Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2014, et deux mémoires, enregistrés le 26 novembre 2014 et le 20 octobre 2015, la société à responsabilité limitée (SARL) Ville, représentée par Me Rousseau, demande au tribunal :

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté rectifié du 17 juillet 2014 par lequel le maire de Lanton a retiré la décision tacite née le 19 juin 2014 de non-opposition à sa déclaration préalable de travaux pour l’adjonction d’un store déroulant démontable sur pieds en façade sud de son restaurant situé allée Jacques Cartier ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lanton la somme de 3 500 € au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre 2015 et le 6 janvier 2016, la commune de Lanton, représentée par le cabinet Noyer-Cazcarra, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 500 € soit mise à la charge de la SARL Ville au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 2 mars 2016, la clôture de l’instruction a été fixée au 21 mars 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : le code de l’urbanisme ; le code de l’environnement ; le code général des collectivités territoriales ; la loi n° 2000 321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : le rapport de M. Naud, premier conseiller ; les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public ; les observations de Me Franceschini, pour la SARL Ville ; les observations de Me Guédon, pour la commune de Lanton.

1.Considérant que le 18 avril 2014, la SARL Ville a déposé une déclaration préalable de travaux pour régulariser l’adjonction d’un store déroulant démontable sur pieds, sur la façade sud d’un immeuble à usage de restaurant situé allée Jacques Cartier à Lanton ; que par arrêté du 17 juillet 2014, le maire de cette commune a retiré la décision tacite de non-opposition née du silence gardé sur cette déclaration préalable ; que la SARL Ville demande l’annulation de cet arrêté de retrait ;

2.Considérant qu’il convient de relever que la décision du 30 mai 2014 par laquelle le maire de Lanton a fait opposition à une autre déclaration préalable de travaux déposée par la SARL Ville le 4 avril 2014 pour la réalisation d’une annexe à usage de stockage sur la façade ouest du même immeuble à usage de restaurant, fait l’objet du jugement n° 1403754 du même jour ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3.Considérant qu’aux termes de l’article L. 424 5 du code de l’urbanisme : « La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire » ;

En ce qui concerne la compétence du signataire de l’acte :

4.Considérant qu’aux termes de l’article L. 2122 18 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 2131 1 du même code : « Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 2131 2 du même code : « Sont soumis aux dispositions de l’article L. 2131 1 les actes suivants : (…) 3° Les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales (…) qui relèvent de leur compétence en application de la loi (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 2122 7 du même code : « La publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée du maire. / (…) / L’inscription par ordre de date des arrêtés, actes de publication et de notification a lieu sur le registre de la mairie ou sur un registre propre aux actes du maire, tenu dans les conditions prévues à l’article R. 2121 9 » ;

5.Considérant qu’il résulte des dispositions précitées des articles L. 2131 1 et R. 2122 7 du code général des collectivités territoriales que la mention, apposée sous la responsabilité du maire, certifiant qu’un acte communal a été publié, fait foi jusqu’à preuve du contraire ; que, par suite, la seule circonstance que la réalité de la publication d’un acte comportant une telle mention soit contestée devant le juge ne suffit pas, faute de preuve, à regarder cet acte comme n’ayant pas été publié ;

6.Considérant que M. B... A..., adjoint du maire, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d’une délégation du maire de Lanton en date du 2 juin 2014, produite en défense, à l’effet de remplir les fonctions notamment de délégué à l’urbanisme en charge de la signature, en particulier, des décisions relatives aux déclarations préalables de travaux, en cas d’absence ou d’empêchement du maire ; que le maire atteste qu’elle était effectivement absente ou empêchée à la date de l’arrêté attaqué ; que le maire certifie aussi, par attestation du 22 décembre 2015, que la délégation du 2 juin 2014 a été régulièrement affichée, ce qui constituait une forme de publicité suffisante ; que la délégation a également été publiée au recueil des actes administratifs de la commune du 15 juillet 2014 ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte manque en fait ;

En ce qui concerne la procédure contradictoire préalable :

7.Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79 587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’autorité administrative n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. / (…) » ;

8.Considérant que si les dispositions de l’article 24 de la loi n° 2000 321 du 12 avril 2000 impliquent que l’intéressé ait été averti de la mesure que l’administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde et qu’il bénéficie d’un délai suffisant pour présenter ses observations, elles n’imposent pas à l’administration d’informer l’intéressé de sa faculté de présenter des observations écrites ;

9.Considérant qu’aux termes de l’article R. 425 30 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l’article L. 341 1 du code de l’environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. / La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l’architecte des Bâtiments de France » ; qu’aux termes de l’article L. 341 1 du code de l’environnement : « Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. / (…) / L’inscription entraîne, sur les terrains compris dans les limites fixées par l’arrêté, l’obligation pour les intéressés de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d’exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d’entretien normal en ce qui concerne les constructions sans avoir avisé, quatre mois d’avance, l’administration de leur intention » ;

10.Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que par courrier du 13 juin 2014, le maire de Lanton a informé la SARL Ville de son intention de retirer la décision tacite de non-opposition à sa déclaration préalable déposée le 18 avril 2014 et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai de huit jours ; que compte tenu de la teneur de ce courrier, le maire de Lanton doit être regardé comme ayant seulement averti la SARL Ville d’un motif unique de retrait faisant suite à l’avis défavorable émis par l’architecte des bâtiments de France le 28 mai 2014 consulté en application de l’article R. 425 30 du code de l’urbanisme ; que contrairement à ce que fait valoir la commune, la seule mention que « en conséquence, le projet nécessite une réinstruction du dossier au regard du plan d’occupation des sols approuvé le 27/03/2000 et notamment en zone ND » ne constituait pas un avertissement suffisant concernant un second motif de retrait tiré de la méconnaissance de l’article ND 1 du règlement du plan d’occupation des sols ; qu’une telle circonstance faisait seulement obstacle à ce que le maire puisse retenir un tel motif de retrait dans l’arrêté attaqué, mais ne constitue pas une méconnaissance de la procédure contradictoire préalable, dans la mesure où la société pétitionnaire a effectivement été avertie d’au moins un motif susceptible de fonder le retrait ; que, par ailleurs, si en dépit de la demande de la SARL Ville, le procès-verbal d’infraction du 3 avril 2014 et l’avis de l’architecte des bâtiments de France du 28 mai 2014, dont il n’est pas contesté qu’ils n’étaient pas joints au courrier du 13 juin 2014, ne lui ont pas été communiqués, il ressort des dispositions précitées de l’article R. 425 30 du code de l’urbanisme que l’avis de l’architecte des bâtiments de France n’est pas un avis à caractère conforme que le maire serait tenu de suivre, d’une part, et le sens défavorable de cet avis et le fondement de la saisine de l’architecte des bâtiments de France, à savoir que le projet est situé dans un site inscrit au titre de l’article L. 341 1 du code de l’environnement, étaient indiqués dans le courrier du 13 juin 2014, d’autre part ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté ;

En ce qui concerne la date de naissance de la décision tacite de non-opposition :

11. Considérant qu’aux termes de l’article R. 423 23 du code de l’urbanisme : « Le délai d’instruction de droit commun est de : a) Un mois pour les déclarations préalables (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 424 1 du même code alors en vigueur : « À défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l’autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (…) » ;

12.Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable en litige a été déposée le 18 avril 2014 ; qu’il est constant que la lettre du 12 mai 2014 par laquelle le maire de Lanton a informé la SARL Ville que le délai d’instruction était porté à deux mois, compte tenu de l’obligation de consulter l’architecte des bâtiments de France, ne lui a été notifiée que le 22 mai 2014, soit postérieurement à l’expiration du délai de droit commun d’un mois, qui n’est pas un délai franc ; qu’ainsi, une décision tacite de non-opposition était née le 18 mai 2014 ; que si l’arrêté attaqué de retrait du 17 juillet 2014 indique que cette décision est née le 12 juin 2014, puis après rectification le 19 juin 2014, une telle erreur s’avère, pour autant, sans incidence sur sa légalité, dans la mesure où elle n’a pas été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise et qu’elle n’a pas privé la SARL Ville d’une garantie ;

En ce qui concerne les motifs de retrait :

13. Considérant que comme il vient d’être indiqué au point 10, le maire de Lanton n’avait pas averti la SARL Ville du motif tiré de la méconnaissance de l’article ND 1 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune, ce qui faisait obstacle à ce qu’il puisse se fonder sur un tel motif pour procéder au retrait de la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable déposée le 18 avril 2014 ; que, dès lors, ce premier motif ne saurait être retenu ;

14.Considérant, toutefois, que le maire de Lanton s’est fondé sur un autre motif tiré de l’atteinte portée par le projet au site du “Bois de pins entourant la plage de Taussat-les-Bains”, site inscrit au titre de l’article L. 341 1 du code de l’environnement en vertu d’un arrêté ministériel du 16 septembre 1942 ; qu’il ne ressort pas des termes de l’arrêté attaqué que le maire se serait cru lié par l’avis défavorable émis par l’architecte des bâtiments de France, dont il a certes repris la motivation, mais seulement après avoir estimé que « le projet est de nature à porter atteinte à l’état des lieux ou à leur aspect » ; que si l’architecte des bâtiments de France a fondé son avis sur l’insuffisance du traitement architectural du store projeté par rapport au bâtiment auquel il est adossé, il ressort des pièces du dossier que l’immeuble en cause fait partie intégrante du site inscrit et qu’il se situe sur le domaine public maritime à l’extrémité du port de Fontaine Vieille, en bordure immédiate du bassin d’Arcachon ; qu’un tel aménagement d’une surface de 72 m2, qui vise seulement à améliorer le confort des clients du restaurant exploité dans le bâtiment, s’avère ainsi particulièrement visible depuis le port et surtout la plage, sans pour autant qu’un soin particulier soit apporté à son insertion vis-à-vis de la construction qu’il complète, notamment du fait des montants en aluminium sur lesquels la bâche repose ; que, dans ces conditions, le projet de la SARL Ville porte atteinte au site dans le périmètre duquel il s’inscrit et est donc irrégulier ; que, dès lors, le maire de Lanton n’a pas commis d’erreur d’appréciation en retenant ce motif de retrait ;

15.Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et sans qu’il soit besoin d’examiner la substitution de motifs sollicitée par la commune, que le maire de Lanton aurait pris la même décision s’il s’était fondé seulement sur ce motif pour retirer la décision tacite de non-opposition obtenue par la SARL Ville ;

16.Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Ville n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté du maire de Lanton en date du 17 juillet 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative :

17.Considérant que les dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lanton, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Ville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL Ville la somme de 1 200 € au profit de la commune de Lanton au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ville est rejetée.

Article 2 : La SARL Ville versera à la commune de Lanton la somme de 1 200 € en application des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Ville et à la commune de Lanton.