Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2011 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, présentée pour la SCI C...D..., dont le siège est ... et la SCI E..., dont le siège est ..., par la SCP Cornille - Pouyanne, avocat au barreau de Bordeaux ; la SCI C...D... et la SCI E... demandent au tribunal :

- d’annuler le titre exécutoire du 9 août 2011 par lequel la communauté urbaine de Bordeaux a mis à la charge de la SCI E..., filiale de la SCI C...D..., la somme de 133 896,57 euros au titre de sa participation pour le raccordement à l’égout ;

- de mettre à la charge de la communauté urbaine de Bordeaux une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 25 septembre 2012, présenté pour la SCI C... D... et la SCI E... qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2012, présenté par la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) qui conclut au rejet de la requête, à ce que la SCI E... soit condamnée à verser à la CUB une somme de 133 896,57 euros, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2011, date d’établissement du titre de recette et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes une somme de 1 600 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le nouveau mémoire enregistré le 12 octobre 2012, présenté par la CUB qui maintient ses précédentes écritures et demande, à titre subsidiaire, que la SCI E... soit condamnée à lui verser la somme de 127 365,03 euros, ladite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2011, date d’établissement du titre de recette ;

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Vu le mémoire complémentaire enregistré le 24 octobre 2012, présenté pour la SCI C... D... et la SCI E... qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

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Vu le nouveau mémoire enregistré le 20 novembre 2012, présenté pour la CUB qui maintient ses précédentes écritures ; Vu l'ordonnance du 27 décembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 29 janvier 2014 ;

Vu la lettre en date du 20 février 2014 informant les parties de ce qu’un moyen était susceptible d’être soulevé d’office en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative et les observations enregistrées le 24 février 2014, présentées pour la CUB ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2014 :

- le rapport de Mme Lipsos, conseiller,

- les conclusions de M. Basset, rapporteur public,

- les observations de la SCP Cornille- Pouyanne, avocat de la SCI C...D... et de la SCI E...,

- et les observations de Mme A...B..., juriste, pour la CUB ;

1. Considérant que par un arrêté du 30 avril 2008, le maire de la commune de Saint-Louis-de-Montferrand a délivré à la SCI C...D... un permis de construire emportant division parcellaire portant sur la réalisation de trente-quatre logements et sept lots non bâtis dans le cadre du programme intitulé « Le Clos de l’Estuaire » ; que ce permis prévoyait que le projet envisagé était soumis au versement de la participation pour le raccordement au réseau d’assainissement pour un montant de 123 362,44 euros correspondant à 41 droits de branchement ; que par un arrêté du 29 mai 2009 du maire de la commune de Saint-Louis-de-Montferrand le permis de construire du 30 avril 2008 a été transféré à la SCI E... ; que par un titre exécutoire du 9 août 2011 dont la SCI C...D... et la SCI E... demandent l’annulation, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) a mis à la charge de la SCI E..., la somme de 133 896,57 euros au titre de sa participation pour raccordement à l’égout ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la CUB :

2. Considérant, en premier lieu, que la SCI C...D..., en sa qualité d’associé de la SCI E..., titulaire du permis de construire du 30 avril 2008 fixant la participation pour le raccordement au réseau d’assainissement, justifie, contrairement à ce que soutient la CUB de Bordeaux, d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre du titre exécutoire du 9 août 2011 mettant à la charge de la SCI E... la somme de 133 896,57 euros ;

3. Considérant, en second lieu, que les mandataires mentionnés à l’article R. 431-2 du code de justice administrative ont qualité, devant les tribunaux administratifs, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client ; que la présentation d’une action par un de ces mandataires ne dispense pas le tribunal administratif de s’assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action ; qu’une telle vérification n’est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 1849 du code civil : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social. (…). » ; que le gérant d’une société civile immobilière en est le représentant légal et qu’à ce titre, en application des dispositions précitées de l’article 1849 du code civil, il détient de plein droit qualité pour agir au nom de cette dernière dans la limite de son objet social ; que la requête est signée par l’avocat mandaté par la société requérante ; que la SCI E... a produit en cours d’instance l’extrait Kbis de la société duquel il ressort que M. C...en est le gérant et, par suite, le représentant légal ; que, dans ces conditions, et alors même que la requête et les mémoires ne mentionnent pas le nom et la qualité du représentant de la SCI, cette dernière justifie de la qualité pour agir en son nom de son représentant légal ; qu’il suit de là que la fin de non-recevoir opposée à ce titre doit être écartée ;

Sur la régularité du titre exécutoire :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1331-7 du code de la santé publique, dans sa version alors en vigueur : « Les propriétaires des immeubles édifiés postérieurement à la mise en service du réseau public de collecte auquel ces immeubles doivent être raccordés peuvent être astreints par la commune, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire, à verser une participation s'élevant au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose d'une telle installation. Une délibération du conseil municipal détermine les conditions de perception de cette participation. » ; que selon l’article L. 332-6 du code de l’urbanisme : « Les bénéficiaires d’autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (…) 2° Le versement des contributions aux dépenses d’équipement mentionnées à l’article L. 332-6-1 (…) » ; que l’article L. 332-6-1 du même code dispose : « Les contributions aux dépenses d’équipement publics prévues au 2° de l’article L. 332-6 sont les suivantes : (…) 2° a) La participation pour raccordement à l’égout prévue à l’article l'article L. 1331-7 code de la santé publique ; (…)» ; que selon l’article L. 332- 28 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : « Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 (…) sont prescrites (…) par le permis de construire (…). Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant (…). » ;

6. Considérant qu’un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la dette, alors même qu’il est émis par une personne publique autre que l’Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l’article 81 du décret du 29 décembre 1962 ; que par un arrêté du 30 avril 2008 le maire de la commune de Saint-Louis-de-Montferrand a délivré à la SCI C... D... un permis de construire prévoyant que le projet envisagé était soumis au versement de la participation pour le raccordement au réseau d’assainissement pour un montant de 123 362,44 euros correspondant à 41 droits de branchement ; que cette participation a ainsi été prescrite par le permis de construire du 30 avril 2008 qui en constitue le fait générateur ; qu’était annexé audit permis le mode d’évaluation de cette participation en fonction du nombre de droits de branchement et du taux de base de la participation en zone AU ; qu’était expressément indiqué que ce taux serait actualisé au moment de l’exécution des travaux en fonction de l’indice TP 10a des travaux publics, en application des délibérations des 18 juillet 1997 et 21 juillet 2006 du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux ; que par un courrier du 30 juin 2011, la CUB a annoncé à la SCI E..., à laquelle le permis de construire avait été transféré, la mise en recouvrement de la participation pour le raccordement à l’égout en précisant que la somme indicative mentionnée sur le permis du 30 avril 2008 avait été actualisée en fonction de la valeur de l’indice TP 10a des travaux publics du mois d’exécution des travaux de branchement de la construction sur le réseau public d’assainissement ; que ce courrier indiquait expressément qu’après l’actualisation susmentionnée le montant à la charge de la SCI E... était désormais de 133 896,60 euros ; que le titre exécutoire en litige indiquait le montant dû de 133 896, 57 euros, en mentionnant le taux unitaire appliqué, le nombre total de droits de branchement et l’objet de la créance par référence au permis de construire du 30 avril 2008 ; que par suite, les SCI requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le titre exécutoire contesté n’exposait pas « clairement » les bases de la liquidation au seul motif que la somme mise à la charge de la SCI E... était supérieure à celle indiquée initialement dans le permis de construire ;

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

7. Considérant qu’il appartient au juge, saisi d’une demande dirigée contre un titre exécutoire, de vérifier que, à la date à laquelle il statue, la créance a un caractère exigible, certain et liquide ;

8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de la délibération du 21 juillet 2006 du conseil de la CUB relative à la participation au raccordement à l’égout : « un abattement de 25% est appliqué sur la valeur des taux en zones AU, A et N, en ce qui concerne les opérations d’habitat à caractère social et strictement locatif réalisés par les organismes d’HLM ou sociétés d’économie mixte communautaires, départementales ou communales. » ; qu’aux termes de l’article 8 de la délibération du 29 avril 2011 du conseil de la CUB : « Les constructions ou aménagements, quelle que soit leur nature, dont les autorisations ont été délivrées avant la présente délibération, restent soumis aux dispositions de la délibération antérieure, les actes pouvant découler de ces projets resteront soumis aux modes de calcul et de recouvrement des délibérations antérieures. » ; qu’il est constant que la SCI E... qui s’est vue transférer le 29 mai 2009 le permis de construire du 30 avril 2008 ne constitue pas un organisme d’HLM ou une société d’économie mixte communautaire, départementale ou communale ; que, par suite, et quand bien même deux sociétés se sont vus attribuer un financement aidé pour la construction de logements locatifs sociaux dans le cadre du programme « Le Clos de l’Estuaire », les conditions requises pour bénéficier de l’abattement de 25% sur la valeur du taux n’étaient pas remplies au titre de cette délibération du 21 juillet 2006 ni davantage au titre de celle du 29 avril 2011 ; qu’ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la SCI E... aurait dû bénéficier de l’abattement de 25% prévu par la délibération du 21 juillet 2006 ;

9. Considérant, en deuxième lieu, d’une part, que les dispositions précitées de l’article L. 1331-7 du code de la santé publique ne font pas obstacle à ce que la participation exigée soit établie selon une méthode forfaitaire, dès lors qu’il n’est pas demandé au propriétaire de verser plus de 80 % du coût de la fourniture et de la pose de l’installation du dispositif individuel d’assainissement qui aurait été nécessaire en l’absence de raccordement ; qu’il résulte de ces dispositions que la participation exigée ne peut légalement être mise à la charge du pétitionnaire que par l’autorisation de construire ; que, d’autre part, aux termes de la délibération du 17 janvier 1997 du conseil de la CUB relative à la participation au raccordement à l’égout : « Il convient de rappeler que le montant de la PRE résulte du produit d’un taux par un nombre de droits de branchement. (…) Il est également précisé que les taux sont actualisables, au 1er janvier et au 1er juillet de chaque année, par référence à la valeur de l’index national des prix des travaux publics TP 10-2 (…) » ; que selon la délibération du 21 juillet 2006 susmentionnée : « (…) La mise en recouvrement de la PRE est effectuée à compter de la date de raccordement de l’opération sur le réseau public d’assainissement eaux usées séparatif ou unitaire (…) il est précisé que la valeur du taux en vigueur au 2è semestre 2006 s’élèvera à (….)/ Zones AU (…) : 2 861, 06 euros. (…) Les autres dispositions figurant dans les précédentes délibérations et plus particulièrement celle du 17 janvier 1997 (…) restent applicables (…). » ;

10. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de ces délibérations que, contrairement à ce que font valoir les sociétés requérantes, si la valeur du taux à prendre en compte pour le calcul de la participation litigieuse était de 2 861,06 euros au 2ème semestre 2006, ce taux devait être actualisé par référence à la valeur de l’index national des prix des travaux publics TP 10-2 lors du raccordement de l’opération sur le réseau public d’assainissement eaux usées séparatif ou unitaire ; que ce raccordement a été effectué les 12 et 14 avril 2011 ; qu’il est constant qu’à ces dates la valeur du taux actualisé était de 3 265,77 euros ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sauraient soutenir qu’aurait dû être appliqué le taux de 2 861,06 euros en vigueur au 2ème semestre 2006 figurant dans la délibération du 21 juillet 2006 ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction que postérieurement à l’émission du titre exécutoire en litige, le 12 avril 2012, la SCI E... s’est vue refuser trois permis de construire au motif que les terrains d’assiette des projets étaient situés en secteur inondable ; que ces refus visent la déclaration préalable de division délivrée sans opposition à cette SCI le 9 septembre 2010 ; que cette déclaration préalable renvoyait, pour la participation pour le raccordement à l’égout, aux prescriptions du permis de construire du 30 avril 2008 ; qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté qu’en raison de ces trois refus de permis de construire, le nombre de droits de branchement n’était plus que de 39, portant ainsi la somme totale due par la SCI E... à 127 365,03 euros au lieu de 133 896,57 euros ; que, par suite, il y a lieu d’annuler partiellement le titre exécutoire du 9 août 2011 et ramener le montant de la somme due de 133 896,57 euros à 127 365,03 euros ; qu’il y a lieu, en conséquence, de décharger la SCI E... de l’obligation de payer la somme de 6 531,54 euros ;

Sur les conclusions indemnitaires reconventionnelles de la CUB :

12. Considérant qu’il n’appartient pas au juge administratif de se substituer à l’administration, laquelle, en vertu du privilège du préalable, conserve le pouvoir propre d’émettre des titres exécutoires pour recouvrer ses créances ;

13. Considérant que si la CUB demande à titre reconventionnel au juge de condamner la SCI E... à lui verser la somme de 133 896,57 euros ou, à titre subsidiaire, celle de 127 365,03 euros, de telles conclusions ne peuvent qu’être rejetées dès lors que, du fait de l’annulation partielle du titre exécutoire émis le 9 août 2011, celui-ci demeure exécutoire pour un montant de 127 365,03 euros ; que si la CUB demande également le versement des intérêts au taux légal sur cette somme, il appartient au président de la CUB de prendre un titre exécutoire à l’effet de fixer le montant des intérêts qui seraient dus sur la somme que devra verser la SCI E... en exécution du présent jugement ; que le président de la CUB dispose ainsi des pouvoirs nécessaires pour assurer le recouvrement de la créance qu’il invoque ; que, par suite, il n’est pas recevable à demander au tribunal de condamner la SCI E... au paiement des intérêts litigieux ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la CUB la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce que soit mise à la charge des SCI C...D... et E... la somme que la CUB demande au titre des frais de même nature ;

D E C I D E :

Article 1er : Le titre exécutoire du 9 août 2011 émis par le président de la communauté urbaine de Bordeaux en vue du recouvrement de la somme de 133 896,57 est partiellement annulé.

Article 2 : La SCI E... est déchargée de l’obligation de payer la somme de 6 531,54 euros.

Article 3 : La communauté urbaine de Bordeaux versera à la SCI C...D... et à la SCI E... la somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SCI C...D..., à la SCI E... et à la communauté urbaine de Bordeaux.