Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 24 février 2018 et le 26 avril 2018, M.G..., représenté par Me Aymard, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer, dans l’immédiat, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est recevable, dès lors que l’arrêté attaqué ne lui a été notifié que par courrier du 23 janvier 2018 ;

  • s’agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est entachée d’incompétence de l’auteur de l’acte, en l’absence de délégation régulière de signature ;

- elle est entachée d’un vice de procédure, en l’absence de justification de la saisine régulière pour avis du collège des médecins de l’OFII ;

- elle est entachée d’un vice de procédure, dès lors qu’il n’est pas justifié de la compétence des auteurs de l’avis du collège des médecins de l’OFII ;

- elle est entachée d’un vice de procédure au regard des dispositions de l’article R. 313-23 du CESEDA, faute de justification de ce que le médecin qui a établi le rapport initial n’a pas siégé au sein du collège qui a rendu l’avis ;

- elle est entachée d’un vice de procédure au regard des dispositions des articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du CESEDA, ensemble l’article 6 de l’arrêté du 27 décembre 2016, dès lors que l’avis du collège des médecins s’est abstenu d’indiquer s’il pouvait effectivement bénéficier d’un traitement dans son pays d’origine ;

- elle est entachée d’une erreur de fait, en énonçant qu’il ne justifie d’aucune activité professionnelle, alors qu’il a un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 11 octobre 2016 ;

- elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de son intégration, dès lors qu’il justifie d’une activité professionnelle et qu’une partie de sa famille réside sur le territoire ;

  • s’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l’illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui en constitue le fondement ;

- elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’il vit en France depuis 4 ans, exerce une activité professionnelle en contrat à durée déterminée et travaille depuis le mois de juillet 2016, et qu’une partie de sa famille est présente en France ;

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

En réponse à une mesure d’instruction, le préfet de la Gironde a produit une pièce le 24 avril 2017, immédiatement soumise au contradictoire.

Par ordonnance du 25 avril 2018, le président du tribunal a fixé la clôture de l’instruction au 26 avril 2018 à 12 heures.

Le président du tribunal a décidé d’inscrire l’affaire au rôle du tribunal statuant dans la formation élargie prévue à l’article R. 222-20 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

- l’arrêté du 27 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Willem, conseiller ;

- les conclusions de Mme Brouard-Lucas, rapporteur public ;

- les observations de Maître Aymard, pour le requérant ;

1. Considérant que M. D...G..., ressortissant albanais né le 4 décembre 1981, déclare être entré en France en 2014 ; que sa demande d’asile ayant été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 19 août 2014, confirmée par une décision du 2 avril 2015 de la Cour nationale du droit d’asile, il a fait l’objet, le 7 mai 2015, d’une mesure d’éloignement dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal de céans en date du 1er octobre 2015 ; qu’il n’a pas exécuté cet arrêté et a déposé une demande tendant à obtenir la délivrance d’un titre de séjour à raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; qu’un titre de séjour lui a été délivré sur ce fondement, valable un an du 19 mai 2016 au 18 mai 2017 ; que le 23 mars 2017, il en a sollicité le renouvellement ; qu’après avoir recueilli, le 23 septembre 2017, l’avis du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 15 novembre 2017, refusé de délivrer à M. G...un titre de séjour, a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français, et a fixé le pays de renvoi ; que M. G...sollicite, par la présente requête, l’annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation et d’injonction :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que M. I... J..., secrétaire général de la préfecture de la Gironde, a reçu, par arrêté du préfet du 6 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 33-2017-127 du 6 novembre 2017, délégation aux fins de signer, notamment, les décisions contenues dans l’arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (…). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 313-22 du même code : « Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (…) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 313-23 de ce code : « (…) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (…) » ; qu’aux termes de l’article 6 de l’arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « ( …) un collège de médecins (…) émet un avis, conformément au modèle figurant à l’annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l’état de santé de l’étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement./ Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays./ Cet avis mentionne les éléments de procédure./ (…)./ L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège » ;

4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les mentions susceptibles de figurer sur l’avis rendu par le collège de médecins de l’OFII sont énoncées de façon limitative ; qu’il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucun autre texte ou principe, qu’au nombre des éléments de procédure que doit mentionner cet avis doive figurer le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis ; que, d’ailleurs, le modèle prévu par l’annexe C de l’arrêté précité, qui a elle-même un caractère règlementaire, ne prévoit pas une telle mention ; qu’il n’appartient pas davantage au préfet, préalablement à sa décision, de vérifier la régularité de la composition du collège de médecins qui rend l’avis ; qu’en revanche, peuvent être utilement soulevés devant le juge les vices de procédure tirés de ce que, en méconnaissance des dispositions réglementaires précitées, cet avis ne comporterait pas les mentions requises pour éclairer le préfet ou qu’il aurait été rendu par un collège de médecins irrégulièrement composé du fait de la présence en son sein du médecin ayant rédigé le rapport, l’incompatibilité entre les fonctions de rapporteur et celles de membre du collège constituant une garantie pour l’étranger ayant sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé ; que dans ce dernier cas, si les éléments du dossier ne permettent pas, par eux-mêmes, de savoir si le médecin rapporteur était ou non présent au sein du collège, il appartient au préfet, saisi éventuellement d’une demande en ce sens du tribunal dans le cadre de ses pouvoirs généraux d’instruction, d’apporter la preuve de la régularité de l’avis, et donc de l’absence du médecin rapporteur au sein de ce collège ;

5. Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler le titre de séjour du requérant sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de la Gironde a consulté le collège de médecins du service médical de l’OFII, dont il verse l’avis au dossier ; que cet avis est par ailleurs signé par les trois médecins du collège, régulièrement habilités ;

6. Considérant, d’autre part, que si l’avis émis par le collège de médecins de l’OFII le 23 septembre 2017 ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis, cette circonstance est sans influence, ainsi qu’il a été dit, sur la légalité de la décision attaquée ; qu’il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment d’un courrier électronique adressé par la directrice territoriale de l’OFII aux services de la préfecture, dont la validité n’est pas utilement contestée, que le médecin qui a rédigé le rapport médical, le Dr F...H..., n’a pas siégé au sein du collège de médecins qui a rendu l’avis, composé des Docteurs K... L..., P... M... et N... O... ; que, par suite, M. G...n’est pas fondé à soutenir que le collège aurait été irrégulièrement composé ;

7. Considérant, enfin, qu’il ressort de l’avis émis le 23 septembre 2017 que le collège de médecins de l’OFII a estimé que si le requérant nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; que, dès lors, le collège n’était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. G...de bénéficier d’un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d’origine ; qu’en tout état de cause, dès lors que le préfet a, au vu de cet avis et des autres pièces du dossier, estimé que le défaut de prise en charge médicale n’entraînerait pas pour le requérant des conséquences d’une exceptionnelle gravité, la circonstance qu’il n’ait pas été éclairé sur la condition relative à l’accès effectif à un traitement approprié dans son pays d’origine n’a pas privé M. G...d’une garantie et n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision de refus de délivrance de titre de séjour ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du vice de procédure doit, en toutes ses branches, être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, que si le préfet a relevé dans sa décision que M. G...ne justifiait d’aucune activité professionnelle, alors que l’intéressé verse au dossier un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 11 octobre 2016 avec le « GIE des hôtels Ibis Budget et HotelF1 », cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui repose sur une appréciation non erronée des autres éléments de fait caractérisant la situation personnelle de l’intéressé ;

10. Considérant en dernier lieu, que M. G...fait valoir son intégration personnelle et professionnelle en France, ainsi que la présence d’une partie de sa famille sur le territoire ; que, toutefois, M. G...est entré en France en 2014, a fait l’objet d’un premier arrêté portant obligation de quitter le territoire qui n’a pas été exécuté, et ne justifie pas avoir rompu tout lien avec son pays d’origine où il a vécu jusqu’à l’âge de 32 ans et où résident, sans que cela soit contesté, sa mère et une partie de sa fratrie ; qu’il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire et n’établit pas l’existence de relations d’une intensité particulière avec son frère et sa sœur présents en France ; que s’il justifie avoir conclu un contrat de travail à durée indéterminée sous couvert de son titre de séjour « étranger malade », ce contrat n’a pas été visé par l’administration du travail et ne lui ouvre ainsi à lui-seul aucun droit au séjour ; que, dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, et alors même que M. G...a travaillé de juillet 2016 à novembre 2017, le préfet n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n’a pas davantage commis d’erreur manifeste d’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire :

11. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de l’illégalité, par voie d’exception, du refus de séjour doit être écarté ;

12. Considérant, en second lieu, que pour les motifs qui viennent d’être exposés au point 10, le préfet de la Gironde n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M.G..., ni méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. G...n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 15 novembre 2017 du préfet de la Gironde ; que ses conclusions à fin d’annulation et, par voie de conséquence, à fin d’injonction doivent, par suite, être rejetées ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que l’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions susvisées font obstacle à ce que soient accueillies les conclusions du requérant tendant au paiement des frais exposés à l’occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. D... G...et au préfet de la Gironde.