Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Bordeaux les 2 juin 2015 et 25 janvier 2016, ainsi qu'un mémoire en productions de pièces du 23 juin 2015, Mme B...C..., représentée par Me Sébastien Bach, avocat au barreau de Bordeaux, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Bordeaux à lui verser une somme globale de 12 741,50 euros en réparation des préjudices non patrimoniaux qu'elle a subis à la suite de son accident de service survenu le 18 septembre 2012 ;

2°) de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier et 2 février 2016, la commune de Bordeaux conclut au rejet de la requête.

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Par ordonnance du 2 février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2016.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 février 2015 du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu : - l’ordonnance du 9 janvier 2015 par laquelle le président du tribunal a liquidé et taxé les frais et horaires de l’expertise confiée au docteur F....... à la somme de 600 euros ; - les autres pièces du dossier.

Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Prince-Fraysse, premier conseiller, - et les conclusions de M. Gajean, rapporteur public.

1. Considérant, en premier lieu, que Mme C..., née le 26 août 1984, recrutée par la commune de Bordeaux (Gironde), adjointe technique de 2ème classe, stagiaire à la direction de l'éducation, de la petite enfance et de la famille, affectée à des fonctions d'agent d'entretien et de restauration en école élémentaire, a été victime d'un accident de travail le 18 septembre 2012 ; que cet accident a été reconnu imputable au service ; qu’elle a été placée en congé de maladie du 18 septembre 2012 au 6 novembre 2013 ; que, par des avis émis par le médecin de prévention le 22 octobre 2013 et le médecin expert le 27 novembre, Mme C...a été reconnue inapte à ses fonctions ; que, par courrier du 4 février 2014, elle a été alors convoquée à un entretien par la direction des ressources humaines qui avait envisagé de prononcer son licenciement pour inaptitude physique ; que, toutefois, le 14 août 2014, le comité médical, sollicité par la commune, a émis un avis de reprise à temps complet « dès que possible » ; que, par courrier du 4 septembre 2014, Mme C...a été convoquée par la direction précitée pour envisager les modalités de sa réintégration ;

2. Considérant, en second lieu, que, par requête du 7 avril 2014, Mme C...a sollicité une mesure d'expertise en vue de faire chiffrer les préjudices qu’elle estime avoir subis en raison de son accident de service le 18 septembre 2012 ; que, par une ordonnance du 27 août 2014, le juge des référés du tribunal a fait droit à cette demande ; qu’au terme de cette expertise datée du 17 octobre 2014, l’expert a, d’une part, procédé à l’évaluation des préjudices subis, d’autre part, fixé la consolidation de son état de santé à la date de son expertise et conclu que Mme C...était apte à la reprise au poste précédent, assortie cependant d’une réserve pour la marche sur terrain accidenté ; que le médecin de prévention a confirmé le 28 novembre 2014 cette aptitude à la reprise dont la date a été fixée au 1er décembre 2014 ; que Mme C...a transmis un certificat médical d’arrêt de travail dont le terme était fixé au 12 décembre 2014 ; que, par la suite, sans justificatif, elle n’a cependant pas repris son travail ; que, par courrier du 14 décembre, elle a été mise en demeure de le reprendre au 17 décembre ; que n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, elle a été radiée des cadres par un arrêté du 22 septembre 2015 ;

3. Considérant que, par la présente requête, Mme C..., après avoir formulé une réclamation préalable, demande la condamnation de la commune de Bordeaux à lui verser une somme globale de 12 741,50 euros en réparation des préjudices non patrimoniaux qu'elle a subis à la suite de son accident de service survenu le 18 septembre 2012 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant que les dispositions qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre au titre des pertes de revenus et de l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité physique causée par un accident de service, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l’invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d’une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incombait ;

5. Considérant que les règles de réparation des préjudices exposées au point précédent sont applicables aux fonctionnaires stagiaires qui exercent leurs fonctions à temps non complet pour une durée de service inférieure à 28 heures par semaine comme c’est le cas en l’espèce, alors même que, par ailleurs, ils relèvent pour les prestations d’accident de travail du régime général de sécurité sociale ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices sollicités sur le fondement de la responsabilité pour faute :

6. Considérant, d’une part, que si Mme C...invoque la faute de la commune pour avoir engagé à son encontre une procédure de licenciement pour inaptitude physique, cette faute soutenue n’est pas en lien en elle-même avec celle que Mme C...entend invoquer relative à son accident de service pour demander la réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis ; qu’en toutes hypothèses, la commune a seulement convoqué l’intéressée à la suite d’avis médicaux du médecin de prévention et du médecin agrée la déclarant inapte à ses fonctions et seulement pour faire le point en vue d’un licenciement pour inaptitude physique ; que cette procédure n’a pas été poursuivie dès lors que, postérieurement à l’avis favorable émis par le comité médical, qui a reconnu Mme C...apte au service, la commune a engagé une démarche de reprise du service en satisfaisant l’ensemble des souhaits de l’intéressée, qui n’a cependant pas repris ses fonctions ;

7. Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que Mme C...a chuté sur un vélo durant le temps de son service en étant montée sur une pile de cartons ; qu’à la suite de sa chute, la commune a pris immédiatement les mesures nécessaires pour assurer sa prise en charge médicale ; que, par suite, son accident doit être regardé comme entièrement imputable à son imprudence ; que, dès lors, et en tout état de cause, elle ne peut prétendre à la réparation intégrale de ses préjudices ainsi qu’elle le demande sans toutefois en préciser la nature ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme C...tendant à la réparation de ses préjudices sur le fondement de la faute ne peut qu’être écartée ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices sollicités sur le fondement de la responsabilité sans faute :

En ce qui concerne les préjudices subis avant la consolidation de son état de santé :

9. Considérant que Mme C...n’a pas été hospitalisée ; qu’à la suite de son accident de service lui ayant provoqué une entorse de la cheville droite, elle a dû s’aider de deux cannes pour marcher durant un mois, puis subir d’importants soins de kinésithérapie ; que, jusqu’à la date de consolidation de son état de santé, elle a conservé un déficit fonctionnel provoquant une certaine instabilité ; qu’eu égard à l’ensemble de ces éléments, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi lié à son déficit fonctionnel temporaire en lui allouant la somme sollicitée soit 1 641, 50 euros ;

10. Considérant qu’au titre des souffrances endurées, évaluées à 1,5/7, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 1 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices subis après la consolidation de son état de santé :

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme C...a conservé une raideur de la cheville qui a entraîné une perte sensible de dorsiflexion du pied gênant son accroupissement ; qu’il y a lieu de lui allouer au titre de ce déficit fonctionnel permanent, la somme qu’elle sollicite soit 3 600 euros ;

12. Considérant que si Mme C...sollicite le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice d’agrément pour ne plus pratiquer d’activités sportives, il résulte de l’instruction que l’intéressée a arrêté sa pratique sportive depuis cinq ans, soit bien antérieurement à son accident de service ; que, dès lors, sa demande ne peut qu’être rejetée ;

13. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Bordeaux est condamnée à verser à Mme C...une somme totale de 6 241,50 euros ;

Sur les frais d'expertise :

14. Considérant qu’il y a lieu de laisser à la charge définitive de l’Etat les frais d’expertise, taxés et liquidés par ordonnance du 9 janvier 2015 à la somme de 600 euros ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que Mme C...a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ; que, par suite, en application des dispositions combinées de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bordeaux le versement à son conseil, Me Bach, de la somme de 1 200 euros, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Bordeaux versera à Mme C...une somme de 6 241,50 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les frais d’expertise, taxés et liquidés par ordonnance du tribunal du 9 janvier 2015 à la somme de 600 euros, sont mis à la charge définitive de l’Etat.

Article 4 : La commune de Bordeaux, en application des dispositions combinées de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros à Me Bach, sous réserve qu’il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat à la mission d’aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B...C..., à la commune de Bordeaux et Me Sébastien Bach.