Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 août 2020, 7 et 29 octobre 2021, la société Vignobles Lalaudeys et Pomeys, représentée par Me Heymans, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision du 2 janvier 2020 par laquelle l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc l’a informée du non classement de son cru au titre du classement 2020 Cru Bourgeois du Médoc ;

2°) d’annuler la décision du 20 février 2020 par laquelle l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc a publié la liste des crus classés ;

3°) d’annuler la décision du 3 mars 2020 portant rapport de vérification définitif rendu à la suite de la saisine de la commission de recours ;

4°) d’enjoindre à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc d’une part, d’établir un nouveau cahier des charges tout en reconduisant les lauréats du précédent classement et d’autre part, de procéder à un nouveau classement ;

5°) à titre subsidiaire, de désigner avant-dire droit un expert à fin d’apprécier la qualité de ses vins ;

6°) de mettre à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Bordeaux est compétent dès lors que les décisions prises par l’Alliance des Crus Bourgeois le sont dans le cadre de l’exercice d’une mission de service public alors même qu’elle est une personne morale de droit privée et que le litige oppose deux personnes privées ;

- la requête n’est pas tardive dès lors qu’en méconnaissance de l’article R. 421-1 du code de justice administrative les décisions ne sont revêtues d’aucune mention relative aux délais de recours de sorte que la présente requête, qui intervient dans un délai raisonnable, n’est pas tardive ; en tout état de cause, les ordonnances n°2020-305 et 306 du 25 mars 2020 permettent de proroger le délai de recours ;

En ce qui concerne la décision du 2 janvier 2020 :

- la décision en date du 2 janvier 2020 est entachée d’un vice de forme dès lors que si elle comporte une signature et le tampon de l’Alliance, elle ne mentionne pas l’identité et la qualité du signataire ;

- elle est entachée d’insuffisance de motivation dès lors qu’aucun élément de fait ne permet de comprendre sa motivation ;

- elle a sollicité, par courrier du 10 janvier et courriel du 14 janvier 2020, dans le cadre de son recours administratif contre la décision du 2 janvier 2020, la communication de documents et d’informations mais s’est vue opposer un refus ;

En qui concerne les trois décisions contestées :

- le classement est entaché d’un vice de procédure dès lors que les autorités de tutelle n’ont pas défini les modalités de publication du classement par l’Alliance, en méconnaissance de l’article 1.2 du plan de vérification du classement des crus bourgeois du Médoc, ce qui l’a privée des garanties attachées au contrôle de l’administration de tutelle ;

- la procédure de dégustation est irrégulière, en l’absence d’huissier de justice pour vérifier que les conditions de dégustation étaient identiques, que l’environnement était adapté et que les crus étaient les mêmes ;

- la procédure méconnaît les garanties d’impartialité et d’indépendance en raison de la composition de l’Alliance des Crus bourgeois du Médoc et du rôle de la « commission de classement » de l’Alliance dans la procédure de classement et la désignation du jury ;

- les compétences et la formation des dégustateurs ne sont pas connues ;

- la sélection des dégustateurs est laissée à l’appréciation de l’Alliance sans contrôle externe et leur formation est assurée par la « commission technique » de l’Alliance, ce qui expose les dégustateurs à une certaine partialité ;

- la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation au regard de la subjectivité du seul critère de l’analyse sensorielle ; les notes qui lui ont été attribuées au cours des deux séances sont incohérentes ;

- la décision en litige est illégale en raison de l’illégalité du point 3.2.1.1 du plan de vérification du classement relatif aux dégustateurs dès lors qu’il prévoit que l’ordre de présentation des crus proposés aux dégustateurs est aléatoire et différent, pour chacun des groupes, en méconnaissance du principe d’égalité ;

- la décision en litige est illégale en raison de l’illégalité des dispositions du a) du point 5.1.2.1.1 du chapitre 5 « Mesures transitoires » appliquées au classement publié au 1er trimestre 2020, en tant qu’il permet le renouvellement de la mention « Cru Bourgeois sans réexamen » et institue une rupture d’égalité de traitement entre les candidats ;

- la décision en litige est illégale en raison de l’illégalité des dispositions du a) du point 5.1.2.1.1 du chapitre 5 « Mesures transitoires » appliquées au classement publié au 1er trimestre 2020, en tant que les candidats dont la demande de mention complémentaire a été rejetée ne peuvent bénéficier de l’application de ces dispositions, même s’ils satisfont les conditions requises alors que ceux qui n’ont pas sollicité de mention complémentaires conservent l’appellation ; le château Pomeys, qui a bénéficié de la mention « Cru Bourgeois » pendant cinq années, satisfaisait aux conditions posées au point a) précité et aurait dû bénéficier du renouvellement automatique de son classement « Cru Bourgeois » ; il a demandé une mention complémentaire, ne l’a pas obtenue et a également perdu le bénéfice de la mention « Cru Bourgeois » ; ce régime institue une rupture d’égalité de traitement entre les candidats dès lors que les vins des candidats à la seule mention « Cru Bourgeois », qui ne sont soumis à aucune mesure sensorielle, bénéficient automatiquement de cette mention à l’inverse de ceux qui candidatent pour une mention complémentaire et qui répondent aux mêmes critères d’antériorité des cinq années précédentes ; ce régime incite les candidats à ne pas prendre le risque de demander de mention complémentaire mais plutôt à demander le renouvellement automatique de leur mention « Cru Bourgeois », en application du point a) précité.

Par deux mémoires en défense enregistré les 29 juillet et 12 novembre 2021, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc (l’Alliance), représentée par la société Fidal et la Selarl Agostini, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 12 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre la publication du classement du 20 février 2020 sont irrecevables dès lors qu’il ne s’agit pas d’un acte contestable ;

- les conclusions tendant à lui enjoindre d’établir un nouveau cahier des charges, tout en reconduisant les lauréats du classement précédent, sont irrecevables dès lors qu’elles ne sont pas reprises au sein du « par ces motifs » de la requête ; en tout état de cause, elles sont irrecevables faute pour la société requérante d’avoir directement contesté le cahier des charges dans le délai de recours contentieux ;

- la mesure tendant à ce qu’il soit diligenté avant-dire droit une mesure d’expertise est dépourvue de toute utilité, le juge administratif n’étant pas compétent pour apprécier les qualités organoleptiques des vins ; en outre la requérante n’a pas candidaté à la mention « Cru Bourgeois » qu’elle aurait pu obtenir dès lors que son cru a figuré cinq fois de 2008 à 2016 à la sélection officielle de l’Alliance, voie offerte par l’article 5.1.2.1.1.1 a) du cahier des charges ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l’économie des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’associe aux conclusions présentées par le ministre de l’économie des finances et de la relance.

La procédure a été communiquée à l’Institut national de l'origine et de la qualité qui n’a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 26 novembre 2021, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 27 décembre 2021. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie ;

- le décret du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aide de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc » ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Lahitte,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- les observations de Me Biais, représentant le château Lalaudeys et Pomeys, en présence de son gérant M. C...,

- et celles de Me Penisson, représentant l’Alliance des crus Bourgeois du Médoc, en présence de son président M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys, qui exploite un domaine viticole situé dans le Médoc, a déposé le 18 septembre 2018, une demande de classement Cru Bourgeois du Médoc, mention « Cru Bourgeois Supérieur », au titre de l’année 2020 pour son cru « Château Pomeys », en application de la procédure issue de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc ». Elle a été destinataire, le 12 octobre 2018, d’une attestation d’enregistrement de candidature au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc. A la suite des séances de dégustation organisées sous le contrôle de l’organisme de vérification, QB Vérification, choisi par l’alliance des Crus Bourgeois du Médoc, la SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys a été informée de ce qu’elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classée. A sa demande, une nouvelle analyse sensorielle, dans le cadre d’une dégustation d’appel, a eu lieu les 18 et 27 juin 2019. Par un courrier du 2 janvier 2020, l’Alliance a informé la SCEA de ce que le Château Pomeys n’avait pas obtenu un résultant suffisant pour être classé. La SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys a contesté le résultat obtenu et a été convoquée devant la commission de contestation, le 24 janvier 2020. Par courrier du 29 janvier 2020, l’Alliance a informé la SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys de ce que, à la suite de la commission de contestation, le Château Pomeys n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classé. Par décision du 14 février 2020, l’Alliance a notifié à la société la décision individuelle de non classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc. Le classement Cru Bourgeois du Médoc au titre de l’année 2020 a été publié le 20 février 2020 par l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc et la SCEA a été destinataire du rapport de vérification définitif le 3 mars 2020, établi à la suite de la commission de contestation. La SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys demande au tribunal d’annuler les décisions des 2 janvier, 20 février et 3 mars 2020 constatant que son Château Pomeys n’a pas obtenu un résultat suffisant pour être classé. Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Il ressort du cahier des charges du classement des « Crus Bourgeois du Médoc » que les décisions relatives aux demandes de classement « Cru Bourgeois du Médoc » sont des décisions individuelles. Lorsqu’il n’est pas fait droit aux demandes des candidats, ces décisions sont prises par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, à la suite d’une procédure prévue par le cahier des charges et le plan de vérification du classement des Crus Bourgeois du Médoc, homologués par un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’économie des finances et de la relance du 29 décembre 2017, le cas échéant après réexamen. Un demandeur qui conteste la décision rejetant sa candidature doit demander l’annulation de la décision de l’Alliance, dans le délai de recours contentieux qui court à compter de sa notification. Ainsi, la société requérante, dont le cru Château Pomeys n’a pas été classé, ne peut pas contester la liste définitive des candidats au classement retenus, publiée le 20 février 2020. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par l’Alliance doit être accueillie.

Sur l’étendue du litige :

3. Par une décision du 2 janvier 2020, l’Alliance a informé la société requérante de ce qu’elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classée. En application du point 6 du plan de vérification du classement des « Crus Bourgeois du Médoc » relatif aux recours et à la publication du classement, la SCEA Lalaudeys et Pomeys a contesté les conclusions du jury et a, dans ce cadre, été convoquée devant la commission de contestation le 24 janvier 2020. Par courrier du 29 janvier 2020, l’Alliance a informé la SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys, à la suite de la commission de contestation, qu’elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classée et un rapport de vérification définitif rendu à la suite de cette commission a été adressé à la société requérante le 3 mars 2020. Par une décision du 14 février 2020 dont l’objet est « notification de décision individuelle – résultat final au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc », l’Alliance a notifié à la société requérante la confirmation de son résultat final au classement 2020 des crus Bourgeois du Médoc, pour le cru Château Pomeys non classé, à la suite de l’expiration du délai de renonciation au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc, le 6 février. Ainsi, la décision finale du 14 février 2020, prise à la suite du recours et qui au demeurant, mentionne les voies et délais de recours, s’est nécessairement substituée à la décision initiale du 2 janvier 2020. Le rapport de vérification définitive rendu à la suite de la saisine de la commission de recours n’est, quant à lui, qu’un acte préparatoire à la décision finale, la circonstance qu’il soit daté du 3 mars 2020 étant sans incidence, la commission de contestation s’étant tenue le 24 janvier 2020. Par suite, les conclusions à fin d’annulation de la requête doivent être regardées comme dirigées contre la décision finale du 14 février 2020 précitée.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 14 février 2020 :

4. La SCEA Vignobles Lalaudey et Pomeys invoque par la voie de l’exception, l’illégalité des dispositions du a) du point 5.1.2.1.1 du chapitre 5 « Mesures transitoires » (appliquées au classement publié au 1er trimestre 2020) du cahier des charges, en tant que les candidats dont la demande de mention complémentaire a été rejetée ne peuvent bénéficier de l’application de ces dispositions, alors même qu’ils satisfont les conditions requises. La décision du 14 février 2020 contestée est fondée sur ce cahier des charges, homologué par un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’économie des finances et de la relance du 29 décembre 2017, qui revêt un caractère réglementaire.

5. En premier lieu, aux termes de l’article 13, 3° d) du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2012 : « Est interdit, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment : /-Sur les récipients et emballages ; /-Sur les étiquettes, capsules, bouchons, cachets ou autre appareil de fermeture ; /-Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annonces et tout autre moyen de publicité ; l'emploi en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux-de-vie : 1° (…) 3° Des mots cru classé précédés ou non d'une indication hiérarchique ou de tout autre mot évoquant une hiérarchie de mérite entre les vins provenant de domaines viticoles particuliers, sauf : (…) d) Lorsqu'il s'agit de vins de Bordeaux provenant de domaines viticoles faisant partie d'une appellation d'origine et ayant fait l'objet d'une sélection organisée périodiquement par l'organisme professionnel viticole le plus représentatif des domaines susceptibles d'être autorisés à employer des mots évoquant une hiérarchie de mérite entre ces vins sur la base d'un cahier des charges élaboré par celui-ci et d'un plan de vérification du cahier des charges établi et mis en œuvre par un organisme tiers offrant des garanties de compétence, d'impartialité et d'indépendance. / Le cahier des charges et le plan de vérification sont soumis à homologation des ministres chargés de la consommation et de l'agriculture par arrêté conjoint. (…) ».

6. En deuxième lieu, d’une part, aux termes du chapitre 3 du cahier des charges du classement « Classement des « Crus Bourgeois » et hiérarchie de mérite » et plus particulièrement de son point 3.1 « critères de classement : « 3.1.1 « Cru Bourgeois » / Le cru issu d’une exploitation notifiée éligible est soumis à une évaluation qualitative par analyse sensorielle. / 3.1.2 Mentions complémentaires : « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » / En complément de l’évaluation qualitative par analyse sensorielle, le cru qui postule à la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » ou à la mention complémentaire « Cru Bourgeois exceptionnel » est issu d’une exploitation qui justifie de ses performances aux critères complémentaires définis à l’article 3.3 du présent cahier des charges ». Aux termes du point 3.2.4 de ce cahier des charges : « Analyse sensorielle des vins conditionnés / Une appréciation globale est attribuée à chaque cru selon la classification suivante : - Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant ; - Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. ». Aux termes du point 3.3 relatif aux critères complémentaires d’admission aux mentions « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » et plus particulièrement de son point 3.3.1. qui prévoit la constitution d’un dossier spécifique de candidature à une mention complémentaire : « Chaque cru candidat constitue un dossier pour justifier des performances du cru au regard des critères suivants : Critère 1 : Les Bonnes pratiques culturales et environnementales (…) ; / Critère 2 : La conduite de l’exploitation tant sur le plan viticole que vinicole (…) / Critère 3 : La mise en valeur du cru (…) ». Et aux termes du point 3.2.1.5 « Traitement des résultats », issu de la partie 3.2 « Analyse sensorielle de classement » du plan de vérification, la note de chaque dégustateur est transformée en points selon un barème et la somme des points issus des 10 dégustateurs sert pour le positionnement des crus dans l’un des quatre niveaux suivants : « Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur, Cru Bourgeois exceptionnel ; Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant et permettant l’accès au niveau Cru Bourgeois ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. Pour chaque niveau définit ci-dessus un nombre minimum de points à atteindre est requis ».

7. D’autre part, le chapitre 5 du cahier des charges « Mesures transitoires », applicable au classement publié au 1er trimestre 2020, et plus particulièrement son point 5.1.2.1.1 « Analyses sensorielles » concernant la candidature à la mention « Cru Bourgeois », prévoit : « a) cru ayant figuré au moins cinq (5) fois à la sélection officielle publiée annuellement par l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc depuis le millésime 2008 et jusqu’au millésime 2016 inclus : le cru est classé « Cru Bourgeois » ; / b) Cru n’ayant pas figuré au moins cinq (5) fois à la sélection officielle publiée annuellement : le cru est soumis à des analyses sensorielles de cinq (5) millésimes conditionnées compris, au libre choix de l’exploitant, dans la période 2008 à 2016, soit neuf (9) millésimes. Les modalités d’analyse sont définies à l’article 3.2.4 du présent cahier des charges. / c) Cru ne répondant pas aux points a) ou b) ci-dessus. Le cru est soumis à des analyses sensorielles des vins conditionnés des millésimes 2015 et 2016 et jugé selon les modalités définies à l’article 3.2.4 du présent cahier des charges : globalement pour les deux (2) millésimes, le cru doit être jugé soit « Conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant », soit « Conforme, avec un niveau qualitatif supérieur ». Aux termes du point 5.1.2.2. « Candidature aux mentions complémentaires » relevant également du chapitre 5 « Mesures transitoires » : « a) Analyses sensorielles. / Le cru est soumis à des analyses sensorielles sur cinq (5) millésimes conditionnés, au libre choix de l’exploitant, parmi les millésimes 2008 à 2016, soit neuf (9) millésimes, selon les modalités définies à l’article 3.2.4 du présent cahier des charges (...) ».

8. Enfin, aux termes du dernier alinéa du point 2.2. du plan de vérification du classement des crus Bourgeois du Médoc relatif au classement publié en 2020 : « Les candidats ayant figuré au moins cinq fois à la sélection officielle des Crus Bourgeois du Médoc publiée annuellement par l’Alliance depuis le millésime 2008 et qui ne se présentent pas à l’obtention d’une mention complémentaire sont dispensés de l’analyse sensorielle de classement ».

9. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

10. En l’espèce, il est constant que le cru « Château Pomeys » a obtenu la mention « Cru Bourgeois », pour les années 2008 à 2016, soit pendant plus de 5 années, satisfaisant ainsi les conditions posées par les dispositions du a) du point 5.1.2.1.1 du cahier des charges précité relatif à l’application de « Mesures Transitoires », lui permettant d’obtenir, en cas de dépôt d’une telle demande dans le cadre du régime transitoire précédemment évoqué, le renouvellement automatique de son classement « Cru Bourgeois » sans nouvelle analyse sensorielle. Toutefois, la SCEA Vignoles Lalaudeys et Pomeys qui a candidaté, au titre du classement « Crus Bourgeois du Médoc 2020 », à une mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » pour son « Château Pomeys », et qui ne l’a pas obtenue en raison de résultats insuffisants, n’a pas bénéficié d’un classement « Cru Bourgeois », en application des dispositions précitées du dernier alinéa du point 2.2. du plan de vérification du classement des Crus Bourgeois du Médoc relatif au classement publié en 2020.

11. L’application de ce régime résultant du cahier des charges exclut le cru, dont la demande de mention complémentaire a été rejetée, du bénéfice du renouvellement de son classement à la mention « Cru Bourgeois », en application du a) du point 5.1.2.1.1 précité, et ce quand bien même il satisfait aux conditions requises, et le soumet à un test sensoriel à la différence de ceux qui n’ont pas candidaté à une mention complémentaire, dans le cadre du régime transitoire applicable au seul premier classement issu de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc ». Ce régime prévoit, dans le cadre du régime transitoire, une différence entre les candidats au seul renouvellement de la mention « Cru Bourgeois » et ceux sollicitant la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel », en ne permettant pas aux candidats à la mention complémentaires, de bénéficier des dispositions du a) du point 5.1.2.2.1 précité et d’obtenir, sous réserve du respect des conditions requises, le renouvellement automatique de la mention « Cru Bourgeois ». Cette différence, qui n’est pas justifiée pour des raisons d’intérêt général ni davantage en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit, institue, comme le soutient la SCEA Vignobles Lalaudeys et Pomeys, une rupture d’égalité de traitement entre les candidats.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande d’expertise avant dire-droit qui est dépourvue d’utilité, que la décision du 14 février 2020 doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

13. Eu égard au motif d’annulation retenu tiré de l’illégalité, par la voie de l’exception, des dispositions du a) du point 5.1.2.1.1 du chapitre 5 « Mesures transitoires » du cahier des charge, lequel n’a pas pour effet de faire disparaître de l’ordonnancement juridique l’acte déclaré illégal, les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc d’établir un nouveau cahier des charges tout en reconduisant les lauréats du précédent classement, sans qu’il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, doivent être rejetées tout comme les conclusions tendant à ce « qu’un nouveau classement » soit établi dépourvues des précisions permettant d’apprécier leur portée, à supposer ces dernières conclusions recevables.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCEA Lalaudeys et Pomeys qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, le versement à la SCEA Lalaudeys et Pomeys de la somme de 1 500 euros sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 14 février 2020 est annulée.

Article 2 : L’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc versera à la SCEA Lalaudeys et Pomeys la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SCEA Lalaudeys et Pomeys, à l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et au ministre de l’économie, des finances et de la relance