Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2022 et des pièces complémentaires enregistrées le 6 octobre 2022, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF), représentée par Me Séval, l’Ordre des avocats du barreau de Bordeaux, représenté par Me Sécheresse, et l’association pour la défense des droits des détenus (A3D), représentée par Me Chapelle, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521 2 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner à l’administration toutes mesures qu’il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux droits fondamentaux des personnes détenues au centre pénitentiaire de Gradignan du fait de conditions de détention contraires aux stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment ;

1- à titre principal, fermer dans les meilleurs délais les quartiers maison d’arrêt ;

2- à titre subsidiaire :

- faire procéder dans les meilleurs délais à une inspection approfondie du centre pénitentiaire de Gradignan ;

- convoquer le conseil d’évaluation du centre pénitentiaire de Gradignan dans les meilleurs délais et, compte tenu de la gravité et de la persistance des problèmes identifiés dans l’établissement, prévoir que le conseil d’évaluation se réunira tous les six mois tant que cela sera nécessaire, pour assurer un suivi étroit de la situation de l’établissement ;

- prendre l’initiative d’une concertation entre les autorités administratives et judiciaires compétentes afin d’envisager la mise en place localement, sous la responsabilité des autorités judiciaires, et en associant les différents acteurs de la chaîne pénale, de protocoles ayant pour objectif la déflation carcérale dans l’établissement ;

- prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans l’attente d’une solution pérenne, les conditions d’occupation des cellules ;

- mettre fin à l’encellulement à trois de façon définitive et inconditionnelle et prendre toutes les dispositions pour s'assurer qu'aucune personne détenue ne dorme sur un matelas à même le sol ;

- mettre fin à toute nouvelle affectation de personnes condamnées au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan ;

- garantir un encellulement individuel aux personnes détenues à mobilité réduite ;

- prendre, dans les meilleurs délais, toute mesure permettant d’assurer la séparation des personnes prévenues et des personnes condamnées, des jeunes majeurs et des adultes, et des fumeurs et non-fumeurs ;

- procéder à la rénovation et au nettoyage des murs et des carreaux des sols des cellules et des coursives, et à la réfection de la peinture ;

- prendre toute mesure susceptible d'améliorer la luminosité des cellules ;

- prendre, dans les plus brefs délais, toute mesure de nature à améliorer l'aération naturelle, la ventilation et l’isolation de l’ensemble des cellules ;

- réparer les fenêtres défectueuses ou cassées, notamment celles qui ne se ferment pas complètement ;

- faire procéder à des travaux de mise aux normes du chauffage garantissant son fonctionnement ;

- procéder à la réfection de la plomberie de l’ensemble des cellules, notamment en rénovant les lavabos afin que l’eau s’écoule dans la vasque, et procéder au remplacement des toilettes et lavabos dégradés ;

- doter chaque cellule d’un mobilier permettant le rangement des effets personnels des détenus et équiper les cellules d’un nombre suffisant de tables, de chaises, d’armoires et d’étagères afin que chaque détenu puisse s’asseoir, prendre son repas à table, ranger ses affaires personnelles et conserver ses produits alimentaires, remplacer le mobilier défectueux, notamment les lits instables et les sommiers manquant de boulons, et équiper chaque lit superposé d’une échelle ;

- procéder aux travaux d'installation d’un système d'interphonie et de boutons d’appel dans l'ensemble des quartiers de détention dans les meilleurs délais ;

- prévoir des cellules aux normes permettant l’accueil de personnes à mobilité réduite ;

- prendre toutes les mesures de nature à améliorer les conditions matérielles d'hébergement dans les quartiers disciplinaires et d’isolement ;

- mettre fin à la pratique tenant à sanctionner et enfermer au quartier disciplinaire les personnes détenues refusant de réintégrer leur cellule pour protester contre les conditions inhumaines de détention ;

- modifier la méthode de distribution des repas pour garantir une répartition équitable de la nourriture entre les personnes détenues et prendre toute autre mesure permettant de garantir des quantités suffisantes de nourriture à chaque détenu ;

- modifier la méthode d’organisation des cantines, prohiber la distribution de produits de cantine alimentaire inaptes à la consommation pour vérifier que tous sont remis et qu’aucun produit n’est périmé, et prendre toutes mesures, dans les meilleurs délais, pour mettre fin aux retards et erreurs de livraison des cantines ;

- s’assurer que la chaîne du froid est strictement respectée ;

- mettre fin à l’utilisation d’un même véhicule, non réfrigéré et non nettoyé, pour le transport du linge souillé et de denrées alimentaires fraîches ;

- garantir aux personnes détenues un accès rapide à un réfrigérateur d’une capacité suffisante par cellule ;

- assurer la distribution régulière et gratuite des produits essentiels à l’hygiène, de rouleaux de papier toilette, de sacs poubelles et de protections hygiéniques pour les femmes détenues, a minima tous les mois ;

- fournir sans délai aux détenus des produits d’entretien en quantité suffisante pour qu’il leur soit possible d’assurer convenablement l’entretien de leurs cellules ;

- procéder, dans les quartiers pour hommes et pour femmes, au nettoyage régulier des matelas, a minima entre deux utilisations, les pourvoir d’une housse de protection, les remplacer fréquemment, notamment s’ils sont détériorés ou inadaptés, et laver les draps de lit a minima tous les 15 jours ;

- réorganiser la gestion des déchets et procéder au ramassage quotidien des poubelles ;

- disposer les déchets dans un espace réservé et non dans les coursives ;

- permettre aux personnes détenues de se doucher les dimanches et les jours fériés et mettre fin à l’interdiction pour les détenus de se doucher plus d’un jour sur deux au quartier arrivant ;

- rénover et procéder au nettoyage régulier et suffisant des douches des cours de promenade, en faisant procéder à l’enlèvement des détritus, ainsi que des douches collectives pour mettre fin à leur insalubrité, notamment en prévoyant des dispositifs de réglage de la température de l’eau, en réparant les carreaux de linoleum des sols, et mettre fin à l’écoulement des eaux usées dans la coursive ;

- prendre des mesures, dans les plus brefs délais, pour lutter efficacement et définitivement contre la prolifération des nuisibles (rats, pigeons, cafards, punaises) au sein des cellules et des espaces communs ;

- assurer, dans l'ensemble des cellules, aussi bien des quartiers pour hommes que pour femmes, la séparation de l'espace sanitaire du reste de l'espace par un cloisonnement du sol au plafond et procéder à l’installation immédiate d’une porte entre les sanitaires et l’espace de vie de la cellule ;

- procéder au cloisonnement des douches collectives ;

- réduire significativement le délai de traitement des demandes de permis de téléphone et de visite ;

- permettre l’accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades, et ce, dès leur arrivée en détention et à toute heure, notamment en assurant leur fonctionnement permanent, le cas échéant, en rappelant aux surveillants l’obligation d’ouvrir les grilles derrière lesquelles ils sont disposés, et en les équipant d’un cloisonnement ou de tout autre équipement garantissant la confidentialité des échanges ;

- réorganiser les mouvements vers les parloirs afin de ne pas affecter le temps imparti aux visites ;

- rénover les boxes pour les visites ;

- faire procéder à la création d’unités de vie familiale ;

- prendre, dans les meilleurs délais, toutes mesures de nature à améliorer les unités mère-enfant et leur nurserie, notamment en construisant une nurserie au même niveau que les cellules et en sécurisant les unités qui accueillent de jeunes enfants ;

- proscrire les fouilles intégrales dans les douches et les parloirs avocat et aménager des locaux à cet effet, notamment dans les quartiers disciplinaires et d’isolement ;

- respecter les dispositions de l'article R. 213-5 du code pénitentiaire qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule ne peut excéder douze heures;

- rétablir le rythme de deux promenades par détenu et par jour ;

- prendre toute mesure susceptible d’améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, y compris dans les quartiers pour femmes : études, sports, activités de loisir, adaptés aux besoins de chaque catégorie de détenus ;

- prendre toute mesure susceptible d’augmenter l’offre de formation et de travail ;

- prendre des mesures d'organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque ;

- créer des salles dédiées aux activités ;

- équiper l’ensemble des cours de promenade de toilettes, de points d’eau, de bancs et d’abris ;

- mettre aux normes, dans les meilleurs délais, les cours de promenade des quartiers disciplinaires et d’isolement, grâce notamment à un aménagement permettant aux personnes détenues de bénéficier de promenades à l’air libre, en les équipant d’un banc et d’un abri, et en procédant à des travaux d’agrandissement ;

- faire un état des lieux des raisons de l’entrave à l’accès aux soins ;

- prendre les mesures de réorganisation du service permettant de garantir et d’augmenter les possibilités d’extractions médicales ;

- mettre fin à l’interférence de l’administration pénitentiaire dans la mise en œuvre des prescriptions et décisions médicales concernant les détenus, notamment quant à la possibilité de retarder ou d’annuler des extractions médicales ;

- procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l’équipe médicale, notamment en prenant toute mesure pour garantir la présence à tout moment d’une personne compétente pour assurer les premiers soins, y compris la nuit et le week-end ;

- mettre en place un programme de formation à destination des personnels s’agissant de la prévention et de la gestion du risque suicidaire, et de la prise en charge des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques ;

- pour les arrivants, systématiquement procéder au premier entretien et examen médical avec l’unité sanitaire dans les 24 heures suivant leur admission afin de connaître leur état de santé, y compris en matière de maladies transmissibles, addictions et traces de violence, dont les violences sexistes et sexuelles ;

- réorganiser la gestion de la sollicitation des personnes détenues, notamment en garantissant leur enregistrement informatique ;

- revoir le protocole de sécurité incendie, afin notamment de réduire les délais des interventions en urgence, engager tous les travaux nécessaires à la mise aux normes de l’établissement, mettre en œuvre toutes les recommandations de la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public lors de ses dernières visites, et solliciter dans les meilleurs délais le passage de ladite sous-commission ;

- mettre en œuvre un ensemble de mesures de réorganisation du service visant à répondre au climat d’insécurité et de violence : -assurer une intervention immédiate du personnel en cas d’agression, notamment dans les cours de promenade ; -rappeler par voie de circulaire les conditions d’usage de la force en détention et les règles déontologiques encadrant les relations entre les personnels et les détenus ; -assurer un enregistrement systématique, par le biais de l’application Genesis ou par tout autre moyen, de tout fait de violence, qu’il mette en cause un détenu ou un agent ; -garantir aux personnes détenues victimes de violences, y compris lorsqu’elles émanent du personnel, un accès automatique et immédiat à l’unité sanitaire, systématiquement établir un compte rendu constatant les traces de violence dans leur dossier médical, en joignant photos et schémas corporels, et transmettre le dossier aux autorités de poursuite compétentes ; -mettre en place un programme de formation à destination des personnels s’agissant de la prévention, du règlement des conflits et de la gestion de la violence en détention ;

- établir des comptes rendus d’intervention du personnel pénitentiaire en zone hospitalière, notamment concernant les recours à l’usage de la force et aux mesures de contrainte ;

- organiser le suivi des mesures ordonnées dans le cadre de la présente instance, en procédant à l’examen périodique des conditions d’exécution par l’administration desdites mesures ou, à défaut, tenir informés trimestriellement, en rapportant les pièces justificatives nécessaires et probantes, les requérants de l’avancée des mesures ordonnées ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- se fondant notamment sur les recommandations en urgence formulées par la contrôleure générale des lieux privatifs de libertés, publiées au journal officiel le 13 juillet 2022, ils justifient d’une urgence à saisir le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

- les conditions de détention constatées au sein de l’établissement et les dysfonctionnements qui y sont relevés portent une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu’à la dignité des détenus.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, le syndicat des avocats de France, représenté par Me Araez, intervient au soutien de la demande de la Section française de l’Observatoire international des prisons, de l’ordre des avocats au barreau de Bordeaux et de l’association pour la défense des droits des détenus (A3D). Il conclut aux mêmes fins que les requérants par les mêmes moyens et demande en outre qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l’Etat en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucune urgence n’est caractérisée ;

- il n’appartient pas au juge des référés de prononcer certaines des injonctions demandées, qui présentent un caractère structurel ;

- l’ensemble des pièces fournies par l’administration permettent de démontrer que les conditions posées par l’article L. 521-2 du code de justice administrative ne sont pas remplies ;

- les moyens soulevés sont infondés.

La demande de la section française de l’Observatoire international des prisons, de l’Ordre des avocats du barreau de Bordeaux, de l’association pour la défense des droits des détenus et l’intervention du syndicat des avocats de France ont été transmises au ministre de la santé et de la prévention qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 6 octobre 2022 à 15 h 30 :

- les observations de Me Sécheresse, représentant l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de ce dernier ;

- les observations de Me Séval, représentant la section française de l’Observatoire international des prisons et l’association pour la défense des droits des détenus, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de ces dernières ;

- les observations de Me Méaude, représentant le syndicat des avocats de France ;

- les observations de M. V…, directeur interrégional de l’administration pénitentiaire, représentant le ministre de la justice, et de M. H…, directeur de l’établissement pénitentiaire de Gradignan, qui ont confirmé les écrits de cette autorité.

Un mémoire a été déposé le 10 octobre 2022 par la section française de l’Observatoire international des prisons, l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux et l’association pour la défense des droits des détenus ainsi que par le syndicat des avocats de France, intervenant volontaire, qui maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens.

Un mémoire a été déposé le 10 octobre 2022 par le garde des sceaux, ministre de la justice, qui se borne à confirmer ses précédentes écritures, non communiqué.

Par ordonnance du 11 octobre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée à ce même jour à 14 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, construit entre 1964 et 1968, regroupe deux quartiers maison d’arrêt pour hommes, un quartier maison d’arrêt pour femmes, un quartier pour mineurs, un quartier de semi-liberté et un centre pour peines aménagées, et dispose d’une capacité totale de 434 places. Cet établissement a fait l’objet du 30 mai au 10 juin 2022, d’une visite de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) à la suite de laquelle cette dernière a émis le 30 juin 2022 des recommandations en urgence en vertu de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2007. Celles-ci font état, notamment, d’une surpopulation « dramatiquement élevée », dont le niveau « inacceptable » entraîne, selon cette autorité, des atteintes graves à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes détenues. La section française de l’Observatoire international des prisons, l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux et l’association pour la défense des droits des détenus demandent au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l’article L. 521 2 du code de justice administrative, d’ordonner différentes mesures afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales qu’ils estiment portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au sein de ce centre pénitentiaire.

Sur l’intervention du syndicat des avocats de France :

2. Le syndicat des avocats de France justifie, eu égard notamment aux termes de ses statuts, d’un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la demande de la section française de l’Observatoire international des prisons, de l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux et de l’association pour la défense des droits des détenus. Son intervention est, par suite, recevable et doit être admise.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

3. Aux termes de l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ».

4. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu’à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l’article L. 521 2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.

En ce qui concerne l’office du juge des référés :

5. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais »Aux termes de l’article L. 521 2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Aux termes de l’article L. 521-4 du même code : « Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ».

6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 5214 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu’aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l’autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d’organisation des services placés sous son autorité lorsqu’une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2 précité, qu’ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

7. Par ailleurs, s’il n’appartient pas au juge des référés de prononcer, de son propre mouvement, des mesures destinées à assurer l’exécution de celles qu’il a déjà ordonnées, il peut, d’office, en vertu de l’article L. 911-3 du code de justice administrative, assortir les injonctions qu’il prescrit d’une astreinte. Il incombe dans tous les cas aux différentes autorités administratives de prendre, dans les domaines de leurs compétences respectives, les mesures qu’implique le respect des décisions juridictionnelles. L’exécution d’une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-4 du même code, d’assurer l’exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte.

En ce qui concerne l’urgence :

8. Eu égard aux circonstances et compte tenu de la vulnérabilité des personnes détenues et de leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration, la condition d’urgence posée à l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne les injonctions demandées :

9. Aux termes des stipulations du premier alinéa de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». Aux termes des stipulations de l’article 3 de cette convention : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Enfin, aux termes des stipulations de son article 8 : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’agissant des injonctions relatives à des mesures structurelles :

10. Pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la section française de l’Observatoire international des prisons, l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux et l’association pour la défense des droits des détenus, auxquels s’est joint le syndicat des avocats de France, demandent qu’il soit enjoint au ministre de la justice :

- de fermer dans les meilleurs délais les quartiers maison d’arrêt au centre pénitentiaire de Gradignan ;

- de faire procéder dans les meilleurs délais à une inspection approfondie du centre pénitentiaire de Gradignan ;

- de convoquer le conseil d’évaluation du centre pénitentiaire de Gradignan dans les meilleurs délais et, compte tenu de la gravité et de la persistance des problèmes identifiés dans l’établissement, de prévoir que le conseil d’évaluation se réunira tous les six mois tant que cela sera nécessaire, pour assurer un suivi étroit de la situation de l’établissement ;

- de prendre l’initiative d’une concertation entre les autorités administratives et judiciaires compétentes afin d’envisager la mise en place, sous la responsabilité des autorités judiciaires, et en associant les différents acteurs de la chaîne pénale, de protocoles locaux ayant pour objectif la déflation carcérale dans l’établissement ;

- de prendre, dans les meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans l’attente d’une solution pérenne, les conditions d’occupation des cellules ;

- de mettre fin à l’encellulement à trois de façon définitive et inconditionnelle et de prendre toutes les dispositions pour s'assurer qu'aucune personne détenue ne dorme sur un matelas à même le sol ;

- de mettre fin à toute nouvelle affectation de personnes condamnées au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan ;

- de prendre, dans les meilleurs délais, toute mesure permettant d’assurer la séparation des personnes prévenues et des personnes condamnées, des jeunes majeurs et des adultes, et des fumeurs et non-fumeurs ;

- de procéder à la rénovation et au nettoyage des murs et des carreaux des sols des cellules et des coursives, et à la réfection de la peinture ;

- de prendre, dans les plus brefs délais, toute mesure de nature à améliorer l'aération naturelle, la ventilation et l’isolation de l’ensemble des cellules ;

- de procéder à la réfection de la plomberie de l’ensemble des cellules, notamment en rénovant les lavabos afin que l’eau s’écoule dans la vasque, et de procéder au remplacement des toilettes et lavabos dégradés ;

- de doter chaque cellule d’un mobilier permettant le rangement des effets personnels des détenus et d’équiper les cellules d’un nombre suffisant de tables, de chaises, d’armoires et d’étagères afin que chaque détenu puisse s’asseoir, prendre son repas à table, ranger ses affaires personnelles et conserver ses produits alimentaires ;

- de procéder aux travaux d'installation d’un système d'interphonie et de boutons d’appel dans l'ensemble des quartiers de détention dans les meilleurs délais ;

- de prévoir des cellules aux normes permettant l’accueil de personnes à mobilité réduite ;

- de permettre aux personnes détenues de se doucher les dimanches et les jours fériés et de mettre fin à l’interdiction pour les détenus de se doucher plus d’un jour sur deux au quartier arrivant ;

- de réduire significativement le délai de traitement des demandes de permis de téléphone et de visite ;

- de faire procéder à la création d’unités de vie familiale ;

- de prendre, dans les meilleurs délais, toutes mesures de nature à améliorer les unités mère-enfant et leur nurserie, notamment en construisant une nurserie au même niveau que les cellules et en sécurisant les unités qui accueillent de jeunes enfants ;

- de respecter les dispositions de l'article R. 213-5 du code pénitentiaire qui prévoit que la durée pendant laquelle la personne détenue est enfermée en cellule ne peut excéder douze heures ;

- de rétablir le rythme de deux promenades par détenu et par jour ;

- de prendre toute mesure susceptible d’améliorer la quantité et la diversité des activités proposées à l'ensemble des personnes détenues, y compris dans les quartiers pour femmes : études, sports, activités de loisir, adaptés aux besoins de chaque catégorie de détenus ;

- de prendre toute mesure susceptible d’augmenter l’offre de formation et de travail ;

- de créer des salles dédiées aux activités ;

- de mettre aux normes, dans les meilleurs délais, les cours de promenade des quartiers disciplinaires et d’isolement, grâce notamment à un aménagement permettant aux personnes détenues de bénéficier de promenades à l’air libre, en les équipant d’un banc et d’un abri, et en procédant à des travaux d’agrandissement ; - de prendre les mesures de réorganisation du service permettant de garantir et d’augmenter les possibilités d’extractions médicales.

11. Eu égard à leur objet, les injonctions demandées mentionnées au point précédent, qui portent sur des mesures d’ordre structurel, et au surplus sur des choix de politique publique sur l’opportunité desquels il n’appartient pas au juge de statuer, et qui sont au demeurant insusceptibles d’être mis en œuvre à très bref délai et, dès lors, de porter effet, ne sont pas au nombre des mesures d’urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il s’ensuit que les requérants ne sont pas fondés à demander le prononcé de ces injonctions.

S’agissant des autres demandes d’injonctions :

Quant à l’encellulement des personnes à mobilité réduite (PMR) :

12. Les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint au ministre de la justice de garantir un encellulement individuel aux PMR. Il résulte de l’instruction que deux PMR sont actuellement détenus au centre pénitentiaire de Gradignan. La première est un détenu qui se trouve seul en cellule dans le bâtiment A et la seconde, une détenue qui bénéficie de la seule cellule adaptée aux PMR se trouvant au sein de la structure d'accompagnement vers la sortie. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, en l’état de l’instruction, que les conditions d’occupation des cellules réservées aux personnes à mobilité réduite constitueraient une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales qu’ils invoquent. Par suite, la demande d’injonction qu’ils présentent sur ce point doit être rejetée.

Quant aux conditions matérielles d’accueil des personnes détenues :

13. En premier lieu, les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de faire procéder à des travaux de mise aux normes du chauffage, garantissant son fonctionnement, en se basant sur la visite réalisée en décembre 2019 par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) qui a constaté que l’établissement présentait « des problèmes de chauffage ». Il résulte cependant de l’instruction que le renouvellement de trois chaudières est en cours et que ce nouvel équipement sera mis en service dès ce mois d'octobre 2022. Il n’y a dès lors pas lieu, en l’état de l’instruction, de faire droit à cette demande d’injonction.

14. En deuxième lieu, les requérants demandent au juge des référés de prendre toutes les mesures de nature à améliorer les conditions matérielles d’hébergement dans les quartiers disciplinaires et d’isolement et de mettre fin à la pratique tenant à sanctionner et enfermer au quartier disciplinaire les personnes détenues refusant de réintégrer leur cellule pour protester contre les conditions de détention. Cependant, d’une part, en l’absence de précision sur cette demande, le juge des référés n’est pas en mesure de déterminer les injonctions qui pourraient être prescrites dans un délai de 48 heures. D’autre part, la mesure de restriction tendant à placer en quartier disciplinaire les détenus refusant de regagner leur cellule est justifiée par la nécessité de faire respecter l’ordre au sein de l’établissement. Cette demande d’injonction sera donc rejetée.

15. En revanche, il résulte de l’instruction et notamment des recommandations formulées le 30 juin 2022 par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, que la luminosité naturelle des cellules est faible et que la luminosité électrique est également médiocre alors que les détenus doivent par ailleurs occulter les ouvertures pour se protéger de la chaleur du soleil. Il est également constaté que de nombreuses fenêtres ne ferment pas correctement ou sont cassées. Il y a lieu, dès lors, de prescrire à l’administration, dans l’attente d’une solution pérenne, de prendre toutes les mesures utiles de nature à améliorer la luminosité des cellules, afin de permettre aux personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante, et d’effectuer le remplacement systématique des fenêtres défectueuses.

16. Enfin, s’agissant du mobilier, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté note que les lits superposés comportent parfois des sommiers où il manque les boulons nécessaires pour en assurer une fixation correcte, et que certains sont dépourvus d’échelle pour accéder au couchage supérieur. L’administration ne conteste pas cette situation de fait. Il y a lieu, dès lors, d’enjoindre au ministre de la justice de remplacer, dans les meilleurs délais, les lits instables et les sommiers manquants de boulons, et de veiller à équiper chaque lit superposé d’une échelle.

Quant à l’alimentation des détenus :

17. En premier lieu, il résulte de l’instruction et notamment des recommandations de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté formulées le 30 juin 2022, que la quantité de nourriture n’est pas répartie équitablement entre les détenus, puisque les détenus situés en fin des coursives sont régulièrement pénalisés. Ces faits n’étant pas contredits par l’administration, il y a lieu d’enjoindre à celle-ci de modifier la méthode de distribution des repas afin de garantir une répartition équitable de la nourriture entre les détenus.

18. En deuxième lieu, il ressort des recommandations formulées par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté qu’un même véhicule non réfrigéré et non nettoyé est utilisé pour le transport du linge souillé et des denrées alimentaires fraîches conditionnées en cagettes, à l’air libre, sans aucun respect de la chaine du froid, ni prévention des risques de contamination. Si le ministre fait valoir que, concernant la chaine du froid et l’hygiène des aliments, des tests sanitaires sont réalisés mensuellement par un laboratoire indépendant, il ne conteste pas pour autant les faits relatés par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Dès lors, il y a lieu d’enjoindre à l’administration de mettre fin à l’utilisation d’un même véhicule pour le transport du linge souillé et celui des denrées alimentaires fraiches, et de s’assurer que la chaine du froid est strictement respectée.

19. En troisième lieu, s’agissant des cantines, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a noté que des produits de la cantine de frais étaient fréquemment avariés ou présentaient un dépassement de la date limite de consommation et que ces produits étaient tout de même facturés aux détenus. Elle recommande ainsi qu’aucun produit de cantine alimentaire inapte à la consommation ne soit distribué aux personnes détenues et que des mesures soient prises pour prévenir retards et erreurs de livraison des cantines. En conséquence, les requérants demandent à ce qu’il soit prescrit à l’administration de modifier la méthode d’organisation des cantines, afin de prohiber la distribution de produits de cantine alimentaire inaptes à la consommation, de vérifier que tous les produits sont remis et qu’aucun n’est périmé, ainsi que de prendre toutes mesures, dans les meilleurs délais, pour mettre fin aux retards et erreurs de livraison des cantines. Cependant, il résulte de l’instruction que la distribution des produits de cantine s’effectue en présence des surveillants cantiniers, lesquels opèrent des contrôles dès la réception des produits et notent sur des fiches « incidents » toute anomalie constatée. Ainsi, le ministre fait valoir qu’au cours de l’été 2022 trois incidents ont été relevés concernant des produits abimés ou dont la date limite de consommation était trop proche de la date de livraison et que ces produits ont été récupérés par leurs expéditeurs. Par ailleurs, le ministre indique que dans le cas où une cantine n’est pas livrée, un re-crédit général est opéré par la régie des comptes nominatifs (RCN). En l’état, les requérants ne sont donc pas fondés à demander le prononcé d’une injonction sur ce point.

20. Enfin, les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de garantir aux personnes détenus un accès rapide à un réfrigérateur. Sur ce point, le ministre fait valoir qu’il n'est pas possible d'attribuer un réfrigérateur à toutes les personnes détenues qui en formulent la demande compte tenu de la configuration des cellules. Cependant, pour permettre un meilleur accès à ce type d’équipement, le ministre fait valoir que lors du renouvellement du marché de location des réfrigérateurs en juillet 2022, le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan a sollicité 113 réfrigérateurs supplémentaires afin que chaque cellule puisse disposer d'un réfrigérateur. Cette demande d’injonction sera donc rejetée.

Quant aux conditions d’hygiène des personnes détenus et la lutte contre les nuisibles :

21. En premier lieu, les requérants font valoir que lors de sa visite de l’établissement, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a déploré que la distribution de deux rouleaux de papier toilette et d’un sac à ordures, censée répondre à un rythme mensuel, soit souvent espacée de deux mois. Si l’administration fait valoir que l’établissement fournit aux personnes détenues un kit d’hygiène corporelle, lors de leur arrivée puis chaque mois, composé de deux rouleaux de papier toilette, un dentifrice, une brosse à dents, un paquet de mouchoirs, un peigne, accompagné d'une brosse pour les femmes, cinq rasoirs, de la mousse à raser, un déodorant, un savon, une serviette, un gant, un gel douche de 100 ml ainsi qu'un shampoing de 100 ml, et qu’un kit d’entretien de la cellule composé d'un rouleau de sacs poubelles, d’un détergent multi usages, d’un liquide vaisselle, d’une lessive pour le linge et d’une serpillère par cellule est également distribué à l’arrivée des personnes détenues puis une fois par mois, et que s’agissant des femmes, l‘établissement fournit des protections périodiques gratuitement chaque début de mois, pour autant, elle ne remet pas en cause les constatations de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté précédemment indiquées. Dès lors, il y a lieu d’enjoindre à l’administration de s’assurer d’une distribution régulière aux détenus, au moins une fois par mois, et gratuite des produits essentiels à l’hygiène ainsi que des produits, en quantité suffisante, nécessaires à l’entretien de leur cellule.

22. En deuxième lieu, s’agissant du nettoyage des matelas, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté mentionne, dans ses recommandations, que les matelas de mousse, dépourvus de housse de protection, ne sont pas nettoyés entre deux utilisations et que la distribution de draps propres, prévue toutes les deux semaines, est aléatoire. Cependant, il résulte de l’instruction que les matelas sont changés entre chaque utilisation par des personnes détenues différentes et que la house lavable est la plupart du temps arrachée ou découpée par les détenus. Il résulte également de l’instruction, que s’agissant des draps, ils sont changés tous les quinze jours pour être lavés par une société externe. Dès lors, en l’état de l’instruction, l’injonction tendant à ce que l’administration procède au nettoyage régulier des matelas et des draps de lit a minima tous les 15 jours, sera rejetée.

23. En troisième lieu, concernant la gestion des déchets, il résulte de l’instruction que les poubelles tout-venant sont enlevées trois fois par semaine les lundi, mercredi et vendredi, que les poubelles carton et papier sont enlevées deux fois par semaine les mardi et vendredi et qu’enfin, les poubelles des restes alimentaires sont enlevées trois fois par semaine, les lundi, mercredi et vendredi. Ainsi, en l’état de l’instruction, il n’est pas justifié d’une atteinte grave et manifestement illégale aux droits garantis par les stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les demandes tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de réorganiser la gestion des déchets, de procéder au ramassage quotidien des poubelles et de disposer les déchets dans un espace réservé et non dans les coursives, seront rejetés.

24. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction que les douches du 1er et 2ème étage du bâtiment A de l’établissement ont été rénovées, qu’une réfection du réseau d'eau chaude a également été réalisée par un remplacement de la tuyauterie par un réseau inox DTU et que la remise en état des douches des 3ème, 4ème, 5ème et 6ème étages du bâtiment A doit être inscrite au budget d'investissement au titre de 2023. Dès lors, la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de procéder à la remise en état des douches sera rejetée.

25. Enfin, les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de prendre des mesures, dans les plus brefs délais, pour lutter efficacement et définitivement contre la prolifération des nuisibles (rats, pigeons, cafards, punaises) au sein des cellules et des espaces communs. Cependant, l’administration justifie avoir passé le 22 décembre 2020 un contrat avec une société prévoyant une action de dératisation et de désinsectisation de l’établissement 4 fois par an et au cas par cas à chaque signalement par l’établissement de l’apparition de nuisibles. La demande d’injonction sera donc rejetée.

Quant au respect de l’intimité et de la vie privée et familiale des détenus :

26. Les requérants demandent que des travaux de cloisonnement de l’espace sanitaire des cellules et des douches collectives de la maison d’arrêt soient entrepris. Lorsqu’une cellule est occupée par plus d’une personne, l’absence de séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment l’intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu’à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à ces deux libertés fondamentales. Toutefois, en l’espèce, il résulte de l’instruction que les sanitaires des cellules sont séparés du reste de l’espace de la cellule par une cloison et des portes battantes. Par ailleurs, l’administration fait valoir sans être contredite que l’absence de certaines portes battantes résulte de dégradations effectuées par les détenus. Enfin, s’agissant des douches collectives, l’administration indique, comme cela a été mentionné au point 24, que les douches du 1er et 2ème étage ont été rénovées avec un cloisonnement de séparation entre chaque douche et que la remise en état des douches des 3ème, 4ème, 5ème et 6ème étages du bâtiment A doit être inscrite au budget d'investissement au titre de 2023. L’injonction demandée sera donc rejetée.

Quant au maintien des liens familiaux :

27. En premier lieu, les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de permettre l’accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades, et ce, dès leur arrivée en détention. L’administration se borne à faire valoir que tout dysfonctionnement du dispositif de téléphonie porté à sa connaissance fait l’objet d’un signalement auprès du prestataire technique aux fin de réparation, que tout arrivant condamné dispose d’une carte créditée d’un euro pour téléphoner et que s’agissant des personnes prévenues celles-ci doivent obtenir une autorisation des autorités judiciaires. Ce faisant, elle ne conteste pas sérieusement que les téléphones sont parfois inaccessibles et souvent hors d’usage pendant une période significative. Le défaut d’accès à la téléphonie porte une atteinte disproportionnée aux droits des détenus au respect de leur vie privée et familiale en violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En conséquence, il y a lieu d’enjoindre au ministre de prendre toutes mesures utiles pour permettre un accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades.

28. En deuxième lieu, les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de réorganiser les mouvements vers les parloirs afin de ne pas affecter le temps imparti aux visites et de rénover les boxes pour les visites. Il résulte de l’instruction que les personnes détenues peuvent bénéficier de 45 minutes de rencontre par tour de parloir avec une possibilité de doublement de la durée pour les familles qui effectuent des trajets de longue distance et que des plages horaires sont spécialement prévues du lundi au vendredi pour chaque bâtiment de l’établissement et le samedi matin sur dérogation. Par ailleurs il résulte des photos produites par le ministre de la justice que les boxes prévus pour les visites sont propres et non vétustes. Par suite, et alors que la critique sur l’organisation des mouvements des parloirs n’est pas étayée, en l’état de l’instruction les injonctions sollicitées seront rejetées.

Quant aux fouilles :

29. Au cours de sa visite du centre pénitentiaire de Gradignan, réalisée en décembre 2019, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a constaté que dans les quartiers disciplinaires et d’isolement, en l’absence d’une salle de fouilles dédiée, les fouilles étaient réalisées dans des locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats. Les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint à l’administration de proscrire les fouilles intégrales dans les douches et les parloirs avocat et d’aménager des locaux à cet effet, notamment dans les quartiers disciplinaire et d’isolement. Il résulte cependant de l’instruction que des cabines de fouilles sont prévues spécifiquement afin de réaliser lesdites fouilles. Dès lors, en l’état de l’instruction, la demande d’injonction tendant à l’aménagement de locaux à cet effet sera rejetée. En revanche, il y a lieu d’enjoindre à l’administration de proscrire toute fouille intégrale dans les locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats.

Quant aux activités :

30. Les requérants sollicitent qu’il soit enjoint à l’administration de prendre des mesures d’organisation du service afin de garantir un accès régulier à la bibliothèque. L’administration fait valoir que l’établissement dispose de 3 bibliothèques pour lesquelles l’ensemble des détenus ont accès aux heures ouvrables et produit des statistiques relatives aux emprunts de livres des bibliothèques des bâtiments A et B démontrant une utilisation régulière de celles-ci. La demande d’injonction sera rejetée.

Quant aux cours de promenade :

31. Il ressort de l’instruction et notamment des photographies versées au dossier par le ministre que les cours de promenade de l’établissement bénéficient d'ores et déjà de points d'eau, de bancs et d'abris ; dès lors l’injonction sollicitée par les requérants afin d’équiper l’ensemble des cours de promenade de ces équipements sera rejetée.

Quant à l’accès aux soins :

32. En premier lieu, il ne relève pas de l’office du juge des référés de faire un état des lieux des raisons de l’entrave à l’accès des soins ; dès lors cette injonction sera rejetée.

33. En deuxième lieu, il ressort des recommandations en urgence de la contrôleure générale des lieux de privation de libertés, qu’elle dénonce de graves carences affectant l’accès aux soins des détenus au centre pénitentiaire de Gradignan. Elle constate également que « chaque jour, ce sont dix à quinze patients programmés en consultation à l’UMSP qui ne s’y présentent pas et de nombreux rendez-vous sont reportés ». Elle recommande de garantir l’accès aux soins, tant somatiques que psychiatriques, des personnes détenues, y compris lorsqu’il nécessite une extraction médicale. A cet égard, elle note un certain nombre de problèmes relatifs aux extractions médicales et mentionne que sur les cinq premiers mois de l’année 2022, 440 extractions ont été annulées sur les 817 programmées, soit un taux de 54 % d’annulation. Enfin, elle s’inquiète de l’ingérence de l’administration pénitentiaire dans les décisions de prescriptions médicales et notamment dans les extractions médicales, qui peuvent être retardées ou annulées et donne plusieurs exemples à l’appui de ce constat. Ces éléments ne sont pas sérieusement contredits par l’administration. Dès lors, il y a lieu d’enjoindre à l’administration de mettre fin à son interférence dans la mise en œuvre des prescriptions et décisions médicales concernant les détenus et s’agissant des extractions médicales, à tout retard ou annulation non justifiée par des motifs de sécurité.

34. En troisième lieu, la contrôleure générale des lieux de privation de libertés, dans ses recommandations en urgence, relève un certain nombre d’incidences du fait d’un manque de moyens relatifs à l’accès aux soins. Elle indique ainsi que « l’équipe de l’USMP est dimensionnée pour dispenser des soins à une population carcérale théorique de 430 personnes détenues mais doit en réalité prendre en charge plus du double, à effectif constant », et souligne également un problème de sous-effectif permanent de médecins généralistes qui se traduit par un délai de huit semaines pour obtenir une consultation non urgente. L’administration ne remet pas en cause ce constat en indiquant qu’elle dispose d’une équipe sanitaire accessible pour les personnes détenues de 7 h 30 à 17 h tous les jours de la semaine et de 8 h 30 à 17 h, les samedi, dimanche et jours fériés comportant 2,4 équivalents temps plein (ETP) de médecins, 1 ETP d'assistant social, 0,7 ETP en kinésithérapie, 0,5 ETP en radiologie, un dentiste, un cadre de sante et dix infirmiers ainsi que des vacations de spécialistes tels que des ophtalmologue, gynécologue, infectiologue, proctologue, dermatologue et la présence d’un médecin psychiatre le samedi matin. Pour autant, il n’est pas établi qu’eu égard à l’importance de la population carcérale, ces moyens soient suffisants. Dès lors, il y a lieu d’enjoindre à l’administration de procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l’équipe médicale, notamment en prenant toute mesure aux fins de garantir la présence à tout moment d’une personne compétente pour assurer les premiers soins, y compris la nuit et le week-end, ainsi qu’une présence d’un médecin psychiatre plus effective.

35. En quatrième lieu, il résulte de l’instruction qu’au cours de l’année 2022 cinq formations prévention du risque suicidaire ont eu lieu dans l’établissement permettant de former quarante-huit agents et une session au premier secours en santé mentale s'est déroulée les 12 et 13 septembre 2022. Par ailleurs, l’ensemble du personnel pénitentiaire a bénéficié, dans le cadre de la formation continue, de la formation PSC1 - Prévention et secours civiques de niveau 1. Dès lors, en l’état de l’instruction, la demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de mettre en place un programme de formation à destination des personnels concernant la prévention et la gestion du risque suicidaire, ainsi que la prise en charge des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques, sera rejetée.

36. En dernier lieu, l’administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que les personnes détenues arrivant au centre font l’objet d’un entretien médical réalisé par le personnel soignant, dont un médecin, dans les 24 à 48 heures suivant leur arrivée. Par suite, la demande des requérants tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration de procéder pour les arrivants au premier entretien et examen médical avec l’unité sanitaire dans les 24 heures suivant leur admission sera rejetée.

Quant à la sécurité de l’établissement et la prévention des risques incendies :

37. En premier lieu, les requérants demandent au juge des référés d’enjoindre à l’administration de réorganiser la gestion de la sollicitation des personnes détenues, notamment en garantissant leur enregistrement informatique. Cependant, en l’absence de précision sur cette demande, le juge des référés n’est pas en mesure de déterminer les injonctions qui pourraient être prescrites dans un délai de 48 heures. Cette demande d’injonction sera donc rejetée.

38. En deuxième lieu, les requérants font mention d’un incident intervenue dans l’établissement en juin 2022, pendant la visite de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, ayant causé le décès d’un détenu et demandent en conséquence à ce qu’il soit enjoint à l’administration de revoir le protocole de sécurité incendie, afin notamment de réduire les délais des interventions en urgence, d’engager tous les travaux nécessaires à la mise aux normes de l’établissement, de mettre en œuvre toutes les recommandations de la sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public lors de ses dernières visites, et de solliciter dans les meilleurs délais le passage de ladite sous-commission. Cependant, il résulte de l’instruction que concernant cet incident, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a indiqué dans son rapport que l’intervention des personnels avait été réalisé conformément au protocole et que le temps de préparation et d’intervention n’avait pas été rallongé. Par ailleurs, il résulte également de l’instruction que les préconisations contenues dans le dernier rapport de la sous-commission départementale de sécurité contre l’incendie du 4 février 2021 ont donné lieu à une réunion de travail en juin 2022 au cours de laquelle des devis ont été proposés afin de procéder aux améliorations de sécurité préconisées, avec notamment la mise aux normes des cuisines dont les travaux sont programmés au cours de l’année 2022. Des mesures ont également été mises en place telles que l’installation d’extincteurs sur roue de 45 litres dans les bureaux des surveillants des six étages du bâtiment A, la mise en place de nouvelles tenues avec des appareils respiratoires isolants dans le SAS d'entrée du quartier femmes, dans l’entresol de l’escalier du personnel et dans le bureau du surveillant du quartier disciplinaire au 4ème étage s'agissant du bâtiment A, dans la salle de réunion du bâtiment B et dans le SAS d'entrée de la structure d'accompagnement à la sortie et enfin, l'installation d'extincteurs supplémentaires au bâtiment B. La demande d’injonction sera donc rejetée

Quant aux faits de violence en détention :

39. Les requérants font valoir que la contrôleure générale des lieux de privation de liberté a fait état, dans ses recommandations en urgence du 30 juin 2022, d’un « fort sentiment d’insécurité », résultant de ses 171 entretiens avec des personnes détenues invoquant notamment des violences de la part de certains surveillants. La contrôleure générale ajoute que les rixes sont fréquentes et souvent très violentes dans les cours de promenades, exposant les détenus à d’importants dangers. Les requérants demandent au juge des référés d’enjoindre à l’administration de mettre en œuvre un ensemble de mesures de réorganisation du service visant à répondre au climat d’insécurité et de violence. A cet égard, il est ainsi sollicité d’enjoindre à l’administration d’assurer une intervention immédiate du personnel en cas d’agression, notamment dans les cours de promenade, de rappeler par voie de circulaire les conditions d’usage de la force en détention et les règles déontologiques encadrant les relations entre les personnels et les détenus, d’assurer un enregistrement systématique, par le biais de l’application Genesis ou par tout autre moyen, de tout fait de violence, qu’il mette en cause un détenu ou un agent, de garantir aux personnes détenues victimes de violences, y compris lorsqu’elles émanent du personnel, un accès automatique et immédiat à l’unité sanitaire, d’établir systématiquement un compte rendu constatant les traces de violence dans leur dossier médical, et de transmettre le dossier aux autorités de poursuite compétentes, enfin, de mettre en place un programme de formation à destination des personnels s’agissant de la prévention, du règlement des conflits et de la gestion de violence en détention. Le ministre fait valoir que plusieurs mesures ont été prises pour diminuer la violence dans l’établissement. Ainsi, il indique qu’un protocole de gestion des incidents a été signé le 21 juin 2022 entre la procureure de la République, le directeur départemental de la sécurité publique et le chef d'établissement, qui renforce le partenariat de ces autorités en facilitant la circulation de l’information entre tous les acteurs. Le ministre précise également que l’établissement dispose d’un plan opérationnel intérieur (POI) qui définit les mesures en terme de ressources humaines et de moyens matériels afin de faire face à un incident grave en détention, ainsi que des plans d'intérêt vital (PIV) et des plans de protection et d'intervention (PPI), réalisés en lien avec la préfecture, afin d'établir la présence de forces de l’ordre en détention. S’agissant des rixes, le ministre indique qu’elles font systématiquement l'objet d'une fiche incident, d'une enquête et d'un signalement au parquet et que tout fait de violence sur une personne détenue commis par un personnel est réprimé selon les prescriptions du code pénal et du code de procédure pénale. Il précise que, par ailleurs, l'établissement a mis en place des mesures alternatives aux poursuites disciplinaires afin d'endiguer les incivilités et le phénomène à la racine, par des réponses systématiques, y compris pour les incidents mineurs. A cet égard, le ministre fait valoir qu’un groupe de travail sur la prévention des violences est en cours d'élaboration et sera mis en place prochainement. Enfin, s’agissant de comportement inapproprié du personnel, le ministre indique que toute intervention de maitrise physique d'une personne détenue par le personnel est encadrée par les règlements et que tout usage des moyens de contrainte fait l‘objet d'un formulaire rempli par les personnels gradés, responsables de la conduite d'une intervention en application de la réglementation en vigueur. A cet égard, le ministre indique que la direction de l’administration pénitentiaire a rappelé, le 22 novembre 2021, aux personnels pénitentiaires le cadre règlementaire dans lequel s'inscrit l'usage de la force, mais également la maitrise des techniques d'intervention et a insisté sur la traçabilité de ces usages. Dès lors, en l’état de l’instruction, la demande d’injonction sera rejetée.

S’agissant des conclusions tendant à ce que le juge des référés enjoigne à l’administration d’informer les requérants sur le suivi des mesures ordonnées :

40. Ainsi qu’il a été dit au point 7, il incombe aux différentes autorités administratives de prendre, dans leurs domaines de compétences respectifs, les mesures qu’implique le respect des décisions juridictionnelles. L’exécution d’une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5. En pareil cas, il appartient au juge de l’exécution de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l’espèce. La personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-4 du même code, d’assurer l’exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte. En revanche, il ne relève pas de l’office du juge des référés statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lorsqu’il a prononcé des injonctions à l’égard de l’administration, de mettre également à sa charge une obligation d’information de la partie requérante. Il s’ensuit que les conclusions susvisées doivent, en tout état de cause, être rejetées.

41. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre seulement au garde des sceaux ministre de la justice :

- de prendre toute mesure susceptible d’améliorer la luminosité des cellules afin de permettre aux personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante et de procéder à un remplacement systématique des fenêtres des cellules défectueuses ;

- de remplacer, dans les meilleurs délais, les lits instables et les sommiers manquants de boulons et de veiller à équiper chaque lit superposé d’une échelle ;

- de modifier la méthode de distribution des repas afin de garantir une répartition équitable de la nourriture entre les détenus ;

- de mettre fin à l’utilisation d’un même véhicule pour le transport du linge souillé et celui des denrées alimentaires fraiches et de s’assurer que la chaine du froid est strictement respectée ;

- de s’assurer d’une distribution régulière aux détenus, au moins une fois par mois, et gratuite des produits essentiels à l’hygiène ainsi que des produits, en quantité suffisante, nécessaires à l’entretien de leur cellule ;

- de prendre toutes mesures utiles pour permettre un accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades ;

- de proscrire toute fouille intégrale dans les locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats ;

- de mettre fin à son interférence dans la mise en œuvre des prescriptions et décisions médicales concernant les détenus et s’agissant des extractions médicales, à tout retard ou annulation non justifiée par des motifs de sécurité ;

- de procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l’équipe médicale, notamment en prenant toute mesure pour garantir la présence à tout moment d’une personne compétente pour assurer les premiers soins, y compris la nuit et le week-end ainsi qu’une présence d’un médecin psychiatre plus effective.

Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :

42. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme globale de 1 500 euros à la section française de l’Observatoire international des prisons, à l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux et à l’association pour la défense des droits des détenus au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions présentées sur ce fondement par le syndicat des avocats de France qui, intervenant, n’a pas la qualité de partie à l’instance, doivent être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : L’intervention du syndicat des avocats de France est admise.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice :

- de prendre toute mesure susceptible d’améliorer la luminosité des cellules afin de permettre aux personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante et de procéder à un remplacement systématique des fenêtres des cellules défectueuses ;

- de remplacer, dans les meilleurs délais, les lits instables et les sommiers manquants de boulons et de veiller à équiper chaque lit superposé d’une échelle ;

- de modifier la méthode de distribution des repas afin de garantir une répartition équitable de la nourriture entre les détenus ;

- de mettre fin à l’utilisation d’un même véhicule pour le transport du linge souillé et celui des denrées alimentaires fraiches et de s’assurer que la chaine du froid est strictement respectée ;

- de s’assurer d’une distribution régulière aux détenus, au moins une fois par mois, et gratuite des produits essentiels à l’hygiène ainsi que des produits, en quantité suffisante, nécessaires à l’entretien de leur cellule ;

- de prendre toutes mesures utiles pour permettre un accès effectif des détenus aux téléphones mis à leur disposition dans les bâtiments et sur les cours promenades ;

- de proscrire toute fouille intégrale dans les locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats ;

- de mettre fin à son interférence dans la mise en œuvre des prescriptions et décisions médicales concernant les détenus et s’agissant des extractions médicales, à tout retard ou annulation non justifiée par des motifs de sécurité ;

- de procéder au renforcement des moyens matériels et humains de l’équipe médicale, notamment en prenant toute mesure pour garantir la présence à tout moment d’une personne compétente pour assurer les premiers soins, y compris la nuit et le week-end ainsi qu’une présence d’un médecin psychiatre plus effective.

Article 3 : L’État versera une somme globale de 1 500 euros à la section française de l’Observatoire international des prisons, à l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux et à l’association pour la défense des droits des détenus au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête et les conclusions du syndicat des avocats de France tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la section française de l’Observatoire international des prisons, à l’ordre des avocats du barreau de Bordeaux, à l’association pour la défense des droits des détenus, au syndicat des avocats de France, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de la santé et de la prévention.