Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2013, présentée pour la société en nom collectif (SNC) SIBLU, dont le siège est situé 10, rue Léonard de Vinci à Pessac (33600), par Me M… et Me P… ; la SNC SIBLU demande au tribunal :

- d’augmenter le déficit reportable au titre de l’exercice 2007 à hauteur d’un montant de 634 274 euros ;

- de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en application de l’article 212- I du code général des impôts et de la doctrine BOI 4 H-8-07 n° 27, 28 et 29, elle doit être autorisée à déduire les intérêts des sommes qui ont été mises à sa disposition à titre d’avances par les sociétés Siblu Finance Ltd et Siblu Holdings Ltd au taux de 8,2803 % et non de 6,61 % comme l’a retenu l’administration ; l’administration ne peut lui opposer, sur ce point, l’absence d’offre de prêt qui ne constitue qu’un mode de preuve possible du montant du taux d’intérêt servi au sens de cette doctrine ;

- d’une part, les caractéristiques de ces avances correspondent bien à celles du marché ; elles lui ont été alloués au taux moyen de 8,2803 %, en application de « l’intra group funding agreement » aux mêmes modalités et au même taux que les sommes mises à la disposition des deux sociétés prêteuses par la banque Barclays dans le cadre du contrat de financement de type « leverage buy out » dit LBO qui les lie ; les publications professionnelles démontrent que les taux obtenus dans le cadre de ce contrat de financement correspondent à ceux pratiqués en moyenne sur cette période pour le même type d’opération ;

- d’autre part, sa situation propre ne lui permettait pas d’emprunter directement ces sommes auprès d’un établissement financier autre que la banque Barclays dès lors que le contrat « intercreditor-deed » passé avec celle-ci ne lui permettait pas de constituer de nouvelles garanties ni de remettre en cause le caractère prioritaire des créances de cette banque ; en outre, du fait du nantissement de ses biens au profit de la banque Barclays, aucun autre établissement n’aurait accepté de lui prêter des fonds ;

- le taux de 6,61 % retenu par l’administration n’est pas pertinent ; il se base sur le taux d’un prêt qu’elle a pu obtenir auprès de la banque Barclays en 2007 dont les caractéristiques sont différentes de celles des avances en cause, consenties dans le cadre des contrats complexes au sein du groupe Siblu ; la possibilité d’emprunt direct auprès de cette banque est limité au tirage d’une ligne de crédit sur l’emprunt dit « revolving » au sein de la dette senior ; elle n’aurait donc pu obtenir un autre emprunt auprès de cette banque pour financer les montants correspondant aux avances en litige ;

- il est important de noter, par parallélisme, que, dans le cadre de la jurisprudence sur l’acte anormal de gestion, le taux normal de la rémunération des avances de fonds est apprécié par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir auprès d’un établissement financier auprès duquel il placerait ces sommes dans des conditions équivalentes ; chaque catégorie de financement accordée par la banque Barclays au groupe Siblu a un but précis et ces catégories ne sont pas substituables ;

Vu la décision par laquelle la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest a rejeté la réclamation de la SNC SIBLU ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2014, présenté par la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest qui conclut au rejet de la requête ;

Elle fait valoir que :

- le litige est limité à la remise en cause de la somme de 634 274 euros au titre des déficits reportables pour l’exercice 2007 ;

- si le taux moyen de 8, 2803 % appliqué aux avances versées par les sociétés Siblu Holding et Siblu Finance correspond à celui auquel elles ont contracté pour ces sommes auprès de la banque Barclays, ce taux ne saurait s’imposer à la SNC SIBLU qui a obtenu des crédits au taux moyen de 6,61 % auprès de la banque Barclays au titre du même exercice ; la référence à une étude de l’association française des investisseurs en capital ne saurait suffire à démontrer que la société SIBLU aurait pu obtenir un taux similaire auprès d’un organisme de crédit indépendant pour le même type de financement dans des conditions analogues ; elle n’a effectué aucune démarche en ce sens auprès d’un organisme financier qui permettrait de démontrer que ce taux est un taux de marché ; la requérante ne combat donc pas utilement la présomption d’anormalité prévue par l’article 212-I alors qu’elle aurait dû s’assurer, au moment de la conclusion du contrat de prêt en 2004 et de l’accord de financement en 2006, de la cohérence du taux retenu par comparaison avec une offre de prêt auprès d’un établissement de crédit ; - le taux de 6,61 % qu’elle a retenu est plus favorable à la société que le taux de 5,41 % prévu au 31 décembre 2007 par l’article 39-1-3° du code général des impôts ; ce taux, correspondant au coût des lignes de crédit accordées pour un montant de 22 238 125 euros a été considéré comme une rémunération plafond alors même que chaque catégorie de financement serait accordée sous condition ; ce faisant, elle justifie du bien-fondé du taux appliqué aux avances ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mai 2014, présenté pour la SNC SIBLU qui maintient ses précédentes conclusions ;

Elle ajoute que :

- le Conseil d’Etat a jugé que des avances consenties à un taux inférieur au taux de refinancement constituait un acte anormal de gestion ; le taux supporté par la société mère a, dans ce cas, été considéré comme un taux de marché ;

- l’existence d’une offre de prêt à la date à laquelle l’emprunt a été contracté ne constitue qu’une possibilité de preuve prévue par la doctrine, exiger une telle offre reviendrait à ajouter une condition non prévue par l’article 212 du code général des impôts ; elle dispose d’un élément plus pertinent qui est l’existence d’un prêt négocié auprès d’établissements financiers tiers, qui constitue nécessairement un taux de marché ; l’avance consentie est une refacturation exacte du prêt obtenu, ce que ne conteste pas l’administration ; d’ailleurs, si les sociétés Siblu Finance et Siblu Holding appliquaient un taux moindre, elles pourraient être sanctionnées au titre de l’acte anormal de gestion et elles ne pouvaient davantage facturer une marge qui aurait justifié un redressement dans ses propres comptes ; elle n’aurait pu obtenir de meilleures conditions en l’absence de garanties supplémentaires et de capacité financière supérieure ; de plus, la conclusion d’un contrat de financement au Royaume-Uni pour l’ensemble du groupe sur la base de garanties plus larges permettait d’obtenir un meilleur taux, ce que ne dément ni ne conteste l’administration ; enfin, il faut rappeler qu’aucun organisme bancaire ne prêterait à une filiale détenue à 100 % par un groupe qui porte un endettement de type LBO garanti par l’ensemble des actifs de ce groupe ;

- elle produit d’autres références de nature à établir que le taux obtenu dans le cadre du contrat LBO correspond bien au taux du marché au moment de sa conclusion et ne saurait donc être remis en cause ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2014, présenté par la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest qui maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2014 ;

- le rapport de Mme Brouard-Lucas, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me M… pour la SNC SIBLU ;

1. Considérant que la société en nom collectif (SNC) SIBLU, qui a pour activité la prise de participation, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité en 2008 au titre des années 2006 et 2007, à l’issue de laquelle elle a fait l’objet d’une proposition de rectification du fait, notamment, de la remise en cause du caractère déductible d’une fraction des intérêts acquittés sur des avances consenties par des sociétés du groupe auquel elle appartient ; que la réintégration de ces charges dans les résultats de l’exercice 2007, pour un montant de 634 274 euros, a entraîné une diminution en conséquence du déficit reportable au titre de l’impôt sur les sociétés ; que par la présente requête, la SNC SIBLU demande que son déficit reportable au titre de l’exercice 2007 soit augmenté de ce montant ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 212 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date des impositions en litige : « I. - Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 sont déductibles dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l'article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. (…) » ; qu’aux termes de l’article 39 de ce code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (…) notamment : (…) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans.(…) » ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du point 28 de la doctrine du 31 décembre 2007, qui précise les dispositions législatives précitées de l’article 212 du code général des impôts : « Conformément au I de l'article 212, l'entreprise qui souhaite appliquer le mécanisme de preuve contraire doit être en mesure de justifier que le taux servi au titre des avances accordées par une entreprise liée n'est pas excessif par rapport à celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.(…) L'appréciation du caractère analogue s'effectue en tenant compte du taux que l'entreprise bénéficiaire des sommes aurait obtenu en se finançant de façon autonome auprès d'établissements de crédit, compte tenu :- des caractéristiques des avances, telles que le montant mis à sa disposition, le délai de mise à disposition des avances, de l'éventuel risque de change supporté par le prêteur ;- de la situation propre à l'entreprise emprunteuse, telle que son risque de crédit, la notation dont auraient pu bénéficier certains instruments financiers lors de leur émission récente par l'emprunteur.(…) » ;

4. Considérant qu’en application de ces dispositions, la SNC SIBLU a déduit les intérêts acquittés sur des avances faites par la Holding Siblu, société mère du groupe et la société Siblu Finance, autre filiale du groupe, au taux moyen de 8,2803 % soit une somme de 3 145 389 euros ; que l’administration a estimé que seuls les intérêts acquittés dans la limite du taux de 6,61 %, correspondant au taux obtenu par la SNC SIBLU pour une ligne de crédit d’un montant de 22 238 125 euros auprès de la banque Barclays au titre du même exercice, étaient déductibles dans ce cadre, soit une somme de 2 511 115 euros et a réintégré la différence, soit 634 274 euros dans les résultats imposables ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en 2004, des cadres du groupe britannique Siblu ont racheté l’entreprise à son actionnaire principal par le biais d’une holding dans le cadre d’une opération dite d’achat par effet de levier - ou leveraged buy-out (LBO), financée à la fois par des fonds propres et des emprunts de différentes natures ; que le financement en capital a été obtenu auprès d’investisseurs et du groupe bancaire Barclays, les premiers contrats d’emprunt avec cette banque ayant été conclus en 2004 puis renégociés le 15 décembre 2006 ; que, dans le cadre de cet accord global de financement, toutes les sociétés du groupe ont signé les contrats de prêt conclus avec le groupe Barclays pour les différents emprunts ainsi qu’un accord dit « intercreditor deed » avec cette banque qui hiérarchise les modalités de remboursement des emprunts et définit les obligations des signataires ; qu’à cette même date, les sociétés du groupe ont conclu entre elles un accord de financement de groupe intitulé « intra group funding agreement » qui définit les conditions dans lesquelles les filiales peuvent obtenir des avances auprès de la société mère, la Holding Siblu et de la société financière du groupe, la société Siblu Finance, qui portent les dettes du groupe auprès de la Barclays ; que le contrat de dette dite senior négocié avec cette banque prévoyait également la possibilité pour les filiales d’un tirage direct dans la tranche « relvoving », puis à compter du 15 janvier 2007, également dans les tranches dépenses d’investissement et acquisition, dont le montant et les caractéristiques correspondent à ceux définis dans les contrats de prêt initiaux ; qu’il est constant que le taux facturé de 8,2803% pour la rémunération des avances consenties au sein du groupe Siblu correspond au taux moyen auquel ont été signés les différents contrats d’emprunt en capital, soit les dettes dites senior et mezzanine ;

6. Considérant que, pour justifier de la déductibilité des intérêts au taux de 8,2803 %, la société requérante fait valoir que ces avances, qui lui ont été accordées dans le cadre de « l’intra group funding agreement », ont été mises à sa disposition selon les mêmes modalités et au même taux que les sommes mises à la disposition des sociétés prêteuses, la Siblu Holding et la Siblu Finance par la banque Barclays dans le cadre du contrat qui les lie, que la conclusion d’un contrat de financement au Royaume-Uni pour l’ensemble des sociétés du groupe sur la base des garanties offertes par l’ensemble de leurs actifs leur a permis collectivement d’obtenir de meilleurs taux et qu’enfin, les publications professionnelles qu’elle produit montrent que les taux obtenus dans le cadre de ce contrat de financement correspondent à ceux pratiqués en moyenne sur cette période pour le même type d’opérations et constituent donc un taux de marché ; qu’elle ajoute que sa situation propre l’empêchait, en 2007, d’emprunter directement ces sommes auprès d’un établissement financier dès lors que le contrat « intercreditor deed » signé avec la banque Barclays ne lui permettait pas de constituer de nouvelles garanties, ni de remettre en cause le caractère prioritaire des créances de cette banque et que l’ensemble de ses actifs avait été apporté en nantissement du prêt de groupe dans le cadre de l’opération de LBO ; que, d’une part, si l’administration estime que la société ne combat pas la présomption d’anormalité du taux déduit en l’absence de tout élément justifiant d’une démarche auprès d’un organisme financier indépendant et de toute offre de prêt pour des montants équivalents en 2004 ou 2006, date de conclusion du contrat de prêt et de l’accord de financement, elle ne peut exiger une telle offre sans ajouter une condition non prévue par les dispositions précitées de l’article 212 du code général des impôts ; que, d’autre part, l’administration ne démontre pas que la société était en capacité d’obtenir un financement à un taux moins élevé en se bornant à faire état du prêt direct au taux de 6,61% qui lui a été accordé par la banque Barclays, dès lors qu’il ressort des dispositions de l’article 30.2 de l’accord dit de dette senior que ce prêt est en réalité une composante du contrat de prêt initial, dont il ne constitue qu’une modalité d’exercice et non un prêt autonome ; que, dans ces conditions, la SNC SIBLU doit être regardée comme établissant que le taux de 8,2803 % n’est pas excessif par rapport à celui qu’elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ; que, dès lors, elle est fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration a réintégré dans son résultat la somme de 634 274 euros correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés à ce taux et celui versé au taux de 6,61 % ; que, par suite, son déficit reportable au titre de l’exercice 2007 doit être augmenté de ce montant ;

7. Considérant qu’il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre la somme de 1 200 euros à la charge de l’Etat au titre des frais exposés par la SNC SIBLU et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le déficit reportable au titre de l’exercice 2007 de la SNC SIBLU est augmenté de 634 274 euros.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 1 200 euros à la SNC SIBLU en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SNC SIBLU et à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.