Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2016, un mémoire en production de pièces, enregistré le 25 avril 2016, et un mémoire, enregistré le 2 mai 2017, l’association Eysillan, représentée par Me Macagno, demande au tribunal :

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du 25 septembre 2015 par laquelle le conseil de Bordeaux métropole a notamment approuvé le bilan de la concertation relative au projet de zone d’aménagement concerté (ZAC) “Carès Cantinolle” sur la commune d’Eysines, a approuvé le bilan de la mise à disposition du public de l’étude d’impact relative à ce projet et de l’avis de l’autorité environnementale, a approuvé le dossier de création de la ZAC et son périmètre, a acté le programme prévisionnel des constructions à édifier à l’intérieur de la zone et a exonéré ces constructions de la part intercommunale de la taxe d’aménagement, ainsi que la décision implicite du 24 février 2016 rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de Bordeaux métropole la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative. ………………………………………………………………………………………………………

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2017, Bordeaux métropole, représentée par son président, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 800 € soit mise à la charge de l’association Eysillan au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative. ………………………………………………………………………………………………………

Un mémoire et un mémoire en production de pièces présentés par Bordeaux métropole ont été enregistrés respectivement le 1er et le 2 juin 2017. Ces mémoires n’ont pas été communiqués.

Par ordonnance du 27 mars 2017, la date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués a été fixée au 2 mai 2017, en application de l’article R. 611 7 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de l’environnement ; - le code de l’urbanisme ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Naud, premier conseiller ; - les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public ; - les observations de Mme B..., pour Bordeaux métropole.

1. Considérant que par délibération du 22 juin 2012, le conseil de la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux métropole, a notamment validé un périmètre de prise en considération et a lancé une procédure de concertation pour l’opération d’aménagement du secteur Carès à Eysines ; que les recours formés en particulier par l’association Eysillan contre cette délibération ont été rejetés par jugement n° 1300239-1300287 du tribunal du 5 mars 2015, confirmé par arrêt n° 15BX01520 de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 27 avril 2017 ; que par délibération du 25 septembre 2015, le conseil de Bordeaux métropole a notamment approuvé le bilan de la concertation relative au projet de zone d’aménagement concerté (ZAC) “Carès Cantinolle” sur la commune d’Eysines, a approuvé le bilan de la mise à disposition du public de l’étude d’impact relative à ce projet et de l’avis de l’autorité environnementale, a approuvé le dossier de création de la ZAC et son périmètre, a acté le programme prévisionnel des constructions à édifier à l’intérieur de la zone et a exonéré ces constructions de la part intercommunale de la taxe d’aménagement ; que l’association Eysillan a formé contre cet arrêté un recours gracieux du 21 décembre 2015 reçu le 24 décembre 2015, lequel a été rejeté par décision implicite née le 24 février 2016 du silence gardé par le président de Bordeaux métropole ; que l’association Eysillan demande l’annulation de la délibération du 25 septembre 2015 et de la décision rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la compétence de Bordeaux métropole :

2. Considérant que si les métropoles sont en principe compétentes pour la création des seules opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain, conformément à l’article L. 5217 2 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine de Bordeaux était compétente pour la création de toutes les opérations d’aménagement sur son territoire, en application de l’article L. 5215 20 1 du même code ; qu’aux termes de l’article L. 5217 1 du même code : « (…) / Toutes les compétences acquises par un établissement public de coopération intercommunale antérieurement à sa transformation en métropole sont transférées de plein droit à la métropole. / (…) » ; que le 1er janvier 2015, Bordeaux métropole s’est substituée à la communauté urbaine de Bordeaux, conformément aux articles L. 5217 4 et L. 5211 41 du même code ; qu’ainsi, la circonstance alléguée par l’association Eysillan que l’opération d’aménagement en cause n’aurait pas été déclarée d’intérêt métropolitain est sans incidence ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération attaquée serait entachée d’un vice d’incompétence doit être écarté ;

En ce qui concerne la convocation des conseillers métropolitains :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2121 12 du code général des collectivités territoriales, applicable à l’organe délibérant de Bordeaux métropole en vertu de l’article L. 5211 1 : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (…) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. (…) » ;

4. Considérant que le défaut d’envoi, avec la convocation aux réunions du conseil municipal d’une commune de 3 500 habitants et plus, de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour prévue à l’article L. 2121 12 du code général des collectivités territoriales entache d’irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n’ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ; que cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions ; qu’elle n’impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les conseillers métropolitains ont été convoqués le 18 septembre 2015 à la séance du 25 septembre 2015, soit dans le délai minimal de cinq jours francs ; que l’association Eysillan n’établit par aucun commencement de preuve que tel n’aurait pas été le cas, alors que 94 conseillers sur 105 étaient effectivement présents et que les 11 absents avaient donné procuration ; que, par ailleurs, il n’est pas sérieusement contesté qu’était joint aux convocations, transmises par voie dématérialisée, un rapport intitulé « Eysines – ZAC Carès Cantinolle – Bilan de la concertation – Bilan de la mise à disposition de l’étude d’impact et de l’avis de l’autorité environnementale – Dossier de création – Approbations – Décisions », qui est reproduit dans la délibération attaquée ; que ce rapport était suffisant pour permettre aux conseillers métropolitains de disposer d’une information adéquate ; que, dès lors, le moyen soulevé par l’association Eysillan tiré de la méconnaissance de l’article L. 2121 12 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;

En ce qui concerne l’étude d’impact :

6. Considérant qu’aux termes de l’article R. 311 2 du code de l’urbanisme dans sa version en vigueur à la date de la délibération attaquée : « La personne publique qui a pris l’initiative de la création de la zone constitue un dossier de création, approuvé, sauf lorsqu’il s’agit de l’État, par son organe délibérant. Cette délibération peut tirer simultanément le bilan de la concertation, en application du III de l’article L. 300 2. / Le dossier de création comprend : / (…) / d) L’étude d’impact définie à l’article R. 122 5 du code de l’environnement lorsque celle-ci est requise en application des articles R. 122 2 et R. 122 3 du même code. / (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 311 7 du même code alors applicable : « (…) / Le dossier de réalisation complète en tant que de besoin le contenu de l’étude d’impact mentionnée à l’article R. 311 2, notamment en ce qui concerne les éléments qui ne pouvaient être connus au moment de la constitution du dossier de création. / L’étude d’impact mentionnée à l’article R. 311 2 ainsi que les compléments éventuels prévus à l’alinéa précédent sont joints au dossier de toute enquête publique concernant l’opération d’aménagement réalisée dans la zone » ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article R. 122 5 du code de l’environnement alors applicable : « I. Le contenu de l’étude d’impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d’être affectée par le projet, à l’importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l’environnement ou la santé humaine. / (…) » ;

8. Considérant qu’en ce qui concerne les transports, il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact décrit précisément la desserte de la zone de “Carès Cantinolle” pour chaque mode de transport ; que s’agissant de la circulation automobile, il est notamment mentionné que la zone est traversée par deux axes routiers importants à l’échelle de l’agglomération, la route départementale n° 1215 qui relie la rocade de Bordeaux à Lacanau et l’avenue du Médoc qui relie Bordeaux au Médoc via notamment le Bouscat et le Taillan-Médoc, axes qui ne seront pas modifiés dans le cadre de l’opération d’aménagement compte tenu de leur capacité existante ; que s’agissant des transports en commun, la zone de “Carès Cantinolle” accueillera à relative brève échéance le terminus de la nouvelle ligne D du tramway, ce qui constitue un accroissement substantiel de l’offre en transports collectifs qui appellera nécessairement une redéfinition des deux lignes de bus desservant actuellement la zone ; qu’enfin, des pistes cyclables, notamment celle reliant Bordeaux à Lacanau, traversent aussi le site ; qu’ensuite, l’étude d’impact examine suffisamment les impacts de l’opération d’aménagement, laquelle prévoit la construction de 750 logements en quinze ans, sur la mobilité et les déplacements, ainsi que les impacts cumulés avec les autres projets connus, en particulier avec celui de la ligne D du tramway ; qu’à cet égard, l’estimation prévoyant que 400 à 480 des 1 725 futurs habitants du quartier pourraient utiliser le tramway n’apparaît pas excessive, l’aménagement de la zone de “Carès Cantinolle” étant en réalité justifié par le tracé de cette nouvelle ligne ;

9. Considérant qu’en ce qui concerne les eaux et les sols, il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact identifie spécifiquement l’enjeu présenté par la sensibilité des captages pour l’alimentation en eau potable de l’agglomération bordelaise dans la zone de “Carès Cantinolle” et mesure l’impact du projet en phase de chantier comme de manière permanente ; que la protection des nappes souterraines est ainsi prise en compte, notamment l’exigence réglementaire de limiter à 0,6 mètre la profondeur des fondations des constructions sauf étude géotechnique favorable ; que le danger présenté par le ruissellement des eaux et leur infiltration est aussi étudié ; qu’à ce titre et pour limiter les effets sur les zones Natura 2000 “réseau hydrographique des jalles de Saint Médard et d’Eysines” située à une centaine de mètres et “marais de Bruges, Blanquefort et Parempuyre” située à plus de trois kilomètres, la réalisation d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales conjointement avec le projet de tramway est retenue à titre de mesure d’évitement pour une grande partie de la zone, ainsi que l’usage de bassins de rétention à fin de dépollution avant tout rejet en aval ; que par ailleurs, la réalisation des nouveaux logements sera effectuée par étapes en fonction des travaux d’agrandissement de la station d’épuration de Cantinolle dont la capacité n’est actuellement pas suffisante ; qu’enfin, si l’étude d’impact renvoie à des études ultérieures, notamment dans le cadre d’une demande au titre de la loi sur l’eau, elle procède néanmoins à une analyse suffisante de l’état initial du site et des effets du projet sur l’environnement et présente les mesures destinées à supprimer, réduire ou compenser les conséquences dommageables de ces effets, comme il vient d’être indiqué ;

10. Considérant, en outre, qu’il n’est pas établi que l’étude d’impact serait incomplète, compte tenu des caractéristiques de l’opération projetée, s’agissant des interrelations entre le sol, l’eau, l’air, le bruit et les espaces naturels, s’agissant de la pollution lumineuse ou s’agissant encore des vibrations et de la sécurité aux abords de la ligne de tramway ; que pour ce qui est de l’estimation des dépenses correspondant aux mesures d’évitement et compensatoires, il n’est pas contesté que ces dépenses sont indissociables de la réalisation des travaux projetés ;

11. Considérant qu’il suit de là que le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact doit être écarté ;

En ce qui concerne la compatibilité avec le projet d’aménagement et de développement durable :

12. Considérant que l’association Eysillan soutient que la délibération attaquée serait incompatible avec le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme de Bordeaux métropole, qui prévoit la préservation des zones maraichères existantes ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de l’étude d’impact, que le terrain d’assiette de la zone d’aménagement est, pour sa partie non déjà bâtie, en état de friche non cultivée ; que, dès lors, le moyen manque en fait ;

En ce qui concerne l’intérêt de l’opération d’aménagement :

13. Considérant que l’association Eysillan soutient que la ZAC “Carès Cantinolle” porterait atteinte à la gestion économe des espaces en méconnaissance de l’article L. 110 1 du code de l’environnement et que la création de 750 nouveaux logements serait disproportionnée ; que, toutefois, si la superficie totale de la zone d’aménagement concerté s’élève à 61,3 hectares, il est prévu en son sein la préservation de l’espace correspondant au parc Carès d’une superficie de 28 hectares ; que l’extension de l’urbanisation s’avère même limitée, dans la mesure notamment où le secteur de Cantinolle, qui doit accueillir 530 des 750 nouveaux logements, est déjà bâti dans sa plus grande partie ; qu’en outre, quand bien même des programmes d’aménagement d’ensemble seraient par ailleurs mis en place sur le territoire des communes d’Eysines, du Haillan et du Taillan-Médoc, il n’est pas établi que l’opération en cause serait disproportionnée, alors que le plan local d’urbanisme de Bordeaux métropole prévoit d’ici 2030 la création de 50 000 logements à l’échelle de l’agglomération ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que l’association Eysillan n’est pas fondée à demander l’annulation de la délibération du 25 septembre 2015 et de la décision rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux métropole, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l’association Eysillan demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

16. Considérant que si une personne publique qui n’a pas eu recours au ministère d’avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l’article L. 761 1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l’occasion de l’instance, elle ne saurait se borner à faire état d’un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu’elle aurait exposés pour défendre à l’instance ; qu’en l’espèce, Bordeaux métropole, qui n’est pas représentée par un avocat, ne justifie pas des frais non compris dans les dépens qu’elle aurait exposés ; que ses conclusions au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu’être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’association Eysillan est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Bordeaux métropole au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association Eysillan et à Bordeaux métropole.