Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 22 mai, 5 et 11 juin 2015, sous le n° 1502302, la Société Dépannage Automobile H...et K..., Mme H..., M. G..., M.A..., Mme E..., représentés par Me Ferre et Blanchard, demandent au juge du référé sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

- d'enjoindre à l'Etat de communiquer les motifs détaillés du rejet de l’offre et les caractéristiques et avantages relatifs aux offres retenues dans un délai de 5 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de surseoir à statuer jusqu’à ce que l’Etat se conforme à cette injonction dans le délai imparti ;

- d’ordonner la suspension des contrats relatifs au secteur n° 3 portant sur la délivrance d’un agrément préfectoral pour le « dépannage et le remorquage des véhicules légers sur les autoroutes non concédées et voies rapides du département de la Gironde » conclus entre l'Etat et la société M..., la société D…., la société DNS, la société N... et fils et les arrêtés préfectoraux confirmant l'octroi d'un agrément au profit de ces sociétés ;

- de condamner l’État à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- La société H...s'est portée candidate à la procédure de passation de la délégation de service public portant sur la délivrance d'un agrément préfectoral pour le dépannage et le remorquage des véhicules légers sur les autoroutes non concédées et les voies rapides du département de la Gironde organisée par l’État sur le secteur 3, mais n'a pas été retenue et a déposé un référé précontractuel le 23 avril 2015 compte tenu des nombreux manquements constatés mais les contrats ont été signés par l’État avant de notifier le rejet des offres ce qui a entrainé le rejet de sa requête en référé ; elle a sollicité la communication des informations relatives au rejet de son offre le 27 avril 2015 ainsi que les différents documents relatifs à la procédure de publicité et de mise en concurrence mais en vain ; elle a saisi le juge sur le fondement de la jurisprudence Tarn-et-Garonne d'une demande d'annulation ou de résiliation des contrats relatifs au secteur n° 3 ; elle a saisi la CADA pour obtenir l’ensemble des pièces demandées ; - les salariés de la société H... ont décidé de s’associer au référé suspension en qualité de parties, compte tenu des conséquences gravement préjudiciables de l’éviction de celle-ci, sur leur situation personnelle ; - les contrats administratifs constituent une décision administrative et peuvent faire l'objet d'un recours en suspension dès lors qu'ils font l'objet d'une requête en annulation ; les contrats litigieux portent sur l'exécution d'une mission de service public et sont des contrats administratifs ; - la condition d'urgence est remplie, les conventions litigieuses provoquant des conséquences graves et immédiates sur sa situation économique dès lors qu'elle était la précédente attributaire et que sa survie est compromise ; elle sera privée de plus de la moitié de son chiffre d'affaires, ce qui affectera également ses autres activités développées grâce à ses interventions de dépannage sur le secteur n° 3 ; elle justifie du nombre d’interventions effectuées en 2014 qui correspondent à 345 appels alors que la DIRA ne produit pas le registre d’appels du secteur n° 3 ; les interventions ne se limitent pas à la facturation du dépannage mais entrainent d’autres prestations non couvertes par le tarif réglementé à l’origine d’un important chiffre d’affaires ; la survie de l'entreprise est compromise, ainsi qu'elle en justifie au niveau comptable, ce qui entrainera des suppressions d'emploi et de graves difficultés financières pour la gérante de la société ; l'urgence est démontrée du fait qu’elle n’a pu saisir utilement le juge des référés précontractuels, l’État ayant délibérément choisi de signer les contrats avant de notifier aux candidats évincés le rejet de leur offre, alors qu’elle avait une chance sérieuse d’obtenir le contrat ; - la conclusion de la délégation de service public avant notification de la décision de rejet de l’offre aux candidats évincés porte une atteinte grave et immédiate à un intérêt public et méconnait les principes généraux de la commande publique et le droit à un recours effectif justifiant que l’urgence soit retenue et est de nature à faire naitre un doute sérieux sur leur légalité ; - le principe d’impartialité et d’égalité de traitement a été méconnu par le pouvoir adjudicateur dès lors qu’a siégé le 21 avril 2015 au sein de la commission départementale pour l’organisation et le dépannage et remorquage des véhicules légers sur voie rapide, chargée de donner son avis au préfet, M. J... en qualité de président de l’association des dépanneurs automobiles de France, qu’il a participé à l’ouverture des plis le 17 mars 2015 alors que son entreprise DNS a présenté une offre pour l’attribution du secteur n° 3 et a été déclarée attributaire des secteurs n° 2 et 3 ; M. J...a participé aux réunions de préparation de la procédure de passation les 14 octobre, 12 novembre et 9 décembre 2014 et 13 et 22 janvier 2015 ; l’égalité de traitement des candidats a donc été méconnue d’autant qu’elle est arrivée en 5ème position derrière DNS ; d’autres dirigeants de sociétés candidates ont également participé à la réunion de la commission tels le dirigeant de Renault Cap Services, et le dirigeant du garage Bernard ; M. M...a participé aux réunions des 14 octobre, 9 décembre 2014 et 13 janvier 2015 ; les réunions de préparation ont porté sur la révision du cahier des charges et le redécoupage des secteurs d’intervention ainsi que le projet de tableau fixant les modalités d’évaluation des candidatures, les pièces constitutives de l’appel à candidature ; l’État ne justifie pas avoir vérifié l’absence d’éventuels conflits d’intérêts pour y remédier ; l’État ne démontre pas que la participation de MM. J...et M...à la préparation de la procédure n’a pas eu pour effet de méconnaitre le principe d’impartialité et d’égalité de traitement ; l’absence de pouvoir décisionnaire de la commission départementale est sans incidence sur la violation du principe d’impartialité ; - les décisions d’attributions des contrats correspondant au secteur n° 3 sont entachées d’incompétence dès lors qu’elles émanent de la commission et non du préfet qui s’en est remis à l’appréciation de cette instance purement consultative ainsi qu’il ressort des termes des courriers de rejet des offres ; l’État ne produit pas de pièce montrant que la décision a été prise par l’autorité compétente ; - la notation des nombreux sous-critères laisse place à une appréciation subjective des offres ; - l’État ne justifie pas que la participation de M. J...à la réunion de la commission départementale pour l’organisation du dépannage et à la séance d’ouverture des plis le 17 mars 2015 n’a pas eu pour effet de violer l’impartialité de la procédure ; - les critères intitulés « capacité, organisation et performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise » et « équipement, installations et gestion environnementale de l'entreprise » sont insuffisamment précis, leur contenu n'étant pas défini, ce qui laisse une liberté de choix discrétionnaire à l’État dans leur mise en œuvre, biaise les conditions d’élaboration et d’examen des offres ; une telle irrégularité l'a nécessairement lésée puisque ces deux critères représentent ensemble 60 % de la notation finale et qu’elle a obtenu de mauvaises notes aux deux critères ; l’article 5.2 du cahier des charges ne définit pas le critère n° 2 ; le tableau de notation démontre que l’État a pris en compte des éléments sans lien avec la protection de l’environnement pour évaluer le critère « équipement, installations et gestion environnementale de l’entreprise » ; l’autorité délégante doit préciser le contenu des critères même si elle n’est pas tenue d’annoncer leur pondération ; - le critère de sélection des offres intitulé « localisation géographique (adresse du garage) du candidat » pondéré à hauteur de 35 % a été irrégulièrement mis en œuvre dès lors qu’elle a été classée deuxième alors que son garage est le plus proche du point d’entrée sur le secteur n° 3 et qu’elle n’a obtenu que 1 400 points comme des sociétés beaucoup plus éloignées des points d’entrée et de sortie ; son garage est situé à seulement 11,5 km du point le plus éloigné du secteur n° 3 et non 22 km comme le soutient l’État ; l’État n’a pas pris en compte l’échangeur n° 25 comme il le soutient mais une adresse erronée ce qui a favorisé les garages DNS et M.... à son détriment ; elle aurait dû obtenir 24 points à ce critère et serait alors arrivée en quatrième position ; - les modalités de notation du critère « prestation de l’entreprise (tarifs) » méconnaissent le principe d’égalité de traitement entre les candidats dès lors qu’elles sont attribuées en considération du rang et non en fonction de l’importance des écarts de prix et méconnaissent la valeur intrinsèque des offres ; l’objet du contrat ne se limite pas aux tarifs liés au dépannage sur l’autoroute mais à d’autres prestations de réparation et de gardiennage ; - pour l’appréciation des critères n° 2, 3 et 4, l’État a recouru de façon occulte à des sous-critères pondérés et la pondération a varié de façon très importante entre ces différents sous-critères ; ces sous-critères, eux-mêmes décomposés en sous-critères de second rang pondérés, n’ont pas été annoncés dans le dossier de consultation des entreprises ; - l’analyse des offres est entachée d’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la mise en œuvre du critère de « localisation du garage » ; - il appartient à l’État de produire les motifs détaillés du rejet de son offre et les caractéristiques et avantages des offres retenues ; le tableau de notation ne comporte aucune explication des notes notamment les explications figurant dans les mémoires en défense du préfet ; il existe donc un document d’analyse où les justifications ont été apportées pour les besoins de la cause ; l’absence d’un tel document justifie la suspension des contrats dès lors que le pouvoir adjudicateur doit être en mesure de justifier les notes attribuées aux candidats sur les éléments d’appréciation qui impliquent un jugement de valeur ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 et 9 juin 2015, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- les conclusions à fin d’injonction sont devenues sans objet dès lors que les documents demandés ont été transmis à la requérante ; le tableau d'analyse des offres traduit les caractéristiques des différentes offres et l'explication des notes attribuées ; les comptes rendus de visite des lieux par les forces de l'ordre et les grilles d'évaluation des candidats ne font que confirmer ces appréciations ; elle ne dispose d'aucun autre document au titre de l'analyse des offres ; les requérants ne précisent pas quelles pièces seraient manquantes ; - la condition d’urgence n’est pas remplie ; la circonstance que la société ait bénéficié d’un agrément pour le secteur 3 ne lui ouvre pas droit au renouvellement automatique de cet agrément pour exercer l’activité de dépannage ; les analyses du chiffre d’affaires pour 2014 sont surévaluées et inexactes, l’activité de dépannage de la société ne se limitant pas aux seules interventions sur le secteur 3 ; il ressort que le relevé des interventions des dépanneurs agréés mentionne 276 interventions et non 331 comme invoqué ; les tableaux produits par la requérante ne permettent pas de distinguer les montants d’interventions résultant strictement de l’agrément ; qu’au regard du coût moyen d’une intervention, le chiffre d’affaires correspondant à l’agrément représente 13 % seulement du chiffre d’affaires annuel déclaré en 2014 ; - s’agissant de la passation d’une délégation de service public, elle n’était pas tenue de notifier le rejet de l’offre préalablement à la signature du contrat ni de respecter un délai avant cette signature ; elle devait assurer la continuité du service pour la sécurité des usagers et des intervenants sur le réseau routier national dès le 5 mai 2015 date d’entrée en vigueur des nouveaux agréments ; il n’y a donc pas d’atteinte grave et immédiate à un intérêt public ; - la procédure n’est pas entachée de partialité, la composition de la commission d’agrément étant fixée par arrêté préfectoral du 22 janvier 2015, non nominatif, et comprenant des représentants de l’administration, des organismes professionnels, des représentants des usagers et des assistants techniques associés ; la requérante est membre d’un organisme professionnel représenté dans la commission ; la commission est consultative et n’a exercé aucun pouvoir décisionnaire qui appartient au seul préfet ; l'objectif de cette commission est d'assurer une parfaite transparence de la procédure d'agrément notamment vis-à-vis des professionnels : la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes et les forces de l'ordre sont membres de cette commission ; la commission a donc travaillé en toute impartialité et transparence notamment dans le but d'améliorer la sécurité et le service rendu aux usagers ; la mise en place d’un groupe de travail ayant donné lieu à plusieurs réunions en vue de préparer la mise en concurrence 2015 a été instituée par la commission le 13 juin 2014 ; - l’analyse des offres a été effectuée par les seuls services de la DIRA au regard des éléments figurant dans les offres et des visites de contrôle des locaux et installations des candidats effectuées avec les forces de l'ordre ; aucun représentant des organismes professionnels membres de la commission n'a participé à l'analyse et au classement des offres ; les résultats de cette analyse ont simplement été présentés à cette commission le 21 avril 2015, laquelle s'est bornée à émettre un avis favorable ; - les décisions de signature des contrats ont été prises exclusivement par le directeur interdépartemental des routes Atlantique et non par la commission, sur la base de considérations objectives ; il n'y a donc pas eu rupture de l'égalité entre les candidats ; - s'agissant d'une délégation de service public, elle était seulement tenue de communiquer aux candidats les critères de sélection et non les modalités de mise en œuvre de ceux-ci ; - l'article 10 du règlement de consultation énonce clairement que le contrat est attribué à l'offre économiquement la plus avantageuse en fonction des critères non discriminatoires précisément annoncés liés à l'objet du contrat ainsi que leur pondération ; - s'agissant du critère « capacité organisation et performance des moyens mis en œuvre par l'entreprise » l'article 5-2 du cahier des charges précise les conditions techniques attendues ; - s'agissant du critère « équipement, installation et gestion environnementale de l'entreprise » l'article 10 du règlement de consultation et l'article 5-2 du cahier des charges apporte des précisions sur les attentes de la collectivité ; - s'agissant du critère « prestation de l'entreprise (tarifs) » pondéré à 5 %, il est jugé essentiellement à travers la transparence d'affichage et la présentation des tarifs et accessoirement la politique des prix pratiqués par le dépanneur pour les prestations ne relevant pas de la délégation ; même avec une note maximale à ce critère la requérante aurait conservé la dernière place du classement ; les seules opérations de dépannage dont le bénéficiaire de l’agrément a l’exclusivité sont rémunérées par un prix forfaitaire fixé par arrêté ; le prix des autres prestations n’est donc pas un élément contractuel et ne peut constituer un élément substantiel de sélection des offres ce qui justifie la faible pondération appliquée à ce critère ; - la mise en œuvre du critère géographique s'est faite selon le calcul des temps d'approche du garage au point le plus proche du secteur et au point le plus éloigné du secteur calculé de manière identique pour tous les candidats avec un barème de notation allant de 0 à 24 ; la société qui a obtenu 40 sur 48 et a été classée en deuxième position ne peut soutenir avoir été lésée ; - la note de 1/2 attribuée au titre du sous-critère « organisation accueil de nuit » est justifiée par l'aménagement d'un local sommaire non isolé du garage faisant obstacle à ce que les usagers accueillis la nuit restent seuls et rendant indisponible le chauffeur pour d'autres interventions ; - la situation du garage de la requérante en zone pavillonnaire, entrainant des nuisances en cas d'intervention de nuit, ainsi que des problèmes de voisinage du fait de stationnement sur le domaine public, a été prise en compte pour l'appréciation du sous-critère « intégration environnementale » ; - le sous-critère relatif à la propreté et au rangement de l'espace d'attente a été noté « satisfaisant » compte tenu de la configuration des lieux nécessitant de traverser le garage pour accéder aux sanitaires ; - le sous-critère « véhicule spécialisé transport deux roues » a pour objet de valoriser les sociétés disposant de véhicules spécialisés apportant un service supplémentaire aux usagers notamment aux deux roues ; seule une société a obtenu la note de 6, les autres ont obtenu la note de 0 ;

Vu la requête n°1502258, enregistrée au tribunal le 20 mai 2015, par laquelle la Société Dépannage Automobile H...et K... conteste la validité des contrats relatifs au secteur n° 3 portant sur la délivrance d'un agrément préfectoral pour le « dépannage et le remorquage des véhicules légers sur les autoroutes non concédées et voies rapides du département de la Gironde » conclus entre l'Etat et les sociétés M..., D…., DNS, et N... et fils et des arrêtés préfectoraux confirmant l'octroi d'un agrément au profit de ces sociétés ;

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Balzamo, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé ;

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme Balzamo, juge des référés,

- les observations de Me Ferre et Me Blanchard pour la société Dépannage Automobile H...et K..., Mme H..., M.G..., M.A..., Mme E..., qui reprennent les termes de leurs mémoires ;

- les observations de M. C...pour le préfet de la Gironde qui reprend les termes de ses mémoires ;

L’instruction a été déclarée close à l’issue de l’audience.

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) » et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) » ;

2. Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ;

3. Considérant que la Société Dépannage Automobile H...et K..., Mme H..., gérante de cette société, M.G..., M.A..., Mme E..., salariés de cette société, demandent la suspension de l’exécution des contrats relatifs au secteur n° 3 portant sur la délivrance d'un agrément préfectoral pour le « dépannage et le remorquage des véhicules légers sur les autoroutes non concédées et voies rapides du département de la Gironde » conclus entre l'Etat et les sociétés M..., D…., DNS, et N... et fils et des arrêtés préfectoraux confirmant l'octroi d'un agrément au profit de ces sociétés ;

Sur l'urgence :

4. Considérant que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée, fût-elle de rejet, préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de cette décision sur sa situation ou, le cas échéant, des autres personnes concernées, sont de nature à caractériser, à la date à laquelle il statue, une urgence justifiant que, sans attendre le jugement du recours au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ; qu’il lui appartient également, l’urgence s’appréciant objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, de prendre en considération tous les éléments qui, eu égard notamment à l’argumentation des parties, permettent d’établir si, d’une part, l’exécution de l’acte en cause est de nature à entraîner un préjudice personnel important pour le requérant, d’autre part, sa suspension serait susceptible de porter une atteinte grave en particulier à un intérêt public ;

5. Considérant que la société de Dépannage Automobile H...et K..., dont il n'est pas contesté qu'elle était titulaire depuis de nombreuses années d'un agrément préfectoral pour assurer le dépannage et le remorquage des véhicules sur le secteur n° 3, justifie par la production de relevés d'interventions mensuelles pour 2014, dont le caractère erroné n'est pas établi, de documents comptables et d'une attestation de son expert-comptable que l'activité de son garage liée à la détention dudit agrément représente environ 50 % de son chiffre d'affaires total pour l'année 2014 ; qu'elle produit par ailleurs une analyse effectuée par son expert-comptable attestant que la perte de chiffre d'affaires correspondant à l'activité de dépannage et remorquage liée à la détention de l'agrément, évaluée à 130 000 euros, compromet à court terme la pérennité de l'entreprise ainsi que des emplois qui y sont attachés, compte tenu de la marge importante dégagée par cette activité qui permet l'absorption des charges de l'entreprise ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette société puisse obtenir un autre agrément ou contrat susceptible de compenser en tout ou en partie la non attribution du contrat en litige ; qu'enfin, le préfet de la région Aquitaine n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la suspension de l’exécution du contrat en cause serait de nature à préjudicier de manière excessive au fonctionnement du service public du dépannage sur la portion de réseau routier national non concédé concernée ; qu'ainsi, dans les circonstances de l’espèce, les requérants justifient d’une situation d’urgence ;

Sur le doute sérieux :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du courrier de rejet de l'offre adressé par l'Etat à la société Dépannage Automobile H...et K... le 23 avril 2015, sa « candidature n'a pas été retenue par la commission réunie le 21 avril » ; qu'eu égard aux dispositions de l'arrêté du préfet de la Gironde du 22 janvier 2015 qui prévoient que la commission départementale d'agrément des dépanneurs n'a qu'un rôle consultatif, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision d'attribution des contrats et agréments en litige, parait propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des contrats et des décisions en litige ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté par l'Etat, que les dirigeants des sociétés de dépannage M... et DNS, candidats aux contrats en cause et qui se sont d'ailleurs vu attribuer un agrément notamment pour le secteur n° 3, ont participé aux différentes réunions du groupe de travail constitué par l'Etat, et chargé de la révision du cahier des charges, du règlement de consultation, du périmètre des secteurs d'intervention ainsi que de la validation des critères de choix, des modalités de leur évaluation et de leur notation pour l'appréciation des offres ; que ces dirigeants, personnellement intéressés à la procédure en litige, ont également participé à la commission d'ouverture des plis du 17 mars 2015 ainsi qu'à la réunion de la commission de dépannage du 21 avril 2015 dont l'objet était d'établir la liste d'agrément des dépanneurs ; qu'il n'est pas établi que leur présence serait demeurée sans influence sur les délibérations de la commission départementale ; qu'il résulte de ces éléments, alors même comme le soutient l'Etat que ces personnes auraient participé à ces réunions en qualité de représentants d'organismes professionnels, que les moyens tirés de la méconnaissance des principes d'impartialité et d'égalité de traitement des candidats paraissent propres en l'état de l'instruction à créer un doute sérieux quant à la régularité des contrats et décisions en litige ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution des contrats relatifs au secteur n° 3 portant sur la délivrance d'un agrément préfectoral pour le « dépannage et le remorquage des véhicules légers sur les autoroutes non concédées et voies rapides du département de la Gironde » que l'Etat a conclu avec les sociétés M..., la société D…., la société DNS, la société N... et fils et des arrêtés préfectoraux confirmant l'octroi d'un agrément au profit de ces sociétés ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ;

ORDONNE

Article 1er : L'exécution des contrats relatifs au secteur n° 3 portant sur la délivrance d'un agrément préfectoral pour le « dépannage et le remorquage des véhicules légers sur les autoroutes non concédées et voies rapides du département de la Gironde » conclus entre l'Etat et la société M..., la société D…., la société DNS, la société N... et fils et des arrêtés préfectoraux confirmant l'octroi d'un agrément au profit de ces sociétés, est suspendue.

Article 2 : L'Etat versera à la Société Dépannage Automobile H...et K..., Mme H..., M.G..., M.A..., Mme E... une somme globale de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Société Dépannage Automobile H...et K..., Mme H..., M.G..., M.A..., Mme E..., au préfet de la Gironde, à la société M..., société N... Auto Citroën, société D…. et société Dépannage Nord Sud.