Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2011, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me C..., avocate au barreau de Bordeaux ; M. A... demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite, par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour demandée sur le fondement de l’article 2 de l’accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours, à compter de la notification du présent jugement, sous peine d’astreinte de 80 € par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 204,84 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Il soutient qu’il a interrogé le préfet le 5 avril 2011 sur la motivation de la décision attaquée ; que le préfet n’ayant pas répondu dans le délai, ladite décision est entachée d’un vice de forme ; que le préfet a commis une erreur de droit, dès lors qu’il remplissait toutes les conditions posées par l’article 2 de l’accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 ; qu’il a achevé avec succès le 10 septembre 2010 son cycle de formation ; que la décision est entachée d’une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la décision attaquée l’empêche de compléter sa formation par une première expérience professionnelle ; que les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; qu’il partage la vie d’une étudiante béninoise depuis le 1er avril 2009, qui sera diplômée au terme de deux ans ; qu’il n’entend pas se maintenir sur le territoire français passé ce délai ; que l’intrusion de l’administration est illégale dès lors qu’elle n’est pas nécessaire ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2011, présenté par le préfet de la Gironde, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que la société GTS Industrie de Dunkerque a demandé pour le requérant une autorisation de séjour dans le cadre d'un contrat de professionnalisation; que cette demande n'a pas abouti ; que M. A...n'a enregistré aucun résultat dans ses études depuis 2005 ; qu'il n'a obtenu sa licence professionnelle que le 10 septembre 2010 ; qu'il ne pouvait avoir accès aux actions de formation professionnelle permanentes définies par les articles L.900-1 et suivants du code du travail, n'étant pas titulaire d'un titre de séjour valant autorisation de travail; que les stipulations de l'article 8 sont sans incidence sur l'appréciation de la réalité et du sérieux des études ; qu'il n'est pas établi que sa compagne soit en situation régulière ; que le requérant ne démontre pas être dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 21 janvier 2012 en télécopie régularisé le 23 janvier suivant, présenté pour M. A..., par Me D..., avocat au barreau de Bordeaux, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et de porter à 1 500 € la somme demandée sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique;

Il ajoute que la demande présentée en 2006 par GTS Industrie ne visait pas l'insertion professionnelle prévue par l'accord franco-gabonais ; que la circonstance qu'il soit entré en France en 2003 et ait obtenu sa licence professionnelle en 2006 est inopérante ; que sa compagne est en situation régulière et a eu une fille née le 21 août 2011 de leur union ; que le préfet doit lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, qui est de droit, sur le fondement de l'article 2 de l'accord franco-gabonais;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 29 avril 2011, admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003 portant publication de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 ;

Vu le décret n° 2008-900 du 3 septembre 2008 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement, signé à Libreville le 5 juillet 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :

- le rapport de Mme Martin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Riou, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., pour le requérant ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 311-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. » ; qu’il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant gabonais, entré en France en novembre 2003, a bénéficié de titres de séjour en qualité d’étudiant, la validité du dernier titre délivré en cette qualité expirant le 15 octobre 2009 ; qu’il a présenté le 26 octobre 2010 une demande tendant à la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée de neuf mois, sur le fondement de l’article 2.2 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise signé à Libreville le 5 juillet 2007 relatif à l’admission au séjour des étudiants gabonais en France ; que l’administration n’a pas répondu à cette demande au terme d’un délai de quatre mois ; que le silence ainsi gardé par l’administration a fait, naître, en application des dispositions précitées, une décision implicite de rejet ;

Considérant que les décisions qui refusent la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour doivent être motivées en vertu de l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; qu’aux termes de l’article 5 de cette même loi : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A... a, par courrier du 5 avril 2011, demandé au préfet de la Gironde la communication des motifs de la décision implicite par laquelle celui-ci avait rejeté sa demande de délivrance d’une autorisation provisoire de séjour ; que le préfet s’étant abstenu de répondre, dans le délai d’un mois prévu par les dispositions précitées de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979, la décision attaquée doit être regardée comme dépourvue de motivation et, par suite, illégale ; que le préfet ne peut utilement se prévaloir ni de la circonstance tirée de ce qu’un employeur se serait vu opposer le 11 janvier 2006 un refus à la demande d’enregistrement d’un contrat de professionnalisation au nom du requérant, ni de celle selon laquelle le requérant ne pouvait ignorer son impossibilité d’accéder à des dispositifs de formation professionnelle permanente ; qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sur le fondement de l’article 2.2 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise signé à Libreville le 5 juillet 2007 ;

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

Considérant qu’aux termes de l’article 2.2 de l’accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement : « Une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de 9 mois renouvelable une fois est délivrée au ressortissant gabonais, qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement supérieur habilité au niveau national, un cycle de formation conduisant à la licence professionnelle ou à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle. » : qu’aux termes de l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois non renouvelable est délivrée à l'étranger qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite, dans la perspective de son retour dans son pays d'origine, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et, le cas échéant, à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret. (…) ; qu’aux termes de l’article R. 311-35 du même code : « Pour l'application de l'article L. 311-11, l'étranger titulaire de la carte de séjour mention "étudiant" prévue à l'article L. 313-7 sollicite la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour au plus tard quatre mois avant l'expiration de son titre Il présente en outre à l'appui de sa demande : / 1°La carte de séjour temporaire mention "étudiant" en cours de validité dont il est titulaire ; / 2° Un diplôme au moins équivalent au master délivré par un établissement d'enseignement supérieur ; la présentation de ce diplôme peut être différée au moment de la remise de l'autorisation provisoire de séjour. / La liste des diplômes au moins équivalents au master est établie par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. /3° Une lettre, éventuellement complétée de tout moyen de preuve, indiquant les motifs au regard desquels l'expérience professionnelle envisagée peut être considérée comme participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité et s'inscrit dans la perspective du retour dans son pays d'origine. / Cette autorisation provisoire de séjour autorise l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article L. 311-11 et au deuxième alinéa du I de l'article L. 313-7. (…) » et qu’aux termes de l’article 12 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes : « Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention » ;

Considérant que l’article 2.2 de l’accord franco-gabonais précité, qui déroge à l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en prévoyant une durée d’autorisation provisoire de séjour de neuf mois au lieu de six mois ainsi que son caractère renouvelable, n’énonce aucune modalité d’application quant aux demandes présentées sur son fondement ; que, d’une part, aux termes de l’article 12 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 précité, que l'accord franco-gabonais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement vient compléter, il convient de se reporter au droit national applicable à de telles demandes ; que, d’autre part, cet accord n’a pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l’application des dispositions de procédure qui s’appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour ; qu’il convient dès lors de se référer à l’article R. 311-35 dudit code ; qu’il est constant que M. A...n’a présenté sa demande d’autorisation provisoire de séjour que le 26 octobre 2010, alors que son titre de séjour était expiré depuis le 15 octobre 2009 ; que sa demande d’autorisation provisoire de séjour ne contient aucune précision relative à l’activité professionnelle à laquelle il envisageait de se livrer ; que, dès lors, c’est à bon droit que le préfet a rejeté sa demande d’autorisation provisoire en application de l’article R. 311-35 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour d’une durée de neuf mois, sur le fondement de l’article 2.2 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise ; que l’exécution du présent jugement implique seulement que l’administration procède à un nouvel examen de la demande de titre de séjour de M. A... ; qu’il y a lieu, dès lors, d’enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à un tel examen dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit besoin toutefois d’assortir cette mesure d’injonction d’une astreinte ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A... a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle ; que, par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me D..., avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 200 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite de rejet, opposée par le préfet de la Gironde à la demande d’autorisation provisoire de séjour, sur le fondement de l’article 2.2 de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise signé à Libreville le 5 juillet 2007 formulée par M. A... le 22 octobre 2010, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation administrative de M. A... dans le délai d’un mois suivant la date de notification du présent jugement.

Article 3 : L’Etat versera à Me D... la somme de 1 200 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce à percevoir la part contributive de l’Etat.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B...A...et au préfet de la Gironde