Vu la requête enregistrée le 25 octobre 2010, présentée pour l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE », dont le siège est situé 5 chemin de la Pissotte à Champlan (91160), et M. C... D..., demeurant..., par Me E..., avocat au barreau de Marseille ; l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D... demandent au tribunal :

- d’annuler la décision en date du 24 août 2010 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux a rejeté leur demande du 7 juillet 2010 tendant à l’abrogation de la délibération du conseil municipal du 30 mars 2009 portant mise en place d’une redevance d’occupation du domaine public en cas d’envahissement des terrains communaux non autorisés ;

- d’enjoindre au maire de la commune de Bordeaux d’abroger la délibération du 30 mars 2009 et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande, dans le délai de deux mois ;

- de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que l’abrogation d’une décision réglementaire illégale peut être demandée à tout moment et que leur intérêt à agir est établi ; que la délibération du 30 mars 2009 dont l’abrogation est demandée est entachée d’incompétence du conseil municipal pour fixer une redevance en cas d’occupation illicite du domaine public, et de défaut de base légale, dès lors que cette occupation ne peut donner lieu qu’à une indemnité ; que la mise en place d’une redevance pour lutter contre les envahissements de terrains communaux par les gens du voyage, donc d’un groupe de personnes à raison de son mode de vie et de son appartenance ethnique ou assimilée, présente un but illicite constitutif d’un détournement de pouvoir ; que cette mesure, qui ne s’applique pas à toutes les personnes occupant illégalement le domaine public, mais seulement aux gens du voyage, est discriminatoire ; que le montant de la redevance est disproportionné par rapport au coût d’une journée dans une aire d’accueil ; que l’auteur de la décision attaquée du 24 août 2010, adjoint au maire, ne peut pas être complètement identifié et ne justifie pas de sa compétence à la signer ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 12 avril 2011, présenté pour la commune de Bordeaux, par Me F..., avocat au barreau de Bordeaux, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle fait valoir que la requête, présentée au-delà du délai de recours contentieux de deux mois attaché à la délibération du 30 mars 2009, et dirigée contre une décision qui doit être regardée comme une réponse à une demande purement gracieuse, est irrecevable ; à titre subsidiaire, que la délibération du 30 mars 2009 n’est pas constitutive d’un détournement de pouvoir et ne méconnaît pas le principe d’égalité de traitement, dès lors que la ville de Bordeaux a créé une aire d’accueil des gens du voyage aménagée conformément à la loi et tolère les occupations sans titre sur d’autres espaces lors des grands rassemblements ; que le montant de la redevance n’est pas disproportionné au regard de l’occupation privative du domaine public et des désagréments qu’elle occasionne ; que la redevance en cause n’est ni une taxe ni une redevance pour service rendu ; que le signataire de la décision attaquée est suffisamment identifié au regard de la loi du 12 avril 2000, sans qu’il soit besoin de produire la délégation dont il bénéficie ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 28 avril 2011, présenté pour l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D..., qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

Ils ajoutent que la ville de Bordeaux ne respecte pas totalement ses obligations à l’égard du schéma départemental d’accueil des gens du voyage en Gironde ; qu’ils se désistent de leur moyen relative à l’incompétence du signataire de la décision attaquée ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 24 juin 2011, présenté pour la commune de Bordeaux, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 27 juillet 2011, ensemble les pièces enregistrées le 15 septembre 2011, présentés pour l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M.D..., qui maintiennent leurs précédentes écritures ;

Vu l’ordonnance en date du 11 août 2011 fixant la clôture d’instruction au 16 septembre 2011 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2012 ;

- le rapport de M. Monge, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Aubert, rapporteur public ;

- les observations de Me F..., de la SCP Rouxel-Harmand, pour la commune de Bordeaux ;

Considérant que par une délibération en date du 30 mars 2009, le conseil municipal de la commune de Bordeaux a décidé d’instituer une redevance d’occupation du domaine public en cas « d’envahissement » des terrains communaux non autorisés ; que l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D...demandent l’annulation de la décision du 24 août 2010 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux a rejeté leur demande du 7 juillet 2010 tendant à l’abrogation de cette délibération ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « (…) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision du 24 août 2010 a été signée par M. A...B..., adjoint au maire ; qu’ainsi, et alors même qu’il n’a pas été mentionné sur la décision que son auteur bénéficiait d’une délégation en matière de gestion du patrimoine immobilier communal, les dispositions précitées de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, n’ont pas été méconnues ;

Considérant, en deuxième lieu, que les communes sont fondées à recouvrer au titre des occupations privatives de leur domaine public des redevances calculées en tenant compte des avantages de toute nature procurés à leurs occupants ; que, dès lors, le conseil municipal de la commune de Bordeaux pouvait décider la mise en place d’une redevance au titre de l’occupation privative, même illicite, de son domaine public ;

Considérant, en troisième lieu, que l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D... soutiennent que l’institution d’une redevance pour lutter contre les occupations non autorisées de terrains communaux par les gens du voyage, donc d’un groupe de personnes à raison de son mode de vie et de son appartenance ethnique ou assimilée, présente un but illicite constitutif d’un détournement de pouvoir, et que cette mesure, qui ne s’applique pas à toutes les personnes occupant illégalement le domaine public, mais seulement aux gens du voyage, est discriminatoire ; qu’il ressort cependant des pièces du dossier qu’en application de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, et notamment ses articles 2 et 9, la commune de Bordeaux a décidé de mettre une aire d’accueil à disposition des gens du voyage par une délibération de son conseil municipal du 29 mai 2006, et son maire a interdit le stationnement de résidences mobiles sur l’ensemble du territoire de la ville de Bordeaux en dehors de l’aire d’accueil précitée par un arrêté du 12 novembre 2007 ; qu’en outre, la commune tolère les occupations sans titre sur d’autres espaces lors des grands rassemblements ; qu’ainsi, les gens du voyage bénéficiant d’un traitement particulier de leur situation, ne peuvent sérieusement faire valoir que la mise en place de la redevance constituerait à leur égard une mesure discriminatoire ; que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

Considérant, enfin, que si l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D... soutiennent que le montant de la redevance serait disproportionné par rapport au coût d’une journée dans une aire d’accueil, une telle comparaison ne peut être utilement invoquée en raison du trouble de jouissance qu’occasionne l’occupation privative illicite du domaine public, et la commune n’ayant pas vocation à financer une telle occupation de son domaine ; qu’en l’espèce il ne ressort pas des pièces du dossier que le montant de cette redevance, qui ne dépasserait pas cinq euros par véhicule et sept euros par caravane et par jour de présence, serait manifestement disproportionnée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bordeaux, que l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D...ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision du 24 août 2010 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux a rejeté leur demande du 7 juillet 2010 tendant à l’abrogation de la délibération du conseil municipal du 30 mars 2009 ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE » et M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'ASSOCIATION « LA VIE DU VOYAGE », à M. C...D...et à la commune de Bordeaux. Copie en sera transmise au préfet de la Gironde.