Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2020, la SAS Château la Grave, représentée par la Selarl A. Guerin et J. Delas, demande au tribunal :

1°) d’annuler les délibérations du jury de la commission de contestation du 25 janvier 2020, ensemble la décision du 14 février 2020 portant refus de classement de son cru « Château la Grave » ;

2°) d’enjoindre à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc de réexaminer sa candidature dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la procédure de prélèvement des échantillons n’a pas été respectée dans le cadre de la procédure d’appel dès lors que le prélèvement n’a porté que sur un des deux millésimes présentés ;

- la procédure de prélèvement des échantillons n’a pas été respectée dès lors que l’Alliance n’établit pas qu’à l’occasion du prélèvement des échantillons, opéré par l’organisme de vérification QB Vérification, une analyse technique a été effectuée ;

- la procédure a été méconnue dès lors que les notes et appréciations ne lui ont pas été communiquées ;

- la procédure a été méconnue dès lors que la liste des dégustateurs et leur qualité ne lui ont pas été communiquées ;

- la décision en litige est illégale en raison de l’illégalité de l’article 5 du cahier des charges sur lequel elle se fonde ; cet article institue une différence de traitement entre d’une part, les crus soumis à analyses sensorielles de cinq millésimes au libre choix de l’exploitant entre 2008 à 2016 et d’autre part, les crus, qui ne répondant pas à la condition précitée d’un stock suffisant, sont soumis à analyses sensorielles uniquement sur les millésimes 2015 et 2016 et doivent obtenir un niveau 1 « Conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant » (26 à 40 points) ou 2 « Conforme, avec un niveau qualitatif supérieur » (14 à 25 points) ;

- l’indépendance de la décision est contestée dès lors que sa notation, notamment par l’attribution d’un D qui entraîne la perte de 4 points, illustre le caractère purement subjectif de l’évaluation ;

- le refus de classement n’est pas fondé sur des considérations purement objectives, exclusives de toute appréciation personnelle, mais au contraire sur des insuffisances viticoles et œnologiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2021, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc (l’Alliance), représentée par le cabinet Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la SAS Château la Grave au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre les délibérations du jury de la commission de contestation du 25 janvier 2020 sont irrecevables dès lors qu’il s’agit d’un acte préparatoire à la décision individuelle du 14 février 2020 ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé.

Par un mémoire enregistré le 23 septembre 2021, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’associe aux observations présentées par le ministre de l’économie des finances et de la relance.

Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par la SAS Château la Grave n’est fondé.

La procédure a été communiquée à l’Institut national de l'origine et de la qualité qui n’a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 12 octobre 2021, la clôture d’instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie ;

- le décret du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aide de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc » ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Lahitte,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- et les observations de Me Penisson représentant l’Alliance des crus bourgeois du Médoc, en présence de M. A... son président.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Château la Grave, qui exploite un domaine viticole situé dans le Médoc, a déposé le 14 septembre 2018, une demande de classement Cru Bourgeois du Médoc, pour la mention « Cru Bourgeois », au titre de l’année 2020, pour son cru « Château la Grave », conformément à la procédure issue de l’arrêté interministériel du 29 décembre 2017 portant homologation du cahier des charges et du plan de vérification relatifs à la sélection des crus bourgeois pour les appellations d’origine contrôlées produites dans l’aire de l’appellation d’origine contrôlée « Médoc ». Elle a été destinataire, le 27 septembre 2018, d’une attestation d’enregistrement de candidature au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc. Par une décision du 1er juillet 2019, l’organisme tiers vérificateur QB Vérification, choisie par l’alliance des Crus Bourgeois du Médoc, a déclaré le « Château la Grave » éligible pour le classement 2020. A la suite des séances de dégustation des 17 et 18 juin 2019, l’organisme QB Vérification a informé la SAS Château la Grave, par courrier du 5 juillet 2019, de ce qu’elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classé. A la demande de la SAS Château la Grave, une nouvelle analyse sensorielle, dans le cadre d’une dégustation d’appel, a eu lieu les 2 et 4 juillet 2019, au terme de laquelle la société n’a, à nouveau, pas obtenu de résultat suffisant pour être classé. Par un courrier du 3 janvier 2020, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc a informé la SAS Château la Grave qu’elle n’a pas obtenu un résultat suffisant pour être classé. La SAS Château la Grave a, par courrier du 7 janvier 2020, contesté le résultat obtenu et a été convoquée, par courriel du 13 janvier 2020, devant la commission de contestation le 25 janvier 2020. Par courrier du 29 janvier 2020, notifié le jour même, l’Alliance a informé la SAS Château la Grave de ce que, à la suite de la commission de contestation, elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classée. Par une décision du 14 février 2020, l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc a notifié à la société requérante la confirmation de son résultat final au classement 2020 des crus Bourgeois du Médoc. Le classement Cru Bourgeois du Médoc au titre de l’année 2020 a été publié le 20 février 2020 par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc. La SAS Château la Grave demande au tribunal d’annuler les délibérations du jury de la commission de contestation du 25 janvier 2020, ensemble la décision du 14 février 2020 portant refus de classement du Château la Grave au titre de la mention « Crus Bourgeois ».

Sur l’étendue du litige et la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Il ressort du cahier des charges du classement des « Crus Bourgeois du Médoc » que les décisions relatives aux demandes de classement « Cru Bourgeois du Médoc » sont des décisions individuelles. Lorsqu’il n’est pas fait droit aux demandes des candidats, ces décisions sont prises par l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc, à la suite d’une procédure prévue par le cahier des charges et le plan de vérification du classement des Crus Bourgeois du Médoc, homologués par un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’économie des finances et de la relance du 29 décembre 2017, le cas échéant après réexamen. Un demandeur qui conteste la décision rejetant sa candidature doit donc contester la décision de l’Alliance, dans le délai de recours contentieux qui court à compter de sa notification.

3. Par une décision du 2 janvier 2020, l’Alliance a informé la société requérante qu’elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classée. En application du point 6 du plan de vérification du classement des « Crus Bourgeois du Médoc » relatif aux recours et à la publication du classement, la SAS Château la Grave a contesté les conclusions du jury et a, dans ce cadre, été convoquée devant la commission de contestation le 25 janvier 2020. Par courrier du 29 janvier 2020, notifié le jour même, l’Alliance a informé la SAS Château la Grave qu’à la suite de la commission de contestation, elle n’avait pas obtenu un résultat suffisant pour être classée. Par une décision du 14 février 2020 dont l’objet est « notification de décision individuelle – résultat final au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc », l’Alliance a notifié à la SAS Château la Grave la confirmation de son résultat final au classement 2020 des crus Bourgeois du Médoc, pour le cru « Château la Grave » non classé, à la suite de l’expiration du délai de renonciation au classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc, le 6 février.

4. Au regard de la procédure décrite ci-dessus, la décision prise par la commission de contestation le 25 janvier 2020 n’est qu’une mesure préparatoire, qui n’est pas détachable de la décision individuelle du 14 février 2020 notifiant au Château la Grave son résultat final au Classement 2020 des Crus Bourgeois du Médoc. Par suite, elle n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, si bien que la fin de non-recevoir opposée en défense par l’Alliance doit être accueillie.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 14 février 2020 :

5. D’une part, aux termes de l’article 13, 3° d) du décret du 19 août 1921 portant application de l'article L. 214-1 du code de la consommation aux vins, aux vins mousseux et aux eaux-de-vie dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2012 : « Est interdit, en toute circonstance et sous quelque forme que ce soit, notamment : /-Sur les récipients et emballages ; /-Sur les étiquettes, capsules, bouchons, cachets ou autre appareil de fermeture ; /-Dans les papiers de commerce, factures, catalogues, prospectus, prix courants, enseignes, affiches, tableaux-réclames, annonces et tout autre moyen de publicité ; l'emploi en ce qui concerne les vins, vins mousseux et eaux-de-vie : 1° (…) 3° Des mots cru classé précédés ou non d'une indication hiérarchique ou de tout autre mot évoquant une hiérarchie de mérite entre les vins provenant de domaines viticoles particuliers, sauf : (…) d) Lorsqu'il s'agit de vins de Bordeaux provenant de domaines viticoles faisant partie d'une appellation d'origine et ayant fait l'objet d'une sélection organisée périodiquement par l'organisme professionnel viticole le plus représentatif des domaines susceptibles d'être autorisés à employer des mots évoquant une hiérarchie de mérite entre ces vins sur la base d'un cahier des charges élaboré par celui-ci et d'un plan de vérification du cahier des charges établi et mis en œuvre par un organisme tiers offrant des garanties de compétence, d'impartialité et d'indépendance. / Le cahier des charges et le plan de vérification sont soumis à homologation des ministres chargés de la consommation et de l'agriculture par arrêté conjoint. (…) ».

6. D’autre part, aux termes du chapitre 3 du cahier des charges du classement « Classement des « Crus Bourgeois » et hiérarchie de mérite » et plus particulièrement de son point 3.1 « critères de classement : « 3.1.1 « Cru Bourgeois » / Le cru issu d’une exploitation notifiée éligible est soumis à une évaluation qualitative par analyse sensorielle. / 3.1.2 Mentions complémentaires : « Cru Bourgeois supérieur » et « Cru Bourgeois exceptionnel » / En complément de l’évaluation qualitative par analyse sensorielle, le cru qui postule à la mention complémentaire « Cru Bourgeois supérieur » ou à la mention complémentaire « Cru Bourgeois exceptionnel » est issu d’une exploitation qui justifie de ses performances aux critères complémentaires définis à l’article 3.3 du présent cahier des charges ». Aux termes du point 3.2.4 de ce cahier des charges : « Analyse sensorielle des vins conditionnés / Une appréciation globale est attribuée à chaque cru selon la classification suivante : - Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant ; - Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. ». Enfin, aux termes du point 3.2.1.5 « Traitement des résultats », issu de la partie 3.2 « Analyse sensorielle de classement » du plan de vérification, la note de chaque dégustateur est transformée en points selon un barème et la somme des points issus des 10 dégustateurs sert pour le positionnement des crus dans l’un des quatre niveaux suivants : « Niveau 1 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur, Cru Bourgeois exceptionnel ; Niveau 2 : conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et permettant l’accès, si candidature, aux niveaux Crus Bourgeois, Cru Bourgeois Supérieur ; - Niveau 3 : conforme, avec un niveau qualitatif suffisant et permettant l’accès au niveau Cru Bourgeois ; - Niveau 4 : non conforme, avec un niveau qualitatif insuffisant. Pour chaque niveau définit ci-dessus un nombre minimum de points à atteindre est requis ».

7. Enfin, le chapitre 5 du cahier des charges relatif à l’application de « Mesures Transitoires », concernant le premier classement publiée au 1er trimestre 2020, prévoit s’agissant des critères retenus pour le classement 2020 à la mention « Cru Bourgeois » en son point 5.1.2.1.1 « Analyses sensorielles » : « a) cru ayant figuré au moins cinq (5) fois à la sélection officielle publiée annuellement par l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc depuis le millésime 2008 et jusqu’au millésime 2016 inclus : le cru est classé « Cru Bourgeois » ; / b) Cru n’ayant pas figuré au moins cinq (5) fois à la sélection officielle publiée annuellement : le cru est soumis à des analyses sensorielles de cinq (5) millésimes conditionnées compris, au libre choix de l’exploitant, dans la période 2008 à 2016, soit neuf (9) millésimes. Les modalités d’analyse sont définies à l’article 3.2.4 du présent cahier des charges. / c) Cru ne répondant pas aux points a) ou b) ci-dessus. Le cru est soumis à des analyses sensorielles des vins conditionnés des millésimes 2015 et 2016 et jugé selon les modalités définies à l’article 3.2.4 du présent cahier des charges : globalement pour les deux (2) millésimes, le cru doit être jugé soit « Conforme, avec un niveau qualitatif supérieur et constant », soit « Conforme, avec un niveau qualitatif supérieur ».

8. En premier lieu, la SAS Château la Grave a déposé, le 14 septembre 2018, une demande de classement 2020 « Cru Bourgeois », sur le fondement des dispositions précitées du c) de l’article 5.1.2.1.1 pour son cru « Château la Grave », dès lors qu’elle ne disposait pas des cinq reconnaissances annuelles requises pour entrer dans le champ du a) ni davantage de cinq millésimes conditionnés, compris entre 2008 et 2016, en application du b). Sa candidature a donc été examinée sur la base de deux millésimes 2015 et 2016 et n’a pas obtenu le résultat suffisant, soit un niveau 1 ou 2, pour que son cru soit classé « Cru Bourgeois ».

9. La SAS Château la Grave invoque, par la voie de l’exception, l’illégalité des dispositions du point 5.1.2.1.1 du chapitre 5 « Mesures transitoires » du cahier des charges homologué par un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’économie des finances et de la relance du 29 décembre 2017, qui revêt un caractère réglementaire, dispositions appliquées au classement publié au 1er trimestre 2020, en tant qu’elles instituent une différence de traitement entre les exploitants candidatant à la mention « Cru Bourgeois » sur le fondement, d’une part, du point b) et d’autre part, du point c), dès lors que les crus candidatant par la voie du c), qui sont évalués sur deux millésimes, doivent obtenir un niveau 1 ou 2 pour être classés, alors qu’un niveau 3 suffit pour être classé, après analyse de cinq millésimes, sur le fondement du b).

10. Le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

11. Il est constant que les dispositions des points b) et c) précités instituent une différence de traitement entre d’une part, les candidats qui après analyses sensorielles de cinq millésimes, obtiennent la mention « Cru Bourgeois » avec a minima un niveau 3 et ceux ne pouvant justifier d’un stock suffisant de bouteilles sur cinq millésimes, et qui, pour bénéficier de la même mention, doivent obtenir un niveau 1 ou 2 après analyse des millésimes 2015 et 2016. Toutefois, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation objective en rapport direct avec l’objet de ces dispositions, cinq ou deux millésimes étant évalués. De plus, il ressort des pièces du dossier que les mesures transitoires prévues au point c) précité, visent à permettre aux exploitants n’étant pas en mesure de présenter cinq millésimes sur la période 2008 à 2016 de candidater à la mention « Cru Bourgeois » au titre de l’année 2020, sous réserve du respect de certaines conditions, dans le cadre de la période transitoire. Par suite, au regard de la différence de situation dans laquelle se trouve les exploitants, la circonstance que le point c) exige un niveau 1 à 2, dès lors que les crus sont évalués sur deux millésimes, n’entraîne pas une rupture d’égalité de traitement des candidats. Le moyen doit donc être écarté.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de la demande de dégustation d’appel présentée par la SAS Château la Grave en application du point 3.2.5 du cahier des charges et 3.2.2 du plan de vérification du classement des Crus Bourgeois du Médoc, l’organisme vérificateur, QB Vérification, s’est fait remettre le 19 juin 2019, par un ouvrier de la propriété, trois bouteilles de chacun des millésimes identifiés, laissées à la propriété, comme en atteste le formulaire « Réception des échantillons du recours Crus Bourgeois », signé par l’opérateur et produit dans l’instance. Au titre du millésime 2015, les bouteilles identifiées 16274, 16258 et 16270 ont été retenues ainsi que les bouteilles identifiées 16282, 16300 et 16283 au titre du millésime 2016. Les bouteilles identifiées 16300 (2016) et 16258 (2015) ont été dégustées anonymement par cinq dégustateurs le 2 juillet 2019 alors que les bouteilles identifiées 16283 (2016) et 16270 (2015) ont été dégustées anonymement par cinq dégustateurs le 4 juillet 2019. Enfin, QB Vérification justifie qu’il reste en stock les bouteilles notamment 16274 pour 2015 et 16282 pour 2016. En se bornant à indiquer que lors des prélèvements, le personnel de la SAS Château la Grave a indiqué qu’il « y avait une difficulté sur le deuxième prélèvement » et qu’à nouveau seul le millésime 2015 aurait été prélevé, la société n’établit pas la difficulté dont elle se prévaut, relative au deuxième prélèvement réalisé, à sa demande et en sa présence, dans le cadre d’une nouvelle dégustation destinée au classement. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de prélèvement des échantillons n’a pas été respectée dans le cadre de la procédure d’appel, dès lors que le prélèvement n’aurait porté que sur un des deux millésimes présentés, doit être écarté.

13. En troisième lieu, il ne ressort pas du cahier des charges ni davantage du plan de vérification précités qu’une analyse technique soit exigée lors des prélèvements des échantillons opérés par l’organisme vérificateur, QB Vérification, dans le cadre de la procédure de classement à la mention « Cru Bourgeois », dès lors que ce classement est fondé sur une analyse organoleptique, à l’exclusion de toute vérification analytique. Comme le soutient en défense l’Alliance, une analyse technique n’est exigée que dans le cadre du « suivi du classement », prévu au sein de la partie 2 du cahier des charges. Au surplus, l’appartenance à l’appellation d’origine contrôlée du Médoc offre des garanties d’un point de vue technique. Par suite, le moyen doit être écarté.

14. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de la dégustation, l’organisme vérificateur a informé la société requérante, conformément au point 3.2.2 du plan de vérification, qu’elle a obtenu le niveau 3. De plus, en réponse au recours exercé par la SAS Château La Grave contre la décision de classement, l’Alliance lui a communiqué, dans un courriel du 15 janvier 2020, ses notes, en application de l’article 6.1 du plan de vérification précité. Enfin, et en toute hypothèse, l’organisme vérificateur communique individuellement à chaque exploitant, les résultats détaillés après publication des résultats finaux, en application du point 3.5 du cahier des charges. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure a été méconnue dès lors que les notes et appréciations ne lui ont pas été communiquées doit être écarté.

15. En cinquième lieu, si les requérants déplorent que la composition des jurys de dégustation et leurs qualités n’aient pas été rendues publiques, aucune disposition légale ou réglementaire ne faisait obligation à l’Alliance de donner des informations nominatives quant à la composition des commissions de dégustation. En tout état de cause, la liste a été communiquée à l’ensemble des candidats, le 15 mars 2020 à l’issue du classement afin de garantir la parfaite impartialité des dégustateurs lors de l’élaboration du classement. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de la dégustation d’appel, dont les résultats se substituent aux résultats issus de la première dégustation d’après le cahier des charges et le plan de vérification, la société requérante a obtenu un A, deux B, un C et un D lors de la première séance du 2 juillet 2019 et un A, deux B et deux C lors de la seconde séance du 4 juillet 2019, aboutissant à l’octroi de douze points et du niveau 3. Si la SAS Château la Grave conteste l’indépendance de la décision dès lors que sa notation, notamment par l’attribution d’un D qui entraîne la perte de 4 points, illustre le caractère purement subjectif de l’évaluation, il n’appartient pas au juge administratif d’apporter une appréciation sur les mérites des candidats. Par ailleurs, la circonstance que les vins de la société, ont obtenu, par le passé, des récompenses dans le cadre notamment de concours internationaux, ne saurait suffire, à caractériser une erreur dans la notation. Par suite, le moyen doit être écarté.

17. En dernier lieu, l’analyse sensorielle de classement est destinée à vérifier la constance et la qualité et l’aptitude de vieillissement des crus éligibles et ne peut, par nature, être fondée sur des considérations purement objectives. Toutefois et d’une part, la procédure de sélection des dégustateurs, en application du cahier des charges et du plan de vérification, est initiée par l’Alliance, qui propose, après appel à candidature de l’organisme vérificateur, une liste de dégustateurs. Ces derniers doivent fournir un curriculum vitae reprenant les formations et leur parcours professionnels ainsi qu’un recueil de tout élément prouvant la réputation de dégustateur dans son domaine et posséder un diplôme d’œnologue ou de sommellerie ou le DUAD ou « masters of wine » ou avoir une expérience significative et régulière de dégustations. L’organisme vérificateur soumet à l’Alliance la liste des dégustateurs retenus pour participer obligatoirement aux séances de formations, aux caractéristiques des Crus Bourgeois du Médoc et aux analyses sensorielles à réaliser, organisées par la commission technique de l’Alliance. A l’issue des formations, l’organisme vérificateur organise une séance d’évaluation dont l’objectif est d’établir un classement des dégustateurs en fonction de la fiabilité et du caractère reproductible de leurs réponses et les trente premiers dégustateurs sont retenus pour participer aux dégustations de classement. D’autre part, les dégustateurs s’engagent sur l’honneur, conformément à l’article 7.1 du plan de vérification, notamment à ne pas avoir de contact direct ou indirect avec les candidats jusqu’à la publication des résultats et produisent également des déclarations d’intérêts faisant état de leurs liens directs et indirects avec les candidats. Il résulte de ce qui précède que le processus de sélection des dégustateurs, suivi par QB Vérification, a permis de sélectionner des jurés à la fois indépendants et justifiant de l’expertise requise pour apprécier le niveau de qualité et la constance des vins candidats. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement serait purement subjectif doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la SAS Château la Grave tendant à l’annulation de la décision du 14 février 2020 doivent être rejetées y compris ses conclusions à fin d’injonction.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS Château la Grave demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SAS Château la Grave le versement à l’Alliance des Crus Bourgeois du Médoc de la somme de 1 500 euros sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Château la Grave est rejetée.

Article 2 : La SAS Château la Grave versera à l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Château la Grave, à l’Alliance des Crus Bourgeois du Medoc, au ministre de l’agriculture et de l’alimentation et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.