Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 5 août 2020, 16 avril 2021 et 25 juin 2021, M. G... B..., agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, D... et C... B..., et A... F... E..., représentés par la Selarl Coubris, Courtois & associés, cabinet d’avocats, demandent au tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à leur verser la somme globale de 449 989 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge de Mme H... B... au sein de cet établissement de santé ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, les entiers dépens, ainsi que le paiement à chacun d’eux, de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- Mme B... n’a pas été correctement prise en charge à son arrivée au CHU de Bordeaux le 8 mars 2018 ; sa prise en charge s’est limitée à des prélèvements microbiologiques, à la mise en place d’une antibiothérapie à large spectre et à l’administration d’un liquide salé isotonique ; il n’y a pas eu de discussion sur un diagnostic, alors même que sa tension était basse, qu’elle avait 39,3 °c de fièvre, que sa fréquence cardiaque était à 110 et la saturation en air ambiant à 94 ; ce n’est que 2 heures 30 minutes après son arrivée, face à une dégradation de son état de santé, que les réanimateurs ont été appelés ; elle a ensuite dû encore attendre 8 heures 30 minutes avant d’être transférée en réanimation, sans que l’équipe du service de médecine interne sur place ne débute une réanimation efficace ; le rapport d’expertise ordonnée par la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI) d’Aquitaine relève ainsi une série de fautes caractérisées de la part du CHU de Bordeaux dans la prise en charge de Mme B... ; la commission a elle-même estimé que l’état clinique de la patiente avait été sous-estimé et que le délai de prise en charge en réanimation avait été largement excessif ;

- les fautes commises par le CHU de Bordeaux ont fait perdre à Mme B... une chance de survie qui peut être estimée à 95 %, compte tenu du faible risque de mortalité lié à une éventuelle embolie pulmonaire avec une prise en charge thérapeutique adaptée et de l’absence de lien entre le décès et la maladie de still dont elle souffrait ; - la circonstance que Mme B... soit arrivée avec de la fièvre n’est pas à l’origine du retard de prise en charge à l’origine du dommage et n’est donc pas de nature à réduire le montant de la réparation à accorder ;

- Mme B... a subi des préjudices résultant d’un déficit fonctionnel temporaire total pendant deux jours évalué à 60 euros, de souffrances endurées évalués à 7 sur une échelle de 7 par l’expert et pour la réparation desquelles une indemnisation de 80 000 euros pourra être allouée, ainsi que de la conscience d’une espérance de vie réduite qui peut être estimée à 80 000 euros ;

- M. B... a subi des préjudices résultant des frais funéraires et d’obsèques, justifiés à hauteur de 3 776 euros, de frais d’assistance à tierce personne pour l’emploi d’une garde d’enfants à hauteur de 36 153 euros, d’un préjudice d’accompagnement à hauteur de 20 000 euros, ainsi que d’un préjudice sexuel évalué à 20 000 euros ; les postes de préjudices résultant de perte de revenus et de frais médicaux sont réservés ; - tant M. B..., que ses deux enfants et A... E... justifient d’un préjudice d’affectation résultant du décès de leur épouse, mère ou sœur, qui peut être respectivement évalué à 80 000 euros, 50 000 euros et 30 000 euros.

Par des mémoires enregistrés les 12 février 2021 et 19 mai 2021, le CHU de Bordeaux, représenté par Me Milon, avocat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonné une nouvelle expertise, à titre plus subsidiaire, dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait sa responsabilité, à la limitation du taux de perte de chance à 50 % et à la réduction des demandes indemnitaires des requérants à de plus justes proportions et, en toute hypothèse, au rejet des conclusions reconventionnelles présentées par la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde et à la prise en charge des dépens par la partie perdante.

Il soutient que :

- la prise en charge dont Mme B... a fait l’objet dès son arrivée est conforme aux règles de l’art, dès lors qu’elle a immédiatement été prise en charge par deux médecins séniors, qu’a été mise en place une antibiothérapie, ainsi qu’un remplissage par sérum salé isotonique ; il a été entrepris des investigations biologiques ; l’angioscanner demandé n’a pas pu être réalisé compte tenu de la dégradation de l’état de la patiente ; alors qu’un état de choc septique ne pouvait jusque-là être évoqué, c’est dans un contexte de dégradation respiratoire, qu’un contact a été pris avec le service de réanimation et qu’il a été décidé du transfert de la patiente ; il a été décidé, lors de contacts réguliers avec les réanimateurs, de poursuivre le remplissage en attendant l’arrivée du SAMU ; l’arrivée tardive du SAMU est un fait totalement indépendant de la volonté de l’hôpital ;

- il en résulte qu’aucune faute ne peut être reconnue dans la prise en charge de Mme B..., dans la détermination du diagnostic, dans l’organisation du service et dans la surveillance de la patiente ;

- il n’existe pas de lien de causalité entre les manquements allégués et le décès dont la cause n’est pas déterminée ;

- à supposer que le tribunal retienne sa responsabilité, il devra faire application d’un taux de perte de chance qui ne saurait excéder le taux retenu par la CCI d’Aquitaine de 50 %, compte tenu de l’état antérieur de la patiente qui souffrait de fièvre depuis 48 heures lors de son arrivée à l’hôpital ;

- l’indemnisation du préjudice d’accompagnement, du préjudice résultant de la conscience d’une espérance de vie réduite, des souffrances endurées, du préjudice sexuel, de la perte de gains professionnels futurs, de l’assistance par tierce personne, qui ne sont pas établis, sera rejetée ;

- l’indemnisation des autres chefs de préjudice sera réduite à de plus justes proportions ; après application du taux de perte de chance, cette indemnisation sera limitée pour le déficit fonctionnel temporaire total à la somme de 13 euros et, pour le préjudice d’affection, à la somme de 10 000 euros pour M. B..., 10 000 euros pour chacun des deux enfants et 2 5000 euros pour Mme E... ;

- l’indemnisation des frais d’obsèques sera accordée en fonction des justificatifs produits ;

- les conclusions reconventionnelles présentées par la CPAM de la Gironde seront rejetées dès lors que l’hospitalisation était rendue nécessaire par la pathologie initiale de la patiente et que la caisse ne justifie pas de frais supplémentaires résultant du manquement qui lui est reproché.

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Gironde, représentée par Me de Boussac-di Pace, avocate, demande au tribunal :

1°) de condamner le CHU de Bordeaux à lui verser la somme de 4 512,52 euros au titre des frais et débours exposés pour le compte de son assurée et la somme de 1 098 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux les sommes de 13 euros correspondant au droit de plaidoirie et de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHU de Bordeaux a commis des fautes dans la prise en charge de Mme B... le 8 mars 2018, qui ont été à l’origine d’une perte de chance d’éviter le décès ; - le centre hospitalier doit en conséquence être condamné à indemniser les préjudices subis par les consorts I... ;

- par application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, elle est fondée à demander au CHU de Bordeaux le remboursement de la somme de 4 512,52 euros au titre des frais engagés pour le compte de son assurée en lien avec les fautes commises par l’établissement ;

- sur le fondement des articles 9 et 10 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, elle a également droit au versement de l’indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1 098 euros.

Par une ordonnance du 29 juin 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 13 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Molina-Andréo, rapporteure,

- les conclusions de Mme Prince-Fraysse, rapporteure publique,

- les observations de Me Degagny, représentant M. et Mme B...,

- les observations de Me Garaud, représentant la CPAM de la Gironde,

- et les observations de Me Kociemba, représentant le CHU de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir fait un malaise en avion, Mme H... B..., née le 30 septembre 1969, a été admise aux urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux le 24 février 2018 où il lui a été diagnostiqué une pneumopathie droite. Traitée par antibiothérapie, Mme B... a vu son état général s’améliorer jusqu’à ce qu’elle fasse, le 6 mars 2018, une récidive de fièvre. Mme B... a alors informé de son état, par courriel du 7 mars 2018, le service de médecine interne et maladie infectieuse de l’hôpital Haut-Lévêque, établissement du CHU de Bordeaux, où elle était suivie au titre de la maladie de still dont elle était par ailleurs atteinte. Le matin du 8 mars 2018, elle a été contactée par un médecin de ce service pour une évaluation de son état clinique et il lui a été demandé de venir en hospitalisation de jour afin de surveiller l’évolution de la fièvre. Mme B... s’est présentée à 10h00 au sein du service. Il a été constaté à 11h20 une fièvre à 39,3 °c, une tension artérielle basse à 77/44 mmHg et une fréquence cardiaque à 110 bpm. Il a alors été réalisé un bilan biologique et mis en œuvre un traitement antibiothérapique avec un remplissage ventriculaire par sérum salé isotonique. Face à la persistance de l’hypotension artérielle, de la tachycardie et le constat d’une désaturation à 89 %, ont été appelés à 12h30 le service de réanimation de l’hôpital Saint-André pour une prise en charge de Mme B..., ainsi que le SAMU pour assurer le transfert. Le traitement instauré a été poursuivi jusqu’à l’arrivée du SAMU à 20h30. La patiente a été prise en charge en service de réanimation à 21h05. Les prélèvements biologiques effectués à 21h30 ont mis en évidence une troponine élevée, en faveur d’un infarctus du myocarde, ainsi qu’une hypo-albunémie majeure. Le scanner cérébral et le doppler transcrânien réalisés le 9 mars 2018 ont révélé un œdème cérébral majeur et une absence de flux intracérébral témoignant d’un état de mort encéphalique. Mme B... est décédée le 10 mars 2018.

2. L’époux de Mme B..., M. G... B..., a saisi la commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) d’Aquitaine d’une demande d’indemnisation. La commission a nommé un expert, qui a déposé son rapport le 24 avril 2019. Suite à ce rapport, la CCI a considéré, dans son avis du 20 juin 2019, que le délai excessif de prise en charge de Mme B... en réanimation résultait d’une mauvaise appréciation de l’état clinique de la patiente et en tout état de cause d’une mauvaise organisation globale des services du CHU et que cette faute était à l’origine d’une perte de chance de survie de 50 %. La SHAM, assureur du CHU de Bordeaux, a transmis, par courrier du 31 octobre 2019, une offre d’indemnisation à M. B..., qui a été jugé insuffisante par ce dernier. Par la présente requête, M. B..., agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, D... et C... B..., ainsi que Mme F... E... demandent au tribunal de condamner le CHU de Bordeaux à leur verser la somme globale de 449 989 euros en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge de leur épouse, mère et sœur au sein de cet établissement de santé. La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Gironde demande de condamner le CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme de 4 512,52 euros au titre des débours versés pour le compte de son assurée, et à lui allouer l’indemnité forfaitaire de gestion.

Sur la responsabilité pour faute du CHU de Bordeaux :

3. Aux termes du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

4. Il résulte de l’instruction que Mme B... a fait l’objet plus d’une heure après son arrivée à l’hôpital Haut-Lévêque le 8 mars 2018, d’une évaluation par le personnel infirmier ayant relevé à 11h20 une fièvre à 39,3 °c, une tension artérielle basse à 77/44 mmHg et une fréquence cardiaque à 110 bpm. Le CHU de Bordeaux fait valoir qu’alors que tous les critères d’un choc septique n’étaient pas encore remplis, la prise en charge de la patiente a été adaptée à son état de santé, l’intéressée ayant bénéficié d’investigations biologiques ainsi que d’un traitement anti biothérapique avec un remplissage ventriculaire par sérum salé isotonique. Il résulte toutefois de l’instruction, et en particulier du rapport d’expertise diligentée par la CCI d’Aquitaine que le constat d’une tension artérielle basse associée à de la fièvre chez une femme immuno-déprimée, traitée à raison de sa maladie de Still par un anti-corps « anti-IL1 », aurait dû conduire, dès ce moment-là, les médecins du service de médecine interne et maladies infectieuses de l’hôpital Haut-Lévêque à mesurer la gravité du tableau clinique de la patiente et à prendre contact avec un service de réanimation, plus adapté à sa prise en charge. Si, à 12h30, face à la persistance de l’hypotension artérielle, de la tachycardie et le constat d’une désaturation à 89 %, ils ont été amenés, faute d’une telle structure sur place, à appeler le service de réanimation de l’hôpital Saint-André et le SAMU pour un transfert de la patiente, il est constant qu’un délai de 8 heures s’est alors écoulé jusqu’à l’arrivée de l’équipe médicale d’urgence. L’expert a estimé que la façon de solliciter le SAMU pour un transfert médicalisé en réanimation a contribué, par une alerte insuffisante de la gravité de l’état clinique de Mme B..., à ce que le SAMU estime ce transfert comme non urgent. Toutefois, en admettant même que l’équipe médicale du SAMU, qui dépend également du CHU de Bordeaux, aurait été momentanément indisponible du fait de la prise en charge d’autres transports et aurait été insuffisamment informé sur l’urgence de la situation, cet état de fait ne saurait justifier le délai de 8 heures d’attente imposé à Mme B..., alors que le service de réanimation de l’hôpital Saint-André était prêt à l’accueillir et l’a prise en charge dès son arrivée à 21h05. Le retard de prise en charge en service de réanimation qui est résulté de la sous-estimation de la gravité de l’état de santé de Mme B... tant par l’équipe du service de médecine générale et des maladies infectieuses de l’hôpital Haut-Lévêque que par le SAMU révèle un défaut dans l’organisation et le fonctionnement du service public hospitalier, de nature à engager la responsabilité du CHU de Bordeaux.

Sur le préjudice indemnisable :

En ce qui concerne la perte de chance :

5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d’éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue.

6. Il résulte de l’instruction que Mme B... est décédée des suites d’un syndrome de détresse respiratoire aigüe. Compte tenu de ce que l’intéressée était possiblement atteinte d’une embolie pulmonaire compliquée de surinfection dont le traitement aurait été délicat et qu’elle souffrait en outre, de par la maladie de still dont elle était atteinte, d’une immunodépression iatrogène anti-IL1 induite, le retard de prise en charge de Mme B... en réanimation lui a seulement fait perdre une chance de survie. Il sera fait une juste appréciation de la chance perdue de survie résultant directement de la faute commise par le CHU de Bordeaux en l’évaluant à 50 % des différents chefs de préjudice résultant du décès de Mme B....

En ce qui concerne l’évaluation des préjudices :

S’agissant des préjudices de la victime directe :

7. Il résulte de l’instruction, et n’est pas contesté, que Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total de 48 heures, imputable à la faute commise. Sur la base de 21 euros par jour pour une incapacité totale, et après application du taux de perte de chance retenu, il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant à ce titre la somme de 21 euros aux ayants-droit de Mme B....

8. Les souffrances endurées par Mme B..., pendant les 48 heures de son hospitalisation qui ont précédé son décès, ont été évaluées à 7 sur une échelle allant de 1 à 7 par le rapport d’expertise diligentée par la CCI d’Aquitaine, qui a relevé une souffrance psychologique particulièrement intense. Compte tenu de la courte durée des souffrances, de leur importance, et du taux de perte de chance appliqué, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant la somme de 10 000 euros aux ayants-droit de Mme B....

9. L’expert a relevé que Mme B... avait eu « le temps de se voir partir comme en témoigne la demande de voir ses enfants dans l’après-midi du 8 mars 2018 ». Dans ces conditions, il doit être tenu pour établi qu’elle a enduré une douleur morale du fait de la conscience d’une espérance de vie réduite. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à ses ayants-droit, après déduction du taux de perte de chance, une somme de 3 000 euros.

S’agissant des préjudices des proches de Mme B... :

Quant aux préjudices patrimoniaux :

10. Les requérants font état de frais funéraires pour un montant de 3 776 euros. Le préjudice susceptible d’ouvrir droit à indemnisation se limite aux seuls frais directement liés aux obsèques. Ainsi, les frais de gravure d’une fougère et d’une croix sur la stèle funéraire ne peuvent pas donner lieu à indemnisation. Par suite, le montant total des frais ouvrant droit à indemnisation s’élève, au vu de la facture au nom de M. B... produite, à la somme de 3 714 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Bordeaux la somme de 1 857 euros à verser à M. B....

11. M. B... sollicite l’indemnisation d’une assistance par tierce personne au titre de la garde de ses enfants, nés en 2010 et 2012, pendant neuf ans suivant le décès de Mme B..., entre 16h30 et 19h00 quatre jours par semaine et de 11h30 à 19h00 un jour par semaine. Toutefois, il ne résulte de l’instruction ni que Mme B... aurait eu seule la tâche dans le couple de s’occuper des enfants après l’école et les mercredis après-midi, ni que la garde des enfants n’aurait pas déjà été confiée pendant ces tranches horaires à une personne ou un organisme tiers en contrepartie d’une rémunération. Par suite, M. B... ne démontre pas que les frais de garde d’enfants évalués à 36 153 euros auraient un lien direct et certain avec le décès de Mme B.... Dans ces conditions, la demande d’indemnisation de ce chef de préjudice doit être rejetée.

Quant aux préjudice extra-patrimoniaux :

12. Il résulte de l’instruction, d’une part, que M. B... a subi, pendant les deux jours qui ont couru entre le manquement constaté du CHU de Bordeaux dans la prise en charge de Mme B... et le décès de celle-ci, un préjudice d’accompagnement, d’autre part, que les requérants ont subi, du fait du décès, un préjudice d’affection, incluant, en outre, pour l’époux, un préjudice sexuel. Il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudices en les évaluant globalement à la somme de 30 000 euros pour l’époux de Mme B..., de 15 000 euros pour ses deux jeunes enfants à charge, D... et Rachel B..., et de 5 000 euros pour sa sœur, Mme F... E.... Par suite, et après application du taux de perte de chance, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de Bordeaux au titre de ces chefs de préjudice, les sommes de 15 000 euros, 7 500 euros et 7 500 euros à verser à M. B... en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, et de 2 500 euros à verser à Mme E....

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit utile d’ordonner une nouvelle expertise sollicitée à titre subsidiaire en défense, que le CHU de Bordeaux est seulement condamné à verser, d’une part, à la succession de Mme B... la somme de 13 021 euros, d’autre part, à M. B... la somme de 16 857 euros en son nom propre et les sommes de 7 500 euros et 7 500 euros en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, D... et C... B..., enfin, la somme de 2 500 euros à Mme E....

Sur les conclusions de la CPAM de la Gironde :

14. Il résulte de la notification définitive des débours de la CPAM de la Gironde que cette dernière a engagé pour le compte de Mme B... des frais hospitaliers entre le 8 mars et le 10 mars 2018, pour un montant de 4 512,52 euros. Toutefois, la caisse ne peut prétendre qu’au remboursement des débours exposés qui sont en relation directe et exclusive avec la faute retenue à l’encontre du CHU de Bordeaux. L’attestation d’imputabilité en date du 17 novembre 2020 produite, établie par le médecin conseil de la caisse, qui ne distingue pas entre les frais qui auraient nécessairement dû être exposés compte tenu de l’état initial de Mme B... à son arrivée à l’hôpital et les frais supplémentaires induits par le retard dans sa prise en charge, ne permet pas d’établir un tel lien de causalité direct et certain entre la somme dont la caisse demande le remboursement et la faute retenue. Par suite, les conclusions de la caisse tendant au remboursement par le CHU de Bordeaux des débours exposés pour le compte de Mme B... doivent être rejetées, y compris celles tendant au versement de l’indemnité forfaitaire de gestion en application des dispositions des articles L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais liés à l’instance :

15. La présente instance n’ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées par les requérants tendant à ce que soit mis à la charge du CHU de Bordeaux le paiement des entiers dépens ne peuvent qu’être rejetée.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, qui est dans la présente instance la partie perdante, la somme globale de 1 500 euros au profit des requérants. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la CPAM de la Gironde.

DÉCIDE :

Article 1 : Le centre hospitalier universitaire de Bordeaux est condamné à verser à la succession de Mme B... la somme de 13 021 euros, à M. B... les sommes de 16 857 euros en son nom propre et de 7 500 euros et 7 500 euros en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs D... et C... B..., et à Mme E... la somme de 2 500 euros.

Article 2 : Le CHU de Bordeaux versera solidairement à M. B... et Mme E... la somme globale de 1 500 euros, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. G... B..., à Mme F... E..., au centre hospitalier universitaire de Bordeaux et à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde