Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 août 2020 et 7 octobre 2021, la SAS la Haute Couture du Vin by Jean Guyon, représentée par Me Lacoste, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler le classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc, publié par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc le 20 février 2020 ;

2°) d’annuler les décisions individuelles des 14 février 2020 par lesquelles l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc l’a informée de ses résultats au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc concernant le cru « Château Greysac », le cru « Château La Clare » et le cru « Château Tour Séran » ;

3°) d’annuler l’arrêté du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc » ;

4°) de mettre à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc la somme de 10 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d’un vice de procédure dès lors que les autorités de tutelle n’ont pas défini les modalités de publication du classement par l’Alliance, en méconnaissance de l’article 1.2 du plan de vérification du classement des Crus bourgeois du Medoc, ce qui l’a privée des garanties attachées au contrôle de l’administration de tutelle ;

- la sélection des dégustateurs est laissée à l’appréciation de l’Alliance et leur formation est assurée par la commission technique de l’Alliance, en méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité ;

- les exigences de l’article 7.3 du plan de vérification, relatives à la compétence des dégustateurs, sont trop légères ;

- l’absence d’information sur l’identité et les compétences des dégustateurs ne permet pas d’assurer l’égalité de traitement des candidats ;

- la procédure méconnaît les garanties d’impartialité et d’indépendance en raison de la composition de la « commission de classement » de l’Alliance ; par le truchement de ses membres, l’Alliance, qui est censée organiser la procédure, y participe activement ;

- la commission d’experts, qui contrôle les critères 2 et 3 déterminant l’accès à l’attribution des mentions complémentaires, est composée par l’organisme vérificateur mais à partir d’une liste fournie par l’Alliance, en méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité ;

- le jury est composé de six membres sélectionnés par l’Alliance, en méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité ;

- huit des quatorze crus classés « crus bourgeois exceptionnel » ont des liens avec l’Alliance, ce qui méconnaît les principes d’indépendance et d’impartialité ;

- la constitution d’un panel de crus utilisé dans le cadre de la formation méconnaît le principe d’égalité des candidats dès lors que, d’une part, ce panel conditionne l’analyse des dégustateurs qui vont nécessairement établir le niveau du cru candidat par comparaison à ce panel d’autre part, la constitution d’un panel fiable parait impossible, sur un territoire tel que le Médoc, composé d’un nombre important d’appellations, enfin ce panel ne peut être représentatif tout à la fois des huit appellations et des quatre niveaux de qualité ;

- la procédure de dégustation est irrégulière, en l’absence d’huissier de justice pour vérifier que les conditions de dégustations étaient identiques, que l’environnement était adapté et que les crus étaient les mêmes ;

- le cahier des charges et le plan de vérification ne contiennent aucune information sur les conditions dans lesquelles doivent être conservés les échantillons destinés à la dégustation, ce qui ne permet pas d’établir qu’ils sont, pour chaque candidat, conservés dans les mêmes conditions ;

- le régime transitoire prévu au point a) de l’article 5.1.2.1 du cahier des charges méconnaît le principe d’égalité entre les candidats dès lors que certains crus bénéficient d’un classement automatique, sans nouvelle analyse sensorielle.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 29 juillet et 12 novembre 2021, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc (l’Alliance), représentée par la société Fidal et la Selarl Agostini et associés, conclut dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 12 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre la publication, le 20 février 2020, du classement définitif, sont irrecevables dès lors qu’il s’agit d’une publication de décisions individuelles qui ont été notifiées, avec les voies et délais de recours, à chaque exploitant ;

- les conclusions dirigées contre les décisions du 14 février 2020 classant les crus Château La Clare et Château Tour Seran sont irrecevables dès lors que ces décisions sont favorables à la société requérante et ne lèsent pas ses intérêts ;

- les conclusions dirigées contre l’arrêté du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification sont irrecevables car tardives ;

- aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l’économie des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre les décisions du 14 février 2020 classant les crus Château La Clare et Château Tour Seran sont irrecevables dès lors que la société a bénéficié des mentions revendiquées dans son dossier de candidature, à savoir, respectivement « cru bourgeois » et « cru bourgeois supérieur » ;

- aucun des moyens soulevés par la société requérante n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’associe aux conclusions présentées par le ministre de l’économie des finances et de la relance.

La procédure a été communiquée à l’Institut national de l'origine et de la qualité qui n’a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 26 novembre 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 27 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie ;

- le décret du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aide de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc » ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Lahitte,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- les observations de Me Lacoste, pour la société la Haute Couture du vin by Jean Guyon,

- et celles de Me Penisson représentant l’Alliance des crus bourgeois du Médoc, en présence de M. A... son président.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS La Haute Couture du vin by Jean Guyon est une exploitation viticole dont les crus Château La Clare, Château Tour Seran, Château Greysac et Château Rollan de By sont situées dans le Médoc. Elle a déposé quatre demandes de classement 2020 Cru Bourgeois du Médoc, mention « Cru Bourgeois » pour le Château La Clare, « Cru Bourgeois supérieur » pour les Châteaux Tour Seran et Rollan de By et « Cru Bourgeois exceptionnel » pour le Château Greysac, en application de la procédure issue de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc ». Elle a été destinataire, le 17 octobre 2018, d’une attestation d’enregistrement de ses candidatures au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc. Par courrier du 2 janvier 2019, l’Alliance a informé la société que le cru « Château La Clare » avait obtenu la mention « Cru Bourgeois ». Par un courrier du 19 avril 2019, l’organisme tiers vérificateur QB Vérification, choisi par l’alliance des Crus Bourgeois du Médoc, a informé la société, qu’à la suite de l’examen organoleptique, le cru Château Greysac a obtenu le niveau 2 et le directeur général de la SAS a accepté, par courrier du 24 avril 2019, les conclusions de la première dégustation en renonçant à demander une nouvelle présentation de son cru à l’examen organoleptique. Par un courrier du 4 juin 2019, QB Vérification a informé la société requérante qu’à la suite de l’examen organoleptique, le cru Château Tour Seran a obtenu le niveau 2. Enfin, la candidature du cru Château Rollan de By à la mention « cru bourgeois supérieur » a été rejetée. Par trois courriers du 14 février 2020, l’Alliance a notifié à la société requérante la confirmation de ses résultats finaux au classement 2020 des crus Bourgeois du Médoc à savoir « Cru Bourgeois » pour le cru Château La Clare et « Cru Bourgeois supérieur » pour les crus Château La Tour Seran et Château Greysac. Le classement Cru Bourgeois du Médoc au titre de l’année 2020 a été publié le 20 février 2020 par l’Alliance. La SAS la Haute Couture du Vin by Jean Guyon demande au tribunal d’annuler d’une part, les décisions du 14 février 2020 qui l’informent de son classement final concernant les seuls crus Châteaux la Clare, La Tour Seran et Greysac d’autre part, la publication du classement du 20 février 2020 et, enfin, l’arrêté du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc ». Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. En premier lieu, il ressort du cahier des charges du classement des « Crus Bourgeois du Médoc » que les décisions relatives aux demandes de classement « Cru Bourgeois du Médoc » sont des décisions individuelles. Lorsqu’il n’est pas fait droit aux demandes des candidats, ces décisions sont prises par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, à la suite d’une procédure prévue par le cahier des charges et le plan de vérification du classement des Crus Bourgeois du Médoc, homologués par un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’économie des finances et de la relance du 29 décembre 2017, le cas échéant après réexamen. Un demandeur qui conteste la décision rejetant sa candidature doit donc demander l’annulation de la décision de l’Alliance, dans le délai de recours contentieux qui court à compter de sa notification.

3. D’une part, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a candidaté au classement de son cru Château La Clare à la mention « cru bourgeois » et de son cru Château La Tour Seran à la mention « cru bourgeois supérieur ». Or, il ressort de deux décisions du 14 février 2020 ayant pour objet « Notification de décision individuelle – Résultat final au classement 2020 des Crus bourgeois du Médoc » que les crus Châteaux la Clare et La Tour Seran ont obtenu le classement aux mentions demandées, à savoir, respectivement, « cru bourgeois » et « cru bourgeois supérieur ». Par suite, la SAS La Haute Couture du Vin by Jean Guyon n’est pas recevable à contester ces deux décisions du 14 février 2020 qui lui sont favorables. La fin de non-recevoir opposée par l’Alliance, le ministre de l’économie des finances et de la relance et le ministre de l’agriculture doit être accueillie.

4. D’autre part, la société requérante, dont le cru Château Greysac n’a pas été classé à la mention demandée, ne saurait contester la liste définitive des candidats au classement retenus, publiée le 20 février 2020. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par l’Alliance tirée de ce que la société ne peut contester la publication du classement final le 20 février 2020 doit être accueillie.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421‑1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (…) ». En l’espèce, la SAS La Haute Couture du Vin by Jean Guyon demande l’annulation de l’arrêté du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification. Toutefois, cet arrêté a été publié au journal officiel de la République française n°0002 le 4 janvier 2018 faisant ainsi courir le délai de recours contentieux de deux mois ouvert à son encontre. Par suite, les conclusions à fin d’annulation présentées par la société requérante contre cet arrêté, qui en tout état de cause ne relèvent pas de la compétence du tribunal s’agissant d’un acte réglementaire de ministres, sont tardives et donc irrecevables. La fin de non-recevoir opposée par l’Alliance doit être également accueillie.

Sur l’étendue du litige :

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de la requête doivent être dirigées contre la décision du 14 février 2020 par laquelle l’Alliance a informé la SAS La Haute Couture du vin by Jean Guyon de l’obtention de la mention « cru Bourgeois supérieur » pour le Château Greysac.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 14 février 2020 par laquelle l’Alliance a informé la SAS La Haute Couture du vin by Jean Guyon de l’obtention de la mention « cru Bourgeois supérieur » pour le Château Greysac :

7. Aux termes de l’article 13, 3° d) du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2012 : « Est interdit, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment : /-Sur les récipients et emballages ; /-Sur les étiquettes, capsules, bouchons, cachets ou autre appareil de fermeture ; /-Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annonces et tout autre moyen de publicité ; l'emploi en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux-de-vie : 1° (…) 3° Des mots cru classé précédés ou non d'une indication hiérarchique ou de tout autre mot évoquant une hiérarchie de mérite entre les vins provenant de domaines viticoles particuliers, sauf : (…) d) Lorsqu'il s'agit de vins de Bordeaux provenant de domaines viticoles faisant partie d'une appellation d'origine et ayant fait l'objet d'une sélection organisée périodiquement par l'organisme professionnel viticole le plus représentatif des domaines susceptibles d'être autorisés à employer des mots évoquant une hiérarchie de mérite entre ces vins sur la base d'un cahier des charges élaboré par celui-ci et d'un plan de vérification du cahier des charges établi et mis en œuvre par un organisme tiers offrant des garanties de compétence, d'impartialité et d'indépendance. / Le cahier des charges et le plan de vérification sont soumis à homologation des ministres chargés de la consommation et de l'agriculture par arrêté conjoint. (…) ».

8. Par ailleurs, aux termes du chapitre 3 du cahier des charges du classement « Classement des « Crus Bourgeois » et hiérarchie de mérite » et plus particulièrement de son point 3.1 « critères de classement : « 3.1.1 « Cru Bourgeois » / Le cru issu d’une exploitation notifiée éligible est soumis à une évaluation qualitative par analyse sensorielle. / 3.1.2 Mentions complémentaires : « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » / En complément de l’évaluation qualitative par analyse sensorielle, le cru qui postule à la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » ou à la mention complémentaire « Cru Bourgeois exceptionnel » est issu d’une exploitation qui justifie de ses performances aux critères complémentaires définis à l’article 3.3 du présent cahier des charges ». Aux termes du point 3.2.4 de ce cahier des charges : « Analyse sensorielle des vins conditionnés / Une appréciation globale est attribuée à chaque cru selon la classification suivante : - Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant ; - Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. ». Aux termes du point 3.3 relatifs aux critères complémentaires d’admission aux mentions « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » et plus particulièrement de son point 3.3.1. qui prévoit la constitution d’un dossier spécifique de candidature à une mention complémentaire : « Chaque cru candidat constitue un dossier pour justifier des performances du cru au regard des critères suivants : Critère 1 : Les Bonnes pratiques culturales et environnementales (…) ; / Critère 2 : La conduite de l’exploitation tant sur le plan viticole que vinicole (…) / Critère 3 : La mise en valeur du cru (…) ». Enfin, aux termes du point 3.2.1.5 « Traitement des résultats », issu de la partie 3.2 « Analyse sensorielle de classement » du plan de vérification, la note de chaque dégustateur est transformée en points selon un barème et la somme des points issus des 10 dégustateurs sert pour le positionnement des crus dans l’un des quatre niveaux suivants : « Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur, Cru Bourgeois exceptionnel ; Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant et permettant l’accès au niveau Cru Bourgeois ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. Pour chaque niveau définit ci-dessus un nombre minimum de points à atteindre est requis ».

9. En premier lieu, la société requérante soutient que les autorités de tutelle n’ont pas défini les modalités de publication du classement par l’Alliance, en méconnaissance de l’article 1.2 du plan de vérification du classement des Crus Bourgeois du Medoc, ce qui l’a privée des garanties attachées au contrôle de l’administration de tutelle. Toutefois, cette circonstance, qui ne concerne que les modalités de publication de la liste des Châteaux classés, est sans incidence sur la légalité de la décision individuelle du 14 février 2020 informant la société requérante de ce que le Château Greysac n’est pas classé « cru bourgeois exceptionnel ». Ainsi, le moyen doit être écarté.

10. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la sélection des dégustateurs est laissée à l’appréciation de l’Alliance, que les exigences posées par le cahier des charges, relatives à leurs compétences, sont trop légères et que leur formation est assurée par la « commission technique » de l’Alliance, ce qui expose les dégustateurs à une certaine partialité et porte atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité. Il ressort toutefois des pièces du dossier et plus particulièrement du cahier des charges et du plan de vérification, que la procédure de sélection des dégustateurs est initiée par l’Alliance, qui propose, après appel à candidature de QB Vérification, une liste de dégustateurs. Ces derniers doivent fournir un curriculum vitae reprenant les formations et leur parcours professionnels ainsi qu’un recueil de tout élément prouvant leur réputation dans leur domaine et posséder un diplôme d’œnologue ou de sommellerie ou le DUAD ou « masters of wine » ou avoir une expérience significative et régulière de dégustations. L’organisme vérificateur soumet à l’Alliance, la liste des dégustateurs retenue pour participer obligatoirement aux séances de formations aux caractéristiques des Crus Bourgeois du Médoc et aux analyses sensorielles à réaliser, organisées par la commission technique de l’Alliance. A l’issue des formations, l’organisme vérificateur organise une séance d’évaluation dont l’objectif est d’établir un classement des dégustateurs en fonction de la fiabilité et de la reproductibilité de leurs réponses, les trente premiers dégustateurs étant retenus pour participer aux dégustations de classement. Enfin, chaque dégustateur doit s’engager sur l’honneur, conformément à l’article 7.1 du plan de vérification, notamment à ne pas avoir de contact direct ou indirect avec les candidats jusqu’à la publication des résultats et produire une déclaration d’intérêts. Ainsi, le processus de sélection organisé par QB Vérification, tel que précédemment décrit, permet de sélectionner des dégustateurs à la fois indépendants et justifiant de l’expertise requise pour apprécier le niveau de qualité et la constance des vins candidats. Si la société requérante déplore, enfin, que l’identité et les compétences des dégustateurs n’ont pas été rendues publiques, aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obligation à l’Alliance de donner des informations nominatives quant aux formations et à la composition des commissions de dégustation, alors qu’il convenait, au contraire, de garantir la parfaite impartialité de ces dernières lors de l’élaboration du classement. En tout état de cause, la liste des dégustateurs a été communiquée à l’ensemble des candidats, le 15 mars 2020, à l’issue de la publication du classement et dans le cadre de la présente instance, l’Alliance a communiqué un tableau indiquant la profession, les expériences et diplômes des dégustateurs. Par suite, le moyen doit être écarté en toutes ses branches.

11. En troisième lieu, la « commission de classement » est composée d’un membre du bureau de l’Alliance, du responsable de la commission technique, de deux membres du conseil d’administration ainsi que de trois représentants des crus classés. Plus particulièrement, concernant la désignation de ces derniers représentants pour le classement 2020, il ressort du plan de vérification qu’ils ont été désignés parmi les candidats déclarés éligibles, dès lors qu’aucun cru n’était alors classé. Par ailleurs, d’après le plan de vérification, la commission de classement de l’Alliance, interlocutrice des entités indépendantes, a pour mission de coordonner la mise en œuvre du classement des Crus Bourgeois du Médoc par l’organisme vérificateur, en l’espèce QB Vérification accrédité par le comité français d’accréditation (COFRAC) selon la norme NF EN ISO/CEI 17020 et agréé par l’INAO afin de garantir sa compétence, son impartialité et son indépendance à l’égard des opérateurs contrôlés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité en raison de la composition de la « commission de classement » de l’Alliance doit être écarté.

12. En quatrième lieu, la société requérante soutient que le rôle de l’Alliance dans la désignation du jury et des membres de la « commission d’experts », porte atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité. Toutefois, et d’une part, le jury, autorité morale composée de six membres choisis par l’organisme vérificateur sur proposition de l’Alliance, est chargé de valider les conclusions définitives présentées par l’organisme vérificateur à la suite de la procédure de classement et d’établir le classement des crus. Il est composé, d’après l’article 9 du plan de vérification, d’un président et d’un vice-président choisis parmi des personnalités dotées d’une expérience et d’une compétence reconnue, d’un membre issu du profil des techniciens de la commission d’experts, d’un membre issu du profil commerce et promotion de la commission d’experts et de deux membres désignés parmi les dégustateurs, lesquels ont été choisis par l’organisme vérificateur après la procédure de sélection précitée. D’autre part, aux termes de l’article 8 du plan de vérification, la commission d’experts, laquelle contrôle les critères 2 et 3 déterminant l’accès à l’attribution des mentions complémentaires, est composée par l’organisme vérificateur, après que l’Alliance lui ait fourni une liste d’experts à la suite d’un appel à candidature. Chaque expert doit d’abord justifier de son parcours professionnel et de ses formations. Par ailleurs, l’Alliance et l’organisme vérificateur, après avoir étudié la qualité de la candidature de chaque expert et vérifié le respect des exigences de compétence et d’impartialité, sélectionnent au moins cinq experts par profils à savoir, technique d’une part et commerce et promotion d’autre part. Enfin, afin de garantir leur indépendance et impartialité chaque expert s’engage sur l’honneur à garder pour strictement confidentielles les informations qu’ils ont eu à connaître dans le cadre de la procédure de classement et à ne pas avoir de contact direct ou indirect avec un candidat et à prendre ses décisions avec la plus grande objectivité et fournissent, à ce titre, une attestation sur l’honneur mentionnant les liens directs ou indirects pouvant compromettre le classement. Par suite, dès lors que la procédure ainsi prévue permet de garantir le respect des principes d’indépendance et d’impartialité et que la société requérante n’indique pas en quoi cette procédure de sélection du jury et des experts, dans le cadre du classement 2020 Cru bourgeois du Médoc, aurait porté atteinte à de tels principes, les moyens doivent être écartés.

13. En cinquième lieu, si la société requérante soutient que sur les quatorze crus classés « crus bourgeois exceptionnels », huit d’entre eux auraient des liens, notamment, avec le conseil d’administration de l’Alliance, elle ne l’établit toutefois pas. En tout état de cause, elle n’établit pas que ces liens excéderaient, les liens nécessairement existants entre l’organisme professionnel viticole le plus représentatif des huit appellations d’origine contrôlée du Médoc, au sens de l’article 13 du décret du 19 août 1921 précité, et ses adhérents. Par suite le moyen doit être écarté.

14. En sixième lieu, il ressort du plan de vérification et plus particulièrement de ses article 7.5 et suivants que, durant les séances de formation, un panel de crus sélectionnés par la commission technique, est présenté aux dégustateurs. Il ressort des pièces du dossier et n’est pas sérieusement contesté, qu’afin de garantir l’égalité des candidats, les échantillons de ces crus servant à la formation sont collectés chez des crus candidats, déjà classés ou non, ce qui aboutit à la sélection de crus issus d’au moins quarante exploitations, représentants les différentes AOC du Médoc et représentant, au moins, dix crus représentatifs des quatre niveaux décrits par le cahier des charges. Cette procédure, qui ne conditionne pas l’analyse des dégustateurs et n’a pour but que de leur faire prendre connaissance de la procédure de dégustation et de traitement des résultats, d’intégrer les caractéristiques organoleptiques des crus issus des différentes AOC du Médoc et d’intégrer les caractéristiques propres à chaque millésime, ne méconnaît par le principe d’égalité des candidats. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. En septième lieu, il ne ressort pas du cahier des charges ni davantage du plan de vérification précités que la présence d’un huissier de justice soit exigée pour vérifier que les conditions de dégustations sont identiques et l’environnement adapté, alors que la procédure de classement est mise en œuvre par une entité tierce indépendante, QB Vérification, avec laquelle un contrat de prestation de service a été conclu, le 12 septembre 2018. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En huitième lieu, la société requérante ne saurait soutenir que le cahier des charges et le plan de vérification ne contiennent aucune information sur les conditions dans lesquelles doivent être conservés les échantillons destinés à la dégustation, ce qui ne permet pas d’établir qu’ils sont, pour chaque candidat, conservés dans les mêmes conditions, dès lors que les articles 10 et suivants du plan de vérification précisent la procédure d’identification des échantillons représentatifs des millésimes de référence et indiquent, qu’après indentification et procédure de scellement de manière inviolable, ils sont « conservés par l’exploitant sous son entière responsabilité ». Par suite, le moyen doit être écarté.

17. En dernier lieu, le chapitre 5 du cahier des charges relatif à l’application de « Mesures Transitoires », concernant le premier classement publiée au 1er trimestre 2020, prévoit s’agissant des critères retenus pour le classement 2020 à la mention « Cru Bourgeois » en son point 5.1.2.1.1 « Analyses sensorielles » : « a) cru ayant figuré au moins cinq (5) fois à la sélection officielle publiée annuellement par l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc depuis le millésime 2008 et jusqu’au millésime 2016 inclus : le cru est classé « Cru Bourgeois » ; / (…) ».

18. La société requérante ne saurait utilement soutenir que le régime transitoire prévu au point a) de l’article 5.1.2.1.1 « Analyses sensorielles » du chapitre 5 « Mesures Transitoires » du cahier des charges, qui prévoit que certains crus candidatant à la mention « Cru Bourgeois » peuvent bénéficier d’un classement automatique sans nouvelle analyse sensorielle, méconnaîtrait le principe d’égalité dès lors qu’elle a obtenu la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » pour son château « Greysac », pour laquelle l’article précité ne trouve pas à s’appliquer. Par suite, le moyen est inopérant et doit donc être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société La Haute Couture du vin by Jean Guyon tendant à l’annulation de la décision du 14 février 2020 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS la Haute Couture du vin by Jean Guyon demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAS la Haute Couture du vin by Jean Guyon le versement à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc de la somme de 1 500 euros sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS la Haute Couture du vin by Jean Guyon est rejetée.

Article 2 : La SAS la Haute Couture du vin by Jean Guyon versera à l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS la Haute Couture du vin by Jean Guyon, à l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et au ministre de l’économie, des finances et de la relance