Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 5 mars, 30 juillet et 29 octobre 2015 ainsi que 28 janvier, 19 mars 2016 et 31 janvier 2017, la société Comm-Incomm, représentée par Me Béatrice Del Corte, avocate au barreau de Bordeaux, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler les décisions du 2 décembre 2014 et 9 janvier 2015 par lesquelles la direction départementale de la protection des populations lui a pré-enjoint puis enjoint de remettre à ses clients professionnels un contrat comportant un bordereau de rétractation accompagné de l'ensemble des informations requises par les dispositions applicables du code de la consommation et de ne pas encaisser de paiement dans les 7 jours suivant la signature du contrat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 et 26 juin, 15 septembre et 28 décembre 2015 ainsi que 25 février 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. .....................................................................................................................................................

Par ordonnance du 26 février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2016.

Les parties ont été informées, le 30 janvier 2017, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de ce que le courrier du 2 décembre 2014 ne constitue pas un acte faisant grief .

La société Comm-Incomm a répondu au moyen soulevé d’office le 31 janvier 2017.

Vu : - les autres pièces du dossier.

Vu : - le code de la consommation ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; - le décret n°2009-1484 du 3 décembre 2009 ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Prince-Fraysse, premier conseiller, - les conclusions de M. Gajean, rapporteur public, - les observations de Me Béatrice Del Corte, avocate de la société Comm-Incomm, - et les observations de Mme B...A..., inspectrice à la direction départementale de la protection des populations de la préfecture de la Gironde.

1. Considérant que, lors d'une visite dans les locaux de la société Comm-Incomm le 27 novembre 2014, une inspectrice et un contrôleur de la direction départementale de la protection des populations de la préfecture de la Gironde ont estimé que les contrats proposés par cette société, dont l’activité principale consiste en la création de sites internet ainsi qu'en la vente de prestations techniques principalement à des entreprises de moins de cinq salariés, n'étaient pas conformes aux dispositions du code de la consommation ; que, par un courrier daté du 2 décembre 2014, dit de "pré-injonction", la direction départementale de protection des populations a informé la société précitée qu'elle envisageait de lui enjoindre de remettre à ses clients professionnels ayant un nombre de salariés inférieur ou égal à cinq un contrat comportant un bordereau de rétractation accompagné de l'ensemble des informations requises et de s’abstenir d’encaisser un paiement ou toute autre contrepartie dans les 7 jours suivant la signature de ce contrat ; que la requérante demande l'annulation de ce courrier de pré-injonction ; que, par courrier du 9 janvier 2015, il a été enjoint à la société Comm-Incomm de se mettre en conformité avec les obligations exposées dans le courrier du 2 décembre 2014 dans le délai d'un mois et, qu'à défaut une procédure de manquement serait engagée ; qu'elle sollicite également l'annulation de cette décision ;

Sur la recevabilité des conclusions d’annulation de la « pré-injonction » du 2 décembre 2014 :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions du VII de l'article L. 141-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Les agents habilités à constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées aux I à III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.(...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : "Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que, préalablement à toute mesure d'injonction adressée au professionnel en cause, une procédure contradictoire doit être engagée afin qu'il puisse être mis à même de se défendre ; qu'il ressort de la teneur du courrier du 2 décembre 2014 que la direction départementale de la protection des populations a informé l'intéressée des mesures qu'elle envisageait de prendre à son encontre en l'invitant à présenter ses observations dans un délai de 14 jours, ce qu'elle a fait par courrier du 18 décembre 2014 ; qu'ainsi, en adressant un tel courrier, qui ne comportait d'ailleurs pas les voies et délais de recours, la direction départementale de la protection des populations s'est seulement bornée à mettre en oeuvre la procédure contradictoire préalablement à toute mesure d'injonction impartissant à la société Comm-Incomm de se conformer aux dispositions légales requises par son activité ; qu'il suit de là, qu'un tel courrier, eu égard à son objet, a le caractère d’une mesure préparatoire à la prise éventuelle de mesures coercitives et ne présente donc pas le caractère d'un acte faisant grief ; qu'il est ainsi insusceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir ; qu'il en résulte que les conclusions d'annulation présentées par la requérante ne sont pas recevables et ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de l'injonction du 7 janvier 2015 :

3. Considérant, en premier lieu, que la société Comm-Incomm soutient que la direction départementale de protection des populations n'a pas compétence pour contrôler les pratiques entre professionnels qui n’ont pas la qualité de consommateurs ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article préliminaire du code de la consommation, dans sa version applicable au litige : « Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-16 du code de la consommation : « (…) Sont considérés comme : 1° "Contrat à distance" tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ; 2° "Contrat hors établissement" tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur: / a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ; / b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes » ;

6. Considérant qu’aux termes des dispositions du III de l’article L. 121-16-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite loi Hamon : « Les sous-sections 2, 3, 6 applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. » ; que les sous sections mentionnées prévoient notamment que, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fournitures de services, le professionnel communique au consommateur les informations relatives au droit de rétractation selon un formulaire type prévu à l’article R. 221-1 du code de la consommation et, pour les contrats conclus hors établissement, que ce professionnel ne puisse recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles : « I. La direction départementale de la protection des populations est compétente en matière de politiques de protection de la population. / A ce titre, elle met en œuvre dans le département les politiques relatives à la protection et à la sécurité des consommateurs (...) 2° En contrôlant :a) (...) les pratiques commerciales réglementées, au besoin en réprimant les pratiques illicites ;(...) » ;

8. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des textes précités que si les dispositions du code de la consommation ne concernent que les relations entre les personnes physiques, seules désignés consommateurs, et les professionnels, elles trouvent néanmoins à s’appliquer par dérogation pour des contrats conclus hors établissement entre deux professionnels lorsque l’objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ;

9. Considérant qu'il n’est pas contesté que les contrats conclus par la société Comm-Incomm avec ses clients relèvent de ceux conclus entre deux professionnels hors établissement au sens du b précité de l’article L. 121-16 du code de la consommation ; que ces contrats ont pour objet la création et l’hébergement de sites, ainsi qu’il ressort des pièces versées au dossier ; que si de tels sites, fonctionnant 24 heures par jour, 7 jours sur 7, tendent à assurer la promotion permanente des professionnels concernés et sont nécessairement en lien direct avec leur activité, toutefois, il ressort également des pièces du dossier que ces sites publicitaires n’entrent pas dans le champ de leur activité principale ; qu'à la date de la décision contestée, les dispositions applicables à ces contrats étaient donc celles incluses dans le code de la consommation à la section 2, contrats conclus à distance et hors établissements, du livre 1er, « Information des consommateurs et formation des contrats », Titre II, « pratiques commerciales », Chapitre 1er, « Pratiques commerciales réglementées » ; que les dispositions de l'article 5 du décret du 3 décembre 2009 précitées attribuent à la direction départementale de protection des populations, notamment le contrôle des pratiques commerciales réglementées ; qu'il suit de là que le contrôle des contrats en cause auxquels s’appliquent les dispositions du III de l’article L. 121-16-1 du code de la consommation précitées qui étendent aux relations entre consommateurs et professionnels les dispositions également précitées du code de la consommation dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, relèvent de la direction départementale de la protection des populations ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, de la « doctrine administrative » dénuée de toute valeur règlementaire, qui aurait laissé subsister sur le site « service public.gouv » le 30 septembre 2014, postérieurement à la loi précitée du 17 mars 2014 modifiant le code de la consommation, la notion de « rapport direct avec l’activité professionnelle » dès lors qu’elle donnait une interprétation différente de celle retenue par les dispositions législatives précédemment rappelées du code de la consommation visant le « champ de l’activité principale » qui lui est opposée ; qu’il résulte ainsi de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré du défaut d’habilitation de la direction départementale de protection des populations doit être écartée ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de ce qui précède que l’erreur de droit invoquée par la requérante tirée de ce que les dispositions de l'article L. 121-16-1 du code de la consommation relatives aux rapports entre deux professionnels et aux contrats hors établissements ne lui sont pas applicables doit être écartée ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la société Comm-Incomm soutient que les dispositions de l’article L. 121-21-8 du code de la consommation sont applicables à ses contrats dès lors qu'il s'agit non pas d'une prestation de service mais d'un contrat de fourniture de bien immatériel personnalisé par le client avec un contenu numérique non fourni sur un support matériel ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-21-8 du code de la consommation : « Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats : (…) 3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ; (…) 13°De fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l'exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation. » ;

13. Considérant que, d’une part, il ressort des pièces du dossier que les contrats en litige susceptibles d’être conclus par la requérante ont pour objet de lui confier la mission de concevoir et réaliser un site accessible sur le réseau internet, héberger ce site et assurer le suivi promotionnel par référencement de ce site ; que de telles activités qui consistent en une mise à disposition de logiciels conçus et développés par la société requérante aux clients professionnels, ne sauraient être regardées comme la fourniture d’un bien mais comme une prestation de services ; qu’au surplus, si ces opérations s'effectuent sans support matériel et ne comportent aucune livraison d'un support physique auprès du client par la société requérante ainsi qu’elle le soutient, il n’est pas établi que les sites réalisés dans les conditions qui viennent d’être décrites, bien que permettant au client une utilisation personnalisée conforme à ses besoins, seraient crées selon un logiciel sur mesure sans utiliser ou adapter les logiciels existants sur le marché ; que dès lors, eu égard aux conditions qui viennent d’être décrites, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce qu’elle fournit un bien confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisées ;

14. Considérant que, d’autre part, les dispositions du 13° de l’article précité vise le renoncement exprès par le professionnel à son droit de rétractation et ne trouvent à s'appliquer que postérieurement à la conclusion du contrat ; que la décision contestée, qui oblige à la remise d’un bordereau de rétractation, vise seulement les informations préalables dues au consommateur avant la signature du contrat ;

15. Considérant ainsi qu’il résulte de ce qui précède que les exceptions prévues à l’article L. 121-21-8 du code de la consommation précité dont la requérante se prévaut ne lui sont pas applicables ;

16. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte de l'ensemble de ce qui a été exposé que les décisions contestées ne sont entachées d'aucune erreur d'appréciation ; que ce moyen doit donc être écarté ;

17. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête de la société Com-Incomm doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Comm-Incomm doivent, dès lors, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Com-Incomm est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Com-Incomm et au préfet de la Gironde.