Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2021, un mémoire enregistré le 19 octobre 2021 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2021, M. B... E..., Mme A... E..., M. C... E... et Mme D... E..., représentés par la SELARL Caroline Laveissière, avocat, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Bommes a décidé de ne pas s’opposer à la déclaration préalable déposée le 23 octobre 2020 par la société par actions simplifiée (SAS) Hivory en vue de la construction d’une station relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section B n° 651, située au lieudit « l’Aubepin » ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bommes une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts E... soutiennent que :

- la requête est recevable, l’affichage de l’autorisation, qui a été effectué sur un terrain voisin de la parcelle d’assiette du projet, n’étant pas été régulier ;

- ils justifient d’un intérêt à agir au sens de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme dès lors que le projet affectera directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du Château Rayne Vigneau, de son parc et de ses aménagements, dont ils sont propriétaires et usufruitiers, l’antenne relais envisagée étant visible de tout point du château comme du parc compte tenu de sa hauteur de 42 m dans ce secteur vierge de toute construction ;

- l’architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable au motif que l’antenne relais portera atteinte à la conservation ou la mise en valeur du château, monument historique ;

- la décision attaquée portant autorisation de construire, la condition d’urgence doit être regardée comme présumée en application de l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, outre qu’elle est satisfaite du fait du commencement des travaux ;

- la société pétitionnaire ne soutient pertinemment, pour contester l’urgence, ni que l’ouvrage aurait un caractère réversible, eu égard à sa dimension importante, ni qu’un intérêt général s’attacherait à la réalisation de la construction, dès lors que, selon les cartes de l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), la zone considérée est parfaitement couverte par les réseaux ;

- la commune ayant délégué sa compétence en matière d’aménagement numérique du territoire à la communauté de commune du Sud Gironde, la décision, qui émane du maire, a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est entachée d’irrégularité faute de communication et de mise à disposition du public du dossier d’information prévue par l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques ;

- la demande d’autorisation, qui relevait du régime du permis de construire, ne précisait ni l’identité de l’architecte, ni la destination de la construction, en violation de l’article R. 431-5 du code de l’urbanisme ;

- la demande ne comporte pas l’accord de la commune alors que le terrain d’assiette du projet appartient à son domaine public, en méconnaissance de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme ;

- étant situé aux abords d’un monument historique, puisque prévu à 310 mètres du château Rayne Vignot qui a fait l’objet d’une inscription à ce titre par arrêté du 19 avril 2004, le projet était soumis à permis de construire, en vertu de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme ;

- le projet a été autorisé en violation de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, la demande ne prenant pas en compte l’environnement et ne prévoyant aucun traitement paysager ;

- le défaut de sursis à statuer entache d’erreur manifeste d’appréciation la décision contestée, l’installation de l’antenne relais contrevenant à l’axe 3 du projet d’aménagement et de développement durable du futur plan local d’urbanisme, projet d’aménagement qui a été débattu le 4 novembre 2019.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2021, la commune de Bommes, représentée par la SELARL Casadei-Jung, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des consorts F... la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Bommes fait valoir que :

- la requête au fond est irrecevable pour être tardive ;

- les requérants ne justifient pas d’un intérêt à agir au sens de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;

- la condition d’urgence n’est pas satisfaite compte tenu, d’une part, du caractère réversible de la construction, d’autre part, de l’intérêt général qui s’attache à la réalisation du projet ;

- les moyens tirés de l’incompétence de l’auteur de l’acte et de la méconnaissance de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques sont inopérants ;

- la violation des articles R. 431-5 et R. 431-13 du code de l’urbanisme n’est pas utilement invoquée ;

- aucun autre moyen n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.

Par mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Hivory, représentée par la SELAS LPA-CGR, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des consorts F... la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Hivory fait valoir que :

- la requête au fond est irrecevable, d’une part, à raison de sa tardiveté, d’autre part, faute de justification de la notification du recours dans les termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ; - la condition d’urgence n’est pas satisfaite compte tenu, d’une part, du caractère réversible de la construction, d’autre part, de l’intérêt général qui s’attache à la réalisation du projet ;

- aucun moyen n’est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 20 octobre 2021 à 14h30, après le rapport, ont été entendues :

- les observations de Me Proust, représentant les consorts E..., qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de ces derniers ;

- les observations de Me Touche, représentant la commune de Bommes, qui a confirmé les moyens invoqués en défense par cette collectivité ;

- les observations de Me Sechi, représentant la SAS Hivory, qui a repris les moyens soulevés dans les écritures de cette société.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, M. B... E..., Mme A... E..., M. C... E... et Mme D... E... demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Bommes a décidé de ne pas s’opposer à la déclaration préalable déposée le 23 octobre 2020 par la société par actions simplifiée (SAS) Hivory en vue de la construction d’une antenne relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section B n° 651 au lieudit « l’Aubépin ».

Sur les conclusions aux fins de suspension :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ».

3. Lorsque la demande d’annulation d’une décision administrative faisant l’objet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative est irrecevable, il appartient au juge des référés, saisi en défense du moyen tiré de cette irrecevabilité, de rejeter la demande de suspension.

4. Aux termes de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ». Aux termes de l’article R. 424-15 de ce code : « Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (…). /. Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable ». Aux termes de l’article A. 424-15 du même code : « L'affichage sur le terrain du permis de construire, d'aménager ou de démolir explicite ou tacite ou l'affichage de la déclaration préalable, prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres » et aux termes de l’article A. 424-17 « Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme)." ». Enfin, l’article A. 424-19 dudit code dispose que « Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier ». Il résulte des dispositions précitées que l’affichage continu et régulier sur le terrain de l’autorisation d’urbanisme enclenche le délai de deux mois de recours contentieux des tiers à son encontre. S’il incombe au bénéficiaire d’une autorisation de construire de justifier qu’il a bien rempli les formalités d’affichage prescrites par ces dispositions, le juge doit apprécier la conformité de l’affichage en examinant l’ensemble des pièces qui figure au dossier qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des constats d’huissier dressés les 7 mai, 9 juin et 8 juillet 2021, que la société Hivory a fait procéder à l’affichage de la déclaration préalable en litige en bordure de la voie publique, de manière visible au droit du terrain d’assiette de l’ouvrage projeté, pendant une période de deux mois, ainsi que le prévoit l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme. Selon les constats, l’affichage indiquait les voies et délais de recours ouverts au tiers en reproduisant les dispositions de l’article R. 600-2 précité et de l’article R. 600-1 du même code.

6. Les consorts E... soutiennent certes que le panneau d’affichage a été apposé, non au droit du terrain d’assiette, mais devant la parcelle voisine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section B n° 651 visée par la déclaration préalable est incluse dans un vaste terrain constitué également des parcelles section B n° 652 et 653, qui appartient à la commune de Bommes et sur lequel elle a construit « une station d’épuration », selon les termes de la délibération du 9 décembre 2020 du conseil municipal. Au regard des documents produits, en particulier les planches photographiques, le terrain en cause ne comporte aucune délimitation séparative, naturelle ou artificielle, qui cloisonnerait, ou même seulement permettrait de distinguer les parcelles le composant. Il suit de là que l’implantation du panneau d’affichage, lequel comportait l’ensemble des informations exigées par les dispositions précitées, en bordure de la voie publique à quelques mètres de la limite cadastrale de la parcelle n° 651, n’était pas de nature à tromper les tiers sur la localisation de l’ouvrage projeté, à proximité de l’équipement communal existant. Dès lors le moyen tiré de l’irrégularité de l’affichage de l’autorisation au regard des conditions posées par l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme ne peut qu’être écarté.

7. Il suit de ce qui précède que le délai de recours contre l’arrêté du 11 décembre 2020 du maire de la commune de Bommes a commencé à courir à compter, au plus tard, du 7 mai 2021, pour expirer le 8 juillet suivant. Dès lors la requête des consorts E... tendant à l’annulation de cet acte, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 29 septembre 2021, apparaît irrecevable comme étant tardive. Dans ces conditions, leurs conclusions aux fins de suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bommes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont les consorts E... demandent le paiement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’affaire, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Bommes et de la SAS Hivory présentées sur ce fondement.

ORDONNE :

Article 1er : La requête des consorts E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bommes et de la SAS Hivory tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... E..., Mme A... E..., M. C... E..., Mme D... E..., à la commune de Bommes et à la société par actions simplifiée (SAS) Hivory.