Vu la procédure suivante :

Par une demande enregistrée le 21 novembre 2021, complétée les 14 et 19 janvier 2022, M. A... B... demande au tribunal de l’autoriser à porter plainte avec constitution de partie civile auprès de la juridiction répressive, au visa de l’article L. 432-10 du code pénal, dans la défense des intérêts de la commune de Lège-Cap Ferret.

Il soutient que :

- il est contribuable de la commune ;

- les écritures en défense doivent être écartées en raison d’un conflit d’intérêts entre le maire qui représente la commune et celle-ci, en vertu de l’article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales et de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;



- les restaurants l’Escale et Pinasse Café, appartenant au même groupe, qui bénéficient de vastes terrasses installées sur le domaine public, rue de la Plage, sont dispensées depuis toujours du versement de redevances d’occupation du domaine public ; la commune admet pourtant la domanialité publique de la rue de la Plage ;

- il en résulte un manque à gagner de 24 144 euros annuels pour la commune ;

- il est déjà apparu par le passé que ces établissements bénéficiaient d’une attitude complaisante de la part de la municipalité ;

- les faits ne sont pas prescrits sur les cinq dernières années et ils sont constitutifs d’une infraction pénale ; ainsi, l’action judiciaire présente un intérêt pour la commune et n’est pas dépourvue de chances de succès ; la délibération du conseil municipal du 13 janvier 2022 ne le conteste pas ;

- l’étude juridique relative à la domanialité publique de la rue de la Plage n’a pas été communiquée aux élus d’opposition qui l’ont demandée, en violation de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- le conseil municipal du 13 janvier 2022 révèle une éventuelle prise illégale d’intérêts, tenant à deux rencontres en 2021 entre le maire, son adjoint à l’urbanisme et le représentant des intérêts des sociétés propriétaires ;

- la délibération ne justifie pas de l’absence de recours à la justice par la commune pour récupérer son bien ; la perte des redevances trouve son origine dans ce choix d’abstention, alors que le domaine public est inaliénable et que les propriétaires des parcelles qui longent la rue de la Plage n’ont jamais produit d’acte de nature à créer un doute sur la domanialité publique ;

- la délibération du conseil municipal du 13 janvier 2021 est entachée d’irrégularités en ce qu’elle devait être précédée de la communication aux élus de l’étude juridique réalisée par le cabinet Noyer-Cazcarra, et que le maire ne pouvait convoquer les élus en raison d’un conflit d’intérêts, ni présider la séance pour la même raison.

Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2022, la commune de Lège-Cap Ferret sollicite le rejet de la demande de M. B... et qu’une somme de 3 000 euros soit mise à sa charge en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- M. B... ne justifie pas de la qualité requise de contribuable inscrit au rôle de la commune de Lège-Cap-Ferret ; sa demande est donc irrecevable ;

- sa demande est également irrecevable en ce qu’elle ne répond pas aux conditions posées par l’article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- le mémoire en défense est régulièrement produit ;

- la délibération du 13 janvier 2022 n’est entachée d’aucune irrégularité ;

- la commune, qui recherche depuis des mois une démarche alternative au contentieux pour clarifier la propriété des espaces concernés le long de la rue de La Plage, n’a commis aucune négligence dans la préservation de ses intérêts ; cette circonstance rend infondée la demande de M. B... ;

- nulle prise illégale d’intérêts n’a été révélée à l’occasion du conseil municipal du 13 janvier 2022.

Un mémoire présenté pour la commune de Lège-Cap Ferret le 20 janvier 2022 n’a pas été communiqué.

Vu la délibération du conseil municipal de Lège-Cap-Ferret en date du 13 janvier 2022 et les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 212-2 du code de justice administrative : « Les tribunaux administratifs se prononcent sur l'exercice, par les contribuables, des actions appartenant à certaines collectivités territoriales et à leurs établissements publics, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales ». Aux termes de l’article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales : « Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer ».

2. Il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, lorsqu’il examine une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l’action, et au vu des éléments qui lui sont fournis, que l’action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu’elle a une chance de succès.

3. M. B..., contribuable de la commune de Lège - Cap Ferret souhaite être autorisé à exercer, au nom de cette commune, une action en justice consistant à porter plainte avec constitution de partie civile auprès du juge pénal pour que soit constaté un délit de concussion tel que défini à l’article L. 432-10 du code de procédure pénale. Il soutient que la commune renonce délibérément à faire valoir ses droits sur la rue de la plage, investie par les terrasses de deux établissements de restauration qui ne s’acquittent d’aucune redevance d’occupation du domaine public.

4. Contrairement à ce que soutient le requérant, il n’y a pas lieu d’écarter des débats les écritures de la commune de Lège-Cap-Ferret au motif qu’elle est représentée par son maire en exercice, l’affaire portée à la connaissance du tribunal ne révélant aucun conflit entre les intérêts propres de celui-ci et ceux de la commune de Lège-Cap Ferret, au sens et pour l’application de l’article L. 2122-26 du code général des collectivité territoriales et de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

5. Il résulte de l’instruction que la rue de la plage, qui borde le Bassin d’Arcachon au niveau du débarcadère de Bélisaire et qui est actuellement en partie occupée par les terrasses des établissements de restauration « L’escale » et « Pinasse Café », n’est pas recensée dans le domaine public ou le domaine privé de la commune de Lège-Cap Ferret mais que des éléments contradictoires à ce titre ont néanmoins été retrouvés dans les archives municipales et que la question de l’appartenance de cette voie au domaine communal fait l’objet d’une polémique locale ancienne, dont le défaut de résolution s’explique, selon la délibération susvisée du conseil municipal du 13 janvier 2022, par « l’extraordinaire complexité du dossier ». Or, il résulte des éléments produits par la commune de Lège-Cap Ferret, et notamment du courrier adressé le 20 juillet 2021 par le maire de Lège-Cap Ferret à la préfète de la Gironde, ainsi que d’une lettre de l’office notarial Moreau-Lespinard du 26 août 2021 et du relevé de décisions du comité de suivi des associations du 23 novembre 2021, que la municipalité s’attache, depuis le renouvellement du conseil municipal en juin 2020, à trancher définitivement la question du statut juridique de la rue de la plage. C’est ainsi que la commune, selon les pièces produites, a fait réaliser une analyse juridique par son service des affaires juridiques, a organisé des réunions de travail sur le sujet avec les propriétaires ou gérants des établissements concernés et l’association de sauvegarde de la presqu’île de Lège-Cap Ferret, a sollicité des investigations tant de la part de l’office notarial susmentionné que des services préfectoraux et de la direction départementale des finances publiques, et a fait réaliser un bornage contradictoire. Il résulte également des documents produits que la municipalité envisage désormais dans la mesure où aucun acte de propriété privé ne lui a été présenté à ce jour, dès qu’elle aura obtenu un retour de la part des services de l’Etat, de faire prévaloir une présomption d’appartenance de la rue de la plage à la commune et d’engager à l’échéance du printemps 2022 une procédure de classement de la voie dans le domaine public communal. Dans ces conditions, et quand bien même les démarches qu’elle a entreprises ne sont pas d’ordre juridictionnel, la commune de Lège-Cap Ferret ne peut être regardée comme se désintéressant de l’affaire ou comme faisant preuve de négligence dans la défense des intérêts de la collectivité. Par suite, l’action envisagée par M. B... ne présente pas actuellement pour la commune de Lège-Cap-Ferret un intérêt matériel suffisant.

6. Par suite, sans que M. B... puisse utilement invoquer les irrégularités qui entacheraient selon lui la délibération du conseil municipal de Lège-Cap-Ferret du 13 janvier 2022 et sans qu’il soit besoin de répondre aux fins de non-recevoir opposées en défense à sa demande d’autorisation de plaider, celle-ci doit être rejetée.

7. Le tribunal statuant sur cette demande en qualité d’autorité administrative et non en tant que juridiction, la demande de la commune de Lège-Cap-Ferret présentée sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu’être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La demande d’autorisation de plaider présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : La demande présentée sur le fondement de l’article L. 761-1 par la commune de Lège-Cap-Ferret est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune de Lège-Cap-Ferret. Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.