Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mai et 29 novembre 2017, M. et Mme Teddy Téraude, représentés par Me Ferrer, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté leur demande tendant à la mise en œuvre à l’égard de l’association syndicale autorisée des Riverains de Pyla-sur-Mer des pouvoirs qu’il détient en vertu des articles 46, 49 et 50 du décret du 3 mai 2006 ;

2°) d’enjoindre au préfet de mettre en œuvre la procédure prévue aux articles 46, 49 et 50 du décret du 3 mai 2006 dans un délai d’un mois à compter du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2017, l’association syndicale autorisée des Riverains de Pyla-sur-Mer, représentée par Me Vidal, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme Téraude la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 17 octobre 2017, la clôture de l’instruction a été fixée au 1er décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 portant application de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

- les observations de Me Ferrer, représentant M. et Mme Téraude,

- les observations de Me Vidal, pour le cabinet Fidal, représentant l’association syndicale autorisée des Riverains de Pyla-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme Teddy Téraude sont propriétaires d’un bien immobilier situé 128 boulevard de l’Océan à Pyla-sur-Mer sur le territoire de la commune de La Teste-de-Buch. A ce titre, ils sont membres de l’association syndicale autorisée (ASA) des Riverains de Pyla sur-Mer, créée par arrêté préfectoral du 15 septembre 1926 et constituée des propriétaires des terrains riverains de la plage tels que mentionnés dans ses statuts. Entre 2012 et 2015, l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer a mis en demeure M. et Mme Téraude, à plusieurs reprises, d’effectuer des travaux d’entretien sur le perré situé en limite de leur propriété. Les intéressés ont refusé de procéder à ces travaux au motif que l’entretien des ouvrages de protection et de défense contre la mer tels que les perrés incombait à l’association en vertu des statuts tels qu’approuvés le 22 juillet 2009. Par un courrier du 18 janvier 2017 reçu à la sous-préfecture d’Arcachon le 19 janvier suivant, M. et Mme Téraude ont demandé la mise en œuvre par le préfet des pouvoirs qu’il détient en vertu des articles 46, 49 et 50 du décret du 3 mai 2006. Cette demande a été implicitement rejetée. Par la présente requête, M. et Mme Téraude demandent au tribunal l’annulation de cette décision implicite de rejet.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article 30 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 susvisée : « L'autorité administrative peut, après mise en demeure de l'association syndicale autorisée restée sans effet dans un délai qu'elle détermine : / 1° Faire procéder d'office, aux frais de l'association, à l'accomplissement des opérations correspondant à son objet, dans le cas où la carence de l'association nuirait gravement à l'intérêt public ; / 2° Constater que l'importance des ouvrages ou des travaux à réaliser excède les capacités de l'association. / Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent décider, dans des conditions définies par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 62, de se substituer, en tout ou partie, à l'association dans ses droits et obligations. ». Aux termes de l’article 46 du décret du 3 mai 2006 susvisé : « Le préfet peut faire procéder, quand il le juge opportun, à la visite des travaux, et faire vérifier l’état d’entretien des ouvrages de l’association. / Les frais de ces visites et vérifications sont à la charge de l’association. / Le préfet peut mettre en demeure le syndicat de procéder à la réfection des ouvrages lorsque celle-ci est commandée par un intérêt public, dans les conditions prévues aux articles 49 et 50. ». Aux termes de l’article 49 du même décret : « Dans le cas où une association syndicale autorisée interrompt ou laisse sans entretien les travaux entrepris par elle, le préfet fait procéder, par le service compétent, à une vérification de l'état des lieux. / S'il ressort de cette vérification que l'interruption ou le défaut d'entretien peut nuire gravement à l'intérêt public, le préfet indique au syndicat les travaux jugés nécessaires pour pallier ces conséquences et le met en demeure de les exécuter. / Le préfet assigne au syndicat, dans cette mise en demeure, un délai suffisant pour procéder à l'exécution des travaux. Faute par le syndicat de se conformer à cette injonction, le préfet ordonne l'exécution d'office aux frais de l'association et désigne, pour la diriger et la surveiller, un agent chargé de suppléer le président du syndicat. ».

3. Il résulte des dispositions combinées des articles 30 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et 46 et 49 du décret du 3 mai 2006 que le préfet peut faire vérifier l’état d’entretien des ouvrages dont l’association syndicale autorisée est responsable eu égard à son objet et qu’après une mise en demeure demeurée infructueuse, le préfet peut faire exécuter, d’office et aux frais de l’association syndicale autorisée, les travaux incombant à celle-ci et dont l’inexécution ou l’exécution tardive nuirait gravement à l’intérêt public.

4. En vertu de l’article 5 des statuts de l’association tels qu’approuvés le 22 juillet 2009 et en vigueur à la date de la décision attaquée, l’entretien des ouvrages de protection et de défense contre la mer tels que les perrés incombait à l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer. Contrairement à ce que fait valoir l’association en défense, ses statuts tels qu’approuvés par l’arrêté préfectoral du 29 septembre 2017 ne peuvent être utilement opposés dès lors qu’ils n’étaient pas exécutoires à la date à laquelle la décision implicite de rejet du préfet est née. Il ressort des pièces du dossier, et n’est d’ailleurs pas contesté, que le perré situé en limite de la propriété de M. et Mme Téraude a subi d’importantes dégradations. A cet égard, la compagnie d’assurances de l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer avait informé M. et Mme Téraude, par un courrier du 26 janvier 2012, que leur perré serait désormais exclu des garanties du contrat d’assurance souscrit par l’association compte tenu de son état de dégradation dans la mesure où le bas du perré ne descendait pas au même niveau que celui des perrés voisins, qu’il ne semblait pas reposer sur des palplanches, que le voile était affecté d’une fissure verticale importante et que la terrasse qui n’était pas terminée présentait une contrepente. En outre, l’association a fait établir en 2014 et 2015 des devis de réparation du perré par deux sociétés distinctes dont les montants s’élèvent respectivement à 363 115,86 euros et 106 608 euros. Enfin, à l’issue d’une réunion en janvier 2016 entre les intéressés et la sous-préfecture d’Arcachon, la chef de l’unité espace maritime et littoral de la direction départementale des territoires et de la mer de la Gironde confirmait la nécessité d’une expertise maritime afin d’apprécier la nature et les désordres affectant le perré de défense contre la mer situé devant la propriété de M. et Mme Téraude. Il est constant que l’état de dégradation du perré crée un risque important d’inondation non seulement de la propriété de M. et Mme Téraude mais également des propriétés riveraines. Ainsi, l’inexécution des travaux d’entretien nécessaires sur ce perré est susceptible de nuire gravement à un intérêt public lié à la sécurité des personnes et des biens au regard des risques naturels. Par suite, dans la mesure où l’état du perré justifiait qu’il soit procédé à une visite et à une vérification de son état d’entretien et où l’inexécution des travaux d’entretien du perré par l’association nuit gravement à un intérêt public, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il détient en vertu des dispositions précitées de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et des articles 46 et 49 du décret du 3 mai 2006.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme Téraude sont fondés à demander l’annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

6. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ».

7. L’exécution du présent jugement implique que le préfet de la Gironde, en application des dispositions précitées de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et du décret du 3 mai 2006, mette en demeure l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer de réaliser les travaux d’entretien du perré situé en limite de la propriété de M. et Mme Téraude. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre au préfet d’édicter cette mise en demeure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sous réserve d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme Téraude la somme demandée par l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. et Mme Téraude et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite du préfet de la Gironde rejetant la demande de M. et Mme Téraude est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de mettre en demeure l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer de réaliser les travaux d’entretien du perré situé en limite de la propriété de M. et Mme Téraude, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera la somme de 800 euros à M. et Mme Téraude au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme Teddy Téraude, au ministre de l’intérieur et à l’ASA des Riverains de Pyla-sur-Mer.