Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2019, la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de Lot-et-Garonne (FDSEA 47), Mme D... F..., M. H... G..., M. A... B... et M. C... E..., représentés par Me Briand, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 27 mars 2019 des ministres de l’agriculture et de l’alimentation et de l’économie et des finances portant délimitation des zones agricoles défavorisées en tant qu’il n’intègre pas les communes d’Andiran, de Poudenas, de Saint-Pé-Saint-Simon, de Lannes, de Sainte-Maure, de Mézin, d’Esclottes, de Saint-Sernin-de-Duras, de Saint-Jean-de-Duras, de Sainte-Colombe-de-Duras, de Pardaillan, de Saint-Astier, de Baleyssagues, de Moustier, de Villeneuve-de-Duras, de Savignac-de-Duras, de Sauvetat-sur-Dropt, de Loubès-Bernac, de Duras, de Soumensac et d’Auriac-sur-Dropt, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

2°) d’enjoindre avant-dire droit au ministre de l’agriculture et de l’alimentation la communication dans les plus brefs délais de l’ensemble des données individuelles communales et des petites régions agricoles ayant servi de base à l’examen de l’éligibilité des communes au nouveau zonage ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture et de l’alimentation d’intégrer les communes concernées par l’exclusion du zonage à l’arrêté du 27 mars 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- le ministre a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en excluant à partir des critères biophysiques certaines communes du zonage alors que leurs caractéristiques propres justifiaient leur éligibilité :

- l’application de ces critères entraîne une rupture d’égalité entre des communes disposant pourtant des mêmes caractéristiques géophysiques ; - le ministre a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en excluant certaines communes du zonage à partir de critères technico-économiques alors que leurs caractéristiques propres justifiaient leur éligibilité.

Par un mémoire en défense et une pièce complémentaire, enregistrés les 8 avril et 9 juin 2021, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par ordonnance du 9 avril 2021, la clôture d’instruction a été fixée au 9 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2019-243 du 27 mars 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Bongrain,

- les conclusions de M. Naud, rapporteur public,

- les parties n’étant ni présentes, ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Le règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013, qui définit trois catégories de zones agricoles, dans lesquelles les agriculteurs exerçant leur activité peuvent bénéficier de paiements permettant d’indemniser les coûts supplémentaires résultant des contraintes propres à ces zones, a prévu la révision par les Etats membres de la délimitation des zones soumises à des contraintes naturelles importantes (ZSCN) et des zones soumises à des contraintes spécifiques (ZSCS). Le décret n° 2019-243 du 27 mars 2019 a modifié les critères de délimitation de ces zones et, par un arrêté du même jour, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation et le ministre de l’économie et des finances ont déterminé la liste des communes relevant des zones soumises à des contraintes naturelles importantes ou des zones soumises à des contraintes spécifiques. Les requérants doivent être regardés comme demandant au tribunal l’annulation de cet arrêté en tant qu’il n’a pas classé dans une de ces deux zones les communes d’Andiran, de Poudenas, de Saint Pé-Saint-Simon, de Lannes, de Sainte-Maure, de Mézin, d’Esclottes, de Saint Sernin de Duras, de Saint-Jean-de-Duras, de Sainte-Colombe-de-Duras, de Pardaillan, de Saint-Astier, de Baleyssagues, de Moustier, de Villeneuve-de-Duras, de Savignac-de-Duras, de Sauvetat-sur-Dropt, de Loubès-Bernac, de Duras, de Soumensac et d’Auriac-sur-Dropt.

Sur les conclusions tendant à la communication des données de chaque commune :

2. Les requérants demandent à ce qu’il soit enjoint au ministre de l’agriculture et de l’alimentation par un jugement avant-dire droit de communiquer l’ensemble des données individuelles communales et des petites régions agricoles ayant servi de base à l’examen du nouveau zonage. Toutefois, ces données sont librement accessibles depuis le site internet du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Dès lors, il n’apparaît pas utile d’enjoindre au ministre de communiquer ces données, ces conclusions ne peuvent donc qu’être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne les critères biophysiques présidant à la détermination des zones soumises à des contraintes naturelles importantes et des zones soumises à des contraintes spécifiques :

3. Aux termes du 3 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil : « Afin de pouvoir bénéficier des paiements prévus à l’article 31, les zones autres que les zones de montagne sont considérées comme soumises à des contraintes naturelles importantes lorsqu’au moins 60 % de la surface agricole remplit au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III, à la valeur seuil indiquée. / Le respect de ces conditions est assuré au niveau des unités administratives locales (niveau "UAL 2") ou au niveau d’une unité locale nettement délimitée qui couvre une zone géographique clairement d’un seul tenant et dotée d’une identité économique et administrative définissable. / Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent paragraphe, les États membres procèdent à un exercice d’affinement basé sur des critères objectifs, afin d’exclure les zones dans lesquelles des contraintes naturelles importantes, visées au premier alinéa, ont été démontrées, mais ont été surmontées par des investissements ou par l’activité économique, ou par une productivité normale des terres dûment attestée, ou dans lesquelles les méthodes de production ou les systèmes agricoles ont compensé la perte de revenus ou les coûts supplémentaires visés à l’article 31, paragraphe 1 ».

4. Aux termes de l’article D. 113-15 du code rural et de la pêche maritime : « Les autres zones agricoles défavorisées sont constituées : / -des zones autres que les zones de montagne qui sont soumises à des contraintes naturelles importantes, dites ZSCN, telles que définies au 3 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013 ; / -des autres zones soumises à des contraintes spécifiques, dites ZSCS, telles que définies au 4 de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013. / Leurs éléments de définition sont ceux précisés dans le cadre national, pris en application du 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013, approuvé par la décision d’exécution C (2019) 1769 de la Commission du 27 février 2019. ». Aux termes de l’article D. 113-17 du même code : « Les délimitations prévues aux articles D. 113 14 à D. 113-16 sont effectuées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie et des finances. / Toutefois les rectifications de délimitation d’importance secondaire et, en tout état de cause, limitées à 0,5 p. 100 de la superficie agricole utile nationale, peuvent être décidées par arrêté du ministre chargé de l’agriculture ».

5. Il résulte des dispositions précitées de l’article 32 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013 que, pour bénéficier du classement en zone soumise à des contraintes naturelles importantes, une commune doit tout d’abord satisfaire à l’un au moins des critères biophysiques figurant à l’annexe III de ce règlement pour au moins 60% de sa surface agricole, et qu’elle doit ensuite satisfaire à l’exercice d’affinement réalisé par chaque État membre visant à écarter les communes ayant surmonté les contraintes naturelles importantes qu’elles subissent.

6. Les requérants estiment, s’agissant des critères biophysiques, que l’arrêté s’est fondé d’une part, sur les petites régions agricoles et non sur les communes, considérées comme l’unité administrative locale 2 par le règlement n° 1305/2013 et d’autre part, que son analyse des éléments biophysiques n’est pas suffisamment précise. Toutefois, la note méthodologique de définition des zones soumises à des contraintes naturelles et spécifiques figurant dans l’annexe du cadre national, pris en application du 3 de l’article 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 13 décembre 2013, approuvée par la décision d’exécution C (2019) 1769 de la Commission du 27 février 2019, indique que l’échelon communal est celui utilisé pour l’évaluation des critères biophysiques. Pour soutenir que l’analyse biophysique ne serait pas suffisamment précise, les requérants se fondent sur des exemples concernant le département de l’Aude, sans apporter d’éléments permettant d’établir qu’ils seraient transposables au département de Lot-et-Garonne. Enfin, s’agissant de l’ancienneté des données, les requérants allèguent, sans le démontrer, que des surfaces agricoles n’ont pas été prises en compte, de sorte que la surface agricole utile telle qu’elle existait en 2010 est erronée et ne correspond pas à la réalité existante au jour de l’arrêté. Cependant et ainsi que le fait valoir le ministre de l’agriculture, les données sont issues du registre parcellaire graphique fourni par l’Agence de services et de paiement établi à partir du dernier recensement agricole de 2010, en fonction des déclarations annuelles des agriculteurs notamment lors de l’instruction de leurs demandes d’octroi d’aides de la politique agricole commune. Il n’est pas établi qu’à la date de l’arrêté litigieux, il existait des données plus récentes de nature à infirmer l’évaluation qui a été faite par le ministre. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre a commis une erreur d’appréciation en excluant certaines communes du zonage à partir de critères biophysiques doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l’application des critères biophysiques se fait commune par commune et non par petite région agricole, de sorte que des communes présentant les mêmes caractéristiques géophysiques ne sont pas traitées différemment selon la petite région agricole à laquelle elles appartiennent. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les critères économiques présidant à la détermination des zones soumises à des contraintes naturelles importantes et des zones soumises à des contraintes spécifiques :

8. Aux termes du 4 de l’article 32 du règlement n° 1305/2013 précité : « Les zones autres que celles visées aux paragraphes 2 et 3 peuvent bénéficier des paiements prévus à l’article 31 si elles sont soumises à des contraintes spécifiques et lorsque la pour­suite de la gestion des terres est nécessaire pour assurer la conservation ou l’amélioration de l’environnement, l’entretien du paysage rural et la préservation du potentiel touristique de la zone ou pour protéger le littoral. / Les zones soumises à des contraintes spécifiques comprennent les surfaces agricoles dans lesquelles les conditions naturelles de production sont similaires et dont la superficie totale ne dépasse pas 10 % du territoire de l’État membre concerné. / En outre, des zones peuvent également bénéficier des paiements au titre du présent paragraphe si : - 60 % au moins de la surface agricole remplit au moins deux des critères énumérés à l’annexe III, avec une marge ne dépassant pas 20 % de la valeur seuil indiquée, ou - 60 % au moins de la surface agricole est composée de zones qui remplissent au moins l’un des critères énumérés à l’annexe III à la valeur seuil indiquée et de zones remplissant au moins deux des critères énumérés à l’annexe III, avec pour chacune d’elles une marge ne dépassant pas 20 % de la valeur seuil indiquée. Le respect de ces conditions est assuré au niveau des UAL de niveau 2 ou au niveau d’une unité locale clairement définie qui couvre une seule zone géographique précise d’un seul tenant ayant une identité économique et administrative définissable. Lorsqu’ils délimitent les zones concernées par le présent alinéa, les États membres procèdent à un exercice d’affinement, comme prévu à l’article 32, paragraphe 3. Les zones considérées admissibles au titre du présent alinéa sont prises en considéra­tion pour le calcul de la limite de 10 % visée au deuxième alinéa (…) ».

9. Il résulte de ces dispositions que s’agissant des zones soumises à des contraintes spécifiques l’exercice d’affinement, similaire à celui prévu pour les zones soumises à des contraintes naturelles importantes, ne porte que sur les zones définies ainsi à raison de l’application de critères biophysiques à partir de la méthode dite des critères combinés. Ainsi, ce n’est que lorsque la part de surface agricole utile contrainte dépasse le seuil de 60% par application de la méthode des critères combinées que l’exercice d’affinement à partir de critères économiques est mis en œuvre.

10. Il ressort du tableau des valeurs par commune, librement accessible depuis le site internet du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, que les communes dont les requérants demandent le classement en zones soumises à des contraintes naturelles importantes ou à des contraintes naturelles spécifiques, comportent une part de surface agricole utile contrainte au titre de la méthode des critères combinés comprise entre 16,30% (Esclottes) et 53,37% (Sainte-Maure). Si l’analyse est restreinte aux zones soumises à des contraintes naturelles importantes, cette part est comprise entre 13,72% (Esclottes) et 50,74% (Sainte-Maure). Il en résulte que la part de surface agricole utile contrainte des communes concernées ne dépassant pas le seuil de 60% au titre des zones soumises à des contraintes spécifiques comme des zones soumises à des contraintes naturelles, le ministre n’avait pas à procéder à l’exercice d’affinement, ni à faire usage des critères économiques. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le ministre aurait entaché son arrêté d’une erreur d’appréciation en excluant certaines communes des zones soumises à des contraintes naturelles importantes ou à des contraintes spécifiques à partir de critères technico économiques.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 27 mars 2019 en tant qu’il n’intègre pas certaines communes, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux, doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au ministre de l’agriculture et de l’alimentation d’intégrer les communes concernées par l’exclusion du zonage sous astreinte et les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la FDSEA 47 et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la FDSEA 47, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.