Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 30 mars 2015, et deux mémoires complémentaires enregistrés les 26 août 2015 et 21 mars 2016, la société Yara France, représentée par Me Herpin, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 6 février 2013, pris conjointement par le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le ministre des affaires sociales et de la santé, et le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, en tant qu’il inscrit sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l’amiante susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, sur la période allant de 1963 à 1996, l’établissement de Pierrefitte-Bassens, devenu Gironde-Languedoc puis Compagnie française de l’azote (Cofaz), devenue NHA Norsk Hydra Azote devenue Hydro Azote, devenue Hydro agri France puis Casco Nobel industries devenue Casco nobel industries SNC puis Casco industries puis Casco SAS, situé avenue des industries à Ambarès ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L.761- 1 du code de justice administrative.

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Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

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Par un mémoire en intervention volontaire enregistré par télécopie le 22 octobre 2015, et régularisé le 23 octobre suivant, M. D...A...et M. B...F..., représentés par Me Lafforgue concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Yara France une somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

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Par une ordonnance du 22 mars 2016, la clôture d’instruction a été fixée au 21 avril 2016, en application de l’article R.613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, notamment son article 41 modifié ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique du 1er décembre 2016 : - le rapport de Mme de Laporte, premier conseiller, - les conclusions de Mme Brouard-Lucas, rapporteur public, - les observations de Me Macouillard pour les intervenants en défense, - et les observations de Me Mouliets substituant Me Herpin représentant la société Yara France.

Une note en délibéré, présentée pour la société Yara France, a été enregistrée le 3 décembre 2016.

1. Considérant qu’en 1963, a été créée, sous la dénomination Pierrefitte-Bassens, une usine de fabrication d’engrais azotés sur un site industriel installé avenue des industries, à Ambarès ; qu’une activité secondaire de fabrication de colle et de formol pour l’industrie du bois s’est adjointe à l’activité principale sur le même site ; que l’entreprise Pierrefitte-Bassens est devenue successivement Gironde-Languedoc, puis Compagnie française de l'Azote (Cofaz), NHA Norsk Hydro Azote, Hydro Azote, Hydro Agri France et, en 2004, la société Yara France ; qu’en 2006, le site d’Ambarès a été vendu à la société Foresa France qui y a poursuivi l’activité secondaire de fabrication de colle et de formol, laquelle avait été reprise, dès 1994, par la société Casco Nobel industries, devenue Casco Nobel industries SNC, devenue Casco industries, devenue Casco SAS ; que l’activité principale de fabrication d’engrais, transférée en 1994 sur un site installé à Ambès, a été poursuivie par la société Yara France ; que, par un arrêté du 25 avril 2012, pris conjointement par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, l’établissement d’Ambarès exploité par la société Pierrefitte-Bassens devenue Gironde-Languedoc puis Compagnie française de l’azote (Cofaz) puis NHA Norsk Hydro Azote puis Hydro Azote puis Hydro Agri France a été inscrit sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs pour la période allant de 1963 à 1994 ; que par un jugement n°1202165 du 17 octobre 2013, le tribunal de céans, saisi d’une requête présentée par la société Yara France, a annulé l’arrêté du 25 avril 2012 ; que ce jugement est devenu définitif ; que par un arrêté interministériel du 6 février 2013, l’établissement d’Ambarès exploité par la société Pierrefitte-Bassens devenue Gironde- Languedoc puis Compagnie française de l’azote (Cofaz) puis NHA Norsk Hydro Azote puis Hydro Azote puis Hydro Agri France puis Casco Nobel industries puis Casco nobel industries SNC puis Casco industries puis Casco SAS a été inscrit sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs pour la période allant de 1963 à 1996 ; que la société Yara France sollicite, par la présente requête, l’annulation de cette dernière décision ;

Sur l’intervention volontaire :

2. Considérant que M. A...et M.F..., anciens salariés au sein de l’établissement d’Ambarès concerné par le litige, ont intérêt au maintien de la décision en litige ; qu’ainsi, leur intervention volontaire est recevable ;

Sur l’étendue du litige :

3. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 : « I. - Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci- dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; (…) »;

4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les arrêtés interministériels fixant la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs, et les périodes concernées, sont susceptibles de faire l’objet de modifications ; que de telles modifications ne peuvent être regardées ni comme un retrait ni comme une abrogation des arrêtés ainsi modifiés ; qu’il en résulte que l’arrêté en litige du 6 février 2013 ne peut être regardé, ni comme un retrait, ni comme une abrogation de l’arrêté du 25 avril 2012, mais seulement comme une modification de celui-ci, ayant pour seul objet d’étendre l’inscription du site à la période 1994-1996 et aux sociétés Casco Nobel Industrie, devenue Casco Industrie, puis Casco ; que l’arrêté du 25 avril 2012, annulé par un jugement du tribunal de céans n°1202165 du 17 octobre 2013 devenu définitif, a disparu de l’ordonnancement juridique ; que, dès lors, les conclusions de la requête ne peuvent être regardées que comme tendant à l’annulation de ces seules modifications ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la

publication de la décision attaquée », et qu’aux termes du V bis de l’article 41 de la loi du 23 décembre 2008 : « L'inscription des établissements ou des ports visés au I sur la liste donnant droit aux salariés à bénéficier d'une cessation anticipée d'activité et de l'allocation correspondante ou la modification d'une telle inscription ne peut intervenir qu'après information de l'employeur concerné. (…) » ;

6. Considérant que l’arrêté par lequel les ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget inscrivent un établissement industriel sur la liste de ceux dont les salariés ont vocation à bénéficier de l’allocation de cessation anticipée d’une activité de l’amiante ne constitue pas une décision réglementaire et ne présente pas davantage le caractère d’une décision administrative individuelle ; que, par suite, et en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu’une telle décision doive être notifiée, le délai de recours à son encontre court à compter de sa publication ; que les dispositions précitées du V bis de l’article 41 de la loi du 23 décembre 2008 ne prévoient une telle obligation de notification qu’à l’égard de l’employeur concerné ;

7.Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que sur la période 1994-1996 concernée par l’arrêté attaqué, les différentes sociétés aux droits desquelles vient la société Yara France avaient définitivement cessé toute activité sur le site d’Ambarès ; qu’en effet, l’activité de production d’engrais industriels avait définitivement cessé sur ce site en 1992, et l’activité de production de colles et formol avait été cédée, en 1994, à la société Casco Nobel Industrie, devenue Casco Industrie, puis Casco, le site ayant finalement été racheté en 2006 par la société Foresa France ; que dans ces conditions, la société Yara France ne peut être regardée comme étant, au sens des dispositions précitées, l’employeur concerné par les modifications faisant l’objet de l’arrêté en litige ; qu’en l’absence de mesure de notification particulière à son égard, le délai de recours contentieux a commencé à courir à compter de sa publication au Journal officiel de la République française le 15 février 2013 ; que, par suite, la requête, enregistrée au greffe du tribunal le 30 mars 2015, a été présentée après l’expiration du délai de deux mois fixé à l’article R. 421-1 précité du code de justice administrative ; qu’il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, tirée de la tardiveté des conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 6 février 2013, doit être accueillie ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens soulevés, que la société Yara France n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté interministériel du 6 février 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame la société Yara France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’elles font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Yara France la somme que réclament M. A...et M. F...au même titre, ces derniers n’ayant pas la qualité de parties à l’instance ;

D E C I D E :

Article 1er : L’intervention volontaire de M. A...et M. F...est admise. Article 2 : La requête de la société Yara France est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...et M. F...au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Yara France, au ministre du travail, de l'emploi, et du dialogue social, à M. B... F..., et à M. D...A....