Vu la requête, enregistrée le 2 août 2010, présentée pour la SCI LES TUILIERES, dont le siège est 134, avenue de Soulac Le Taillan Médoc (33320) et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE, dont le siège est rue de l'écureuil à Le Taillan Médoc (33320), par la société d'avocats Millesime ; la SCI LES TUILIERES et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE demandent au tribunal :

- d’annuler l’arrêté n° 933 du 1er juin 2010 par lequel le président de la communauté urbaine de Bordeaux a exercé le droit de préemption urbain pour un bien cadastré AK n° 533 appartenant à la SCI LES TUILIERES situé 2, rue de l'Ecureuil au Taillan-Médoc ;

- de condamner la communauté urbaine de Bordeaux à verser à chacune des sociétés requérantes la somme de 50 000 euros au titre des préjudices qu’elles ont subis du fait de cette décision ;

- de mettre à la charge de la communauté urbaine de Bordeaux une somme de 5 000 euros au titre de l’article L 761 1 du code de justice administrative ;

Elle soutiennent :

- que l'auteur de l'acte est incompétent ; - que la décision en litige méconnaît les dispositions des articles R. 213-8 et 9 du code de l'expropriation dès lors que la communauté urbaine n’a exercé le droit de préemption en ne prenant en compte que la parcelle sans les constructions alors que le droit de préemption doit être exercé sur la totalité de l’immeuble concerné et que la condition essentielle et substantielle de la cession résidait dans la volonté du cédant de vendre la parcelle et le bâti au même acquéreur ; - que la décision, qui n'est pas suffisamment motivée, ne répond pas aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, le projet n'étant pas suffisamment précis ; - que l'acquisition de la parcelle par la communauté urbaine n'est pas nécessaire ; - que l'illégalité est à l'origine d'un préjudice pour chacune des requérantes qu'il convient d'indemniser à hauteur de 50 000 euros ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2012, présenté par la communauté urbaine de Bordeaux représentée par son président, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la SCI LES TUILIERES et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE lui verse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir :

- que l'auteur de l'acte a reçu régulièrement délégation pour exercer le droit de préemption du conseil de communauté par une délibération n° 2008/0199 du 18 avril 2008 ; - que les biens meubles et les droits réels immobiliers étant exclu du champ du droit de préemption, la cession d'un bail à construction, qui oblige le preneur à édifier sur les terrains loués des constructions moyennant la remise, en tout ou en partie, au bailleur des édifices réalisés, ne peut faire l'objet d’une préemption ; - que le caractère indivisible de l'opération économique qui résulte de la promesse de vente consentie par les sociétés requérantes à la société Objectif Immo ne peut être regardé comme une condition particulière de la vente s'imposant au titulaire du droit de préemption dès lors que l'article L. 211-1 énumère limitativement les opérations concernées ; - que la décision est suffisamment motivée et répond aux exigences posées par l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dès lors que la communauté urbaine de Bordeaux justifie à la date à laquelle a été exercé le droit de préemption d'un projet d'opération d'aménagement alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date ; -que les parcelles en cause, situées en entrée de ville, sont appropriées pour la réalisation de logements sociaux ainsi que le souligne l'étude d'urbanisme réalisée par l'agence URBA au mois de mai 2007 ; - que les parcelles sont grevées d'une servitude de mixité sociale depuis l'adoption au plan local d'urbanisme, le 18 janvier 2008 ;

Vu l'ordonnance en date du 7 mai 2012 fixant la clôture d'instruction au 7 juin 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2012, présenté pour la SCI LES TUILIERES et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2012 ;

- le rapport de Mme Billet-Ydier ;

- les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public ;

- et les observations de M.A..., représentant la communauté urbaine de Bordeaux ;

Considérant que la SCI LES TUILIERES, société civile immobilière propriétaire de parcelles cadastrées AK n° 302, 303, 304 et 305 situées rue de l'Ecureuil au Taillan-Médoc et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE, titulaire d'un bail à construction sur les parcelles cadastrées AK n°302 et 305 acquises par cette seconde société en 1996 et en exécution duquel a été édifié un bâtiment à usage d’hôtel, ont signé le 12 mars 2010 un compromis de vente portant sur la cession de la parcelle cadastrée AK n°533 issue des parcelles précitées et assiette du bail à construction, sur les constructions édifiées et sur le droit au bail restant à courir, au prix de 225 000 euros demandé par la SCI LES TUILIERES pour la parcelle d’assiette du bail à construction et de 500 000 euros pour la SCI EUROPEENNE HOTELIERE ; qu'à la suite de la déclaration d'intention d'aliéner notifiée le 7 avril 2010 à la commune du Taillan-Médoc, le président de la communauté urbaine de Bordeaux, par arrêté du 1er juin 2010, a exercé le droit de préemption et, a proposé un prix de 88 275 euros pour acquérir la parcelle d’assiette du bail à construction ; que la SCI LES TUILIERES et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE demandent l'annulation de cette décision et l’indemnisation des préjudices subis du fait de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, transposé aux établissements publics de coopération intercommunale par l’article L. 5211-1 du même code : « le maire peut en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou en partie, et pour la durée de son mandat : (…) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ; (…) » ;

Considérant que par délibération du 18 avril 2008, le conseil communautaire a délégué au président de la communauté urbaine de Bordeaux le pouvoir d’exercer les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la communauté urbaine en soit titulaire ou délégataire ; que le président de la communauté urbaine de Bordeaux a signé la décision en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté de préemption doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : « Sont soumis au droit de préemption institué par l'un ou l'autre des deux précédents chapitres tout immeuble ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu'ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, à l'exception de ceux qui sont compris dans un plan de cession arrêté en application de l'article L. 631-22 ou des articles L. 642-1 et suivants du code de commerce. (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 213-8 du code de l'urbanisme : « Lorsque l'aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l'objet d'une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; b) Soit sa décision d'acquérir aux prix et conditions proposés, y compris dans le cas de versement d'une rente viagère ; c) Soit son offre d'acquérir à un prix proposé par lui et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi. Dans le cas d'une vente envisagée moyennant le versement d'une rente viagère, le titulaire du droit de préemption et, le cas échéant, la juridiction doivent respecter les conditions de paiements proposées par le vendeur. Toutefois, le titulaire peut proposer, et la juridiction fixer, la révision du montant de cette rente et du capital éventuel. » ; qu'aux termes de l'article R. 213-9 du même code : « Lorsque l'aliénation est envisagée sous une forme ou une modalité autre que celle prévue à l'article précédent, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : a) Soit sa décision de renoncer à l'exercice du droit de préemption ; b) Soit son offre d'acquérir le bien à un prix qu'il propose et, à défaut d'acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d'expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l'indemnité de réemploi. En cas de vente envisagée moyennant le paiement d'une rente viagère et une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption et, le cas échéant, la juridiction compétente en matière d'expropriation doivent respecter les conditions de paiement proposées. Toutefois, le titulaire peut proposer, et la juridiction fixer, la révision du montant de cette rente et du capital éventuel. » ;

Considérant qu’il résulte de l’article L. 213-1 du code de l’urbanisme que la cession du bail à construction en litige, qui confère un droit réel immobilier et la jouissance, mais non la propriété du terrain d’assiette sur lequel il s’exerce, n’est pas soumis au droit de préemption ; que, par suite, le bail à construction ne saurait faire obstacle à la préemption du seul terrain d’assiette, quand bien même le propriétaire du terrain et le titulaire du bail auraient entendu céder simultanément l’un et l’autre ; qu’ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la communauté urbaine aurait dû exercer le droit de préemption sur la totalité des droits cédés, y compris le droit au bail ; que le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 213-8 et R. 213-9 du code de l’urbanisme doit être écarté ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 210 1 du code de l’urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (…) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu’elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l’habitat (…), la décision de préemption peut, sauf lorsqu’il s’agit d’un bien mentionné à l’article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels » ; Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que, lorsque la loi autorise la motivation par référence à un programme local de l’habitat, les exigences résultant de l’article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en œuvre de ce programme, et qu’un tel renvoi permet de déterminer la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption ; qu’à cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement du programme local de l’habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d’identifier la nature de l’action ou de l’opération d’aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe ;

Considérant que la communauté urbaine de Bordeaux a suffisamment motivé la décision de préemption en se référant au programme de réalisation de logements sociaux projeté dans la perspective du développement urbain du secteur où se trouve le terrain en litige, qui a fait l’objet de l'étude préalable de l'agence Urba Bordeaux métropole Aquitaine relative à l'extension Nord du centre-bourg du Taillan-Médoc dont les conclusions ont été approuvées par le conseil municipal de Taillan-Médoc par une délibération du 5 mai 2008 ayant également arrêté le périmètre d’aménagement des secteurs Gelès et Renouille concernés par le projet ;

Cn!! qu’enfin la réalisation de logements sociaux participe de la politique locale de l’habitat et constitue une opération d’aménagement au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme ; que l’exercice du droit de préemption par la communauté urbaine de Bordeaux satisfait ainsi aux exigences posées par les dispositions précitées des articles L. 210 1 et L. 300 1 du code de l’urbanisme ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation et, par voie de conséquence, les conclusions à fin d’indemnisation présentées par la SCI LES TUILIERES et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SCI LES TUILIERES et la SCI EUROPEENNE HOTELIERE doivent dès lors être rejetées ; qu’en tout état de cause, les conclusions de la communauté urbaine de Bordeaux tendant à l’application des mêmes dispositions ne sont assorties d’aucune justification ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI LES TUILIERES et de la SCI EUROPEENNE HOTELIERE est rejetée.

Article  2 : Les conclusions de la communauté urbaine de Bordeaux présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SCI LES TUILIERES, à la SCI EUROPEENNE HOTELIERE et à la communauté urbaine de Bordeaux.!!!!!