Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2012, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me A... ; Mme C... demande au tribunal :

- d’annuler la décision du 4 juillet 2012 par laquelle les membres de la commission pédagogique de l’université de Montesquieu Bordeaux IV ont émis un avis défavorable et le président de ladite université a refusé son inscription en deuxième année de master « droit privé approfondi » parcours « droit des affaires » pour l’année universitaire 2012-2013 ;

- d’enjoindre au président de l’université Montesquieu-Bordeaux IV de l’inscrire en deuxième année de master « droit privé approfondi » parcours « droit des affaires » pour l’année universitaire 2012-2013 dans un délai d’un mois ;

- de mettre à la charge de l’université de Bordeaux une somme de 50 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- cette décision porte atteinte aux droits fondamentaux reconnus par l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’article 13 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 111-1, L. 121-1, L. 123-2, L. 614-1 du code de l’éducation ;

- en application des articles L. 612-1 et L. 612-6 du code de l’éducation, le cursus de master droit privé approfondi entre dans le cadre du deuxième cycle et, du fait de l’abrogation de l’article 16 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif à la formation doctorale, les dispositions de l’article 11 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master se trouvent privées d’effet et aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe les modalités d’accès et de sélection au master 2 recherche ; dès lors, la sélection qu’elle a subie est illégale ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2012, présenté par l'université Montesquieu -Bordeaux IV qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 50 euros soit mise à la charge de Mme C...en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre l’avis de la commission pédagogique, acte préparatoire ne faisant pas grief, ne sont pas recevables ;

- la garantie d’accès aux étudiants ne concerne que les premier et deuxième cycles universitaires soit de la première à la quatrième année, et non l’accès à la cinquième année, master 2, pour des raisons de capacité d’accueil matérielle et pédagogique et du fait du niveau de qualité attendu des étudiants ; l’article L. 612-6 du code de l’éducation ne prévoit une inscription de droit que pour les deux premiers cycles, soit la licence et la première année de master ; l’arrêté du 25 avril 2002 qui distingue la première année de master qui donne lieu à la délivrance d’un diplôme de niveau maîtrise, et la deuxième année, ne prévoit un accès de droit en master que pour les 60 premier crédits européens soit le master 1 ; le ministère confirme que l’inscription en master 2 est prononcée par le chef d’établissement sur proposition du responsable de la formation en fonction de critères de sélection fixés de manière autonome par chaque université, conformément à l’article L. 711-1 du code de l’éducation ; cette lecture est confirmée par la jurisprudence du Conseil d’Etat concernant l’accès en troisième cycle ; l’abrogation de l’article 16 de l’arrêté du 25 avril 2002 est sans incidence sur ce principe de sélection ;

- les conclusions à fin d’injonction d’inscription de la requérante en master 2 doivent dès lors être rejetées ;

- l’université Montesquieu-Bordeaux IV a une personnalité juridique distincte de l’université de Bordeaux, qui n’est pas partie au présent recours et ne peut se voir condamner en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2013, présenté pour Mme C...par Me A..., qui demande au tribunal, à titre principal, de surseoir à statuer dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à la question préjudicielle qu’elle soulève, et à titre subsidiaire, maintient ses précédentes conclusions et porte sa demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à 2 000 euros ;

Elle soutient, en outre, que :

- la requérante n’ayant sollicité le concours d’un avocat qu’après l’expiration du délai contentieux, elle se trouve privée de la possibilité de présenter des moyens de légalité externe, ce qui fait obstacle à son droit à un procès équitable et à un recours effectif ; il convient ainsi d’opérer un renvoi préjudiciel à la CJUE sur l’interprétation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, afin de savoir si cet article fait obstacle à l’application de la jurisprudence « Intercopie », selon laquelle un requérant non représenté par un auxiliaire de justice ne peut soulever en première instance et en appel un argument n’étant pas d’ordre public et relevant d’une cause juridique différente de celle soulevée dans le délai de recours contentieux sans que celui-ci ait préalablement été informé de cette cristallisation ou invité à régulariser sa requête ; les conditions pour opérer un tel renvoi sont indiscutablement remplies en l’espèce ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée en droit, en l’absence de mention de texte, et en fait, du fait de l’usage d’une formule stéréotypée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;

Vu l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master ;

Vu l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Brouard-Lucas, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour Mme C... ;

1. Considérant que Mme C...a accompli et validé en 2011-2012 une première année de master (master 1) « droit économie gestion » mention « droit privé », spécialité « gestion du patrimoine privé » au sein de l’université Bordeaux IV ; que pour l’année 2012-2013, elle a formulé une demande d’inscription pour une deuxième année de master (master 2) recherche « droit privé approfondi », parcours « droit des affaires » dans cette même université ; qu’en consultant l’état de ses candidatures sur le site de l’université, elle a appris que, le 4 juillet 2012, son inscription à ce cursus lui avait été refusée, après avis défavorable de la commission pédagogique, du fait de la capacité d’accueil limitée ; que, le 5 juillet 2012, elle a introduit un recours gracieux auprès du président de l’université de Bordeaux IV, qui a été rejeté le 19 juillet suivant ; que, par la présente requête, elle doit être regardée comme demandant l’annulation de l’avis de la commission pédagogique, de la décision du président de l’Université du 4 juillet 2012 refusant son inscription et de la décision de rejet de son recours gracieux ;

Sur la fin de non-recevoir soulevé par l’Université Montesquieu-Bordeaux IV en ce qui concerne les conclusions dirigées contre l’avis de la commission pédagogique :

2. Considérant que l’avis de la commission pédagogique, qui ne lie pas le président de l’université, ne constitue pas une décision faisant grief et n’est donc pas susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions de Mme C...tendant à son annulation sont irrecevables ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 612-1 du code de l’éducation dans sa rédaction issue de la loi du 10 août 2007 : « (…) Au cours de chaque cycle sont délivrés des diplômes nationaux ou des diplômes d'établissement sanctionnant les connaissances, les compétences ou les éléments de qualification professionnelle acquis. Les grades de licence, de master et de doctorat sont conférés respectivement dans le cadre du premier, du deuxième et du troisième cycle. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 612-6 du même code : « L'admission dans les formations du deuxième cycle est ouverte à tous les titulaires des diplômes sanctionnant les études de premier cycle ainsi qu'à ceux qui peuvent bénéficier des dispositions de l'article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires. / La liste limitative des formations dans lesquelles cette admission peut dépendre des capacités d'accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat, est établie par décret après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. La mise en place de ces formations prend en compte l'évolution prévisible des qualifications et des besoins, qui font l'objet d'une évaluation régionale et nationale. » ; qu’il résulte des dispositions précitées qu’en l'absence du décret prévu au deuxième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation, l'admission en deuxième année de master ne pouvait être subordonnée aux capacités d’accueil de l’établissement, au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ;

4. Considérant qu’il n’est pas contesté que Mme C..., titulaire d’une licence, avait validé une première année de master dont les caractéristiques remplissaient les conditions exigées pour l’inscription en master 2 recherche « droit privé approfondi », parcours « droit des affaires », qu’il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées qu’elle avait ainsi un droit à être inscrite dans la formation menant au master 2 recherche sollicité ; que l’université se prévaut de la reconnaissance du principe de sélection à l’entrée du troisième cycle et des dispositions de l’article 11 de l’arrêté du 25 avril 2002 relatif au diplôme national de master, qui prévoient que l'accès de l'étudiant titulaire de la licence, dans le même domaine, est de droit pour les 60 premiers crédits européens et que l'admission ultérieure dans un parcours-type de formation débouchant sur le master recherche s'effectue dans les conditions prévues à l'article 16 de l'arrêté du 25 avril 2002 relatif aux études doctorales ; que, cependant, d’une part, cet arrêté, qui prévoit dans son article 2 que le master s’inscrit dans le troisième cycle, est antérieur à la réforme des études supérieures issue de la loi du 10 août 2007 qui a inclus les masters au sein du deuxième cycle, et, d’autre part, l’article 16 de l’arrêté du 25 avril 2002 a été abrogé par l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale ; qu’ainsi, ces dispositions ne sauraient servir de fondement légal au refus d'inscription opposé à Mme C...; que le président de l’université ne peut davantage se prévaloir de l’article L. 711-1 du code de l’éducation, posant le principe de l’autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière de son établissement, qui ne lui donne pas compétence pour effectuer une sélection à l’entrée en master 2 en l’absence du décret prévu par les dispositions de l’article L. 612-6 de ce code ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, qu’il y a lieu d’annuler la décision par laquelle le président de l’université Montesquieu-Bordeaux IV a refusé d’inscrire Mme C...en master 2 recherche « droit privé approfondi », parcours « droit des affaires » ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

6. Considérant que les motifs du présent jugement impliquent nécessairement que Mme C... soit admise en deuxième année de master « droit privé approfondi » parcours « droit des affaires » ; qu’il y a lieu d’enjoindre au président de l’université Montesquieu-Bordeaux IV de l’inscrire sans délai en deuxième année de master « droit privé approfondi » parcours « droit des affaires » ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, d’une part, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l’université Montesquieu- Bordeaux IV au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d’autre part, si Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle et, que, par suite, son avocat peut, en principe, se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, ses conclusions dirigées contre « l’Université Bordeaux » sont mal dirigées comme le relève l’université Montesquieu- Bordeaux IV dans ses écritures, celle-ci n’étant pas partie au présent litige ; qu'il n’y a pas lieu, dès lors, d’y faire droit ;

DECIDE

Article 1er : La décision du 4 juillet 2011 du président de l’université Montesquieu-Bordeaux IV refusant d’inscrire Mme C....en deuxième année de master « droit privé approfondi » parcours « droit des affaires », ensemble la décision de rejet de son recours gracieux sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au président de l’université Montesquieu-Bordeaux IV d’inscrire sans délai Mme C...en deuxième année de master « droit privé approfondi » parcours « droit des affaires ».

Article 3 : Les conclusions de la requête et de l’université Montesquieu-Bordeaux IV tendant à obtenir l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... C...et à l'université Montesquieu-Bordeaux IV.