Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2022, M. B... C..., représenté par Me Foucard, avocat, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 27 décembre 2021 par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer une carte de résident ;

2°) d’enjoindre à cette autorité de lui délivrer cette carte dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve qu’il renonce à percevoir la part contributive de l’État.

Il soutient que la décision litigieuse méconnait les dispositions de l’article L. 426-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors qu’il justifie de ressources stables et suffisantes sur les cinq dernières années.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 septembre 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 30 novembre 2022.

M. C... a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 18 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle et son décret d’application ;

- le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 portant partie règlementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- le code de justice administrative.

Par une décision du 2 janvier 2023, la présidente du tribunal a désigné M. Julien Dufour, premier conseiller, pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application de l’article R. 222-24 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme de Gélas, rapporteure,

- et les observations de Me Foucard, représentant M. C...,

- la préfète de la Gironde n’étant ni présente ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant arménien né le 12 mai 1976, est entré en France le 23 janvier 2013. Par décision en date du 25 juin 2014, l’office français pour la protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d’asile. Il a cependant été admis au séjour sous couvert d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », puis d’une carte de séjour pluriannuelle, à raison de son état de santé, régulièrement renouvelée jusqu’au 23 avril 2020. Le 20 janvier 2020, M. C... a sollicité la délivrance d’une carte de résident. Par la décision attaquée du 27 décembre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, soit près de deux ans après le dépôt de ladite demande.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 426-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 426-18, une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans. (…) / Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. / La condition de ressources prévue au premier alinéa n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale (…). ».

3. Aux termes de l’article R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code. ».

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que la carte de résident ne peut pas être délivrée au titulaire d’une carte de séjour temporaire si ses ressources ne sont pas au moins égales au salaire minimum de croissance pendant cinq ans. La période à prendre en compte pour l’appréciation de cette condition de ressources porte sur les cinq années précédant la décision qui statue sur la demande de carte de résident, et non, comme le fait valoir la préfète de la Gironde en défense, sur les cinq années qui précèdent la demande de délivrance elle-même, les dispositions de l’ancien article R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ayant été abrogées et non reprises, s’agissant de cette période de référence, par le décret du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié de l’allocation aux adultes handicapés en 2016, 2017 et 2018. Il n’a donc pas à justifier de ses ressources sur cette période. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des déclarations d’impôts et des bulletins de salaires de M. C..., que son revenu annuel s’élevait à 17 296,92 euros au titre de l’année 2019, à 17 507 euros au titre de l’année 2020 et à 20 321 euros au titre de l’année 2021. Dans ces conditions, l’intéressé justifie sur cette période de revenus en moyenne supérieurs au salaire minimum de croissance en vigueur sur ces années, constituant des ressources stables, régulières et suffisantes. Par ailleurs, l’intéressé séjournait régulièrement en France depuis plus de cinq années et bénéficiait d’une assurance maladie. Dès lors, il remplissait les conditions pour se voir délivrer une carte de résident « longue durée – UE ». Par suite, en rejetant la demande de délivrance d’une carte de résident de longue durée – UE de M. C... au motif que ses revenus sur la période des cinq dernières années seraient insuffisants, la préfète de la Gironde a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation.

6. Il résulte de ce qui précède que la décision du 27 décembre 2021 doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

7. Eu égard aux motifs d’annulation retenus, le présent jugement implique nécessairement que la préfète de la Gironde délivre à M. C... une carte de résident portant la mention « résident de longue durée – UE » dans un délai qu’il y a lieu de fixer à deux mois.

Sur les frais d’instance :

8. M. C... a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Foucard, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État, de mettre à la charge de l’État le versement à Me Foucard de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la préfète de la Gironde de refus de délivrance d’une carte de résident de dix ans portant la mention « résident de longue durée – UE » à M. C... en date du 27 décembre 2021 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Gironde de délivrer à M. C... une carte de résident portant la mention « résident de longue durée – UE » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à Me Foucard une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B... C..., à la préfète de la Gironde et à Me Romain Foucard.