Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 4 août 2020 et 2 novembre 2020, l'association Coordination Environnement du bassin d’Arcachon (CEBA), représentée par son président, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du maire de la commune de Lège-Cap Ferret du 12 juin 2020 portant réglementation entre le 13 juin 2020 et le 13 septembre 2020 de la circulation des véhicules, dont les deux roues à assistance électrique ou non, sur le territoire de la commune, au niveau du cordon dunaire, du haut de la dune, de la laisse de mer, des plages et des voies d’accès à celles-ci ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap Ferret le paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’arrêté municipal attaqué est entaché d’une vice d’incompétence de son auteur, au regard des dispositions de l’article L. 321-9 du code de l’environnement, dès lors qu’il concerne les Fat bike et VTT électriques, qui fonctionnent avec un moteur non thermique et doivent être considérés comme des véhicules à moteur ;

- l’arrêté attaqué a été pris sans que le public, ni les associations agréées pour la défense de l’environnement soient consultées, en méconnaissance du III de l’article L. 123-19 du code de l’environnement ; les avis du Conservatoire national du littoral, de l’Office national des forêts et du Parc naturel marin du Bassin d’Arcachon n’ont pas été recueillis ;

- les activités humaines et mécaniques autorisées par l’arrêté contesté portent une atteinte environnementale grave au secteur concerné, en provoquant des dérangements de la faune et des nuisances sur la flore ;

- l’arrêté attaqué engendre une régression environnementale au sens de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, ainsi qu’il ressort du diagnostic écologique sur la bande littorale de la presqu’île du Cap-Ferret ;

- il permet une utilisation commerciale du domaine public maritime par les loueurs de deux roues, contraire à l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2021, la commune de Lège-Cap Ferret, représentée par le cabinet Noyer-Cazcarra, avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’association requérante le paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens présentés par la CEBA ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 juin 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 30 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Molina-Andréo, rapporteure,

- les conclusions de Mme Prince-Fraysse, rapporteure publique,

- les observations de M. A..., représentant l’association CEBA,

- et les observations de Me Cordier Amour, représentant la commune de Lège-Cap-Ferret.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 juin 2020, le maire de la commune de Lège-Cap Ferret a pris un arrêté, dont l’article 1er interdit la circulation, du 13 juin 2020 au 13 septembre 2020, de tous les véhicules y compris les véhicules à deux roues à assistance électrique ou non, dont les « Fat bike », sur le territoire de la commune, au niveau du cordon dunaire, du haut de dune, de la laisse de mer et des plages côté bassin d’Arcachon. Le dernier alinéa de cet article précise que les véhicules à deux roues à assistance électrique ou non, dont les « Fat bike » peuvent accéder aux zones non interdites, en ce compris les plages de la commune situées côté océan, par les accès à ces plages, pied à terre, et rouler sur le sable mouillé, du lever du soleil jusqu’à onze heures. Par la présente requête, l’association Coordination environnement du Bassin d’Arcachon (CEBA) demande l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré du vice d’incompétence :

2. Aux termes de l’article L. 321-9 du code de l’environnement : « (…) / L'usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages au même titre que leur affectation aux activités de pêche et de cultures marines./ Sauf autorisation donnée par le préfet, après avis du maire, la circulation et le stationnement des véhicules terrestres à moteur autres que les véhicules de secours, de police et d'exploitation sont interdits, en dehors des chemins aménagés, sur le rivage de la mer et sur les dunes et plages appartenant au domaine public ou privé des personnes publiques lorsque ces lieux sont ouverts au public. / (…) ».

3. L’article R. 311-1 du code de la route distingue les cycles à pédalage assisté, des véhicules dits de « catégorie L » à moteur à deux ou trois roues. La première catégorie est définie au point 6.11 de cet article comme étant un : « cycle équipé d'un moteur auxiliaire électrique d'une puissance nominale continue maximale de 0,25 kilowatt, dont l'alimentation est réduite progressivement et finalement interrompue lorsque le véhicule atteint une vitesse de 25 km/ h, ou plus tôt si le cycliste arrête de pédaler ». Le point 4.1 du même article définit le véhicule de catégorie L1e comme étant un « véhicule à deux roues dont la vitesse maximale par construction est égale ou supérieure à 6 km/ h et ne dépasse pas 45 km/ h et équipé d'un moteur d'une cylindrée ne dépassant pas 50 cm ³ s'il est à combustion interne à allumage commandé et d'une puissance maximale nette n'excédant pas 4 kilowatts ». Le point 4.1.1 précise que le véhicule de sous-catégorie L1e-A est un « véhicule de la catégorie L1e muni de pédales dont le mode de propulsion auxiliaire d'aide au pédalage d'une puissance maximale est inférieure à 1 kW et s'interrompt dès que le véhicule atteint une vitesse égale ou supérieure à 25 km/ h. ». Il résulte de ces dispositions qu’à la différence des cycles à pédalage assisté répondant aux caractéristiques visées au point 6.11 de l’article R. 311-1 du code de la route qui ne constituent pas des véhicules à moteur, les engins à pédales répondant aux caractéristiques visées aux points 4.1 et 4.1.1 du même article sont considérés comme des véhicules terrestres à moteur.

4. Le dernier alinéa de l’article 1er de l’arrêté attaqué déroge à l’interdiction, énoncée au premier alinéa, de circulation, sur le rivage de la mer, des véhicules à deux roues à assistance électrique ou non, lesquels se voient autoriser à accéder, pied à terre, aux plages océanes de la commune de Lège-Cap Ferret et à rouler sur le sable mouillé du lever du soleil jusqu’à onze heures. Il n’est pas contesté que, nonobstant l’expression de « véhicules à deux roues », l’arrêté doit être interprété comme concernant exclusivement les vélos, et non pas également les véhicules de type moto ou scooter. Néanmoins, il ressort de l’examen des dispositions en cause qu’elles s’appliquent indistinctement à tous les engins à pédales, y compris à assistance électrique, sans exclure ceux dont la puissance d’assistance au pédalage est telle qu’ils doivent être regardés, au regard des dispositions précitées, non comme de simples cycles à pédalage assisté, mais comme des véhicules terrestres à moteur. Or, pour de tels véhicules, l’autorisation de circulation sur le rivage de la mer, par dérogation à l’interdiction de principe, ne peut être accordée que par le préfet, après avis du maire par application des dispositions précitées de l’article L. 321-9 du code de l’environnement. Par suite, en tant qu’il s’applique à la circulation de véhicules munis de pédales devant être qualifiés de véhicules terrestres à moteur, l’arrêté attaqué pris par le maire de la commune de Lège-Cap Ferret est entaché d’un vice d’incompétence de son auteur et doit, dans cette mesure, être annulé.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l’arrêté attaqué en tant qu’il s’applique aux cycles à pédalage assisté ou non :

5. Aux termes de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement : « III. - Par dérogation au II, la participation du public à l'élaboration des décisions des autorités des communes de moins de 10 000 habitants peut être organisée dans les conditions suivantes. / L'objet de la procédure de participation ainsi que les lieux et horaires où le projet de décision accompagné de la note de présentation peuvent être consultés et où des observations et propositions peuvent être déposées sur un registre sont portés à la connaissance du public par voie d'affichage en mairie. Cet affichage précise le délai dans lequel ces observations et propositions doivent être déposées, qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter du début de l'affichage./ Dans le cas où la commune dispose d'un site internet, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ainsi que la note de présentation et, sauf si son volume ou ses caractéristiques ne le permettent pas, le projet de décision sont en outre mis à disposition du public par voie électronique pendant la même durée. / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions du public. Sauf en cas d'absence d'observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de clôture de la consultation. Au plus tard à la date de publication de la décision et pendant une durée minimale d'un mois, le maire rend publique, par voie d'affichage, une synthèse des observations et propositions du public ou indique, par la même voie, les lieux et horaires où le registre de recueil des observations et propositions est tenu à la disposition du public pour la même durée. / (…) ».

6. La procédure de participation du public à l'élaboration des décisions des autorités des communes de moins de 10 000 habitants prévue par les dispositions précitées de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement ne revêt qu’un caractère facultatif. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué serait entaché d’un vice de procédure en ce qu’il n’aurait fait l’objet d’aucune consultation préalable du public ne peut qu’être écarté.

7. Si l’association CEBA fait également état de ce que l’arrêté attaqué n’a pas été précédé de l’avis des associations agréées de protection de l’environnement, du Conservatoire national du littoral, de l’Office national des forêts et du Parc naturel marin du Bassin d’Arcachon, il ne résulte d’aucune disposition textuelle, ni d’aucun principe, que la mise en œuvre d’une telle procédure consultative aurait été requise.

8. La société CEBA soutient que l’arrêté attaqué, par les activités qu’il autorise, provoque des dérangements à la faune avec des abandons de nid subséquents, des atteintes à la « laisse de mer », des risques d’écrasement des œufs, ainsi que des risques de piétinements de la flore. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’« autorisation de rouler » accordée par l’arrêté attaqué ne vise que la bande de plage où le sable est mouillé, et non la zone dite « laisse de mer », qui est située en partie haute des plages où se développe une végétation lâche et s’accumulent les débris animaux et végétaux en décomposition et qui constitue une zone de nourrissage et de reproduction, en particulier pour l’espèce du gravelot à collier interrompu. Sur la bande de plage de sable mouillé, il n’est ni établi ni même allégué que la circulation des cycles avec ou sans assistance électrique aurait une incidence environnementale notable. Alors que les usagers des cycles n’ont l’autorisation de se rendre que pied à terre, par les sentiers d’accès aux plages spécialement aménagés, à cette bande de plage de sable mouillé, il n’est pas davantage établi que leur passage aurait plus d’incidence sur l’environnement que les déambulations des promeneurs et des baigneurs qui ont un usage libre du rivage de la mer. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué serait générateur d’une atteinte environnementale doit être écarté. La circonstance que la réglementation ne serait, dans les faits, pas toujours respectée est sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué.

9. Aux termes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement : « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. / Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine. / On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants. / On entend par géodiversité la diversité géologique, géomorphologique, hydrologique et pédologique ainsi que l'ensemble des processus dynamiques qui les régissent, y compris dans leurs interactions avec la faune, la flore et le climat. / II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (…) 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. / (…). »

10. L’association CEBA soutient que le maire de la commune de Lège-Cap Ferret a porté atteinte au principe de « non-régression environnementale » en prévoyant une autorisation de circulation sur les plages océanes des cycles avec ou sans assistance électrique, alors que la norme précédemment applicable ne prévoyait pas de dérogation à l’interdiction de circulation et était donc plus protectrice pour l’environnement. Elle se prévaut à ce titre d’un diagnostic écologique sur la bande littorale de la presqu’île du Cap-Ferret rédigé par un cabinet d’ingénieurs conseils, qui fait état des menaces environnementales pesant sur l’habitat situé en « laisse de mer ». Toutefois, compte tenu des restrictions déjà mentionnées contenues dans l’arrêté attaqué, ainsi que de l’annulation partielle prononcée au point 4, il n’est pas établi que la règlementation en cause serait de nature à engendrer une diminution du niveau de protection de la faune et de la flore au sens des dispositions précitées de l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Aux termes de l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques ; elles sont à ce titre coordonnées notamment avec celles concernant les terrains avoisinants ayant vocation publique. / (…) ».

12. Si l’association CEBA reproche à l’arrêté attaqué de permettre une utilisation commerciale de la plage par les loueurs de cycles, le littoral n’est toutefois pas soustrait aux activités économiques permettant notamment le développement touristique. Alors que l’arrêté en cause, ainsi qu’il a déjà été dit, ne porte pas atteinte à la vocation ainsi qu’à la préservation du site considéré ainsi qu’au paysage littoral, et n’est pas de nature à apporter de changements substantiels d'utilisation au domaine public maritime, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques doit, en tout état de cause, être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l’association CEBA est seulement fondée à demander l’annulation de l’arrêté du maire de la commune de Lège-Cap Ferret du 12 juin 2020, en tant qu’il s’applique à la circulation de véhicules munis de pédales devant être qualifiés de véhicules terrestres à moteur.

Sur les frais liés à l’instance :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’association requérante, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune de Lège-Cap Ferret et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la collectivité défenderesse une somme de 1 500 euros à verser à l’association CEBA au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : L’arrêté du maire de la commune de Lège-Cap Ferret du 12 juin 2020 est annulé en tant qu’il s’applique à la circulation de véhicules munis de pédales devant être qualifiés de véhicules terrestres à moteur.

Article 2 : La commune de Lège-Cap Ferret versera à l’association Coordination environnement du Bassin d’Arcachon (CEBA) la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'association Coordination Environnement du bassin d'Arcachon (CEBA) et à la commune de Lège-Cap Ferret.