle a analysé les résultats obtenus pendant la scolarité par Mme A...le 17 février 2010, et qu’à la suite de la contestation par la requérante de la décision du jury la classant dans la troisième liste, la commission de suivi a délibéré le 23 février 2010 et confirmé la demande de licenciement de l’intéressée ; que, si l’administration a proposé aux membres de la commission administrative paritaire du 1er mars 2009 de prendre connaissance des dossiers des élèves surveillants qui ne devaient pas être nommés stagiaires, pour lesquelles le jury d’aptitude professionnelle et la commission de suivi avaient rendu des avis concordants, il est toutefois constant que ladite commission n’a pas rendu un avis sur le licenciement de Mme A..., contrairement aux dispositions de l’article 7 du décret du 14 avril 2006 ; que, par suite, eu égard au caractère substantiel de cette formalité, la requérante est fondée à soutenir que l’arrêté attaqué est intervenu à la suite d’une procédure irrégulière ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 17 mars 2010 ;

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

Considérant que le présent jugement implique nécessairement que l’administration réintègre Mme A...à compter de la date de son licenciement et qu’elle procède, si elle s’y croit fondée, à un nouvel examen de son dossier ; qu’en revanche, il n’appartient pas au tribunal d’autoriser l’intéressée à redoubler sa scolarité ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme A... a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : L’arrêté du ministre de la justice et des libertés en date du 17 mars 2010 portant licenciement de Mme A...est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la justice et des libertés de réintégrer Mme A... en qualité d’élève surveillant, à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire, avec effet au 25 mars 2010.

Article 3 : L’Etat versera à Me D... une somme de 1 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 4 : Le surplus de la requête de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... A...épouse B...et au ministre de la justice et des libertés.