Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Mylène Da Ros, avocate au barreau de Bordeaux ; M. B... demande au tribunal :

- d’annuler la décision du 29 février 2012 par laquelle le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d’une carte de résident ;

- d’enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de résident sur le fondement du 7°, de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du jugement à intervenir ;

- de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2012, présenté par le préfet de la Gironde qui conclut au rejet de la requête ;

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Vu l'ordonnance du 24 décembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 29 janvier 2014 ; Vu le mémoire enregistré le 23 janvier 2014, présenté pour M. B... ; Vu la décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 23 mai 2013 admettant M. B...au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa proposition, d’exposer à l'audience ses conclusions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2014 :

- le rapport de Mme Lipsos, conseiller,

- et les observations de Me Mylène Da Ros, avocate de M. B..., présent ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité vénézuélienne, est entré en France en 1985 avec ses parents, alors qu’il avait un an ; qu’il a sollicité, le 19 décembre 2011, la délivrance d’une carte de résident qui lui a été refusée par une décision du 29 février 2012, dont il demande l’annulation ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : « Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313 6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" s'il dispose d'une assurance maladie. (…) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence./ Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (…). » ; que selon l’article R. 314-1-1 du même code : « L’étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE » doit justifier qu’il remplit les conditions prévues à l’article L. 314-8 en présentant : / (…) 2° La justification des raisons pour lesquelles il entend s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle et de ses moyens d'existence / 3° La justification qu’il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l’évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande / (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale : « Les prestations familiales comprennent : / 1°) la prestation d'accueil du jeune enfant ; / 2°) les allocations familiales ; / 3°) le complément familial ; / 4°) l'allocation de logement ; / 5°) l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ; / 6°) l'allocation de soutien familial ; / 7°) l'allocation de rentrée scolaire ; / 8°) (Abrogé) ; / 9°) l'allocation journalière de présence parentale. » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’allocation adulte handicapé ne constitue pas une prestation familiale au sens de ces dispositions insusceptible, par suite, d’être retenue pour l’application de l’article L. 314-8 du CESEDA ;

3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. B...justifie d’un séjour continu et régulier en France supérieur à cinq ans ; que par une décision du 24 mai 2011, M. B... s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé du 1er mars 2010 au 28 février 2015, compte tenu de ses possibilité réduites d’obtenir ou de conserver un emploi, au titre de laquelle il est constant que lui sera attribuée l’allocation adulte handicapé jusqu’en 2015 ; que la prestation dont s’agit est d’un montant non contesté de 743,62 euros ; que si les ressources du requérant au cours des cinq années précédant sa demande étaient inférieures au montant du salaire minimum de croissance M. B...justifiait jouir à titre gratuit de son logement ; que, par suite, et quand bien même le requérant n’aurait pas justifié avoir exercé une activité salariée antérieurement à sa maladie survenue en 2009 et l’allocation adulte handicapé ne serait perçue que depuis le 1er mars 2010 pour une durée déterminée, en ne faisant pas application de la dérogation prévue au 3° de l’article R. 314-1-1 du CESEDA au seul motif que le requérant ne disposait pas de ressources suffisantes, le préfet a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander l’annulation de la décision du 29 février 2012 par laquelle le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d’une carte de résident ;

5. Considérant que le présent jugement implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que le préfet délivre à M. B...la carte de résident qu’il sollicite ; qu’il y a lieu de lui enjoindre d’y procéder dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit toutefois besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de M. B...présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 800 euros, à verser à son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 29 février 2012 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B...une carte de résident, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à Me Mylène Da Ros, avocate de M.B..., la somme de 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à la perception de la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., au préfet de la Gironde et à Me Mylène Da Ros.