Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2021 et un mémoire enregistré le 19 octobre 2021, la société civile du Château Rayne Vigneau, représentée par Me Estellon, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Bommes a décidé de ne pas s’opposer à la déclaration préalable déposée le 23 octobre 2020 par la société par actions simplifiée (SAS) Hivory en vue de la construction d’une antenne relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section B n° 651 au lieudit « l’Aubépin » ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bommes la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société civile du Château Rayne Vigneau soutient que :

- propriétaire du domaine viticole du Château Rayne Vigneau, elle dispose de la capacité à agir contre la décision en cause, ainsi qu’il résulte de l’acte des associés en date du 19 octobre 2021 décidant de la poursuite de l’activité de la société, dont la date d’expiration mentionnée au registre du commerce et des sociétés est le 23 octobre 2051 ; - elle justifie d’un intérêt à agir au sens de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, dès lors que, une des parcelles de son domaine n’étant séparée du terrain d’assiette du projet que par la voie publique, elle en est voisine immédiate et que, compte tenu de l’environnement, l’antenne projetée sera visible de l’ensemble immobilier de son domaine, situé à 450 mètres, et affectera le parcours œnologique qu’elle organise ;

- elle a procédé à la notification de son recours, conformément à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;

- l’affichage de l’autorisation étant irrégulier, le délai de recours fixé par l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme n’a pas couru ;

- la société Hivory, qui a donné mandat à la société Géon, par acte signé le 15 mai 2020, pour solliciter toute autorisation juridique et administrative, notamment les autorisations d’urbanisme, jusqu’au 31 juillet 2021, n’avait pas qualité pour déposer elle-même la déclaration préalable en cause, au regard de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme ;

- la condition d’urgence est satisfaite, d’une part, du fait du commencement des travaux, d’autre part, au regard de l’intérêt public qui s’attache à la protection du château, inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, et à celle du site, également protégé, enfin, en raison du caractère difficilement réversible de la construction ; - la société Hivory, qui a attendu cinq mois pour afficher l’autorisation de construire et le mois de septembre pour commencer les travaux, lesquels ne devraient être achevés qu’en décembre 2021, ne peut arguer pertinemment d’une urgence à la réalisation de l’ouvrage ;

- le dossier de déclaration ne comportait pas la notice exigée par l’article R. 431-14 du code de l’urbanisme ;

- l’autorisation a été accordée en violation de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2021, la commune de Bommes, représentée par la SELARL Casadei-Jung, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société civile du Château Rayne Vigneau de la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Bommes fait valoir que :

- la requête au fond est irrecevable pour être tardive ;

- la requérante ne justifie pas d’un intérêt à agir au sens de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;

- la condition d’urgence n’est pas satisfaite compte tenu, d’une part, du caractère réversible de la construction, d’autre part, de l’intérêt général qui s’attache à la réalisation du projet ;

- aucun moyen n’est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté.

Par mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Hivory, représentée par la SELAS LPA-CGR, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société civile du Château Rayne Vigneau de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Hivory fait valoir que :

- la requête au fond est irrecevable, d’une part, à raison de sa tardiveté, d’autre part, faute de justification de la notification du recours dans les termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, enfin, en l’absence de qualité pour agir comme d’intérêt à agir de la société civile du Château Rayne Vigneau ;

- la condition d’urgence n’est pas satisfaite compte tenu, d’une part, du caractère réversible de la construction, d’autre part, de l’intérêt général qui s’attache à la réalisation du projet ;

- aucun moyen n’est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 20 octobre 2021 à 14h30, après le rapport, ont été entendues :

- les observations de Me Estellon, représentant la société civile du Château Rayne Vigneau, qui a développé les moyens soulevés dans les écritures de cette société ;

- les observations de Me Touche, représentant la commune de Bommes, qui a confirmé les moyens invoqués en défense par cette collectivité ;

- les observations de Me Sechi, représentant la SAS Hivory, qui a repris les moyens soulevés dans les écritures de cette société.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, la société civile du Château Rayne Vigneau demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le maire de la commune de Bommes a décidé de ne pas s’opposer à la déclaration préalable déposée le 23 octobre 2020 par la société par actions simplifiée (SAS) Hivory en vue de la construction d’une antenne relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section B n° 651 au lieudit « l’Aubépin ».

Sur les conclusions aux fins de suspension :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ».

3. Lorsque la demande d’annulation d’une décision administrative faisant l’objet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative est irrecevable, il appartient au juge des référés, saisi en défense du moyen tiré de cette irrecevabilité, de rejeter la demande de suspension.

4. Aux termes de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ». Aux termes de l’article R. 424-15 de ce code : « Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (…). /. Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable ». Aux termes de l’article A. 424-15 du même code : « L'affichage sur le terrain du permis de construire, d'aménager ou de démolir explicite ou tacite ou l'affichage de la déclaration préalable, prévu par l'article R. 424-15, est assuré par les soins du bénéficiaire du permis ou du déclarant sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres » et aux termes de l’article A. 424-17 « Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). / " Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme). " ». Enfin, l’article A. 424-19 dudit code dispose que « Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier ». Il résulte des dispositions précitées que l’affichage continu et régulier sur le terrain de l’autorisation d’urbanisme enclenche le délai de deux mois de recours contentieux des tiers à son encontre. S’il incombe au bénéficiaire d’une autorisation de construire de justifier qu’il a bien rempli les formalités d’affichage prescrites par ces dispositions, le juge doit apprécier la conformité de l’affichage en examinant l’ensemble des pièces qui figure au dossier qui lui est soumis.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des constats d’huissier dressés les 7 mai, 9 juin et 8 juillet 2021, que la société Hivory a fait procéder à l’affichage de la déclaration préalable en litige en bordure de la voie publique, de manière visible, au droit du terrain d’assiette de l’ouvrage projeté, pendant une période de deux mois, ainsi que le prévoit l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme. Selon les constats, l’affichage indiquait les voies et délais de recours ouverts au tiers en reproduisant les dispositions de l’article R. 600-2 précité et de l’article R. 600-1 du même code. La société requérante soutient certes que l’agrafage de l’arrêté de non-opposition du 11 décembre 2020 sur le panneau a eu pour effet de cacher partiellement les mentions des voies et délais de recours. Toutefois, la partie non occultée de ces mentions sur le panneau renseignait suffisamment sur les dispositions régissant les recours des tiers et l’ensemble des informations étaient parfaitement accessibles en ôtant momentanément l’arrêté agrafé. Mais surtout, les indications concernant les voies et délais de recours des tiers figuraient sur l’exemplaire de l’arrêté du 11 décembre 2020, dans la rubrique intitulée « Informations – à lire attentivement », qui a été apposé sur le panneau dans son entier.

6. Il suit de ce qui précède que le délai de recours contre l’arrêté du 11 décembre 2020 du maire de Bommes a commencé à courir à compter, au plus tard, du 7 mai 2021, pour expirer le 8 juillet suivant. Dès lors la requête de la société civile du Château Rayne Vigneau tendant à l’annulation de cet acte, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 28 septembre 2021, apparaît irrecevable comme étant tardive. Dans ces conditions, ses conclusions aux fins de suspension de l’exécution de l’arrêté contesté ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais de l’instance :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bommes, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la société civile du Château Rayne Vigneau demande le paiement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’affaire, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Bommes et de la SAS Hivory présentées sur ce fondement.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société civile du Château Rayne Vigneau est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Bommes et de la SAS Hivory tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société civile du Château Rayne Vigneau, à la commune de Bommes et à la société par actions simplifiée Hivory.