Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 septembre 2016 et 25 avril 2017, M. A... B..., représenté par le cabinet Fidal, avocat au barreau de Bordeaux, demande au tribunal :

1°) de le décharger des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2012, et des pénalités correspondantes, d’un montant de 402 731 euros ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 mars et 18 décembre 2017, le directeur spécialisé de contrôle fiscal sud-ouest conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Le Guillou,

- et les conclusions de M. Ferrari, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B...a fait l’objet d’un contrôle sur pièces portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sur l’année 2012. A la suite de ce contrôle, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement, le 31 janvier 2016, à concurrence de 211 964 euros de droits, 21 196 euros d’intérêts de retard et 169 571 euros de pénalités. M. B...en demande la décharge.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Aux termes de l’article L. 50 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts (…) ».

3. M. B...soutient que la rectification litigieuse lui a été notifiée en violation des dispositions précitées de l’article L. 50 du livre des procédures fiscales dès lors qu’il avait déjà fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012. Toutefois, il est constant qu’il n’avait pas informé le service vérificateur, lors de cet examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, de l’opération consistant en l’achat en primeur, pour 189 000 euros HT, et la revente, pour 702 000 euros HT, de 360 bouteilles de vin « Pétrus » millésime 2009 ayant justifié cette rectification. Si M. B...invoque, pour expliquer son silence sur cette opération, le fait qu’elle a été réalisée en 2010 et que l’administration ne l’a interrogé que sur les opérations d’achat-revente effectuées en 2011 et 2012, il résulte de l’instruction que cet achat a été facturé le 7 mars 2012, la facture du 28 juin 2010 produite par le requérant n’étant qu’une facture pro forma, et que les 360 bouteilles de vin « Pétrus » 2009 ont été livrées en 2012. Ainsi ladite opération, initiée en 2010 mais qui s’est poursuivie jusqu’en 2012, devait être portée à la connaissance du service vérificateur. Dès lors ce moyen doit être écarté.

4. M. B...ne peut utilement invoquer, en se fondant sur l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe n° 90 de l’instruction publiée sous la référence BOI-CF-PGR-30-30 qui, traitant des questions relatives à la procédure d’imposition, ne peut être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de cet article.

5. Aux termes de l’article L. 73 du livre des procédures fiscales : « Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (…) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°». Aux termes de l’article L. 68 du même livre : « La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (…) / 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 (…) ». En vertu de son article L. 169, l'activité occulte est réputée exercée « lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ». Aux termes de l’article 371 AJ de l’annexe 2 du code général des impôts : « Les organismes chargés de la création et de la gestion des centres de formalités des entreprises ainsi que la répartition des compétences entre les centres sont définis conformément aux articles R. 123-3 et R. 123-4 du code de commerce. ». Aux termes du 7° de l’article R. 123-3 du code de commerce : « Les services des impôts créent et gèrent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles exercent leur activité à titre de profession habituelle, qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1° à 6° et qu'elles n'ont pas d'autres obligations déclaratives que statistiques et fiscales : (…) / b) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (…) ». Enfin, aux termes de l’article 34 du code général des impôts : « Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. ».

6. Il résulte de l’instruction que M. B...a acheté en primeur, les 28 juin 2010, 28 juillet 2011 et 12 juin 2012, successivement 360 bouteilles de vin « Pétrus » millésime 2009 pour un montant de 189 000 euros HT, qu’il a revendues quelques semaines plus tard 702 000 euros HT, 120 bouteilles de vin « Pétrus » millésime 2010 au prix de 82 800 euros HT, revendues 219 000 euros HT, et 60 bouteilles de vin « Pétrus » millésime 2011 au prix de 29 400 euros HT, revendues 69 000 euros HT, la facturation définitive et la livraison étant intervenues deux ans après ces achats. Au regard du nombre de bouteilles acquises durant trois années successives et revendues, concernant toutes le même vin prestigieux, du mode de commercialisation, en primeur, de l’importance des sommes engagées et du montant des bénéfices réalisés, M. B...doit être regardé comme ayant exercé à titre de profession habituelle, dès 2010, une activité de négociant en vins, alors même qu’il n’aurait procédé à aucun démarchage, ni disposé de marge de manœuvre sur les prix d’achat et de vente de ces bouteilles de vin « Pétrus », déterminés seulement par leur cours sur le marché, ni encore réalisé aucune prestation de stockage, de vieillissement ou de livraison. Ainsi les bénéfices qu’il a réalisés devaient être considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux et son activité devait être déclarée à un centre de formalités des entreprises, en application des dispositions précitées des articles 34 du code général des impôts et R. 123-3 du code de commerce. Or, il est constant que M. B...n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises, et qu’il n’a pas davantage déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire. Il est, dès lors, réputé avoir exercé une activité occulte au sens de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales. Par suite, en application des dispositions des articles L. 68 et L. 73 du même livre, l’administration fiscale n’était pas tenue, avant d’évaluer d’office les bénéfices tirés de cette activité, de procéder à une mise en demeure. Il s’en suit que le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’évaluation d’office en l’absence de cette mise en demeure doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que doit être écarté le moyen tiré de ce que M. B...n’aurait pas exercé d’activité professionnelle de négoce de vins mais se serait borné à réaliser de manière passive un profit spéculatif qui ne saurait donc être taxé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

8. Le paragraphe n° 1 de l’instruction publiée sous la référence BOI-BIC-CHAMP-10-20 ne comporte pas d’interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il vient d’être fait application. Ainsi M. B...ne saurait utilement s’en prévaloir.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l’article 1728 du code général des impôts : « 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (…) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ».

10. Ainsi qu’il a été au point 6, M. B...n’a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises, alors qu’il y était tenu, son activité de négoce de vins, qui devait être regardée comme exercée à titre de profession habituelle, et n’a pas déclaré dans le délai légal les bénéfices qu’il en a tirés, qui devaient être considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux. Ainsi il est réputé avoir exercé une activité occulte au sens de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales. Dès lors c’est à bon droit que l’administration lui a appliqué les pénalités prévues par les dispositions précitées.

11. M. B...ne saurait utilement se prévaloir des paragraphes n° 70 de l’instruction BOI 13N-1-07 du 19 février 2007 et n° 30 et n° 40 de l’instruction BOI-CF-INF-10-20-10 du 12 septembre 2012, qui ne comportent pas d’interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il vient d’être fait application.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B...doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A...B...et au directeur spécialisé de contrôle fiscal sud-ouest