Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2011 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, présentée par M. D... B..., demeurant ...; M. B... demande au tribunal de condamner le département de la Gironde à lui verser une somme de 14 623,23 euros au titre du préjudice subi du fait de la défaillance du service de l’aide sociale à l’enfance dans le contrôle et le suivi de son placement auprès de M. C...du 1er septembre 1966 au 1er octobre 1970 ;

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Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2011, présenté par le département de la Gironde, qui conclut au rejet de la requête et à sa mise hors de cause ;

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Vu le mémoire complémentaire enregistré le 2 mai 2012, présenté pour M. B..., par Me E... F..., avocate au barreau de Bordeaux, qui conclut aux mêmes fins que la requête et à la condamnation du département de la Gironde à lui verser également une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et à ce que soit mise à la charge du département de la Gironde une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à titre subsidiaire la condamnation de l’Etat à réparer les préjudices subis du fait de la défaillance du service de l’aide sociale à l’enfance sur la période du 1er septembre 1966 au 1er octobre 1970 ;

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Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 avril 2013, présenté par le département de la Gironde qui maintient ses précédentes écritures ;

Vu l'ordonnance du 22 novembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 10 janvier 2014 ; Vu la décision du 19 septembre 2012 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2014:

- le rapport de Mme Lipsos, conseiller,

- les conclusions de M. Basset, rapporteur public

- et les observations de Me E... F..., avocate de M. B...,

1. Considérant que M.B..., pupille de l’Etat, placé du 1er octobre 1966 au 1er octobre 1970, en qualité d’ouvrier agricole, auprès de M.C..., à Libourne, demande la condamnation du département de la Gironde à lui verser la somme totale de 19 623, 23 euros en réparation des préjudices subis du fait de la défaillance du service de l’aide sociale à l’enfance dans le contrôle et le suivi de son placement auprès de M. C...;

Sur le caractère mal dirigé de la demande de M.B... :

2. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées de l’article 46 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux et des articles 77, 85 et 86 du code de la famille et de l’aide sociale, dans leurs versions applicables à la date des faits litigieux, que le service de l’aide sociale à l’enfance présentait, avant même l’entrée vigueur des lois de décentralisation des 7 janvier et 22 juillet 1983 le caractère d’un service du département, placé sous l’autorité du préfet qui, en sa qualité d’exécutif du département, agissait, en ce qui concerne les attributions de ce service, au nom et pour le compte du département et non en sa qualité d’agent de l’Etat ; que ni l’article 82 du code de la famille et de l’aide sociale, qui, dans sa version applicable à la date des faits litigieux, prévoyait que le contrôle du service de l’aide sociale à l’enfance s’effectuait par les inspecteurs généraux du ministère de la santé publique et de la population, ni le décret du 30 juillet 1964 portant réorganisation et fixant les attributions des services extérieurs de l’Etat chargés de l’action sanitaire et sociale, ni le décret du 22 avril 1977, qui prévoyait que le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales gérait le service départemental compétent en matière d’aide sociale à l’enfance, n’avaient pour objet ou pour effet de conférer à l’Etat compétence en matière d’aide sociale à l’enfance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la requête de M. B...serait mal dirigée doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Considérant qu’aux termes de l’article 45 du code de la famille et de l’aide sociale et des familles dans sa rédaction applicable à la date des faits litigieux : « Les mineurs de l'un ou l'autre sexe entrant dans l'une des catégories énumérées ci-après sont placés, soit sous la protection, soit sous la tutelle du service de l'aide sociale à l'enfance. » ; que selon l’article 79 : « Le directeur départemental de la population et de l'aide sociale choisit les parents nourriciers et patrons, (…) passe les contrats de placement et d'apprentissage (…). » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est pas sérieusement contesté, que M.B..., a, en qualité de pupille de l’Etat confié au service de l’aide sociale à l’enfance du département de la Gironde, été placé par ce service, après signature d’un contrat de placement, le 23 août 1965, auprès de M.A..., en qualité de domestique agricole, du 1er septembre 1965 au 31 août 1966 ; qu’en revanche, placé auprès de M. C...du 1er septembre 1966 au 1er octobre 1970, sans signature préalable d’un contrat de placement, M. B... a été employé en qualité d’ouvrier agricole sans être déclaré ni percevoir de rémunération et sans versement par son employeur de cotisations sociales ; qu’informé, le 18 octobre 1968 de ce que M. B...ne percevait pas de salaire, le service de l’aide sociale à l’enfance s’est borné à demander à son employeur s’il avait l’intention d’établir un contrat de travail et n’a pris aucune mesure de nature à assurer le suivi ou la fin de son placement compte tenu de ses conditions de travail ; que le service de l’aide sociale à l’enfance du département de la Gironde, auquel il appartenait de veiller aux intérêts du mineur qui lui était confié et, notamment à la préservation de ses droits à rémunération et au versement par son employeur de cotisations sociales, a ainsi commis à l’égard de M. B...une faute de nature à engager sa responsabilité ; que si le département de la Gironde invoque la faute commise par l’employeur de M.B..., ce dernier, eu égard au rôle devant être le sien dans le cadre de l’action sociale du département, ne saurait être regardé comme un véritable tiers dont les fautes seraient susceptibles d’exonérer le département d’une partie de sa responsabilité ; que, par suite, le département de la Gironde dot être déclaré responsable de l’intégralité du préjudice subi par M.B... ;

Sur le préjudice :

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’URSSAF de la Gironde a évalué le montant des cotisations sociales qui auraient dû être versées par M. C...du 1er septembre 1966 au 1er octobre 1970 à la somme de 14 623, 23 euros, que M. B... est donc fondé à demander au département ;

6. Considérant que M. B...soutient qu’il a subi un préjudice moral tenant aux démarches importantes qu’il a effectuées depuis 2007 afin d’obtenir la revalorisation de ses droits à la retraite ; qu’il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 1 000 euros à ce titre ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander la condamnation du département de la Gironde à lui verser la somme de 15 623, 23 euros en réparation de ces préjudices ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’en l’espèce M. B...n’établit pas avoir exposé d’autres frais que ceux pris en charge par l’Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 19 septembre 2012 ; que, par suite, sa demande présentée sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Le département de la Gironde est condamné à verser à M. B...la somme de 15 623,23 euros à titre d’indemnité.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D... B..., au département de la Gironde et au préfet de la Gironde.