Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 janvier 2020 et 20 septembre 2021, l’association Natur’Jalles, l’association France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine, M. N... K..., M. C... P..., Mme O... B..., M. Q... L..., M. et Mme H... et D... M..., M. G... A... et M. E... I..., représentés par Me Maginot, demandent au tribunal dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 13 septembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a complété l’arrêté préfectoral du 15 mars 2016 modifiant l’arrêté du 19 mars 2012 autorisant, au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, le département de la Gironde à réaliser et exploiter les ouvrages et aménagements rendus nécessaires par la déviation d’un tronçon de la route départementale n°1215, dite déviation de Taillan, sur le territoire des communes du Taillan-Médoc, de Saint-Aubin de Médoc, du Pian-Médoc et d’Arsac, pour autoriser le département de la Gironde à déroger à l’interdiction de destructions d’espèces et d’habitats d’espèces animales protégées et de destruction d’espèces végétales protégées ;

2°) d’enjoindre au département de la Gironde de procéder à la démolition des éléments de construction déjà réalisés et à la remise en état des lieux, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et du département de la Gironde la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l’association Natur’Jalles justifie d’un intérêt à agir compte tenu de son objet social défini à l’article 1er de ses statuts ;

- l’association France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine agréée au titre de la protection de l’environnement, en application de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, justifie également d’un intérêt à agir dès lors que l’arrêté entrepris autorise la destruction et l’altération d’habitats d’une centaine d’espèces animales et végétales protégées ;

- les autres requérants résident à proximité immédiate du tracé de l’aménagement routier litigieux, comme en attestent leurs justificatifs de domicile ;

- les travaux ont débuté dès la délivrance de l’autorisation et ne respectent pas les prescriptions de l’arrêté ; ont été constatés une absence de contrôle, de surveillance et d’entretien des barrières anti-franchissement pour la faune en méconnaissance de la mesure R9 et de l’article 17 de l’arrêté préfectoral, le remblaiement d’un fossé en méconnaissance de la mesure A10, le débroussaillage en méconnaissance du calendrier de travaux, la destruction totale de la végétation en zone humide en méconnaissance des mesures R9 et A1, le défrichement sans enlèvement des rémanents en méconnaissance de la mesure R3 ; la préfète de la Gironde a été informée de ces manquements mais n’a pas procédé aux constats d’infraction ni mis en demeure le titulaire de l’autorisation ; en janvier 2020, le saccage du chemin creux inondable traversant le périmètre de l’arrêté de protection de Biotope de Lesqueblanque, où avaient été recensées des sanguisorbes et des pontes de l’Azuré, a été constaté ; début 2021, un effondrement karstique, laissant un trou de 5 mètres a été constaté sur le chantier ;

- l’arrêté a été signé par une autorité incompétente dès lors que le préfet de la Gironde ne justifie pas d’une autorisation régulière et en vigueur du ministre chargé de la protection de la nature, pour autoriser la destruction de spécimens de Loutre d’Europe et de Vison d’Europe, animaux appartenant à des espèces de vertébrés protégés au titre de l'article L. 411-1 du code de l’environnement, menacées d'extinction en France en raison de la faiblesse, observée ou prévisible, de leurs effectifs et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département ;

- les trois conditions cumulatives prévues par les dispositions du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, pour que soit délivrée la dérogation prévue par ces dispositions, ne sont pas réunies :

S’agissant de l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur :

- le désenclavement du nord Médoc ne constitue pas une raison impérative d’intérêt public majeur : le projet va, au contraire, induire un surcroît de véhicules sur les routes et accroître les nuisances justifiant par ricochet de nouveaux aménagements routiers qui sont d’ailleurs déjà à l’étude ; ce projet induira un étalement des espaces urbanisés et une urbanisation des secteurs traversés entraînant une augmentation du trafic, comme en attestent le développement de nombreux programmes industriels et commerciaux ainsi que le projet de construction d’un établissement de près de 800 élèves au Pian Médoc, en bordure de la future déviation ; le projet va reporter le flux de véhicules empruntant l’axe Castelnau-Bordeaux vers la route de Lacanau Bordeaux, déjà encombrée aux heures de pointes et qui débouche sur les mêmes échangeurs de la rocade autoroutière de Bordeaux ; le projet va accroître les difficultés de circulation sur la RD 1215 ;

- seuls 35 % des 20 000 véhicules journaliers, traversant le centre-ville du Taillan-Médoc, seront détournés ;

- la diminution du risque d’accidents de la route n’est pas démontrée ;

- le projet va engendrer des nuisances pour les riverains dès lors que le tracé se rapproche considérablement des habitations à une distance comprise entre 150 et 400 mètres et les mesures d’atténuation prises sont insuffisantes ;

- il s’insère dans un environnement naturel particulièrement sensible et favorisera l’étalement urbain de la métropole bordelaise et l’artificialisation des sols du nord Médoc alors que les services de l’Etat souhaitent limiter le développement de l’urbanisation ; la déviation traverse le parc naturel et agricole métropolitain dit « parc des Jalles » ;

- l’amélioration de la sécurité des usagers invoquée n’est pas justifiée par le maître d’ouvrage ; la proximité entre le futur établissement scolaire et la déviation sera source d’insécurité ;

- le projet fait peser un risque majeur sur la ressource en eau potable ; un bureau d’étude spécialisé a remis son rapport en décembre 2019 aux termes duquel la déviation apparaît comme une prise de risque inconsidérée ; le département de la Gironde n’a pas suffisamment pris en compte l’expertise de M. F..., diligentée à sa demande, lequel a prescrit la réalisation de sondages des sols et n’a pas, comme le soutient en défense le département, été consulté préalablement à l’abandon de ses préconisations ; le risque lié aux bassins de rétention et à leur déversement dans le milieu naturel (ruisseau du Monastère) en cas d’évènements exceptionnels n’est pas suffisamment pris en compte ; un important effondrement karstique, début 2021, a laissé un trou béant de 5 mètres de diamètre environ ce qui corrobore les risques que le projet fait peser sur la nappe souterraine d’alimentation en eau potable, en raison notamment de la faible profondeur et de la perméabilité du sol ; un rapport du Sysdau, de décembre 2018, confirme qu’il existe un fort potentiel d’échanges hydrique entre la surface et les nappes souterraines, notamment celles de l’Oligocène qui alimente une partie de la métropole bordelaise en eau potable ; l’étanchéité du dispositif n’est plus garantie et les caractéristiques du projet ne permettent pas d’éviter une contamination de la nappe d’eau potable en dehors du périmètre de protection du champ captant ; la préfète de la Gironde n’a toujours pas édicté les périmètres de protection du champ captant, ce qui ne permet pas d’assurer la protection des sources de Thil et de Gamarde ;

S’agissant de l’existence de solutions alternatives satisfaisantes :

- il existe des solutions alternatives satisfaisantes ; la variante n° 1, qui consiste en un réaménagement de la route actuelle Castelnau-Salaunes, permettrait une meilleure diffusion du flux de véhicules en desservant des échangeurs supplémentaires de la rocade bordelaise ; cette variante n°1 permet également de réduire le trafic dans le centre bourg du Taillan-Médoc ; le département de la Gironde ne peut sérieusement affirmer que le tracé retenu serait le moins impactant pour l’environnement, et en particulier pour la faune et la flore ; c’est à tort que le département de la Gironde fait valoir que la variante retenue présenterait le moindre impact sur les zones humides alors au demeurant que l’évaluation des zones humides présente un caractère lacunaire ; l’analyse comparative des impacts environnementaux des variantes n°1 et n°5 réalisée par le maître d’ouvrage ne tient pas compte du caractère préexistant de la variante n°1 entraînant ainsi une réduction du nombre de kilomètres de voies nouvelles à créer, seulement 4.5 km ; la variante n°1, par son éloignement des zones habitées, présente au contraire l’avantage de limiter ces impacts et devrait en toute logique être avantagée sur ce critère ; le maître d’ouvrage n’apporte aucune attention à la question des transports collectifs, et en particulier à l’effet bénéfique d’une politique de transferts modaux passant par la réhabilitation de la ligne de chemin de fer entre Bordeaux et le Verdon aujourd’hui sous-exploitée, et par le renforcement du réseau de bus ; le département de la Gironde n’a pas tenu compte du projet de futur RER métropolitain devant permettre une amélioration du service TER ; la variante n°1, combinée à une politique dynamique de transfert modal, semble constituer une alternative satisfaisante, permettant de répondre aux objectifs poursuivis par le département de la Gironde, qui consistent à réduire le trafic de transit, notamment des poids lourds, dans la traversée du Taillan et à améliorer la desserte du nord Médoc ;

S’agissant de l’absence de maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :

- 100 espèces protégées seront détruites sur le tracé de 8 km et parmi les espèces concernées par la dérogation, certaines méritent une attention particulière, notamment les chiroptères, l’espèce végétale Gaillet boréal, l’Azuré de sanguisorbe ;

- la Romulée de Provence, espèce protégée figurant sur la liste rouge en Aquitaine, n’a pas été prise en compte et n’a pas fait l’objet de demande de dérogation ;

- la station de l’Azuré de sanguisorbe présente à Saint-Aubin de Médoc est la seule connue en Gironde, cette espèce étant en voie d’extinction ; les mesures prises pour tenter d’assurer la conservation de cette espèce sont insuffisantes ; - la mesure A10, gestion de l’arrêté préfectoral de gestion de biotope dont la création date de 2013, n’est pas suffisante pour s’assurer que des pratiques préjudiciables aux espèces ne vont pas perdurer ; le passage d’engins dans le périmètre de protection a nécessairement eu des conséquences sur ce papillon, qui à cette période, rejoint la fourmilière ; pour protéger cette espèce, une acquisition foncière, seule solution permettant une gestion type « ENS » aurait dû être imposée ;

- la mesure de réduction R13 est insuffisante pour assurer la conservation de l’Azuré de sanguisorbe dès lors que le projet sacrifie la zone Nord Est de cette station et entraîne la suppression directe de près de 50% d’habitats et de 60% de spécimens ;

- l’efficacité des mesures consistant à aménager des passages à faune pour chiroptères (« tremplins verst ») n’est pas démontrée ;

- les mesures compensatoires proposées en boisement de qualité pour le murin de Bechstein ne sont pas suffisantes, dès lors que seulement 37,39 ha de boisement sont prévus au titre des sites de compensation ;
- sur les 7 îlots proposés en compensation, 6 concernent du reboisement de pins maritimes qui ne sont pas favorables à la faune ;

- les mesures de compensation prévues par l’autorisation ne permettent pas de garantir la pérennité des mesures compensatoires ; l’arrêté ne reprend que partiellement les prescriptions émises par le conseil national de protection de la nature et les prescriptions émises par le ministre en charge de la protection de la nature dans son avis du 25 juillet 2019 ne sont pas plus respectées ; il ressort de ces prescriptions que la mise en œuvre des mesures compensatoires uniquement sur 30 ans est insuffisante ; ces prescriptions doivent s’élever au minimum à 150 ha, bénéficier d’une sécurisation foncière préalable à la mise en œuvre des travaux, être intégrées dans un dispositif de protection forte type ENS et justifier l’identification d’un organisme gestionnaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

La préfète de la Gironde fait valoir que :

- l’intérêt à agir de certains requérants n’est pas établi dès lors qu’il n’est pas démontré qu’ils résideraient à proximité directe du projet ;

- l’arrêté attaqué respecte la procédure prévue aux articles R. 181-2 et R. 181-28 du code de l’environnement et le ministre a donné son avis conformément à ces dispositions ; par suite, elle était bien compétente pour prendre l’arrêté en litige ;

- contrairement à ce que soutiennent les requérants, le chantier respecte les prescriptions de l’arrêté contesté ; en tout état de cause, l’absence de respect par le bénéficiaire d’une autorisation, des prescriptions fixées par l’administration ne peut avoir pour effet de remettre en cause la légalité de l’autorisation délivrée ; - l’arrêté respecte les trois conditions posées par l’article L. 411-2 du code de l’environnement :

S’agissant de la raison impérative d’intérêt public majeur ;

- l’arrêté fait état, dans ses motivations, de l'existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur, en indiquant, que le projet vise à désenclaver le nord du Médoc, à réduire le trafic routier dans le centre bourg du Taillan-Médoc, mais également à renforcer la sécurité des usagers, ainsi qu'à préserver la qualité de vie des riverains et améliorer l'accessibilité des zones urbanisées de Saint Aubin de Médoc ; le tribunal administratif de Bordeaux, a explicitement reconnu l’existence d'une raison impérative d'intérêt public majeur de ce projet et le jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux ;

- le projet permet de dévier une route départementale stratégique pour desservir un vaste territoire économiquement fragile qu'une géographie particulière a enclavé au Nord-Ouest du plus grand département français ;

- des poids-lourds et de nombreux véhicules légers, de l’ordre de 20 000 par jour, traversent des zones très urbanisées en fort développement ;

- la réalisation de la déviation permettra une réduction du temps de parcours, du giratoire du Médoc à Castelnau, d'environ 25% ;

- si les requérants invoquent le développement de l'urbanisation qui serait induit par cette déviation, le projet ne prévoit pas de sortie le long du linéaire de la déviation et l'éventuelle augmentation des emprises urbanisées présentes à proximité de la déviation ne relèvent ni de la compétence de l'État, ni de celle du Conseil départemental ;

- les habitations les plus proches du projet seront situées à environ 400 mètres de l'axe du projet, ce tracé permettant de ne pas impacter la forêt de protection du Taillan ; par ailleurs, la mise en œuvre d'équipements et mesures est prévue pour réduire l'impact du futur ouvrage sur les habitations ;

- le pétitionnaire a souhaité acquérir plusieurs dizaines d'hectares le long de l'emprise du projet, en face de la zone occupée par le golf, ce qui témoigne d'une volonté de protection des espaces naturels et des espèces qui s'y trouvent ; l’éventuel développement des emprises urbanisées, qui pourrait être directement et exclusivement lié au projet, n'est nullement établi à ce stade et le choix d'ouvrir à l'urbanisation de nouvelles zones présentes sur une commune résulte d'une décision de la commune, ou, le cas échéant, de l'intercommunalité compétente en matière d'urbanisme ; les projets cités par les requérants sont déjà réalisés ou en cours de réalisation, avant même l’ouverture de la déviation ;

- l’intérêt de ce projet réside notamment dans la réduction importante du trafic routier dans la traversée d'un centre bourg du Taillan-Médoc dont des camions de gabarit important ;

- le risque présenté par le projet sur la ressource en eau potable n’est pas démontré par les pièces produites par les requérants ;

S’agissant de l’absence de solutions alternatives satisfaisantes :

- cette variante n°5 est celle qui répond le mieux aux objectifs du projet

- désenclaver le nord du Médoc, réduire le trafic routier, améliorer l’accessibilité des zones urbanisées de Saint-Aubin de Médoc, le Pian-Médoc et Arsac - au vu, notamment de ses impacts mesurés sur l'environnement ; la variante n°1, considérée par les requérants comme la meilleure alternative possible présente notamment l'inconvénient d'être positionnée, pour une part très majoritaire de son tracé, sur une zone humide, éloignée de divers secteurs urbanisés ; en outre, cette variante aurait pour effet d'accroître la distance qui devrait être couverte par les usagers de plus de 12 km par rapport à l'existant et elle aurait également impliqué une connexion à la RD 1215 au niveau du bourg de Salaunes et à l'échangeur 8 de la rocade ;

S’agissant du maintien dans un état de conservation favorable, d’espèces menacées :

- les mesures de compensation doivent bien être prises en compte dès lors qu'il s'agit de garantir, au mieux, le maintien dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; les insuffisances du projet pour la protection des espèces concernées par la dérogation ne sont pas établies ;

- concernant les chiroptères, le risque de fragmentation du massif forestier et le risque de collision sont bien pris en compte et des mesures de réduction, compensation et accompagnement sont spécifiquement proposées ;

- la présence de l’Azuré de la sanguisorbe se situe sur une étendue bien plus importante que le seul trajet envisagé pour ce projet ;

- la mesure de compensation A10, relative aux fauchages des chemins, est suffisante ;

- la mesure R13 de création d’un éco-pont est une mesure de réduction et n’a pas pour effet de supprimer tout impact ; elle ne revêt pas un caractère insuffisant ;

- l'aménagement des passages à faune constitue une mesure de réduction qui n'a pas vocation à supprimer tout risque de mortalité pour les chiroptères ;

- les sites présentés dans le dossier de demande de dérogation et déjà sécurisés totalisent un potentiel de restauration de 61,48 ha de boisements, notamment en faveur des chiroptères, donc au-delà des préconisations du conseil national de protection de la nature pour cette espèce ;

- les mesures de reboisement prévues ont donc bien vocation à participer au maintien de la faune ;

- la rédaction de l'arrêté reprend à la fois la rédaction de l'avis du conseil national de protection de la nature et de l'avis conforme du ministre et il indique que la compensation est mise en œuvre pour une durée minimale de 30 ans ; la sécurisation des sites de compensation complémentaire doit être achevée au plus tard l'année de la mise en service de la déviation ; enfin, la compensation au plus près de l’impact est un principe posé par l’article L. 163-2 du code de l’environnement ;

- la demande d’injonction des requérants ne pourra qu’être écartée dès lors que le projet assure le maintien de la biodiversité, la déviation en construction ne représente pas une atteinte à l’intérêt général d’autant plus que le projet répond à des enjeux d’intérêts généraux ; de plus, le coût des mesures compensatoires est de près de 5,8 millions d’euros et le département de la Gironde a déjà engagé près de 15 millions d’euros dans des travaux liés à la réalisation de la déviation.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 22 septembre 2020, 22 janvier et 25 octobre 2021, le département de la Gironde, représenté par Me Heymans, conclut dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, si le tribunal retenait l’existence d’un vice affectant l’autorisation environnementale, de prononcer un sursis à statuer afin de permettre la régularisation de l’autorisation, dans un délai et selon des modalités, fixés par le tribunal ;

3°) en toute hypothèse à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Le département fait valoir que :

- contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’exécution des travaux respecte les prescriptions de l’arrêté ; le département se fait assister par un écologue en phase chantier pour assurer au mieux le respect des prescriptions environnementales, lequel réalise un suivi écologique ; concernant les barrières anti-franchissement, une campagne de sauvegarde et d’effarouchement a été réalisée avant le passage des engins de chantier du 7 au 9 octobre 2019 ainsi qu’une vérification des clôtures et réparation des brèches, étalées dans le temps en raison de la nature et de la hauteur de la végétation et des intempéries ; concernant le remblaiement d’un fossé, l’excèdent de matériaux a été enlevé, sans impacter la végétation ; concernant le débroussaillage d’une zone favorable à l’Azuré, les requérants n’établissent pas que les travaux auraient été effectués en violation du calendrier ; concernant le défrichement, le non-enlèvement des rémanents a été décidé par l’écologue et ces travaux ne relèvent, en tout état de cause, pas de l’arrêté ; concernant le chemin traversant le périmètre de l’arrêté de protection de biotope, il n’est pas situé dans l’emprise du projet et en tout état de cause, la larve hiverne dans une fourmilière à cette période de l’année ;

- la procédure a été respectée dès lors que le ministre de la transition énergétique et solidaire a émis un avis favorable le 25 juillet 2019, conformément à l’article R. 181-28 du code de l’environnement, comme l’a d’ailleurs jugé le Conseil d’Etat dans sa décision n°439201 du 17 décembre 2020 ;

- les conditions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement sont réunies, comme l’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision n°439201 précitée :

S’agissant de la raison impérative d’intérêt public majeur :

- parmi les raisons impératives d’intérêt public majeur, il convient de distinguer celles regroupant la santé, la sécurité publique et l’environnement pour lesquelles les autorités administratives et juridictionnelles ne disposent que d’une faible marge d’interprétation « d’autres raisons », de nature sociale ou économique pour lesquelles les autorités administratives et juridictionnelles disposent d’une certaine marge d’appréciation ;

- l’intérêt public majeur du projet a été retenu par le tribunal administratif de Bordeaux dans son jugement n° 1304140 du 30 juillet 2015 ; le ministre chargé de la protection de la nature a également retenu cet intérêt public majeur dans un arrêté du 30 août 2013 ;

- les raisons impératives d’intérêt public majeur justifiant la nécessité du projet sont les suivantes :

- le désenclavement du Nord Médoc et la contribution à son développement économique grâce à une meilleure desserte routière ; la déviation permettra une réduction de temps de parcours du giratoire du Médoc à Castelnau du Médoc d’environ 25 % et une réduction du flux de circulation ; aucune sortie n’est prévue le long de la déviation ; l’urbanisation des secteurs desservis par la voie ne relève pas de la compétence du département de la Gironde ; le projet n’augmente pas les nuisances à raison de sa proximité avec des habitations dès lors que la déviation est éloignée de 400 mètres du lotissement de Joli Bois ; si elle se situe à 120 mètres des premières habitations, cela est nécessaire pour éviter la forêt du Taillan et des mesures sont prévues pour réduire les nuisances pour les riverains ;

- l’amélioration de la sécurité routière dans la traversée du Taillan Médoc ; le projet va permettre de détourner près de 20 000 véhicules par jour du centre-ville du Taillan-Médoc afin d’améliorer la sécurité des usagers et de préserver la qualité de vie des riverains et, ainsi, réduire le nombre d’accidents ;

- le projet n’entraînera aucune atteinte à la ressource en eau ; la question a été traitée dans le cadre du dossier « loi sur l’eau » ; les éléments versés aux débats ne sont pas de nature à remettre en cause l’avis de M. F... ; le projet rend tout le tracé de la déviation étanche ; si la géo membrane étanche a été abimée lors d’une campagne du curage des fossés, il s’agit d’un accident et elle a été réparée ; l’effondrement constaté sur le chantier a fait l’objet d’une analyse par M. F... qui a rendu un rapport ;

S’agissant de l’absence de solutions alternatives satisfaisantes :

- si les requérants soutiennent que la variante n°1 aurait dû être prise en considération dès lors qu’elle n’a aucune incidence sur les espèces protégées, 5 variantes ainsi que la variante n°0 qui est le tracé actuel, ont bien été étudiées et abandonnées ; les variantes écartées auraient également impliqué des demandes de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées ; la variante n°1 mise en avant par les requérants entraîne un allongement de la distance de près de 13 km, elle traverse un vaste espace naturel et une vaste zone humide sur la quasi-totalité de son tracé et entraîne des nuisances certaines pour certains habitants dès lors qu’elle traverse deux hameaux ; bien que située sur une route préexistante, cette variante implique des travaux importants et avec des impacts réels ;

- le fait de ne pas retenir les variantes n°2 à n°4 semble faire consensus ;

- la variante n°5 apporte la meilleure réponse aux objectifs initiaux et le meilleur compromis entre les différents impacts ;

- la solution des transports publics invoquée par les requérants ne constitue pas une solution alternative mais plutôt une solution complémentaire ; au demeurant, les aménagements relatifs aux transports collectifs ne relèvent pas de la compétence du département ;

S’agissant des mesures prévues pour assurer le maintien des espèces protégées dans un état de conservation favorable :

- l’impact du projet doit être apprécié après prise en compte de l’ensemble des mesures prévues par le projet, lesquelles sont nombreuses, détaillées et suffisantes ;

- pour assurer la mise en œuvre des mesures d’évitement et de réduction en phase chantier et définir le plan de gestion des sites de compensation, il est fait appel aux compétences d’un bureau d’étude spécialisé et des gestionnaires doivent être identifiés afin d’organiser et suivre les mesures de compensation ; l’exécution des travaux fait l’objet d’un suivi écologique par un bureau d’étude indépendant et plus particulièrement un écologue et le département produit des notes de suivi ;

- concernant la mesure A10, le département s’est rapproché des différents acteurs y compris les chasseurs, pour prévoir des opérations ponctuelles ; de plus, un comité de suivi environnemental a été constitué lequel est informé de l’avancée des travaux et démarches relatifs à la mise en œuvre de la stratégie ERC ; la critique des mesures de gestion de l’arrêté préfectoral de protection de biotope, relatives notamment au passage d’un tracteur en janvier 2020, n’est pas fondée ;

- l’éco-pont permettra de maintenir une connexion entre la population nord-est de l’Azuré de la sanguisorbe isolée par la déviation et le reste de la population, et ainsi d’éviter le risque qu’à terme, cette population ne s’éteigne ;

- de nombreuses mesures sont prévues pour maintenir voire améliorer l’état de conservation de l’Azuré de la sanguisorbe : sécurisation foncière via l’acquisition de plusieurs parcelles en juin 2020, désignation d’un gestionnaire qui aura pour mission de mettre en œuvre les mesures favorables à ce papillon, définition d’un plan de gestion définissant toutes les mesures de gestion de conservation de l’Azuré de la sanguisorbe ; un inventaire réalisé en août 2020 démontre que l’espèce se développe sur l’emprise du site de compensation, ce qui est confirmé par l’écologue ;

- un incident constaté relevant d’un chasseur occupant une tonne est à déplorer mais un courrier a été adressé à la fédération de chasse demandant la dépose de la tonne de chasse sur la parcelle dont le département est désormais propriétaire ;

- les requérants ne démontrent pas l’insuffisance alléguée des passages aériens pour chiroptères alors qu’il est notamment prévu la création d’une haie, avec aménagement par effet d’entonnoir, pour limiter les risques de collisions avec les véhicules, la pose d’un grillage en bordure de route ainsi qu’un entonnoir avec corridors pour les passages souterrains ;

- les requérants ne démontrent pas que la surface compensatoire du Murin aurait été calculée sur la base d’une méthodologie erronée ;
- les 7 îlots sont des mesures de compensation prévues pour le défrichement et non pour compenser l’impact sur la faune ; ces zones de compensation ne seront pas uniquement plantées de pins maritimes ;

- la durée de sécurisation des mesures de compensation ne fait pas partie des conditions de l’avis favorable du conseil national de protection de la nature (CNPN) et n’avait pas à être reprise dans l’arrêté ; le département renforce ses engagements concernant la sécurisation des sites et l’augmentation des surfaces de compensation d’un seul tenant notamment par la signature d’un acte authentique avec le Golf le 3 juin 2020 pour l’achat de 67ha96a05ca supplémentaires (parcelles B3, 4, 891, 892, 898) ; pour atteindre les objectifs définis au titre des mesures compensatoires, le département a procédé à la sécurisation par conventionnement et ou acquisition de plus de 164 ha de terrain, pour 150 demandés par le CNPN, dont 137,4 ont été acquis et 26,6 faisant l’objet de convention avec les communes du Taillan-Médoc, du Pian-Médoc et de Saint-Laurent Médoc ; le département a signé un acte authentique pour la parcelle classée en APPB de Lesqueblanque sur laquelle un grand nombre de mesures de gestion est prévu eu égard aux enjeux écologiques en présence et pour des parcelles voisines couvrant environ 40 ha permettant de sécuriser un ensemble de parcelles de près de 90 ha d’un seul tenant au profit des espèces landicoles, ce qui est très favorable pour l’amélioration de l’état de conservation de ce papillon ; la maîtrise foncière concerne le premier levier pour un classement à venir en espace naturel sensible ; le transfert de compétences pourra être réalisé via l’intégration de ces terrains dans le domaine public du département et permettra d’assurer leur préservation et leur gestion au-delà des 30 ans de mise en œuvre de mesures compensatoires ; ces importantes mesures d’évitement, de réduction et de compensation pallient les impacts rendus nécessaires face aux raisons impératives d’intérêt public majeur et à l’absence de solutions alternatives plus satisfaisantes ;

- les requérants n’apportent aucun élément qui démontrerait la présence d’une espèce protégée non visée par l’arrêté.

Les requérants ont produit un mémoire le 15 décembre 2021 qui n’a pas été communiqué.

Par un courrier en date du 12 mars 2020, l’association Natur’Jalles a été informée qu’en application des dispositions du 3ème alinéa de l’article R 751-3 du code de justice administrative, elle était désignée comme représentante unique.

Par une ordonnance du 8 novembre 2021, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 16 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’environnement ;

- l’ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Lahitte,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- les observations de Me Maginot, représentant les requérants en présence de Mme Leblond, présidente de l’association Natur’Jalles,

- et celles de Me Platel représentant le département de la Gironde,

- la préfète de la Gironde n’étant ni présente, ni représentée.

Considérant ce qui suit :

1. Le département de la Gironde a décidé de travaux, déclarés d’utilité publique par un décret du 13 juillet 2005, pour l’aménagement d’une déviation d’un tronçon de la route départementale n°1215, dite déviation du Taillan, sur le territoire des communes du Taillan Médoc, de Saint-Aubin de Médoc, du Pian-Médoc et d’Arsac. Par un arrêté du préfet de la Gironde n°SEN 2012/03/19-30 du 19 mars 2012, modifié par un arrêté n° SEN 2016/01/15-07 du 15 mars 2016, le département de la Gironde a été autorisé, au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, à réaliser et exploiter les ouvrages et aménagements rendus nécessaires par la déviation du tronçon de la route départementale n° 1215 entre le raccordement nord à la route départementale 1 et le carrefour de Germignan au sud. De plus, par un arrêté du 30 août 2013, le préfet de la Gironde a autorisé le département de la Gironde à déroger à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et de leurs habitats, dans le cadre de l’aménagement de la déviation. Saisi par trois associations, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement n°1304140 du 30 juillet 2015, annulé cet arrêté du préfet de la Gironde en date du 30 août 2013, en tant que le préfet de la Gironde avait estimé que le tracé de la déviation routière du Taillan-Médoc n’avait aucun impact direct sur l’Azuré de la sanguisorbe et son habitat. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a, par un arrêt n°15BX03179 et n°15BX03188 du 7 juillet 2016, rejeté l’appel formé contre ce jugement. Par ailleurs, par un jugement n°1300456 du 30 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par une association, a également annulé l’arrêté du préfet de la Gironde du 19 mars 2012 portant autorisation au titre de l’article L.214-3 du code de l’environnement pour l’aménagement de ladite déviation, lequel a toutefois était annulé par un arrêt n°15BX03180, n°15BX03181 et n°15BX03137 du 7 juillet 2016 de la cour administrative d’appel de Bordeaux. La préfète de la Gironde a, le 13 septembre 2019, pris un arrêté complémentaire à l’arrêté préfectoral du 15 mars 2016 modifiant l’arrêté du 19 mars 2012 au titre de la police de l’eau afin d’accorder la dérogation sollicitée relative à la destruction d’espèces protégées, sur le fondement du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Par une ordonnance n°2000153 du 17 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, saisi par l’association Natur’jalles et autres, sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du 13 septembre 2019 précité. Par une décision n°439201 du 17 décembre 2020, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi présenté par l’association Natur’jalles et autres contre l’ordonnance n°2000153 précitée. L’association Natur’jalles et autres demandent au tribunal, dans la présente instance, d’annuler l’arrêté du 13 septembre 2019 par lequel la préfète de la Gironde a autorisé le département de la Gironde à déroger à l’interdiction de destructions d’espèces et d’habitats d’espèces animales protégées et de destruction d’espèces végétales protégées.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’arrêté :

2. D’une part, aux termes des dispositions de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale : « Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II (…), avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (…) ». Il résulte de ces dispositions que les autorisations délivrées au titre de la police de l’eau en application de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, antérieurement au 1er mars 2017, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017, sont considérées, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales.

3. D’autre part, aux termes de l’article R. 181-28 du code de l’environnement, dans sa version applicable au litige : « Lorsque l’autorisation environnementale est demandée pour un projet pour lequel elle tient lieu de dérogation aux interdictions édictées en application du 4° de l’article L. 411-2, le préfet saisit pour avis le Conseil national de la protection de la nature, qui se prononce dans le délai de deux mois. / Lorsque la dérogation dont l’autorisation environnementale tient lieu concerne des animaux appartenant à une espèce de vertébrés protégée définie par l’article R. 411-8 et figurant sur les listes établies en application de l’article R. 411-8-1 et que l’avis du Conseil national de la protection de la nature est défavorable ou assorti de réserves, le préfet saisit pour avis conforme le ministre chargé de la protection de la nature (…) ».

4. Il résulte de l’instruction que l’arrêté en litige se borne à compléter un précédent arrêté du préfet de la Gironde en date du 19 mars 2012, lui-même modifié par un arrêté en date du 15 mars 2016, portant autorisation de travaux au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement. Il résulte des dispositions précitées que cette autorisation doit aujourd’hui être regardée comme une autorisation environnementale, régie par les dispositions des articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement.

5. En l’espèce, le projet a reçu un avis favorable sous conditions du conseil national de la protection de la nature en date du 23 mai 2019. En raison de la destruction d’habitats des espèces Loutre d’Europe et Vison d’Europe, espèces de vertébrés protégés au titre de l'article R. 411-8 du code de l’environnement, le ministre de la transition énergétique et solidaire a été saisi en application de l’article R. 181-28 du code de l’environnement précité et a émis un avis favorable sous conditions, le 25 juillet 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde n’était pas compétent pour signer un tel arrêté en l’absence d’avis du ministre de la transition énergétique et solidaire, doit être écarté dès lors qu’un avis a été émis.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 411‑2 du code de l’environnement :

6. Aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’environnement : « I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces (…) ». Aux termes de l’article L. 411-2 du même code, dans sa version applicable : « I. – Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : / (…) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement (…) ».

7. Il résulte de ces dispositions qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

8. En l’espèce, la dérogation contestée a été sollicitée par le département de la Gironde en vue de permettre l’aménagement d’une déviation d’un tronçon de la route départementale n°1215 dite « déviation du Taillan », destinée notamment à contourner les communes du Pian-Médoc et du Taillan-Médoc.

S’agissant de l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur :

9. Aux termes de l’arrêté contesté le projet, qui vise à « désenclaver le nord du Médoc, à réduire le trafic routier dans la traversée du Taillan-Médoc afin d’améliorer la sécurité des usagers et de préserver la qualité de vie des riverains, et à améliorer l’accessibilité des zones urbanisées de Saint-Aubin-de-Médoc, le Pian-Médoc et Arsac », présente un intérêt public majeur de nature économique et sociale.

10. Il résulte de l’instruction que le projet, déclaré d’utilité publique par un décret du 13 juillet 2005, vise, en premier lieu, à désenclaver le nord du Médoc et à contribuer à son développement économique en améliorant l’accessibilité des zones urbanisées de Sain Aubin de-Médoc, le Pian-Médoc et Arsac, ce qui, au demeurant, est conforme aux orientations « améliorer la fluidité des trafics routiers … et réduire le temps moyen des déplacements quotidiens » fixées au point 2.4.2 du projet d’aménagement et de développement durable, du plan local d’urbanisme (PLU) 3.1 de Bordeaux Métropole et à l’axe 9 « optimiser et réguler le réseau de voiries à vocation dominante de déplacements », du programme d’orientations et d’actions mobilité du PLU. En effet, il ressort du dossier de demande d’autorisation que la réalisation de la déviation doit permettre notamment de réduire le temps de parcours du giratoire du Médoc à Castelnau de Médoc, de 25 à 17 minutes en heure de pointe du matin et du soir et de 20 à 15 minutes en heure creuse, soit une réduction des temps de parcours, d’environ 25%, ce qui permettra une amélioration substantielle de l’accessibilité de cette région, condition nécessaire à son développement économique et touristique. Si les requérants allèguent que le désenclavement du Médoc, via cette déviation, devrait reporter les flux de véhicules sur des routes déjà encombrées aux heures de pointe, correspondant aux mêmes échangeurs de la rocade de Bordeaux, et accroître les nuisances justifiant par ricochet de nouveaux aménagements routiers qui sont d’ailleurs déjà à l’étude, il résulte de l’instruction que la déviation va, en réalité, permettre une diversification des parcours, en proposant un réseau mieux hiérarchisé, distinguant, d’après le dossier de demande de dérogation, entre « la RD 1215, voie rapide traversant la région et la rapprochant de Bordeaux, (…) la route des vins et la route des lacs, routes touristiques à fonction spécifique (…) un réseau transversal qui doit faciliter les échanges économiques et touristiques à l’intérieur de l’espace médocain et enfin un réseau de voies et de sentiers cyclables, équestre et de randonnées ».

11. En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que le projet vise également à améliorer la sécurité des usagers et des riverains et à réduire les nuisances que cette traversée cause à ces derniers, conformément notamment l’axe 5 « améliorer la sécurité de tous les déplacements » du programme d’orientations et d’actions mobilité du PLU précité. En effet, la route, que la déviation a pour but de désengorger, traverse des parties urbanisées des communes du Pian-Médoc et de Taillan-Médoc sur environ trois kilomètres, alors qu’un groupe scolaire et une crèche donnent directement sur cette route. De plus, le département de la Gironde justifie de ce que le trafic est extrêmement dense dans le bourg du Taillan-Médoc, ce qui ressort également de l’avis du conseil national de la protection de la nature du 23 mai 2019, dès lors que le nombre de véhicules en transit sur cette commune, d’environ 10 000 habitants, est de 15 000 véhicules légers et 2 000 poids-lourds par jour.

12. En troisième lieu, les requérants ne sauraient soutenir, pour justifier de l’absence de raisons impératives d’intérêt public majeur, que ce projet, qui s’insère dans un environnement naturel particulièrement sensible, va induire un étalement des espaces urbanisés et une urbanisation des secteurs traversés entraînant une augmentation du trafic, comme en attesterait le développement de nombreux programmes industriels et commerciaux ainsi que le projet de construction d’un établissement de près de 800 élèves au Pian-Médoc, en bordure de la future déviation, dès lors que l’arrêté en litige, qui se borne à accorder une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées au titre du code de l’environnement, n’a pas pour objet de délivrer d’autorisations d’urbanisme.

13. En dernier lieu, au soutien du moyen tiré de l’absence de raisons impératives d’intérêt public majeur au regard de la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées, les requérants soutiennent que le projet, dans sa globalité, porte atteinte à la ressource en eau potable. Toutefois, l’arrêté en litige, qui modifie l’arrêté n°SEN 2016/01/15-07 lui-même modifiant l’arrêté n°SEN 2012/03/19-30 portant autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement relatif à l’aménagement d’un tronçon de route départementale n°1215 (RD1215), dite déviation du Taillan, complète ce dernier, uniquement s’agissant de la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées énumérées à l’article 2 et précise que le reste de l’arrêté initial reste sans changement. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir, dans le cadre du recours dirigé contre l’arrêté portant dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, que le projet dans sa globalité porte atteinte aux ressources en eau potable.

14. Par suite, au regard de tout ce qui précède, le projet en litige répond à des raisons impératives d’intérêt public majeur au sens du c) du 4° de l’article L. 411‑2 I du code de l’environnement.

S’agissant de l’absence de solution alternative satisfaisante :

15. Les requérants soutiennent que la variante n°1, qui consiste en un réaménagement de la route actuelle Castelnau-Salaunes et permet une meilleure diffusion de flux de véhicules et une réduction du trafic, constitue, combinée à une politique dynamique de transfert modal, une alternative satisfaisante, permettant de répondre aux objectifs fixés par le département de la Gironde, à savoir la réduction du trafic de transit, notamment des poids lourds, dans la traversée du Taillan et l’amélioration de la desserte du nord Médoc.

16. Il résulte de l’instruction que, dans un premier temps, cinq variantes « larges » ont été étudiées, sur un vaste secteur d’étude allant du Taillan-Médoc à Salaunes et à Castelnau de-Médoc et sur la base d’une analyse multicritères prenant en compte les aspects sociaux, économiques et environnementaux, répertoriés dans un tableau, produit dans la demande de dérogation. Il ressort de ce tableau « Comparaison des variantes » réalisé par Symbiose environnement ainsi que de diverses cartes produites, que la variante n°1, qui n’a certes pas d’impact sur la flore, la faune et le milieu protégé, a toutefois un impact très défavorable, d’une part concernant le milieu naturel, sur les zones humides et d’autre part, concernant le milieu humain sur « - qualité de la desserte du Médoc et allégement du trafic dans le centre bourg du Taillan-Médoc ; - sécurité ; - insertion dans le tissu urbain et urbanisme ; - proximité par rapport au tissu urbain existant », ainsi qu’un impact défavorable sur « -bruit » et « -air et santé ». De plus, il résulte de l’instruction que cette variante implique un allongement de parcours de plusieurs kilomètres, des travaux importants et notamment le recalibrage de la voie existante RD 1215 dans le périmètre de captage des eaux et, traverse un espace naturel et une zone humide, la zone de landes et de lagunes du centre Médoc ainsi que les hameaux de Maubourguet, Macavin et les lotissements du Sud de Castelnau. En outre, la variante n°5, laquelle a été retenue, a certes un impact défavorable sur la flore, la faune, les zones humides mais elle est la seule à avoir un effet « très favorable » sur le milieu humain à savoir la qualité de desserte du Médoc et l’allégement du trafic dans le centre bourg du Taillan-Médoc, la sécurité et la proximité par rapport au tissu urbain existant, un effet « favorable » sur l’air et la santé et un effet « neutre » sur l’insertion dans le tissu urbain et urbanisme. Dans un second temps, il ressort du dossier de demande d’autorisation que plusieurs variantes « fines » d’aménagement de la variante n°5 ont été étudiées afin de positionner précisément l’axe du tracé. Au vu des résultats des différentes concertations avec les riverains et les services de l’Etat, la solution composée du tracé Fs (pour la partie sud) et du tracé Bn (pour la partie nord) sur la base d’un fuseau large de 70 m a été proposée à enquête publique.

17. Pour contester le choix de cette variante, les requérants soutiennent d’abord, que l’impact de la variante n°5 sur les espèces protégées devrait être qualifié de « très défavorable » et non pas seulement de « défavorable », en raison de la découverte de nouvelles espèces protégées ce qui aurait permis de considérer la variante n°1 plus satisfaisante. Toutefois, ils ne l’établissent pas, par la production d’éléments précis et circonstanciés relatifs à l’existence de ces espèces et à l’impact de la déviation sur leur milieu, éléments qui doivent être au demeurant croisés avec plusieurs autres critères tels que les milieux humains, physiques, naturels ainsi que le site et le paysage. Par ailleurs, en se bornant à indiquer que la variante n°5 aboutit, a minima, au double de zones humides impactées, par rapport à ce qu’annonce le maître d’ouvrage, dès lors que les chiffrages n’ont pas été actualisés et que la surface des zones humides a augmenté, les requérants n’établissent pas que d’autres variantes, et notamment la numéro 1, sont plus satisfaisantes, alors qu’au demeurant cette variante traverse, comme énoncé précédemment, des zones humides. La circonstance que les premières habitations sont situées à environ 120 mètres du projet n’est pas davantage de nature à établir, alors que des équipements et mesures sont prévues pour réduire l’impact des nuisances pour les riverains, et notamment une butte anti-bruit de 4.5 mètres de hauteur, que la variante n°5 est « la pire de toutes », d’autant plus que le projet de déviation n’est pas exclusif du développement complémentaire de transports en commun.

18. Par suite, au regard de tout ce qui précède, le projet en litige a été précédé de l’examen approfondi de tracés alternatifs.

S’agissant du maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces protégées auxquelles il est porté atteinte dans leur aire de répartition naturelle :

19. En premier lieu, les requérants contestent certaines mesures favorables à l’Azuré de la Sanguisorbe, espèce de papillons (lépidoptère rhopalocère myrmécophile) se reproduisant sur les milieux humides ouverts où poussent la Sanguisorbe officinale Sanguisorba officinalis, son unique plante-hôte. La demande de dérogation aborde cette espèce de manière très détaillée, aux pages 57 à 70 « Zoom sur la population d’Azuré de la Sanguisorbe : -présentation de l’espèce ; -expertise de 2017 ; -bilan et discussion sur l’état de conservation de l’Azuré de la Sanguisorbe ».

20. D’une part, les requérants soutiennent que la mesure d’atténuation A10 « Amélioration des pratiques de gestion pour l’Azuré de la Sanguisorbe », prévue dans le dossier de demande d’autorisation, laquelle fixe la pratique du fauchage effectuée par les différents acteurs du territoire et à certaines périodes données, est insuffisante. Toutefois, en se bornant à faire état de la réalisation d’une fauche en 2017 par des chasseurs, à la mauvaise saison et au niveau de la tonne de chasse, les requérants n’établissent pas l’insuffisance de cette mesure, qui au demeurant ne figure pas dans l’arrêté en litige du 13 septembre 2019, postérieur à la réalisation de la fauche contestée. Par suite, le moyen doit être écarté.

21. D’autre part, les requérants soutiennent que la mesure de réduction R13, reprise à l’article 8.5 de l’arrêté contesté, destinée à la « Création d’un éco-pont permettant la connexion avec la population nord-est de l’Azuré de la Sanguisorbe », est insuffisante, alors que le projet sacrifie la zone Nord-Est de cette station et entraîne la suppression directe de près de 50% d’habitats et de 60% de spécimens. Il est constant que la population de l’Azuré de la Sanguisorbe présente au Nord-Est du projet de déviation est, en toute hypothèse, isolée, du reste de la population constituée par le noyau de Lesqueblanque. Il ressort de la demande d’autorisation, que la population a été évaluée à une quarantaine d’individus adultes et que sur les 1 576 chenilles recensées en 2017 sur l’ensemble du site, environ 800 chenilles ont été recensées sur les emprises du projet, et environ 150 à l’Est du projet. Par ailleurs, la création d’un éco-pont, qui est un procédé expérimental, a pour but de maintenir les échanges possibles entre les différentes populations de l’Azuré de la Sanguisorbe, plutôt que de laisser la population du Nord-Est isolée du noyau principal et n’a pas pour objet de supprimer tout impact sur cette espèce. En outre, cette mesure de réduction doit être appréciée au regard des autres mesures prises pour préserver l’Azurée de la Sanguisorbe. A ce titre, l’article 5 de l’arrêté prévoit, au titre des mesures d’évitement, au droit de la station d’Azuré de la Sanguisorbe, que « l’axe de la route est décalé sur l’extrême Est de la bande déclarée d’utilité publique et que le profil type de la décision est réduit de 25 mètres en supprimant les voies de désenclavement et en adaptant le système de récupération des eaux de chaussée par la mise en place de caniveaux à fente … ». De plus, son article 8.3 « mise en place d’une barrière imperméable pour l’Azuré » prévoit qu’en complément des haies mises en place, une barrière imperméable est installée sur la partie Ouest de la déviation à proximité des populations d’Azuré de la Sanguisorbe, ainsi qu’à l’Est au niveau de la petite population située en bordure de piste DFCI. Enfin, les mesures de compensation consistent notamment à sécuriser, restaurer ou dénaturer puis gérer et entretenir a minima « 71.1 ha de landes favorables au Fadet des laîches et au cortège associé, dont au minimum 12 ha favorable à l’Azuré de la Sanguisorbe ». Par suite, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que la mesure serait insuffisante, le moyen doit également être écarté.

22. En deuxième lieu, selon les requérants les mesures compensatoires proposées en boisement de qualité pour le murin de Bechstein ne sont pas suffisantes, dès lors que seulement 37,39 ha de boisement est prévu au titre des sites de compensation, en méconnaissance des avis du CNPN et de la ministre de la transition énergétique et solidaire. En l’espèce, aux termes de l’arrêté contesté, les impacts résiduels, après mise en œuvre des mesures d’évitement, vont concerner la destruction de 17.13 hectares de boisements feuillis/mixtes favorables au gîte du murin de Bechstein et au cortège associé et 3.66 hectares de chasse, soit un total de 20.79 hectares. Son article 11 précise, toutefois, que les mesures de compensation concernent a minima, 37.9 ha de boisements feuillus/mixtes favorables au murin de Bechstein et au cortège associé. S’il ressort de l’avis favorable du CNPN du 23 mai 2019 qu’un « ratio compensatoire d’au moins 3 pour 1 » serait justifié, en raison de la faible plus-value écologique des mesures proposées et du décalage temporel important entre la mise en place des mesures et la pleine fonctionnalité des habitats, la préfète de la Gironde n’était pas liée par cet avis et la ministre, dans son avis du 25 juillet 2019, ne s’est, quant à elle, pas prononcée sur ce point. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que la compensation de 37.9 ha serait insuffisante. Par suite, le moyen doit être écarté.

23. En troisième lieu, les requérants se bornent à soutenir que l’efficacité des mesures consistant à aménager des passages à faune pour chiroptères (« tremplins verst ») n’est pas démontrée sans apporter d’éléments précis et circonstanciés pour justifier de l’inefficacité d’une telle mesure. En tout état de cause, la mesure de réduction R8, reprise à l’article 6.6 de l’arrêté prévoit que « le passage supérieur du Foin ainsi que les franchissements du Monastère et du Courmateau permettent de rétablir les corridors de déplacement des chauves-souris et de faciliter le franchissement de la petite faune en général ». Par ailleurs, la mesure de réduction R10 reprise à l’article 8.2 « aménagement paysager » de l’arrêté, prévoit en complément des ouvrages de transparence écologique et du dispositif de clôtures anti franchissement, la création et l’entretien d’une haie d’au moins 2 à 3 mètres de large de part et d’autre de la future route pour limiter les risques de collision en particulier pour les chiroptères. Pour l’unique passage en hauteur, les chauves-souris seront dirigées vers l’aménagement par un effet d’entonnoir des haies pour avoir un effet tremplin avec une élévation de la strate arborée au-dessus de 4 mètres. La pose d’un grillage en bordure de route permettra aux espèces qui volent au sol de dévier leur trajectoire en hauteur enherbée afin de provoquer un effet barrage. Concernant les quatre passages souterrains, un effet « entonnoir » avec les corridors vers le projet d’aménagement en hauteur sera réalisé. Enfin, dès lors que cette haie, destinée à éviter les collisions, n’est qu’une mesure de réduction n’ayant pas vocation à supprimer tout risque de mortalité, des mesures de compensation telles que la « gestion forestière » et « îlots de sénescence » et d’accompagnement avec la « pose de gites » sont également prévues par ailleurs. Par suite, le moyen doit être écarté.

24. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que sur les 7 îlots proposés en compensation, 6 concernent du reboisement de pins maritimes, lesquels ne sont pas favorables à la faune. Il est constant que 5 îlots bénéficient d’un « reboisement ou régénération naturelle de pins maritimes » et 2 îlots bénéficient, d’une part, de la conservation et de l’amélioration d’une « zone feuillue et d’un reboisement par plantation de pin maritime » et d’autre part, d’un « reboisement par plantation de pin maritime et maintien d’une lisière non boisée ». Toutefois, et comme il est soutenu en défense, il s’agit d’une mesure de compensation au titre du code forestier en raison du défrichement qui n’a pas pour vocation première de compenser la destruction des espèces protégées. Au surplus, il ressort du dossier de demande que « bien que les boisements ne soient pas favorables à la faune à court terme, ils pourront constituer des zones de chasse et de transit utilisées par la faune et notamment les reptiles, les oiseaux et les mammifères incluant les chiroptères ». Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

25. En dernier lieu, selon les requérants les mesures de compensation prévues par l’autorisation ne permettent pas de garantir la pérennité des mesures compensatoires dès lors que l’arrêté ne reprend que partiellement les prescriptions émises par le CNPN et que les réserves émises par la ministre de la transition énergétique et solidaire dans son avis du 25 juillet 2019 ne sont pas plus respectées.

26. D’abord, les requérants soutiennent que la mise en œuvre des mesures de compensation sur des parcelles sécurisées sur 30 ans, est insuffisante, en méconnaissance des avis du CNPN et de la ministre. Aux termes de l’arrêté contesté, la compensation est mise en œuvre « pour une durée de 30 ans ». Si la motivation de l’avis du CNPN indique effectivement que « la mise en place de mesures conservatoires sur 30 ans est insuffisante au vu des impacts qui eux, seront définitifs, ainsi que de l’attractivité croissante du territoire et les pressions futures qui s’exerceront sur ce milieu », cet élément n’est pas repris aux termes des « conditions » de l’avis, lequel ne lie, en tout état de cause, pas l’autorité préfectorale. Par ailleurs, la ministre ne traite pas, dans son avis, de la durée de la mise en œuvre des mesures de compensation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces avis à ce titre, doit être écarté.

27. Par ailleurs, selon les requérants les compensations doivent s’élever, au minimum, à 150 hectares et le projet doit bénéficier d’une sécurisation foncière préalable à la mise en œuvre des travaux. D’une part, aux termes de l’avis du CNPN, repris par la ministre « il serait intéressant, et emblématique de ce projet et de son historique, de proposer une surface réelle importante (autour de 150 ha) (…) ». Ces réserves ont été prises en compte par l’autorité préfectorale dès lors que l’arrêté prévoit la mise en œuvre de mesures de compensation sur les parcelles situées sur les communes de Saint Laurent-Médoc, Avensan, le Pian-Médoc, Saint Aubin-de-Médoc, le Taillan-Médoc, pour une surface globale de 106,32 hectares mais également de mesures de compensation complémentaire « pour atteindre une surface totale de 150 ha minimum, afin de constituer au plus près de la déviation, une mosaïque fonctionnelle de milieux boisés et ouverts, mettant en valeur le caractère humide des sols et la patrimonialité des cortèges d’espèces associés ». D’autre part, il ne résulte pas de l’instruction qu’à la date de la mise en œuvre des travaux, le projet ne bénéficiait pas d’une sécurisation foncière suffisante dès lors que la superficie compensatoire favorable aux deux espèces justifiant la saisine de la ministre est incluse dans le volume global de 150 hectares pour lequel le département de la Gironde a notamment mis en œuvre une politique d’acquisition foncière et par conventionnement, antérieurement au début des travaux. Par suite, le moyen doit être écarté.

28. En outre, il ressort de l’arrêté que « ces mesures de compensation doivent s’imbriquer dans un dispositif de protection forte adapté aux forts enjeux en présence (Espaces Naturels Sensibles, Réserve Naturelle Régionale, APPB) afin d’en garantir la pérennité notamment vis à vis de l’urbanisation », conformément d’une part, à l’avis du CNPN qui précise que « la réalisation de ces mesures compensatoires ambitieuses et symboliques devrait s’accompagner de la mise en place d’un périmètre de protection adapté aux enjeux (ENS, Réserve Naturelle et garantissant leur pérennité au vu de la forte pression d’urbanisation du secteur » et à l’avis de la ministre qui indique que ces mesures « devront s’imbriquer dans un dispositif de protection forte adapté aux enjeux (Espaces Naturels Sensibles Réserve Naturelle Régionale…) afin de garantir leur pérennité au vu de la forte pression d’urbanisation du secteur ». Par suite, le moyen tiré de ce que le projet aurait dû s’intégrer dans un dispositif de protection forte type ENS doit être écarté.

29. Enfin, aux termes des mentions de l’avis de la ministre, un « organisme gestionnaire d’espaces naturels » doit être identifié « préalablement au démarrage des travaux » ou un « comité de suivi multi partenarial » doit être nommé pour assurer la mise en œuvre de mesures compensatoires et des suivis prévus par l’arrêté préfectoral d’autorisation. Or, l’article 12 de l’arrêté contesté prévoit l’intervention d’un ou plusieurs organismes compétents en matière de gestion d’espace naturel et son article 15 impose la mise en place, dans les plus brefs délais, d’un comité de suivi de la mise en œuvre des mesures fixées par l’arrêté et notamment celles relatives à la compensation. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté ne prévoit pas l’identification d’un organisme gestionnaire, doit être écarté.

30. Par suite, il résulte de tout ce qui précède, compte tenu des impacts résiduels du projet, après mesures de réduction, de compensation et d’accompagnement, que les mesures prévues par l’arrêté attaquée sont suffisantes au regard de l’objectif de maintien dans un état de conservation favorable des populations d’espèces protégées auxquelles il est porté atteinte du fait de la réalisation du projet de déviation. Ainsi, la préfète de la Gironde n’a pas entaché son arrêté, accordant une dérogation au titre des espèces et habitats protégés, d’une erreur d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

En ce qui concerne le moyen tiré de de la méconnaissance de l’article L.411-1 du code de l’environnement dès lors que la Romulée de Provence est exclue du champ de la dérogation :

31. Les requérants contestent l’appréciation portée par l’autorité préfectorale sur l’impact du projet de déviation sur l’espèce Romulée de Provence, dont il est constant qu’elle n’est pas visée par l’arrêté contesté. Ils se bornent à soutenir que le projet impacte une station de Romulée de Provence qui est connue pour être présente au droit du projet, comme en attesteraient les cartes de l’observatoire de la biodiversité végétale de Nouvelle Aquitaine, lesquelles n’établissent au demeurant pas la présence d’une telle espèce, et qu’un agent de la DREAL aurait reconnu au cours de l’audience de référé que, si cette espèce n’a pas été constatée sur l’emprise de déviation, elle serait présente dans le secteur. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette espèce serait présente sur l’emprise du projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 411-1 du code de l’environnement doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre la réalisation des travaux, en méconnaissance des prescriptions de l’arrêté : 32. Si les requérants soutiennent que le chantier ne respecte pas plusieurs prescriptions de l’arrêté contesté, notamment certaines mesures d’évitement et de réduction prévues et produisent, pour en justifier, des photographies et comptes rendus, ces circonstances, à les supposer établies, sont sans incidence sur sa légalité dès lors qu’elles ne portent que sur son exécution et ne permettent pas davantage d’établir l’insuffisance de ses prescriptions. Par suite, le moyen doit être écarté.

33. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que les conclusions à fin d’annulation de la requête doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction sous astreinte.

Sur les frais de justice :

34. Les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat et du département de la Gironde, qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département de la Gironde et non compris dans les dépens, sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par l’association Natur’jalles et autres est rejetée.

Article 2 : L’association Natur’jalles et autres verseront au département de la Gironde une somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association Natur’Jalles, première dénommée, pour l’ensemble des requérants, au département de la Gironde et à la préfète de la Gironde.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.