Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Basic, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de la décision du 17 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Domme a prononcé à son encontre une suspension de fonctions à compter du même jour, assortie d’une suspension de rémunération ;

2°) d’enjoindre au centre hospitalier de l’autoriser à participer à la réunion du comité technique d’établissement du 30 septembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 2 400 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- adhérent à la confédération générale du travail depuis février 2013, il a été élu membre titulaire du comité technique d’établissement du centre hospitalier de Domme, comité dont il est devenu le secrétaire, puis a été désigné le 24 novembre 2017, secrétaire général de l’union syndicale départementale de la santé et de l’action sociale et s’est vu attribuer, par décision du 4 novembre 2020 de la directrice de cet établissement de santé un détachement syndical à hauteur de 100 % pour l’année 2021 à raison de ses différents mandats syndicaux ;

- la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la prochaine réunion du comité technique d’établissement, lequel se réunit une fois par trimestre en vertu de l’article R. 6144-69 du code de la santé publique, est prévue le 30 septembre 2021 et qu’une telle séance permet aux représentants syndicaux de faire valoir les revendications du personnel, spécialement en cette période de pandémie ;
- l’employeur s’assurant du respect des gestes barrières et des mesures de distanciation au cours des réunions, le risque de propagation du virus aux patients est très limité ;

- compte tenu des règles de quorum et dès lors qu’il n’a pas de suppléant, son absence empêchera la tenue de la réunion du comité technique d’établissement, outre qu’en sa qualité de secrétaire de cet organisme, sa présence est impérative ;

- la condition d’urgence est également remplie du fait de la perte de rémunération que prévoit la décision en litige ;

- la décision porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue la liberté syndicale qui est garantie par les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 11.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 5 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 12 de la charte sociale européenne et la convention de l’organisation internationale du travail (OIT) n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, la loi interne pouvant être écartée lorsqu’elle est contraire à une norme internationale ;

- la liberté syndicale est également garantie en droit interne par les articles 6, 8 et 9 de la loi n° 83-364 du 13 juillet 1983, l’article 96 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et les articles 5, 7 et 10 du décret n° 86-660 du 19 mars 1986 ;

- la décision critiquée est entachée du vice de l’incompétence de son auteur à défaut de la justification d’une délégation de signature conforme aux prescriptions des articles D. 6143-34 et suivants du code de la santé publique ;

- les garanties prévues par l’article 14 de la loi du 5 août 2021 n’ont pas été respectées ;

- alors qu’elle constitue une sanction, au demeurant non prévue par l’article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, la procédure disciplinaire n’a pas été mise en œuvre ;

- la décision est illégale dès lors que les activités syndicales sont exclues du champ d’application de la loi du 5 août 2021 ;

- l’inconventionnalité de la loi du 5 août 2021 prive la décision de base légale ;

- la décision repose sur une erreur d’appréciation pour être disproportionnée et inappropriée aux circonstances dès lors que, bénéficiant d’une décharge syndicale à temps plein, il ne pouvait être regardé comme exerçant son activité au sein du centre hospitalier et il n’est jamais en contact avec les patients ;

- la décision, qui a pour effet de l’empêcher d’exercer son mandat syndical à la séance du comité technique, prive les agents de la présence d’un représentant syndical à proximité de leur lieu de travail et, eu égard à la mission de cet organisme, des garanties attachées au bon fonctionnement de l’établissement en période de crise sanitaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) du 9 juillet 1948 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- la charte sociale européenne révisée ;

- la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Bayle, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Selon l’article L. 522-1 du même code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique ». L’article L. 522-3 dispose cependant que « lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ».

2. Aux termes de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 : « I. Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; / b) Les centres de santé mentionnés à l'article L. 6323-1 dudit code ; / c) Les maisons de santé mentionnées à l'article L. 6323-3 du même code ; / d) Les centres et équipes mobiles de soins mentionnés à l'article L. 6325-1 du même code ; / e) Les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées mentionnés à l'article L. 6326-1 du même code… ». Aux termes de l’article 13 de cette loi : « I. Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. / Un décret détermine les conditions d'acceptation de justificatifs de vaccination, établis par des organismes étrangers, attestant de la satisfaction aux critères requis pour le certificat mentionné au même premier alinéa ; / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. / (…) V. Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité ». Aux termes de l’article 14 de ladite loi : « I. (…) / B. A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / II. Lorsque l'employeur constate qu'un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent II, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / La dernière phrase du deuxième alinéa du présent II est d'ordre public ».
3. Il résulte des prescriptions de la loi du 5 août 2021 qu’à défaut de présentation des justificatifs exigés par le I de l’article 13 de la loi du 5 août 2021 ou, comme le prévoit l’article 14 de cette loi, de la justification de l’administration d’une des doses d’un vaccin contre la covid-19, l’agent en fonction dans un établissement de santé ne peut plus exercer son activité à compter du 15 septembre 2021 et que, lorsqu’il constate une telle situation, l’employeur ne peut que prononcer à l’encontre de l’agent une interdiction d’exercer.

4. Il résulte de l’instruction que, par la décision en litige du 17 septembre 2021, la directrice déléguée du centre hospitalier de Domme a prononcé à l’encontre de M. B..., qui appartient au cadre d’emploi des aides-soignants dans cet établissement public de santé, une suspension de fonctions à compter du jour même, assortie d’une suspension de sa rémunération, à raison du défaut de présentation par l’intéressé d’un des justificatifs énumérés au I de l’article 13 de la loi du 5 août 2021 ou de la justification de l’administration d’au moins une des doses d’un vaccin contre la covid-19, accompagnée du résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par ce virus.

5. En premier lieu, le sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Aux termes du paragraphe 1 de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ». L’article 5 de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996 stipule que : « En vue de garantir ou de promouvoir la liberté pour les travailleurs et les employeurs de constituer des organisations locales, nationales ou internationales, pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux et d’adhérer à ces organisations, les Parties s’engagent à ce que la législation nationale ne porte pas atteinte, ni ne soit appliquée de manière à porter atteinte à cette liberté. (…) ».

6. Il résulte des données scientifiques disponibles que la situation sanitaire reste préoccupante notamment sur le territoire national, même s’il est observé récemment une amélioration, et que la protection contre le virus de la covid-19 des personnels de santé qui sont en contact, directement ou par personne interposée, avec les patients atteints des pathologies que ce virus entraîne et qui peuvent être mortelles présente le caractère, autant pour elles-mêmes que pour ces derniers, d’un impératif de santé publique majeur. Contrairement à ce que soutient M. B..., les stipulations conventionnelles précitées ne font pas obstacle à ce que le législateur instaure des mesures restreignant le droit, pour les catégories de salariés ou d’agents publics les plus exposées, en particulier les catégories précisément définies par l’article 12 de la loi du 5 août 2021, de pratiquer leurs activités, y compris lorsque ces salariés ou agents exercent un mandat syndical, dès lors que, comme c’est le cas, les restrictions imposées ne sont pas disproportionnées par rapport à l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la protection de la santé. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les dispositions des articles 12 et suivants de la loi du 5 août 2021 seraient incompatibles avec les stipulations conventionnelles rappelées ci-dessus doit être écarté.

7. En deuxième lieu, M. B... ne peut se prévaloir de l’article 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts, pour contester l’application qui lui est faite des dispositions précitées de la loi du 5 août 2021, qui ne mettent pas en ouvre le droit de l’Union. Le moyen tiré de la violation de la convention n° 87 de l’organisation internationale du travail ne peut également qu’être écarté dès lors que ce texte est dépourvu d’effet direct.

8. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision du 17 septembre 2021 et il n’est d’ailleurs pas contesté que la suspension en cause été prononcée sur le fondement du dispositif instauré par la loi du 5 août 2021. Il ressort des éléments au dossier que M. B... appartient au corps des aides-soignants et qu’il est employé par un établissement de santé mentionné au I de l’article 12 de cette loi. Le requérant soutient certes que, bénéficiant d’une décharge de service à temps complet à raison de ses divers mandats syndicaux, il ne pratique plus de manière effective son métier d’aide-soignant et ne peut être regardé, par suite, comme exerçant une activité au sein de l’établissement de santé, n’étant plus exposé au contact des patients. Il ressort toutefois de ses explications que M. B..., qui invoque ses missions de conseil, de soutien et d’accompagnement des agents hospitaliers, adhérents ou non de son syndicat, est en contact direct avec ses collègues qui, exerçant quant à eux de manière effective leur profession de santé, ont des rapports immédiats avec les malades. Dans ces conditions, M. B... ne peut pertinemment exciper de la décharge de services qui lui a été accordée au titre de ses engagements syndicaux pour se soustraire aux mesures imposées par les articles 13 et 14 de la loi du 5 août 2021.

9. En quatrième lieu, fondée sur la loi du 5 août 2021, la mesure contestée ne constitue pas une sanction disciplinaire au sens de l’article 81 de la loi du 9 janvier 1986. Dès lors, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cet article, ni davantage des garanties prévues par les articles 1 et 2 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux agents relevant de la fonction publique hospitalière. Par ailleurs et dès lors que la mesure est légalement fondée sur la loi du 5 août 2021, M. B... ne peut utilement opposer les dispositions de la loi du 13 juillet 1983 ou celles de la loi du 9 janvier 1986 relatives à la liberté syndicale.

10. En dernier lieu, la décision dont s’agit a été prise par la directrice déléguée du centre hospitalier de Domme après que M. B... a été invité à un entretien le 17 septembre 2021 à 9h45, conformément aux prescriptions de l’article 14 de la loi du 5 août 2021. Si le requérant conteste la régularité tant de la procédure que de la décision elle-même, les vices procéduraux ou formels dont celle-ci serait entachée ne sont pas de nature à constituer un atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale qu’il revendique.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, de manière manifeste, la décision du 17 septembre 2021 de la directrice déléguée du centre hospitalier de Domme ne saurait être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Par suite, il y a lieu de faire application des dispositions précitées de l’article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions de M. B... aux fins de suspension et d’injonction.

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Domme la somme dont M. B... demande le paiement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....