Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 octobre 2017, M. P….…, représenté par Me D……, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 1er août 2017 par lequel le préfet de la Dordogne lui a enjoint, en qualité d’ayant-droit de M. P…….., de déclarer l’arrêt définitif des travaux et d’utilisation d’installations minières concernant la concession de lignite de La Serre à Simeyrols, dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêté ;

2°) à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet de notifier la prise d’acte de la déclaration d’abandon définitive de la mine effectuée par l’exploitant le 22 juillet 1953 sur la base du projet présenté par l’ingénieur des mines le 30 novembre 1953 ;

3°) de donner acte de l’abandon définitif de la mine de La Serre ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………………………….

Une mise en demeure a été adressée le 22 juin 2018 au préfet de la Dordogne.

Par une ordonnance du 9 novembre 2018, la clôture de l’instruction a été fixée au 13 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code minier ;

- le décret du 14 janvier 1909 portant réglementation sur l’exploitation des mines ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain ;

- le décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- et les observations de Me D……, représentant M. P….

Considérant ce qui suit :

1. La concession des mines de lignite de La Serre à Simeyrols, instituée par un décret impérial du 9 février 1856, a été cédée à M. P…………. par un décret du président de la République du 5 août 1958. Par un arrêté du 1er août 2017, le préfet de la Dordogne a enjoint à M. P………, en sa qualité d’ayant-droit de M. P………., de déclarer l’arrêt définitif des travaux et d’utilisation d’installations minières concernant la concession de lignite de La Serre, dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêté. Par la présente requête, M. P…….. demande l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article R. 612-6 du code de justice administrative : « Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n’a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant. ». Si, lorsque le défendeur n’a produit aucun mémoire, le juge administratif n’est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s’il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit. Il lui appartient seulement, lorsque les dispositions citées ci-dessus sont applicables, de vérifier que l’inexactitude des faits exposés dans les écritures du requérant ne ressort d’aucune pièce du dossier.

3. En premier lieu, l’arrêté attaqué est notamment fondé sur le motif tiré de ce que « l’arrêt des travaux déclaré par courrier du 22 juillet 1953 n’a pas été acté par le préfet conformément à l’article 8 du décret du 14 janvier 1909 susvisé ». Il ressort des pièces du dossier que la société des Charbonnages de La Serre, dont M. P…….. était le représentant, a manifesté son intention d’abandonner l’exploitation de la concession de lignite de La Serre par un courrier du 22 juillet 1953 adressé au service des mines de Périgueux. Aux termes de l’article 8 du décret du 14 janvier 1909, applicable à la date de ladite déclaration d’abandon : « Si l’exploitant veut abandonner, soit un siège d’extraction, soit un puits ou une galerie d’évacuation communiquant avec le jour, il est tenu d’en faire la déclaration à la préfecture un mois à l’avance. A cette déclaration sont joints le plan des travaux à abandonner et le plan de surface. / L’ingénieur ordinaire des mines visite sans retard les travaux à abandonner et adresse son rapport à l’ingénieur en chef qui le transmet au préfet avec son avis. / Le préfet donne acte de la déclaration d’abandon dans le mois de son dépôt à la préfecture, sans préjudice de l’application de l’article 49 de la loi du 21 avril 1810. Il fixe s’il y a lieu, sur les propositions des ingénieurs des mines, les travaux à exécuter par l’exploitant avant l’abandon ; ces travaux sont au besoin exécutés d’office. (…) ».

4. En l’espèce, l’ingénieur en chef des mines de la Dordogne a transmis la déclaration d’abandon de la société des Charbonnages de La Serre au préfet de la Dordogne le 17 août 1953. Après avoir procédé à une visite sur les lieux le 29 août 1953 et avoir reçu le plan des travaux et le plan de surface le 10 novembre 1953, l’ingénieur subdivisionnaire des mines a émis un rapport le 14 novembre 1953 dans lequel il a indiqué que rien ne s’opposait à l’abandon des travaux d’exploitation des Charbonnages de La Serre et a prescrit l’exécution de mesures propres à sauvegarder la mine et à préserver la sécurité publique avant l’abandon définitif du site. Si ce rapport a été transmis le 30 novembre 1953 au préfet de la Dordogne avec avis conforme de l’ingénieur en chef des mines, aucune décision donnant acte de la déclaration d’abandon de la société des Charbonnages de La Serre n’a été édictée par le préfet. Le requérant, qui soutient qu’il appartenait au préfet de donner acte de cette déclaration d’abandon dès lors que les conditions étaient réunies, doit être regardé comme excipant de l’illégalité de son refus implicite. Toutefois, l’inexactitude des faits allégués tirés de ce que les conditions étaient réunies ressort des pièces du dossier et fait obstacle à ce qu’ils soient réputés acquis. En effet, à la date de la déclaration d’abandon de la société des Charbonnages de La Serre du 22 juillet 1953, M. P……., était le seul titulaire de la concession de la mine de La Serre en vertu d’un décret du président de la République en date du 20 mai 1931. Or, aucune disposition législative ou règlementaire n’autorisait la société des Charbonnages de La Serre, exploitant de fait, à présenter une déclaration d’abandon de l’exploitation dès lors qu’elle ne disposait ni d’un titre minier, ni d’une autorisation de M. P……., exploitant en droit de la concession, à engager en son nom une procédure d’abandon de l’exploitation et de renonciation à son titre minier. Ainsi, faute d’avoir été engagée par le titulaire de la concession minière, la procédure d’abandon de l’exploitation et de renonciation au titre minier ne peut être regardée comme ayant été régulièrement mise en œuvre. En tout état de cause, M. P……., ayant sollicité et obtenu par un décret du président de la République en date du 5 août 1958 l’autorisation d’exploiter la concession des mines de lignite de La Serre et n’ayant pas réitéré une procédure d’abandon définitif des travaux depuis cette date, il ne peut être regardé comme ayant renoncé à l’exploitation de la concession minière à la date de l’arrêté attaqué. Par ailleurs, le requérant ne peut utilement invoquer le bénéfice des dispositions du décret n° 2006-649 du 2 juin 2006 susvisé, lesquelles n’existaient pas à la date de la décision implicite de refus du préfet de la Dordogne. Ce dernier pouvait, dès lors, légalement refuser de donner acte de la déclaration d’abandon présentée par la société des Charbonnages de La Serre.

5. En second lieu, aux termes de l’article L. 163-1 du code minier : « La procédure d'arrêt des travaux miniers s'applique à une installation particulière lorsqu'elle cesse d'être utilisée pour l'exploitation, à l'ensemble des installations et des travaux concernés lors de la fin d'une tranche de travaux, et en tout état de cause à l'ensemble des installations et des travaux n'ayant pas fait l'objet de la procédure d'arrêt lors de la fin de l'exploitation. ». Aux termes de l’article L. 163-2 du même code : « L'arrêt des travaux mentionnés à l'article L. 163-1 fait l'objet d'une déclaration à l'autorité compétente. (…) ». Aux termes de l’article 45 du décret n° 2006 649 du 2 juin 2006 susvisé : « Lorsque le préfet a constaté l'arrêt des travaux de recherche ou d'exploitation sans qu'aucune déclaration ait été faite, il enjoint à l'exploitant de faire cette déclaration dans le délai qu'il lui impartit, lequel ne peut excéder la limite de validité du titre minier. (…) ». Aux termes de l’article L. 163-6 du code minier : « Au vu de la déclaration d'arrêt des travaux, après avoir consulté les conseils municipaux des communes intéressées et entendu l'explorateur ou l'exploitant, l'autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n'auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant. Cette autorité indique le délai dans lequel les mesures devront être exécutées. ». Aux termes de l’article L. 163-7 du même code : « Le défaut d'exécution des mesures prescrites en application de l'article L. 163-6 entraîne leur exécution d'office par les soins de l'administration aux frais de l'explorateur ou de l'exploitant. (…) ». Aux termes de l’article L. 163-9 du même code : « Lorsque les mesures envisagées par l'explorateur ou l'exploitant ou prescrites par l'autorité administrative ont été exécutées, cette dernière lui en donne acte. L'accomplissement de cette formalité met fin à l'exercice de la police des mines. (…) ». Aux termes de L. 163-10 du même code : « L'absence de titre minier ne fait pas obstacle à l'application de l'intégralité des dispositions des articles L. 163-1 à L. 163-9. ».

6. En vertu de ces dispositions, il incombe à l’exploitant d’une concession minière, à son ayant droit ou à celui qui s’est substitué à lui, de déclarer la cessation de l’exploitation et de mettre en œuvre les mesures permettant de préserver l’installation minière qui a été le siège de l’exploitation dans l’intérêt, notamment, de la sécurité publique. L’administration peut enjoindre aux personnes en cause de procéder à cette déclaration, les contraindre à exécuter ces mesures et, en cas de défaillance, y faire procéder d’office et à leurs frais.

7. M. P……., doit être regardé comme ayant la qualité d’ayant droit de son père décédé, M. P…….,, dès lors qu’il ressort de ses propres écritures qu’il a hérité de ses biens. Il pouvait, dès lors, en cette qualité, être soumis à la procédure d’arrêt des travaux miniers prévue aux articles L. 163-1 et suivants du code minier, sans que l’intervention d’un décret de mutation du titre minier à son bénéfice soit nécessaire. Le requérant ne peut utilement se prévaloir d’un abandon définitif par M. P……., de l’exploitation de la mine pour les motifs évoqués au point 4 du présent jugement. En outre, il ressort des pièces du dossier que l’exploitation de la mine de La Serre avait cessé depuis 64 ans à la date de l’arrêté attaqué. En indiquant que « la concession de La Serre est inexploitée depuis plus de dix ans », le préfet n’a, dès lors, pas entaché sa décision d’erreur de fait. En l’absence d’exploitation de la mine et de déclaration d’arrêt des travaux, le préfet tenait des dispositions législatives et réglementaires précitées le pouvoir d’ordonner à M. P…….,, ayant-droit de M P…….,, de déposer une déclaration d’arrêt définitif des travaux, dès lors que cette mine de lignite avait été concédée à son père le 5 août 1958 et alors même qu’elle n’aurait jamais été exploitée depuis cette date. Par ailleurs, si l’arrêté attaqué énonce que « les travaux de mines réalisés à l’intérieur du périmètre de la concession de La Serre sont susceptibles de compromettre les intérêts visés à l’article L. 161-1 du code minier, en particulier la sécurité publique », le préfet doit être regardé, eu égard notamment à l’article 2 de son arrêté, comme ayant estimé que les installations présentes sur le site de la concession minière sont susceptibles, en l’état, de constituer un risque pour la sécurité publique et nécessitent la mise en œuvre de mesures conservatoires. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet n’a pas entendu remettre en cause le fait que la mine est inexploitée depuis plusieurs années. Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le préfet de la Dordogne ne pouvait légalement mettre en œuvre à son encontre la procédure d’arrêt des travaux miniers prévue par les dispositions précitées du code minier et du décret du 2 juin 2006.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. P……., n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d’injonction et celles tendant à ce qu’il soit donné acte de l’abandon définitif de la mine de La Serre : 9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’injonction et, en tout état de cause, celles tendant à ce qu’il soit donné acte de l’abandon définitif de la mine de La Serre ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. P……., demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. P……., est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. P……., et au ministre de la transition écologique et solidaire.