Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 janvier, 20 décembre 2016 et 11 janvier 2017, Mme A...B..., représentée par Me Laveissière, demande au tribunal :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir les décisions de la société Orange du 11 septembre 2015 la plaçant en disponibilité d’office pour raisons de santé et du 4 novembre 2015 refusant de la placer en congés de longue maladie ou de longue durée et la maintenant en disponibilité d’office du 11 septembre 2015 au 10 juin 2016 ;

2°) d’enjoindre à la société Orange de réexaminer sa situation et de reconstituer sa carrière, dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

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Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 octobre et 5 décembre 2016, la société Orange conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 700 euros soit mise à la charge de Mme B...au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Blanchard,

- et les conclusions de M. Béroujon, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B..., fonctionnaire de la société Orange, a été placée en congés de maladie ordinaire du 11 septembre 2014 au 10 septembre 2015 ; qu’elle a sollicité, le 2 juillet 2015, son placement en congés de longue durée et, le 27 août 2015, le bénéfice de congés de longue maladie ; que, par une décision du 11 septembre 2015, date d’épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire, elle a été placée en disponibilité d’office pour raisons de santé ; que, par une décision du 4 novembre 2015, la directrice des ressources humaines de la société Orange a refusé de la placer en congés de longue maladie ou en congés de longue durée et a reconnu son inaptitude temporaire pour la période à compter du 11 septembre 2015 jusqu’au 10 juin 2016 ; que Mme B... demande au tribunal d’annuler ces deux décisions dans toutes leurs dispositions ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : « Le fonctionnaire en activité a droit : (…)/ 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (…)/ 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (…)/ 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. » ; qu’aux termes de l’article 51 de la même loi : « La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d’origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l’avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l’intéressé, soit d’office à l’expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l’article 34 (…) » ;

Sur la légalité de la décision du 11 septembre 2015 :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 27 du décret du 14 mars 1986 : « Lorsqu’un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l’expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l’avis favorable du comité médical : en cas d’avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s’il est reconnu définitivement inapte à l’exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu’à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d’admission à la retraite. (…) » ; qu’aux termes de l’article 48 du même décret : « La mise en disponibilité prévue aux articles 27 (…) du présent décret est prononcée après avis du comité médical (…) sur l’inaptitude du fonctionnaires à reprendre ses fonctions (…) » ;

4. Considérant que la société Orange devait, pour statuer sur les demandes de Mme B... de placement en congés de longue durée ou de longue maladie, attendre d’avoir recueilli l’avis du comité médical ; qu’il résulte des dispositions précitées que, lorsque le comité médical ne s’est pas encore prononcé sur l’aptitude du fonctionnaire à reprendre son service à l’expiration de sa dernière période de congés de maladie ordinaire, il appartient à l’employeur de placer l’intéressé, par une décision à caractère provisoire et sous réserve de régularisation ultérieure, en disponibilité d’office et de maintenir le versement du demi-traitement comme le prévoit l’article 27 du décret du 14 mars 1986 ; qu’ainsi, la décision plaçant Mme B..., qui avait épuisé ses droits à congé maladie, en disponibilité d’office sans traitement et sans mention de son caractère provisoire a méconnu lesdites dispositions ; qu’elle est, dès lors illégale ;

Sur la légalité de la décision du 4 novembre 2015 en tant qu’elle place la requérante en disponibilité d’office du 11 septembre 2015 au 10 juin 2016 :

5. Considérant qu’aux termes de l’article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : « Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (…)/ Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. (…) » ; qu’aux termes de l’article 1er du décret du 30 novembre 1984 : « Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'administration, après avis du médecin de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un emploi de son grade, dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer les fonctions correspondantes. » ; qu’aux termes de l’article 2 du même décret : « Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. » ; qu’aux termes de l’article 43 du décret du 16 septembre 1985 : « La mise en disponibilité ne peut être prononcée d’office qu’à l’expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 (…) et s’il ne peut dans l’immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l’article 63 de la loi du 11 janvier 1984 (…) » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions, que, lorsqu’un fonctionnaire a été, à l’expiration de ses droits statutaires à congés de maladie, reconnu inapte à la reprise de fonctions qu’il occupait antérieurement et alors que, comme c’est le cas en l’espèce, le comité médical ne s’est pas prononcé sur sa capacité à occuper, par voie de réaffectation, de détachement ou de reclassement, un autre emploi, éventuellement dans un autre corps ou un autre grade, l’autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d’office sans l’avoir préalablement invité à présenter, s’il le souhaite, une demande de reclassement ; que la mise en disponibilité d’office peut ensuite être prononcée, soit en l’absence d’une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite ;

6. Considérant qu’il n’est ni établi, ni même allégué qu’avant de prononcer, le 4 novembre 2015, la mise en disponibilité d’office de MmeB..., qui avait été reconnue inapte temporairement et avait épuisé ses droits à congé maladie, la société Orange l’a invitée à présenter une demande de reclassement comme elle aurait dû le faire en application des principes rappelés au point précédent ;

7. Considérant que les possibilités de reclassement de l’agent doivent être examinées avant son placement en disponibilité d’office, que l’inaptitude dont il est atteint soit temporaire ou définitive ; que, contrairement à ce que soutient la société Orange, le placement en disponibilité d’office de Mme B...n’est pas seulement intervenu à titre rétroactif pour régulariser sa situation puisqu’il a été prononcé le 4 novembre 2015 pour la période du 11 septembre 2015 au 10 juin 2016 et que son inaptitude à la reprise de ses fonctions n’a été reconnue que le 4 novembre 2015 ; qu’il est, par suite, illégal ;

Sur la légalité de la décision du 4 novembre 2015 en tant qu’elle refuse un congé de longue maladie ou de longue durée à la requérante :

8. Considérant qu’aux termes de l’article 7 du décret du 14 mars 1986 : « (…) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : /- de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ;/ - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ;/ - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. (…). » ; qu’il ressort des pièces du dossier que Mme B...a reçu ces informations par courrier du 2 octobre 2015 ; que le moyen tiré de ce que ce courrier ne mentionne pas que le comité médical serait saisi d’une mise en disponibilité d’office pour raison de santé, est, en tout état de cause, inopérant à l’encontre de la décision refusant à l’intéressée un congé de longue maladie ou de longue durée ;

9. Considérant que Mme B...n’apporte aucune précision, ni aucun élément, notamment d’ordre médical, de nature à établir que sa pathologie nécessite un traitement et des soins prolongés et qu’elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée lui ouvrant droit au bénéfice d’un congé de longue maladie, ni qu’elle souffre d’une des affections donnant droit au bénéfice d’un congé de longue durée ; qu’ainsi, en lui refusant l’octroi d’un de ces congés, la société Orange n’a pas commis d’erreur de fait ni d’erreur d’appréciation de sa situation ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à demander l’annulation de la décision du 11 septembre 2015 et de la décision du 4 novembre 2015 la plaçant en disponibilité d’office pour la période du 11 septembre 2015 au 10 juin 2016 ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme B...a repris son service le 8 septembre 2016 ; qu’ainsi, l’exécution du présent jugement implique seulement que la société Orange verse un demi-traitement à Mme B...pour la période du 11 septembre au 4 novembre 2015 ;

Sur les frais de procès :

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Orange au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Orange une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 11 septembre 2015 et la décision du 4 novembre 2015 plaçant Mme B... en disponibilité d’office du 11 septembre 2015 au 10 juin 2016 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint à la société Orange de verser à Mme B...un demi-traitement pour la période du 11 septembre au 4 novembre 2015.

Article 3 : La société Orange versera à Mme B...la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B...et à la société Orange.