Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 29 novembre 2018 et 11 septembre 2019, l’association pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide, représentée par la SCP Bouyer-Bourgeois, demande au tribunal :

1°) d’annuler la convention d’occupation privative du domaine public conclue le 18 juillet 2018 entre Bordeaux Métropole et l’association Shamengo en vue de l’occupation et de l’exploitation de la première esplanade de l’allée Serr à Bordeaux pour la construction d’une villa nomade ;

2°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………………...

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, l’association Shamengo, représentée par le cabinet Coussy Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’association requérante la somme d’un euro symbolique au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. …………………………………………………………………………………………………... Par des mémoires en défense enregistrés les 20 juin et 23 octobre 2019, ce dernier non communiqué, Bordeaux Métropole, représentée par la SELARL Cabinet Cabanes-Cabanes Neveu Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l’association requérante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. …………………………………………………………………………………………………...

Par une ordonnance du 24 juin 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 10 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Bouyer pour la SCP Bouyer-Bourgeois, représentant l’association pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide, et de Me Pezin pour la SELARL Cabanes Neveu, représentant Bordeaux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération n° 2018-465 du 6 juillet 2018, le conseil de Bordeaux Métropole a approuvé les termes de la convention portant autorisation d’occupation privative du domaine public entre Bordeaux Métropole et l’association Shamengo en vue de l’aménagement et de l’exploitation de la première esplanade de l’allée Serr à Bordeaux pour y accueillir une villa nomade et a autorisé son président à signer le projet de convention. Ladite convention a été signée le 18 juillet 2018. Par la présente requête, l’association pour la conservation et la promotion des espaces libres (ACPEL) de la Bastide demande l’annulation de la convention.

Sur la validité de la convention d’occupation du domaine public du 18 juillet 2018 :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif, notamment une convention d’occupation du domaine public, susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini.

3. Tout autre tiers que le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, ne peut invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont il se prévaut ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif ne peut ainsi, à l’appui d’un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d’ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

4. Saisi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l’auteur du recours autre que le représentant de l’Etat dans le département ou qu’un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu’il critique sont de celles qu’il peut utilement invoquer, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences.

5. En premier lieu, la convention du 18 juillet 2018 conclue avec l’association Shamengo a pour objet la mise à disposition de la première esplanade de l’allée Serr pour la construction d’une maison-laboratoire dite « villa Shamengo » visant à promouvoir des modes de vie durables auprès du plus grand nombre. Mme Anne Walryck, vice-présidente de Bordeaux Métropole responsable de la délégation « Développement durable » et signataire de la convention litigieuse, justifie d’une délégation de signature pour signer les actes, notamment les conventions, relevant de son champ de compétence, par un arrêté n° 2018/BM0561 du président de Bordeaux Métropole du 3 mai 2018. Par ailleurs, Mme C, présidente de l’association Shamengo et également signataire de la convention litigieuse, a été habilitée à signer les conventions avec les collectivités notamment en matière d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, par une délibération de l’assemblée générale extraordinaire du 3 juillet 2018. Le moyen tiré de l’incompétence des signataires de la convention litigieuse doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. ». Aux termes de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération de Bordeaux Métropole du 6 juillet 2018 : « I. – La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (…) 2° En matière d'aménagement de l'espace métropolitain : (…) création, aménagement et entretien de voirie ; (…) ». Aux termes de l’article L. 5217-5 du même code : « Les biens et droits à caractère mobilier ou immobilier situés sur le territoire de la métropole et utilisés pour l'exercice des compétences transférées mentionnées au I de l'article L. 5217-2 sont mis de plein droit à disposition de la métropole par les communes membres. (…) La métropole est substituée de plein droit, pour l'exercice des compétences transférées, aux communes membres (…) dans l'ensemble des droits et obligations attachés aux biens mis à disposition en application du premier alinéa du présent article et transférés à la métropole en application du présent article ainsi que, pour l'exercice de ces compétences sur le territoire métropolitain, dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. (…) ». Aux termes de l’article L. 1321-2 du même code : « Lorsque la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. (…) Elle peut autoriser l'occupation des biens remis. (…) ».

7. Il résulte de l’instruction que la première esplanade de l’allée Serr, qui consiste en une place réservée à la circulation piétonne, constitue une dépendance du domaine public routier communal, en application de l’article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques. En vertu des dispositions précitées de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, Bordeaux Métropole dispose d’une compétence de plein droit en ce qui concerne la création, l’aménagement et l’entretien de la voirie communale et de ses dépendances. Dans le cadre de ce transfert de compétences, Bordeaux Métropole bénéficie de la mise à disposition des biens nécessaires à l’exercice de la compétence transférée, à savoir les voiries et leurs dépendances, et assume sur ces biens l’ensemble des droits et obligations du propriétaire. A cet égard, la métropole est compétente pour accorder des autorisations d’occupation du domaine publier routier dont elle a la responsabilité. Ainsi, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la délibération du 6 juillet 2018 par laquelle le conseil de Bordeaux Métropole a approuvé les termes de la convention d’occupation du domaine public entre la métropole et l’association Shamengo et a autorisé son président à signer le projet de convention serait entachée d’incompétence.

8. En troisième lieu, l’association requérante, qui n’agit pas en qualité de concurrent évincé, ne peut utilement invoquer, à l’appui d’un recours contestant la validité du contrat, des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat, à l’exception de ceux qui seraient d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. Par suite, les moyens soulevés tirés de ce que le vecteur publicitaire choisi a restreint le champ des candidats capables de concurrencer l’association Shamengo en méconnaissance de l’article L. 2122-1-4 du code général de la propriété des personnes publiques, que l’avis de publicité manque de précision en méconnaissance de l’article 13 de la directive 006/123/CE du 12 décembre 2006, que les modalités de retrait du dossier et de présentation d’une offre ont été délibérément restreintes et que l’avis de publicité comporte des indications erronées quant à l’emprise mise à disposition doivent être écartés comme inopérants dès lors que les irrégularités alléguées ne sont pas en rapport avec les intérêts lésés dont elle se prévaut et ne sont pas d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office.

9. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. ».

10. Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont la faculté, pour concevoir une réforme ou élaborer un projet ou un acte qui relèvent de leur compétence, de procéder à la consultation du public, notamment sur un site internet. Lorsqu’une autorité administrative organise, sans y être tenue, une telle consultation, elle doit y procéder dans des conditions régulières. Il incombe en particulier à l’autorité administrative qui organise une consultation dans les cas qui relèvent de l’article L. 131-1 du code des relations du public et de l’administration d’en déterminer les règles d’organisation conformément aux dispositions de cet article et dans le respect des principes d’égalité et d’impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère.

11. Si au cours d’une réunion du conseil de quartier tenue le 9 décembre 2017, le président de Bordeaux Métropole a fait état de son intention d’organiser une réunion d’information sur le devenir de l’allée Serr et l’installation de la « villa Shamengo », de tels propos ne peuvent être regardés comme une décision prise par Bordeaux Métropole d’associer le public à l’élaboration du projet de l’association Shamengo dans le cadre des dispositions précitées de l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 131-1 doit être écarté.

12. En cinquième et dernier lieu, l’association requérante soutient que Bordeaux Métropole ne précise pas les éléments objectifs ayant fondé le calcul des parties fixe et variable de la redevance due par l’association Shamengo, en méconnaissance des principes de fixation des redevances domaniales résultant de l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques. Toutefois, l’irrégularité alléguée, qui porte sur les conditions financières de la convention litigieuse, n’est pas en rapport direct avec les intérêts lésés dont l’association se prévaut et n’est pas d’une gravité telle que le juge devrait la relever d’office.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que l’ACPEL Bastide n’est pas fondée à demander l’annulation de la convention d’occupation du domaine public conclue le 18 juillet 2018 entre Bordeaux Métropole et l’association Sh amengo.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l’ACPEL Bastide au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l’ACPEL Bastide une somme de 600 euros à verser à Bordeaux Métropole au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et une somme d’un euro à verser à l’association Shamengo au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’association pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide est rejetée.

Article 2 : L’association pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide versera une somme de 600 euros à Bordeaux Métropole et une somme d’un euro à l’association Shamengo au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association pour la conservation et la promotion des espaces libres de la Bastide, à Bordeaux Métropole et à l’association Shamengo. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.