Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2009, présentée pour l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, dont le siège est situé 68 rue Cardinet à Paris (75017), la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, ayant son siège 6 rue Ampère à Paris (75017), la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE, dont le siège est situé 73 rue Jean Lolive à Montreuil (93108), et l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES, ayant son siège 10 rue de Cabanis à Paris (75014), par la SCP Lyon-Caen C... ; l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT et autres demandent au tribunal :

- d’annuler la décision en date du 2 septembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville reconnait l’organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) représentative sur le plan national dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport ;

- de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2010, présenté pour l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), par Me B..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 6 000 € soit mise à la charge des requérantes en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 20 décembre 2010 et le 7 janvier 2011, produites pour l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE et l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2011, présenté pour l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) qui maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les pièces, enregistrées le 24 mai 2011, produites pour l’OTRE ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2011, présenté par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé qui conclut au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 octobre 2011, présenté pour l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE et l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES qui maintiennent leurs précédentes conclusions ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l’instruction au 8 novembre 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 novembre 2011, présenté pour l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 janvier 2012, présentée pour l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE et l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2012 :

- le rapport de Mme Brouard-Lucas, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pauziès, rapporteur public ;

- les observations de Me A...de la SCP Lyon-Caen C... pour l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE et l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES ;

- et les observations de Me B...pour l’Organisation des transporteurs routiers européens;

Considérant que le 23 septembre 2008, l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) a informé le président de la commission nationale paritaire d’interprétation et de conciliation de son souhait de participer aux réunions de négociation en cours dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ; qu’en l’absence d’accord de l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire, une enquête de représentativité a été diligentée par le ministre du travail en application de l’article L. 2121-2 du code du travail, dont l’OTRE a été informée par courrier du 31 octobre 2008 ; qu’en l’absence de réponse du ministre dans le délai de six mois prévu par l’article R. 2121-2 du code du travail, l’OTRE a formé un recours gracieux par courrier reçu le 3 juillet 2009 ; que par une décision du 2 septembre 2009, le ministre a reconnu la représentativité de l’OTRE dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ; que, par la présente requête, l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT (UFT), la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, (FNTR), la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE (CSD) et l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES (UNOSTRA) demandent l’annulation de cette décision ;

Sur les fins de non recevoir soulevées par l’OTRE :

Considérant, en premier lieu, qu’en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ; que dans le silence des statuts sur ce point, l’action ne peut être régulièrement engagée que par l'assemblée générale ;

Considérant, en ce qui concerne l’UFT, que l'article 14 de ses statuts prévoit: « Le président (…) représente l’UFT en justice (…) »; qu'aucune autre stipulation ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom de l’association ; qu'ainsi, le président de l’UFT avait qualité pour former, au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du ministre du travail en date du 2 septembre 2009 ; qu’en tout état de cause, le conseil d’administration de l’UFT lui a donné mandat pour agir en justice par délibération du 16 septembre 2009 ;

Considérant, en ce qui concerne l’UNOSTRA, que l'article 11.2 de ses statuts prévoit : « l’UNOSTRA est valablement représentée dans sa gestion et dans tous les actes de la vie civile, y compris en justice par le président (…) » ; qu'aucune autre stipulation ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom de l’association ; que si l’OTRE fait valoir que l’UNOSTRA aurait été dissoute en septembre 2009 et que ses statuts auraient été modifiés en octobre 2009, elle ne l’établit pas ; qu'ainsi, le président de l’UNOSTRA avait qualité pour former, au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du ministre du travail en date du 2 septembre 2009 ;

Considérant, en ce qui concerne la CSD, que l’article 23 de ses statuts prévoit que « Toute fonction, attribution ou décision non prévues ci-dessus sont du ressort exclusif du bureau national » ; qu'aucune autre stipulation ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom de l’association ; que lors de sa réunion du 8 décembre 2009, le bureau de la CSD a donné mandat au président pour s’associer au recours contentieux diligenté par l’UFT à l’encontre de la décision du ministre ; qu'ainsi, le président de la CSD avait qualité pour former, au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du ministre du travail en date du 2 septembre 2009 ;

Considérant qu’en ce qui concerne la FNTR, aucune stipulation de ses statuts ne réserve à un organe de cette association le pouvoir de décider de former une action en justice en son nom ; qu’aucun organe de cette association ne tient des mêmes statuts le pouvoir de la représenter ; que par une délibération du 8 octobre 2009 l’assemblée générale a donné mandat au délégué général et aux présidents pour s’associer au recours déposé par l’UFT à l’encontre de la décision précitée ; que dès lors, ils avaient qualité pour former, au nom de celle-ci, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du ministre du travail en date du 2 septembre 2009 ;

Considérant, en second lieu, que l’UFT a pour objet selon l’article 6 de ses statuts de « représenter, défendre et promouvoir par tous les moyens appropriés auprès des pouvoirs publics, des administrations, des tribunaux et des organisations patronales et ouvrières, etc…, les intérêts communs à ses associations membres dans le domaine de la politique sociale » ; que l’article 5 des statuts de la FNTR prévoit que « la fédération a pour objet la représentation, la promotion professionnelle, la défense et l’assistance de ses membres et de leurs adhérents, notamment : (…) - représenter défendre et promouvoir par tous moyens appropriés auprès de tous organismes publics ou privés (…) les intérêts moraux et professionnels des membres qui la composent (…) » ; que selon l’article 2 de ses statuts, l’UNOSTRA « a pour objet l’étude, la représentation et la défense (…) des droits et des intérêts collectifs matériels ou moraux de ses membres » ; que l’objet de la CSD tel que prévu à l’article 2 de ses statuts est : « (…) l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux de ses membres afin de contribuer au développement de la branche d’activité qu’elle représente. Elle se propose en particulier : (…) d’ester en justice toutes les fois qu’il sera nécessaire pour la défense des intérêts qu’elle représente. » ; que la reconnaissance de la représentativité de l’OTRE, par les prérogatives qu’elle comporte, au regard du code du travail notamment, est susceptible de préjudicier aux intérêts des membres de ces organisations ; que par suite, l’OTRE n’est pas fondée à soutenir que l’UFT, la FNTR, l’UNOSTRA et la CSD ne justifient pas d’un intérêt suffisant leur donnant qualité pour demander l’annulation de la décision du ministre du travail du 2 septembre 2009 ;

Au fond :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2111-1 du code du travail : « Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés.(..) » ; qu’aux termes de l’article L. 2121-1 de ce code dans sa version issue de la loi du 20 août 2008 susvisée : « La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. » ; qu’aux termes de l’article L. 2122-5 dudit code : « Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, additionnés au niveau de la branche. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. » ; qu’aux termes de l’article L. 2121-2 du même code : « S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose. » ; que contrairement à ce que soutiennent le ministre et l’OTRE, il résulte de ces dispositions, applicables aux organisations syndicales d’employeurs, que, même si certains critères ne sauraient en raison de leur spécificité s’appliquer aux organisations syndicales d’employeurs, une telle organisation, lorsqu’elle revendique la représentativité au sein d’une branche doit remplir de manière cumulative les critères pertinents prévus par les dispositions combinés des articles L. 2121-1 et L. 2122-5 précités ;

Considérant que, pour reconnaître la représentativité de l’OTRE dans le champ d’application de la convention collective nationale des transports routiers et activités collectives de transport, le ministre du travail s’est fondé sur la circonstance qu’il s’agissait d’une organisation active dont l’expérience dans le secteur couvert par le champ de cette convention était avéré et que les critères de l’influence, de la transparence financières et de l’ancienneté étaient également satisfaits ; que s’il fait valoir dans ses observations en défense que cette organisation remplissait les critères de respect des valeurs républicaines et des effectifs d’adhérents et cotisations, en ne prenant pas en compte dans sa décision, pour apprécier la représentativité de l’OTRE au niveau de la branche, les critères cumulatifs de l’implantation territoriale équilibrée au niveau de la branche et des effectifs d’adhérents et cotisations, prévus par la combinaison des articles L. 2121-1 et L. 2122-5 du code du travail, le ministre a commis une erreur de droit ; que par suite les requérantes sont fondées à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 € à verser à l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, à la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, à la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE et à l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES, au titre des frais exposés, non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, de la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, de la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE, et de l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES, les sommes que demande l’OTRE au titre de ces mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 2 septembre 2009 est annulée.

Article 2 : L’Etat versera une somme de 1 200 euros à l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, à la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, à la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE et à l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’UNION DES FEDERATIONS DE TRANSPORT, à la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTEURS ROUTIERS, à la CHAMBRE SYNDICALE DES ENTREPRISES DE DEMENAGEMENT ET GARDE MEUBLE DE FRANCE, à l’UNION NATIONALE DES ORGANISATIONS SYNDICALES DES TRANSPORTS ROUTIERS AUTOMOBILES, au ministre du travail, de l’emploi et de la santé, et à l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE)