Vu la procédure suivante :

Par une requête n°1900276 enregistrée le 21 janvier 2019, la Chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne, représentée par Me Thalamas, demande au tribunal de condamner l’Etat à lui verser la somme de 567 685,81 euros en réparation du préjudice que lui a causé le retrait le 15 octobre 2018 de l’arrêté du 29 juin 2018 de la préfète de Lot-et-Garonne.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu’elle est un organe consultatif, représentatif et professionnel des intérêts agricoles au sens de l’article L. 511-1 du code rural et assure au terme de l’article L. 511-3 du même code l’animation et le développement des territoires ruraux pour une meilleure performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières ; elle est propriétaire des parcelles sur lesquelles la retenue d’eau dite « de L... » devait être réalisée et le retrait de l’autorisation initialement accordée le 29 juin 2018 préjudicie gravement aux intérêts qu’elle défend ;

- le retrait, qui est illégal, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

- le retrait est entaché d’un défaut de motivation au regard de l’absence de compatibilité du projet avec les objectifs du SDAGE Adour Garonne et méconnaît ainsi le 4° de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ;

- le principe du respect des droits de la défense a été méconnu dès lors que si la préfète de Lot-et-Garonne a indiqué au syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne (SDCI) qu’elle envisageait de procéder au retrait de l’arrêté du 29 juin 2018, elle n’a pas communiqué les motifs de la décision ;

- la préfète de Lot-et-Garonne a fait montre de précipitation et a retiré l’arrêté sans même attendre que le juge des référés, saisi d’une demande de suspension, se prononce sur le bien-fondé de cette demande ;

- le préjudice dont elle demande réparation se décompose entre une somme de 311 432,51 euros correspondant à l’acquisition des terrains d’assiette du projet désormais dépourvue de toute utilité, une somme de 156 253,30 euros correspondant aux frais de personnels, de défrichement et broyage et, enfin, une somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d’existence.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 avril 2019 et 6 avril 2021, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que tant le tribunal administratif de Bordeaux, par un jugement n°1804061 et n°1804669 du 28 mars 2019, que la cour administrative d’appel de Bordeaux par un arrêt n°19BX02219 du 23 février 2021 ont rejeté les recours formulés à l’encontre de l’arrêté du 15 octobre 2018 de retrait de l’autorisation initialement accordée le 29 juin 2018 ; les moyens soulevés par la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 avril 2021 à 12h00.

Vu :

- la demande préalable réceptionnée le 30 octobre 2018 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’environnement ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Billet-Ydier,

- et les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- les parties n’étant ni présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. En juin 2017, le syndicat départemental des collectivités irrigantes de Lot-et-Garonne (SDCI 47) a déposé en préfecture une demande d’autorisation pour la création et l’exploitation, sur le territoire de la commune de A..., d’une retenue d’eau dite de L... à usage d’irrigation et de soutien d’étiage. Le 29 juin 2018, le préfet de Lot-et-Garonne a satisfait à cette demande en délivrant au SDCI 47 une autorisation environnementale tenant lieu d’autorisation d’aménagement de la retenue d’eau au titre de l’article L. 214-3 du code de l'environnement, de dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats au titre du 4° de l’article L. 411-2 du code de l'environnement et d’autorisation de défrichement en application de l’article L. 341-3 du code forestier. Le préfet de Lot-et-Garonne a retiré cette autorisation par un arrêté du 15 octobre 2018. Par la présente requête, la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne demande l’indemnisation du préjudice tiré du retrait illégal de l’autorisation délivrée le 29 juin 2018 par la préfète de la Gironde.

Sur la faute :

2. A l’appui de sa demande indemnitaire, la requérante invoque l’illégalité de l’arrêté du 15 octobre 2018 retirant l’arrêté du 29 juin 2018 délivrant au SDCI 47 une autorisation environnementale tenant lieu d’autorisation d’aménagement de la retenue d’eau au titre de l’article L. 214-3 du code de l'environnement, de dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats au titre du 4° de l’article L. 411-2 du code de l'environnement et d’autorisation de défrichement en application de l’article L. 341-3 du code forestier.

3. Ainsi que l’oppose le préfet de Lot-et-Garonne dans ses écritures en défense, le recours formé par le SDCI 47 à l’encontre de l’arrêté du 15 octobre 2018 portant retrait de l’autorisation initialement accordée le 29 juin 2018 a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux n°19BX02219 du 23 février 2021 devenu définitif. Les moyens soulevés dans la présente requête, invoqués à l’appui de la faute commise par l’Etat, tirés d’une part, du défaut de motivation de l’arrêté du 15 octobre 2018 au regard de l’absence de compatibilité du projet avec les objectifs du SDAGE Adour Garonne et, d’autre part, de la méconnaissance du principe du respect des droits de la défense en l’absence de communication suffisante des motifs de la décision sont identiques à ceux qui ont été jugés par la cour administrative d’appel qui les a rejetés et a estimé ce retrait fondé, le projet en dépit des améliorations apportées par le syndicat au projet initial étant incompatible avec les orientations et objectifs du SDAGE Adour Garonne 2016-2021 approuvé le 1er septembre 2015. Par suite, en l’absence d’illégalité du retrait opéré, l’Etat n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

4. Aux termes de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration : « L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. ». En vertu des règles générales applicables au retrait des actes administratifs, l'auteur d'une décision individuelle expresse créatrice de droits ne peut légalement la rapporter, à la condition que cette décision soit elle-même illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise.

5. Il résulte de l’instruction que la préfète de Lot-et-Garonne a procédé au retrait le 15 octobre 2018 de l’arrêté du 29 juin 2018 dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle celui-ci a été édicté. Par suite, en invoquant le caractère précipité de ce retrait, alors même que le juge des référés du tribunal avait été saisi, la requérante n’établit pas l’existence d’une quelconque illégalité de nature à engager la responsabilité de l’État.

6. Dans ces conditions, l’Etat n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en édictant l’arrêté du 15 octobre 2018 portant retrait de l’arrêté du 29 juin 2018 relatif à l’autorisation d’aménagement de la retenue d’eau au titre de l’article L. 214-3 du code de l'environnement et de défrichement en application de l’article L. 341-3 du code forestier. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la requérante ne peuvent qu’être rejetées et, par voie de conséquence, la présente requête.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la Chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera délivrée au préfet de Lot-et-Garonne.